23 novembre 2015

Les contes du comptable

J'aime bien les comptables mais encore faut-il être rigoureux. Infoman nous en présentait un le 19 novembre dernier dont l'argumentaire est assez contestable.

Premier raisonnement: «On paie nos augmentations en faisant la grève.» Faux. 

- Comme enseignant, chaque jour de grève revient à 0,5% de notre salaire annuel. Or, on parle ici d'un contrat de travail d'une durée entre 3 ou 5 ans, selon ce qui sera retenu. Si les enseignants font des gains par rapport à l’offre actuelle du gouvernement, c'est vrai qu'il faut soustraire le cout de cette perte de salaire à cause de la grève d’une éventuelle hausse pour l’ensemble de la durée du contrat de travail. Néanmoins, il demeure que, si le gouvernement offrait 1-0-1-1-1 au lieu de 0-0-1-1-1 (un gain de 1% la première année), il aurait fallu que je fasse 10 jours de grève pour ne pas rentrer dans mon argent en cinq ans. 10 jours.
- À supposer que les prochains contrats de travail ne voient pas notre salaire réduit (…), il faut aussi comprendre qu’une éventuelle hausse salariale dans le prochain contrat de travail est cumulative selon le nombre d’années qui vous ferez avant la retraite.
- Il faut également comprendre que toute éventuelle hausse salariale entre en ligne quand vient le temps de calculer votre retraite. Pour certains, elle est loin. Pour d’autres, elle est plus proche… Mais il faut comprendre qu’actuellement, si les jeunes enseignants bénéficient d’une augmentation de leur salaire à cause de leur progression dans l’échelle d’ancienneté, les plus âgés voient le montant de leur retraite réduit depuis des années avec la non-indexation des salaires par rapport au cout de la vie. De plus, les demandes patronales actuelles constituent déjà un recul en matière de retraite.

Deuxième raisonnement : «Toute résistance est inutile.»
- «À quoi sert-il de faire la grève?», semble suggérer fortement ce comptable. Il faut savoir que ce n’est pas la première fois qu’il tient ce discours. De mémoire, il a déjà affirmé par le passé aussi avoir d’excellentes conditions de travail. Or, que suggère-t-il d’autre? D’après mes recherches : rien. Ça ressemble pas mal à Mme Marie-Claude Tardif dont on attend toujours le super moyen de pression…

Un oubli de taille : la négociation de bonne foi.
Un comptable, ce n’est pas un avocat. Or, celui-ci semble ignorer que le droit du travail a évolué depuis les dernières négociations. Le gouvernement ne pourrait plus imposer une loi spéciale comme bon lui semble. Selon plusieurs avocats spécialisés, certaines dispositions évoquées ou utilisées les années antérieures seraient maintenant tout bonnement illégales.

 Chaque partie est maintenant tenue de négocier de bonne foi, ce qui complique aussi la donne pour la partie syndicale qui ne peut partir en grève générale illimitée comme ça. On nage dans un tout nouveau contexte. Rien n’est clair comme autrefois. Il faut donc pousser le gouvernement à bout et espérer que M. Coiteux fera de belles gaffes. Déjà, il en a posé quelques-unes de savoureuses...

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On trouvera une réponse de M. McSween à ce billet.

11 novembre 2015

J’ai honte d’être enseignant

Depuis 22 ans que je pratiquais ce métier avec enthousiasme. Mais voilà qu’aujourd’hui, j’ai honte d’être enseignant. Il m’a suffi de lire et d’entendre ce que tout et chacun dit de mes collègues et de moi pour que je réalise ma bêtise d’avoir ce choix dans ma vie. Ainsi, nous sommes des privilégiés, des BS de luxe, des profiteurs du système…  Autant de reproches de la part de ceux qui veulent me faire sentir coupable du salaire que je reçois et des conditions de travail qu’on m’a offertes.

Je ne comprends plus.

Où sont-ils tous ces gens que j’ai rencontrés dans ma vie et qui me disaient que j’étais courageux d’enseigner auprès des jeunes du secondaire, qu’ils ne le feraient pas pour tout l’or du monde? Où sont-ils tous ces parents qui me confiaient sans aucune inquiétude ce qu’ils avaient de plus précieux au monde : leurs enfants? Où sont-ils tous ces élèves aujourd’hui devenus adultes et que j’ai aidés sans compter parce que j’estimais qu’il méritait le meilleur de ce que je pouvais leur apporter? Leurs voix sont noyées sous le flot des propos haineux des agitateurs radiophoniques et des vendeurs d’opinion qui ne vivent que de la médisance qu’ils nourrissent à l’aide de leur micro ou de leur plume chaque jour.

Où est-il également ce premier ministre du Québec qui déclarait pas plus tard qu’en mars 2014 à quel point il était fier des professeurs québécois? Où est-il ce ministre de l’Éducation qui laisse calomnier depuis des semaines ses propres enseignants mais qui s’est dépêché de consoler ses hauts fonctionnaires écorchés le temps d’un discours qu’il avait prononcé?  Comment peuvent-ils ne pas être gênés de leur silence et de leur inaction? Où sont leurs véritables valeurs dans ce tumulte où l’on met à mal ceux à qui l’on demande d’aider à bâtir – dans nos écoles - le Québec de demain?

Plus j’y pense et plus je crois que j’aurais dû être un banquier devenu président du Conseil du trésor qui, un peu comme un personnage de Saint-Exupéry, se réjouit de compter l’argent qu’il croit économiser. Comme bien de ses supporteurs, il semble convaincu que l’éducation ne crée pas de richesse alors qu’elle forme des sociétés productives où des individus inventent de nouvelles façons de vivre et de s’enrichir. Plus intéressant encore, j’aurais dû être un de ces ministres de l’Éducation – les Marois, Legault, Fournier, Bolduc - ou un haut fonctionnaire qui n’a fait que nuire à mon travail à force d’incompétence et d’improvisation et à qui on offre des primes de départ ou une retraite dorée sans jamais demander des comptes au nom des enfants dont ils ont brisé l’avenir.
 

Non, j’ai choisi d’être enseignant. Et aujourd’hui, j’ai honte de faire ce métier. La haine et l’envie de certains ont tué cette passion.