28 février 2011

Souvenir d'Annie Girardot

1982.

On était deux petits culs qui faisaient du journalisme au cégep. Un plus baveux que l'autre. Alors, je le suivais. Parce qu'il était fonceur. Parce qu'il n'avait pas peur de ses peurs. Contrairement à moi.

Il avait décidé qu'on aurait une entrevue avec Annie Girardot de passage en spectacle à Montréal.  Je ne sais pas comment il a fait. Une grande dame. Généreuse. Disponible. On avait 19 ans. Elle était un monstre sacré. Il n'en est rien paru.

Je voulais que vous sachiez. Pour que les souvenirs ne soient pas toujours ceux que nous que nous rappellent les médias.

27 février 2011

Combien coûteront les portables et les TBI et qui paiera?

On l'a lu dans ce billet précédent: il en coûtera 160 millions pour l'achat des portables et des tableaux blancs interactifs. Si on prend en compte les couts annexes (installation, formation, etc.), certains intervenants parlent du double, presque du triple, soit entre 300 et 450 millions. Tiens, un détail: dans certaines classes, on ne retrouve ni stores ni rideaux. Par plein soleil, sans ceux-ci, le tableau deviendra un TBI : un tableau bêtement inefficace. L'achat et l'installation de stores, dans quel budget déjà?

Échelonné sur cinq ans, l'achat de portables et de TBI, de mémoire, représente plus que les montants consacrés à l'amélioration du français ainsi que les différentes mesures de lutte contre le décrochage, l'homophobie et la violence à l'école réunies. Avec l'ajout des ressources promis dans la dernière négociation collective, il s'agit du programme le plus important en éducation depuis des années. Et on comprend que celui-ci a été totalement improvisé puisque même les commissions scolaires n'étaient mises au parfum de cette initiative!

On peut également s'interroger sur l'utilisation des TBI en classe. Si on s'en sert pour diffuser des contenus fixes ou vidéo, il aurait mieux valu acheter des projecteurs. Un TBI est fait pour être interactif, pas seulement permettre au prof d'avoir un bel outil technologique mais aussi susciter la participation de l'élève qui l'utilisera à l'occasion pour mieux maitriser certains apprentissages. Pensez-vous que cette approche pédagogique, car c'est bien de ce dont il s'agit, s'applique à tous les programmes disciplinaires et avec tous les profs?

Il en est de l'installation des TBI comme de l'anglais intensif obligatoire: le principe est bon, mais son caractère universel est d'une absurdité consommée.

Un dernier point: qui paiera pour ces TBI et ces portables? La réponse vous découragera ou enragera, c'est selon. Lisez ce passage de ce texte de François Cardinal de La Presse intitulé à juste titre «L'école bling-bling»:

D'autant plus que ces gadgets ont un coût. Énorme. Les tableaux se détaillent 3000$ au bas mot, à multiplier dans chacune des 40 000 classes de la province. Ajoutez à cela un portable pour chacun des 80 000 profs, et la facture frôle les 200 millions de dollars... sans compter la formation que tout ce beau monde exigera avec raison.
Une somme faramineuse... qui devra être puisée, selon ce qu'a déclaré Jean Charest, à même le «cadre financier établi il y a un an». Et c'est là où le bât blesse. La technologie a sa place dans la classe, mais si elle y entre au prix d'une réallocation des ressources, on est en droit de se demander s'il s'agit d'une priorité.
On comprend ici qu'il ne s'agira pas d'argent neuf injecté en éducation. Pensez maintenant à votre classe, à votre école et demandez-vous: quelle ressource, quel service ma commission scolaire et le MELS vont-ils couper pour me permettre d'avoir un portable et un TBI?

26 février 2011

Petit portrait de François Legault

La Presse publie ce matin un portrait intéressant d'un des deux co-présidents de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ), François Legault. Je colle ici la partie du texte à propos son passage aux ministères de l'Éducation et de la Santé. Les caractères en gras sont de moi.

Ce que je remarque tout d'abord dans cet extrait, c'est qu'il accrédite très bien la thèse concernant le grand pouvoir dont jouissent les hauts fonctionnaires en ce qui a trait à la pédagogie, mais également le peu de discussions qu'ont eues nos décideurs politiques entourant l'implantation d'un enseignement par compétence. Le PQ et François Legault ont laissé la réforme aux fonctionnaires et ont tenté de rattraper après coup certains dérapages troublants.

