11 juin 2014

La littérature numérique et l’école publique: incompatible et compliquée

Le Devoir nous apprend aujourd'hui que plusieurs écoles piratent les livres numériques.

Je travaille dans une école publique auprès de groupes où chaque élève est propriétaire d’un ordinateur portable.  J’ai vainement essayé cette année d’explorer la lecture d’un roman numérique, mais j’ai dû y renoncer tant le système scolaire et le réseau des librairies sont incapables de suivre le rythme de la technologie et des besoins des écoles comme la mienne.

Il y a tout d’abord la Loi sur l’instruction publique qui vient compliquer les choses. Ainsi, de par la loi, il n’y aucun problème à demander à des parents de payer plus de 1 000$ pour que leur enfant soit inscrit à un programme régional particulier, mais il est impossible d’exiger d’eux qu’ils déboursent 30$ pour l’achat d’un roman numérique puisqu’il s’agit de matériel scolaire qui doit être obligatoirement fourni par l’école.

Devant ces faits, je me suis alors renseigné pour voir si mon école pourrait acheter ces romans auprès des librairies de ma région pour découvrir qu’elles ne sont pas véritablement outillées pour vendre un nombre important d’un même titre numérique. De plus, si mon école achetait une série de 28 exemplaires d’un même roman numérique vendu à peu près au même prix qu'un exemplaire papier, l’utilisation de ceux-ci serait limitée en ce qui a trait au nombre de lectures qu’on pourrait en effectuer. Alors qu’un exemplaire papier pourra être lu par trois groupes différents la même année pendant plusieurs années, un exemplaire numérique verra son utilisation bloquée à quatre ou cinq lectures au maximum. Aussi bien dire que la technologie ne fait pas le poids devant le papier.

Dépité, j’ai vainement cherché des œuvres intéressantes et libres de droit sur Internet. Je savais que la loi sur les droits d’auteurs m’empêche, et c’est bien normal, de proposer la lecture de certaines œuvres récentes disponibles en ligne à mes élèves si elles sont piratées. Là où j’ai été étonné est que la lecture en classe d’œuvres plus anciennes est parfois tout aussi compliquées. Si je prends le cas d’un roman aussi ancien que Lancelot le chevalier à la charrette écrit par Chrétien de Troye au XIIe siècle, je dois tenir compte également des droits de l’éditeur et du traducteur de la version mise en ligne. Ce qui fait que, même dans ce cas précis, je n’ai trouvé aucune version en français «moderne» libre de droit à faire lire à mes élèves pour ce roman qui date de plus de 800 ans.

Finalement, après toutes ces tentatives, j’ai renoncé à faire lire en format numérique des œuvres majeures de la littérature à mes élèves. Nous nous sommes rabattus sur des exemplaires papier dans lesquels ils ne peuvent évidemment ni surligner ni écrire des annotations, des stratégies de lecture que préconise pourtant le ministère de l’Éducation en ce qui a trait à la lecture.
Je voudrais bien être ouvert aux nouvelles technologies et à la littérature numérique en classe mais, manifestement, il semble bien difficile de faire explorer celles-ci à nos élèves dans les écoles publiques québécoises.


1 commentaire:

Le professeur masqué a dit…

Mme Bouthillier : mon anonymat est très relatif. Il sert davantage à protéger élèves et collègues auxquels je pourrais faire référence dans certains billets.

Merci pour votre commentaire très apprécié!