25 octobre 2014

Le ministre Bolduc : un incendiaire à l’Éducation

Il ne se passe pas un mois, voire une semaine, sans que le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, ne fasse les manchettes avec ses propos et allume des débats pour le moins douteux.

Ainsi, c'est la deuxième fois que ce ministre déprécie le français. Il y a d'abord eu sa déclaration malheureuse sur les livres à l'école. Voilà maintenant qu'il récidive avec la maitrise du français au collégial en se demandant si on ne devrait pas prévoir des exceptions pour certains élèves ne réussissant pas l’Épreuve Uniforme de Français (EUF).
 
Par ailleurs, interrogé par un journaliste du Devoir le ministre a déclaré : « Il y a peut-être un 5 % [pour lequel] je devrais avoir une règle particulière» en donnant l’exemple d’un boucher dyslexique.

Or, voilà : tant aux niveaux primaire, secondaire que collégial, un élève ayant un diagnostic de dyslexie a droit à différentes mesures d’aide personnalisée. Par exemple, durant certains examens, il a accès à un cubicule où il peut rédiger seul, avec son ordinateur, et bénéficier de temps supplémentaire.

Au niveau collégial, plus particulièrement, il existe aussi le SAIDE qui vise à fournir des services adaptés afin de favoriser l'intégration des élèves ayant des besoins particuliers.
Sur le site du cégep du Vieux-Montréal, concernant le SAIDE, on peut ainsi lire : «Les personnes qui vivent avec une incapacité sensorielle (auditive ou visuelle) physique ou motrice, qui présentent un trouble d'apprentissage connu (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, déficit d'attention, etc.) ou qui ont connu un grave problème de santé mentale peuvent malgré tout accéder aux études collégiales et obtenir leur diplôme.»

Enfin, le ministre sait-il qu’on n’a pas besoin d’un diplôme d’études collégiales (DEC) pour devenir boucher? Sur le site du Centre de formation professionnelle Jacques-Rousseau, par exemple, on apprend qu’il existe un Diplôme d’études professionnelles (DEP) en boucherie de détails.  Les prérequis minimaux pour être admis à ce programme sont:
·      Avoir au moins 16 ans au 30 septembre de l’année scolaire en cours et avoir, ou être en voie d’obtenir, les unités de français, d’anglais et de mathématique de 3e secondaire;
·      Avoir 18 ans et avoir réussi le test de développement général (TDG).

On est donc loin de voir un futur boucher à la carrière compromise à cause de sa faible maitrise du français et de l’EUF.

Actuellement, aux yeux de bien des acteurs de l’éducation et observateurs politiques, ce n’est plus la compétence du ministre Bolduc qui est remise en question mais bien celle du Premier ministre Couillard qui l’a nommé à ce poste.

16 octobre 2014

Abolition des commissions scolaires: qu'en pensent-ils?

Il est intéressant de constater que certains députés libéraux, qui ont occupés des fonctions importantes dans des commissions scolaires par le passé, sont muets devant les affirmations du ministre de l'Éducation Yves Bolduc quant à l'idée d'abolir cette instance décisionnelle.

Je pense entre autres à:
  • Francine Charbonneau, ancienne présidente du comité de direction (2007-2008) et ancienne présidente de la Commission scolaire de Laval (2002-2008)
  • David Birnbaum, ancien directeur général de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (2004-2014);
    Michel Matte, ancien directeur des ressources humaines et directeur général à la Commission scolaire Grand-Bois, puis ancien directeur général adjoint à la Commission scolaire de Portneuf;
  • François Ouimet, ancien président de la Commission des écoles catholiques de Montréal (1991-1994);
  • Yves Saint-Denis, ancien président de la Commission scolaire des Affluents.

11 octobre 2014

L’abolition des commissions scolaires : une fausse bonne idée?

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Depuis quelques semaines, le parti libéral du Québec semble avoir changé radicalement de discours quant à l’avenir des commissions scolaires. Ce changement est d’autant plus étonnant qu’au fil des élections, on remarquait que plusieurs élus libéraux avaient au préalable fait «leurs classes» à titre de commissaire scolaire. 

On assiste même aujourd’hui à une fronde de la part de CS envers le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, qui envisage d’abolir purement et simplement cette structure décisionnelle, une situation impensable il y a à peine quelques mois.