En matière d'intervention politique en pédagogie, tout est une question de dosage cependant. Ici, on a l'impression très nette d'une laisser-faire quant aux aspects pédagogiques. Je me rappelle à quel point, en entrevue, M. Legault me donnait l'impression de ne pas épouser cet aspect de son ministère et de répéter des phrases apprises par coeur.

Un deuxième élément à retenir de ce passage est le fait que M. Legault est davantage un gestionnaire très intéressé par le rendement des effectifs qu'il a sous sa gouverne qu'un homme de contenu. Ce fut le cas en santé comme en éducation. De plus, ce dernier, semblant montrer une faible compréhension de la culture de l'appareil public, ne semble pas avoir constaté que les contrats de performance dont il s'est fait le hérault ont facilement été déjoués par nos administrateurs scolaires et produisent même des effets contre-productifs. En effet, on l'a vu encore récemment: pour atteindre les cibles fixées par ces ententes, des directions d'école n'hésitent pas à demander à des enseignants de gonfler artificiellement les notes de leurs élèves. En Ontario, des idées similaires ont poussé des écoles à carrément tricher à certaines évaluation. «À gestionnaire, gestionnaire et demi», serait-on tenté de répondre.

M. Legault est-il l'homme de la situation? Difficile encore de se prononcer, d'autant plus que les idées de la coalition qu'il co-préside sont encore imprécises. En éducation toutefois, son passage entre 1998 et 2002 ne semble pas voir laissé de bons souvenirs autour de moi.

Tout d'abord, M. Legault n'a pas su apporter les correctifs nécessaires à la suite du programme de mises à la retraite qui a saigné le réseau de l'éducation. Il a manifestement fait confiance aux universités avec le résultat qu'on vit encore aujourd'hui.

Ensuite, sa malheureuse déclaration à l'effet que les enseignants voulaient être payés «pour lire des revues» et améliorer leurs connaissances chez eux, durant leur temps libre a laissé des marques. Elle a montré un profond manque de sympathie à l'égard de ceux-ci. Certains collègues n'hésitaient pas, à l'époque, à parler de mépris. A-t-il changé? Rien ne nous l'indique actuellement. Mais je remarque que M. Legault estime que seulement une majorité d'enseignants sont compétents. Pas une grande majorité. Une simple majorité.

Son appui, à l'époque, au renouveau pédagogique et son absence d'esprit critique pédagogique sont aussi des éléments qui ne penchent pas en sa faveur. Dans l'imaginaire enseignant, il appartient à ces ministres qui, comme les autres, ont été «bouffés» par les fonctionnaires. D'ailleurs, le fait qu'il ne se soit pas formellement dissocié de la réforme vient les conforter dans cette idée.

Si l'énoncé de principes de la CAQ entend revenir à un enseignement plus centré sur les connaissances et certaines compétences de base, ce n'est pas cependant pas un des éléments qui a été constamment mis de l'avant par la coalition, M. Legault martelant sa volonté d'évaluer les enseignants.

À suivre, dirait l'autre.

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Un PDG ministre

Pour Jean-François Lisée, le «nationalisme économique» est la marque de commerce de François Legault. Réélu, Lucien Bouchard a offert l'Éducation à Legault. Notre homme d'affaires était stupéfait.

Il devait y appliquer la «réforme», élaborée sous Pauline Marois. Au Conseil des ministres, on n'avait pas discuté souvent de l'évaluation des «compétences». Legault a vite adopté le langage de ses fonctionnaires. Mais le nouveau bulletin a rebuté les parents - Lucien Bouchard l'a répudié publiquement en écorchant son ministre.

«Ce qui l'intéressait, c'était les résultats. C'était un manager. Il savait qu'il n'était pas un pédagogue et laissait ça aux fonctionnaires», explique Lisée.

François Legault voulait aussi imposer aux cégeps et aux universités ses «contrats de performance», afin que les budgets soient conditionnels aux succès. «C'était un comptable, un comptable, un comptable», résume Gaëtan Boucher, alors directeur de la Fédération des cégeps. Il ne pouvait comprendre que le taux de décrochage n'était pas lié à une formule arithmétique.

Début 2001, Legault y est allé d'un autre coup de force. Il a menacé publiquement de démissionner, parce que le président du Conseil du Trésor, Jacques Léonard, ne lui allouait pas suffisamment de budget pour les «contrats de performance» offerts aux universités. «On revenait sur les engagements du Sommet de la jeunesse. Ma lettre de démission était écrite», dit François Legault.

Dès lors, «il est vu comme un héros dans le milieu de l'éducation», se souvient Lisée. C'est à cette époque qu'autour de lui s'est formé un groupe de jeunes disciples. Les François Rebello, Pascal Bérubé et Nicolas Girard - devenus députés depuis -, Sylvain Gendron, Martin Koskinen et des leaders étudiants l'ont tous suivi. Dans les coulisses, ils ont longtemps travaillé pour leur gourou.

En 2002, sous Bernard Landry, Legault est passé à la Santé. Ministre en titre, avec deux délégués, dont David Levine, un ancien directeur d'hôpital. Ce dernier connaissait bien mieux le réseau et a même semoncé son collègue néophyte quand ce dernier a promis de réduire l'attente aux urgences. Mais Legault «était clairement le patron».

Il est vite revenu à sa marotte, un «système» pour vérifier le «rendement» des hôpitaux. Après que des ambulanciers se furent heurtés à une porte fermée aux urgences de Shawinigan. Québec a adopté une loi qui forçait les médecins à travailler aux urgences. Quand la Régie de la santé de Saguenay a envoyé une citation à comparaître à un médecin de Montréal, Legault a explosé. «Je lui ai dit que c'était prévu dans la loi qu'il venait d'adopter», se souvient Rénald Dutil, alors président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Legault voulait gérer le réseau de la santé comme «un PDG de compagnie», résume Rénald Dutil. «Les médecins étaient ses employés: c'était une méconnaissance profonde de la culture médicale», lance-t-il. Il n'en reste pas moins que les «activités médicales particulières» imposées par Legault sont encore en vigueur presque 10 ans plus tard.

25 février 2011

Anglais intensif: la grande improvisation

Pour satisfaire certaines ambitions électorales, le gouvernement Charest a décidé d'implanter l'apprentissage de l'anglais sous forme intensive en sixième année du primaire.

Si on semble être généralement d'accord avec cette idée, il faut lire ce matin le nombre d'interrogations qui surgissent dans les médias quant à ce projet pour réaliser à quel point cette idée est totalement improvisée.

Rima Elkouri, dans La Presse, résume assez bien le courant de pensée général: «Après des années de débat et de tergiversations autour de cette question toujours épineuse au Québec, on peut dire, en français comme en anglais, qu'il s'agit d'une bonne idée. À condition bien sûr que l'on réussisse à la mettre en pratique correctement.»

Mais elle pose aussi de saprées bonnes questions:
- Où trouvera-t-on les profs d'anglais correctement formés?
- Réussira-t-on à attirer des enseignants hors des grands centres?
- Les commissions scolaires anglophones, étant donné leur taille réduite, suffiront-elle à combler la demande?
- Ce programme doit-il être obligatoire pour tous si l'on prend en compte les élèves éprouvant des retards scolaires?

La ministre de l'Éducation indiquait ce matin qu'elle envisageait même d'aller chercher des enseignants qualifiés en Ontario. Croit-elle sérieusement que ceux-ci viendront travailler au Québec en acceptant une diminution de salaire? Une autre solution de la ministre est tout aussi incongrue: compter sur la hausse des inscriptions de futurs enseignants d'anglais. La ministre sait-elle que la durée d'un bac dans ce domaine est de quatre ans?

La meilleure preuve de l'improvisation gouvernementale demeure la réaction de la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard: «On a été surpris par cette annonce. C'est complètement nouveau. Il faut vraiment parler de modalités. On sait qu'il manque déjà de professeurs d'anglais dans les écoles anglophones. Où ira-t-on chercher les enseignants? Il y a beaucoup de questions sans réponse.»

Quant à moi, le gouvernement Charest vient d'annoncer des années d'improvisation en éducation au primaire. Alors qu'on est encore englué dans le Renouveau pédagogique, les changements de bulletin, il en rajoute une autre couche. Et cela, sans consulter le milieu scolaire ou tenir compte de ses véritables besoins.