Pour être enseignant depuis plus de 20 ans, ma commission scolaire m’a souvent donné des occasions de rager et m’en donne encore aujourd’hui ! Sauf que je méfie de cette solution qui m’apparaît bien simpliste.

En effet, il n’existe aucune étude sérieuse quant aux bienfaits économiques ou autres entourant l’abolition des CS. Un simple exemple: quand on suggère de refiler l’organisation du transport scolaire aux municipalités, on oublie de mentionner que celles-ci n’ont aucune expertise dans ce domaine et qu’elles le feraient éventuellement à un cout possiblement plus élevé parce que les salaires dans les villes sont de loin plus grands que dans les CS. C’est la même chose en ce qui a trait à la gestion des immeubles. Et qui nous dit que certaines villes, pour des considérations électoralistes, ne feront pas passer les intérêts des élèves après ceux des citoyens ?

À travers le monde, on retrouve autant d’exemples de catastrophes que de demi-succès en ce qui a trait à ce qu’on appelle les «écoles autonomes». De même en ce qui concerne les écoles chapeautées par une organisation semblables à des CS. Se peut-il que le succès d’un réseau scolaire s’explique autrement que par ses seules structures?

Un autre point est que les écoles, si on les rend autonomes, vont inévitablement se regrouper un jour ou l’autre pour se doter de ressources communes qu’elles n’auront pas les moyens de se payer seules. Elles se créeront, au minimum, une structure régionale. Aucune école n’aura les moyens de se doter d’un service juridique, par exemple, et rien ne garantit que le secteur privé offrira son expertise à moindre cout.

Enfin, on semble oublier qu’il faudra inévitablement toujours un arbitre régional sur le terrain pour trancher dans le cas de certaines décisions. Ainsi, qui déterminera quelle école offrira tel ou tel programme scolaire? Qui déterminera qu’il faut agrandir telle ou telle école? Le MELS? Celui-ci est déjà un monstre bureaucratique qui exige des écoles existantes tellement de redditions de comptes que c'en est absurde! Dans les faits, le vrai problème est le MELS qui n'a ni confiance aux CS et aux directions d'école. Quand un ministre, comme Yves Bolduc, en est rendu à vouloir faire de la microgestion, c'est un signe évident que rien ne va plus.

À ce propos, soulignons que M. Bolduc est incohérent dans sa gestion de l'administration du réseau scolaire québécois. Il y a quelques mois, il a coupé les directions régionales du MELS qui étaient devenues en quelque sorte inutiles avec la fusion des commissions scolaires, ces dernières étant ni plus ni moins des entités régionales en elles-mêmes. Va-t-il devoir les «ressusciter» s'il abolit les CS?

Depuis la proposition de l'ADQ d'abolir les CS, on nage dans le populisme et la pensée magique quant à nos structures scolaires. Demandez-vous combien de millions l’ADQ prévoyait-elle récolter en éliminant les CS à ses débuts et à combien s’élèvent les coupes budgétaires dans les CS depuis? 

Lors du 50e anniversaire de mon école, j'ai eu à me pencher sur l'histoire scolaire de ma région. J'ai lu sur la formation des commissions scolaires, sur la création des écoles régionales, sur le rapport Parent. À l’époque, on avait pris le temps de s'interroger et d'effectuer une véritable réflexion. Aujourd’hui, sans juger de la valeur des idées mises de l’avant, il est manifeste qu'on ne va pas très loin côté analyses et recherches pour entreprendre une réforme qui serait aussi importante que celle survenue dans les années 1960. Est-ce logique? Est-ce acceptable? Nos décideurs politiques ne sont-ils pas tenus à un devoir de saine gestion?

Au cours de ma carrière, j'ai été témoin de trop de changements de la sorte. J'en ai vu du gaspillage et des élèves victimes des lubies de nos décideurs. Nos enfants méritent qu'on soit plus sérieux quant à ce que l'on propose comme modifications au réseau scolaire. Qu’on me comprenne bien : je ne tiens pas à protéger le statut quo actuel. Des changements sont nécessaires, mais il faut s'assurer que ceux-ci soient efficaces et au service de l'élève. Et actuellement, rien ne me convainc que ce sera le cas.