24 février 2011

Les portable et tableaux interactifs de Jean Charest: 160 millions au minimum

Voilà le constat auquel en vient ce texte du magazine Argent.

L’annonce du gouvernement Charest implique l’achat combiné d’un tableau intelligent et d’un projecteur, pouvant être installé à très courte distance du tableau, pour chaque salle de classe du Québec. Ce matériel équivaut à un montant unitaire approximatif de 3 000 $. À cela s’ajoute l’achat d’un ordinateur pour chaque enseignant, qui pourrait se négocier à environ 500 $. Équiper les 43 000 classes et 62 000 professeurs visés par le programme équivaudrait à une facture totale de 160 M $ pour Québec.

Des portables à 500$? On parlerait ici d'appareils Lenovo et Dell. Que valent ceux-ci? Mystère et boule de gomme. Avec quels logiciels seront-ils équipés? Quand je pense qu'on ne cesse de nous vanter les portables Macintosh en éducation, j'ai comme l'impression qu'on sera équipé au rabais.

Par ailleurs, je n'ai pu m'empêcher de rire en lisant l'extrait suivant:

Certains modèles de base de ces tableaux peuvent se brancher directement dans le port USB d’un ordinateur, selon Nicolas Bégin, vice-président de Iclass Canada, distributeur des tableaux ActivBoard. L’installation ne représentera donc pas une portion importante des frais d’acquisition.

Il a en effet fallu au moins un mois entre la livraison à notre école d'un tableau interactif et la pose de ce dernier. Manque d'employés aux ressources matérielles, avis nécessaires de la part d'ingénieurs de la CS, ce fut une véritable saga.

Une bicyclette pour un dyslexique (ajout)

C'est cette image qui m'est venue en tête à l'annonce des mesures contenues dans le discours inaugural de la nouvelle session parlementaire du premier ministre Charest.

Voici ce que le premier ministre a annoncé concernant l'éducation et mes réactions à chaud.

Tableau blanc interactif et portable

J'annonce que chaque classe de chaque école du Québec sera dotée d'un tableau blanc intelligent et que chaque professeur sera muni d'un ordinateur portable.

Argument avancé par M. Charest pour appuyer cette mesure:

«Nos jeunes sont attirés par les nouvelles technologies. C'est leur univers. L'école doit s'inscrire dans cette réalité. Le tableau noir, celui que nous avons tous connu, sera modernisé.»

Je m'interroge beaucoup sur l'impact réel du tableau blanc interactif en classe. Est-il vraiment utile? Son utilisation est-elle optimale ou servira-t-il de rétroprojecteur high tech? Ces questionnements me semblent fort légitimes et je dois avouer ne pas avoir trouvé de réponses satisfaisantes à ceux-ci. De plus, quelle formation aurais-je pour apprendre m'en servir et qui va me la donner?

Concernant le portable, encore une fois, comment cette mesure sera-t-elle implantée concrètement dans nos écoles? Qui gérera cet immense parc d'ordinateurs? Qui les paiera? Y aura-t-il une formation adéquate quant à leur utilisation? Trouvera-t-on aussi des techniciens informatiques en nombre suffisant dans nos écoles? Imposera-t-on une marque précise? Aurais-je la possibilité d'y intégrer les logiciels de mon choix?

Je tiens également à souligner que les écoles n'ont pas toutes les infrastructures techniques pour appuyer l'implantation de portables et de TBI. Qui paiera ces infrastructures comme des réseaux sans fil ou des connexions par câble?

À ce sujet, je souligne quelques éléments importants qu'on apprenait récemment:

- 32,8 % des ordinateurs installés dans les écoles secondaires ne sont pas reliés à Internet.
- 62,1 % des enseignants avouent n'utiliser qu'une «minorité» des applications de télécommunication des nouvelles technologies, comme la correspondance, les échanges et les forums.
- 51,2 % des enseignants du secondaire n'ont pas une «maîtrise suffisante» des nouvelles technologies pour les intégrer dans leur enseignement.


Dans l'ensemble, tous ces objets finiront-ils par être, à l'usage, des gadgets ou de véritables outils pédagogiques?

Le sport

Le sport est un élément central de la vie étudiante. C'est une voie de réussite scolaire. Il crée de saines habitudes. Il enseigne de précieuses leçons sur soi, sur les autres et sur la vie. Il y a au Québec un engouement pour le sport étudiant. Les gradins se remplissent d'élèves et de parents; la fierté des équipes scolaires rejaillit sur des communautés entières. Quand on est fier de son école, on y reste et on y réussit.

J'annonce que le gouvernement investira pour renforcer la fierté et l'appartenance liées aux équipes interscolaires. Toutes les écoles secondaires publiques du Québec auront les ressources pour améliorer les équipements d'entraînement et doter leurs équipes d'uniformes que les élèves seront fiers de porter.


Tant mieux pour les profs d'éducation physique. Mais je reviendrai sur ce point.

L'anglais

Depuis 2003, nous avons augmenté le temps consacré à l'étude et à la maîtrise de la langue française. Notre langue, c'est notre identité; c'est aussi notre force. Notre langue, c'est un instrument de liberté. En cela, il n'y a aucune opposition entre la pleine maîtrise du français et la connaissance d'une deuxième et d'une troisième langue.

J'annonce que les élèves de 6e année du primaire consacreront la moitié de leur année à l'apprentissage intensif de l'anglais. Cette approche sera progressivement étendue à tout le Québec sur un horizon de 5 ans. À cet égard, nous mettrons en valeur des collaborations nouvelles entre commissions scolaires francophones et anglophones.


Il est vrai qu'on a augmenté le temps consacré à l'étude du français, soit, mais on remarque que la maitrise de celui-ci n'a pas significativement augmenté avec la réforme. Au contraire, les résultats des élèves du primaire en français ont même connu une baisse. Qu'à cela ne tienne: allons de l'avant avec l'anglais intensif en sixième année du primaire alors qu'il n'existe aucun consensus quant aux risques qu'elle peut représenter pour l'apprentissage du français.

Également, j'ai très hâte de voir comment s'effectueront cet enseignement intensif de l'anglais et ce partenariat entre commissions scolaires francophones et anglophones avec les différentes conventions collectives qui régissent leurs enseignants respectifs.

Par ailleurs, au risque d'être méchant, est-ce que les élèves anglophones de la sixième année du primaire vont avoir droit à un enseignement intensif du français langue seconde? Et si cette mesure est universelle et obligatoire, que fera-t-on avec certains élèves montréalais issus des communautés culturelles dont l'anglais est parfois meilleur que celui de leur enseignant?

Civisme et savoir-vivre

L'éducation forme les citoyens de demain. Elle doit aussi cultiver l'art du vivre ensemble et le respect envers les autres, notamment envers les enseignants.

J'annonce que des formations au civisme seront implantées dans toutes les écoles et que toutes les écoles du Québec devront être dotées de codes de vie centrés sur le respect de la personne, de l'autorité du professeur et des directions d'école.


Quelle formation? Produite par qui? Donnée dans le cadre de quel cours? On adoptera avant juin le code de vie dans mon école. Recevra-t-on des consignes précises à ce sujet avant cette date ou faudra-t-il improviser le tout? Légalement, n'est-ce pas au conseil d'établissement d'une école de déterminer le contenu d'un code de vie et de l'adopter? Le gouvernement devra-t-il modifier la Loi sur l'instruction publique dans le présent cas?

M. Charest a même indiqué qu'il préconisait le vouvoiement en classe. Va-t-il aussi me dire comment prendre les présences?

Conclusions masquées

Honnêtement, on dirait un saupoudrage de mesures sans véritables cohérence. On annonce et on verra après. Ça manque de vision, de valeurs, de réalisme. Et ça ressemble beaucoup à ce que je dénonçais dans un billet précédent. Encore une fois, on assiste au phénomène de la pyramide inversée. On décide en haut lieu ce qui sera bon sans tenir compte des besoins de la base ou fonder ses choix sur une analyse rigoureuse de la situation. On apporte des solutions sans manifestement comprendre le problème. Et surtout, on ne consulte personne au préalable, ce qui donne au tout un air d'improvisation indéniable, notamment si on songe au cas du code de vie.

Plusieurs intervenants soulignent d'ailleurs (ici et ici) que ces mesures ne répondent pas aux besoins exprimés entre autres par les enseignants et divers acteurs du milieu de l'éducation.

Des mesures plus urgentes auraient mérité qu'on s'y attarde comme les pré-maternelles à mi-temps pour les jeunes issus de milieu défavorisé ou l'ajout de ressources d'appui quant aux élèves en difficulté, handicapés ou qui présentent des troubles de comportement. Mais avec la récente venue de François Legault dans le paysage politique, il fallait marquer un grand coup médiatique et frapper l'imaginaire.

Comme enseignant de français, je remarque que ces mesures n'apportent presque rien quant à l'amélioration de l'enseignement de ma matière. Avec l'enseignement intensif de l'anglais, je m'interroge même à savoir si je n'assisterai pas à un recul de la maitrise du français par les jeunes.

Alors que celle-ci est un objectif important des plans de réussite qu'on demande aux écoles d'adopter et un incontournable dans la progression scolaire d'un élève, je me serais attendu qu'on appuie l'enseignement du français de façon significative. Or, qui récolte le gros lot? L'anglais et l'éducation physique. Trouvez la cohérence.

Voici un exemple parmi tant d'autres: Jean Charest n'a annoncé aucune mesure concernant la lecture chez les jeunes. Pourtant, on sait tous qu'il s'agit d'une lacune qui doit être corrigée si on veut améliorer leur réussite scolaire, notamment chez les garçons. À quoi bon un tableau interactif dans une classe où des élèves peinent à décoder des mots?

Qu'on me comprenne bien: je ne dis pas que la plupart de ces mesures sont mauvaises. Mais elles ne contribueront pas à résoudre significativement les différentes situations problématiques que nous vivons en éducation.

C'est bien agréable de posséder une bicyclette pour un jeune, sauf que cela ne règle en rien ses problèmes de dyslexie.

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Une petite parenthèse sur les réactions de Mme Marois, ancienne ministre de l'Éducation et aspirante au poste de premier ministre du Québec et de François Paquet, président de la Fédération des comités de parents du Québec.

Concernant l'enseignement intensif de l'anglais, Mme Marois affirme: «Certains enfants pourraient aussi être retardés dans leur apprentissage, notamment du français.» Faut-il rappeler qu'il s'agit de la même personne qui suggérait il n'y a pas si longtemps une mesure similaire.

Et maintenant, concernant la réaction de M. Paquet quant à l'enseignement de l'anglais intensif: «Mes deux filles ont vécu ces cours-là. J'en ai implantés dans deux écoles et je sais que c'est des succès partout. Les parents désirent avoir des cours d'anglais intensifs.» Vous ai-je dit que M. Paquet aime parler de ses enfants et employer la première personne? Voilà maintenant qu'il a même implanté des programmes d'anglais intensif dans deux écoles à lui tout seul...

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Chez Arcand, on se moquait doucement du discours de M. Charest quant à l'éducation. Jean Lapierre parle d'improvisation et de fin de régime. On se questionnait sur la pertinence d'un TBI et d'un portable dans les classes déstructurées qu'on retrouve dans plusieurs écoles québécoise. Quant aux ententes entre commissions scolaires francophones et anglophones, on s'interroge sur la possibilité d'en réaliser au Saguenay...

Vincent Marissal, de La Presse, parle de «saupoudrage», de l'absence de mesures quant à l'enseignement du français et souligne que bien des municipalités ne sont même pas branchées!

23 février 2011

Coalition pour l’avenir du Québec: avoir la sagesse dans le changement

Lancer des idées, tout le monde le peut. L’ADQ et sa troupe de boyscouts l’ont fait… Lancer des idées intelligentes basées sur une analyse et une étude de la situation qu’on se propose de modifier, là, c’est autre chose. Ainsi, on a rarement entendu Mario Dumont aller plus loin qu’un clip de cinq secondes dans le dossier de l’abolition des commissions scolaires.

La droite montante au Québec en a des idées. On en prend connaissance dans l’actualité et on frémit tellement parfois elles sont réductrices. En fait, il s’agit davantage de préjugés que d’idées. Si l'on reste avec l’exemple des commissions scolaires, on a tous en tête des cas de gaspillage éhontés d’argent, de lourdeur administrative. Cela signifie-t-il pour autant qu’il faille les abolir? Je n’en suis pas si certain. Par contre, il faut assurément revoir leur fonctionnement, les recentrer sur leurs missions principales et mieux baliser les dépenses de leurs dirigeants.

Jeter l’eau, le bébé et la bassinette n’a jamais été une stratégie intelligente et efficace. J’ai assez vécu l’improvisation du Renouveau pédagogique pour espérer qu’on ne reproduise ou n’encourage pas ce genre de catastrophe basée sur la pensée magique. Soit, on peut avoir des coups de gueule et crier un peu. Il demeure néanmoins que, lorsqu’on propose de véritables changements dans quelque domaine que ce soit, on a la responsabilité d’assurer le succès de ceux-ci. Quitte à prendre plus de temps qu’on le souhaiterait, quitte à reconsidérer notre vision des choses.

Au Québec, au cours des quinze dernières années en éducation, c’est cette sagesse qui a manqué quand est venu le temps de procéder à plusieurs changements majeurs. Certains politiciens – Pauline Marois en tête - ont utilisé leur passage au MELS pour marquer des points politiques sans avoir le discernement de bien comprendre les enjeux derrière les choix que certains hauts fonctionnaires leur proposaient. Ils ont voulu marquer l’histoire avec le résultat que l’on connaît. Un monde de l’éducation divisé, désorganisé, peu efficace lors qu’on regarde les budgets qu’on y investit et les personnels qu’on y retrouve.

Si l’équipe Legault veut mettre de l’avant certaines idées, elle a la responsabilité de réfléchir et d’analyser la situation et les solutions qu’elle propose avant de le faire. Elle doit chercher une expertise en éducation qui la guidera vers des solutions qui seront plus adaptées à notre réalité d’aujourd’hui et aux défis de demain. Cette réflexion doit s’effectuer à l’extérieur du ministère de l’Éducation et des diverses instances du monde scolaire qui sont tous en conflit d’intérêt quand on propose des changements.

L’appareil gouvernemental québécois atteint maintenant la crise de la cinquantaine. Il doit effectuer des choix que certains décideurs ne veulent même pas envisager de peur de perdre les avantages qu’ils se sont octroyés au fil des ans. Si le Québec doit entreprendre des changements en éducation, ceux-ci doivent être réfléchis et dépasser le stade du bête préjugé si l’on veut éviter de reproduire les erreurs du passé dont nous payons encore le prix aujourd’hui.

21 février 2011

Des élèves démotivés? Les responsables sont toujours en poste (ajout)

Si les élèves québécois sont démotivés, la faute en incombe aux médias qui ont joué «un rôle déterminant dans la construction de cette perception négative vécue par les élèves et les parents envers cette réforme (renouveau pédagogique)». Tel est, du moins, le constat auquel en vient Godelieve De Koninck dans sa lettre publiée dans Le Soleil récemment. Qu’on me permette de ne pas souscrire à cette idée.

Effectivement, il convient d’indiquer que le nombre d’élèves qui obtiennent leur DES est en progression depuis quelques années. On est donc loin du climat de démotivation et d’échec décrit par Mme De Koninck. Théoriquement, plus d’élèves réussissent.

Par contre, si j’écris théoriquement, c’est parce que, de plus en plus, on s’aperçoit que cette réussite est souvent un leurre. Ainsi, les médias commencent à nous révéler maintenant des histoires où des enseignants se voient demander d’augmenter les notes de leurs élèves pour qu’ils «passent». Que vaut alors cette réussite? Et surtout que vaut cette école aux yeux des jeunes qui ne sont pas dupes de cette mascarade? Se peut-il que certains d’entre eux décrochent parce que l’école elle-même et le réseau de l’éducation n’ont pas su démontrer leur pertinence au cours des dernières années?

Il est facile d’accuser les médias et d’affirmer qu’ils n’ont pas sur faire «découvrir les bons coups de cette réforme et sa nécessité». Il faut savoir que les tenants de cette réforme ont pu bénéficier au cours des ans de l’appui médiatique du MELS et des commissions scolaires. On ne compte plus l’argent qui a été investi pour vendre le Renouveau pédagogique à travers une armée de relationnistes et de conférences de presse. Si celui-ci n’a pas réussi à obtenir une bonne presse, c’est tout simplement parce qu’il n’a pas su remplir ses promesses. Bien au contraire, il a connu tellement d’écueils que ses opposants ont eu beau jeu de le critiquer. Faut-il se rappeler de la saga des bulletins avec des bonhommes sourire, des retards dans la rédaction des programmes disciplinaires et j’en passe ?

Ceux qui ont proposé cette révolution pédagogique avaient la responsabilité de mener celle-ci à bon port. Or, ils ont fait preuve d’un amateurisme incroyable et, encore aujourd’hui, ils ne sont même pas redevables quant à tout ce gâchis. Pis encore : certains oeuvrent encore au MELS et persistent dans cette voie.

En imposant ce renouveau pédagogique, en tenant pas compte des réalités du milieu scolaire, en ne lui donnant pas les moyens de ses ambitions, en bousculant les enseignants comme s’ils n’étaient que de simples pions, nos décideurs pédagogiques ont fragilisé le système scolaire et complètement désorganisé celui-ci. C’est davantage de leur côté que de celui des médias que devrait se tourner notre regard quand on veut comprendre pourquoi les jeunes québécois n’ont pas une bonne opinion de leurs écoles et qu’ils sont démotivés.

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Et, ajoutons-en une couche: tous les sous-ministres au MELS, sauf un, ont reçu des bonis de rendement l'année dernière, signe qu'on est satisfait de leur bon travail.

L’état lamentable des finances publiques du Québec n’a pas empêché les neuf sous-ministres du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) de se partager, l’an dernier, pas moins de 113 000 $ en primes de rendement, un bond de 68% en deux ans.

Alors que le MELS demande aux administrateurs du réseau scolaire de se serrer la ceinture, huit des neuf plus hauts fonctionnaires de l’organisme ont reçu, en 2008-2009, un boni variant entre 11 500 $ et 19 500 $.

Réussite scolaire: pressions sur les profs

Quel est le chemin le plus facile pour que nos élèves réussissent? Augmenter leurs notes sans pour autant être certain que ce résultat corresponde à la réalité. Dans un billet sur l'Iowa, je disais qu'on confondait souvent persévérance, décrochage et réussite. Et qu'il fallait également se questionner sur la valeur de cette «réussite». Au Québec, chose certaine, on est train de tomber dans ce miroir aux illusions.

La Presse, ce matin, nous montre que la réussite pour certains décideurs passe par la comparaison avec d'autres écoles et l'augmentation de la pression sur les profs pour que plus d'élèves passent. On n'ajoute pas des ressources pour aider les élèves en difficulté. Non, on ajoute des adjoints pour vérifier les résultats des groupes et on achète des logiciels pour établir des comparaisons entre les CS et les écoles. En fait, un journaliste le moindrement curieux découvrirait qu'à chaque fois que le MELS ajoute des responsabilités aux CS, leur premier réflexe est d'embaucher du nouveau personnel pour remplir la paperasse.

Pourquoi de telles pressions? Parce que la loi 88 oblige les CS à respecter des ententes de partenariat signées avec le MELS qui prévoient des cibles en matière de réussite scolaire et que les écoles signent, à leur tour, des conventions de gestion avec ces mêmes CS visant les mêmes buts.

Cette augmentation des résultats, le MELS le pratique lui-même avec les examens qu'ils corrigent. Ainsi, en français de cinquième secondaire, il détermine des critères de correction tout en vérifiant par des modèles mathématiques que ceux-ci permettront d'atteindre un certain pourcentage de réussite, il modère généralement les résultats des élèves à la hausse quand ils lui apparaissent trop pas (correction : trop bas).

On ne veut pas que les élèves apprennent, on veut qu'ils réussissent. Nuance.

19 février 2011

À propos du salaire d'un prof

Lorsqu'on vous rappellera votre salaire d'enseignant, n'oubliez pas ces chiffres:

Même les chiffres du ministère de l'Éducation le démontrent. Selon les Indicateurs de l'éducation 2010, le salaire moyen des éducateurs (une catégorie qui comprend les enseignants, mais aussi les directeurs et les professionnels du réseau scolaire) est plus bas au Québec que dans le reste du Canada, y compris dans les provinces de l'Atlantique.

Alors que les profs québécois gagnaient en moyenne 58 430 $ en 2007-2008, la moyenne canadienne était de 69 222 $ au cours de la même période. Le document du Ministère précise toutefois que «le coût de la vie est également plus bas» au Québec que «dans les régions avoisinantes».

L'écart est aussi important avec les États-Unis, où le salaire moyen est de 6000 $ supérieur pour la même année de référence. Le salaire moyen au Québec est par ailleurs moins élevé que dans la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

17 février 2011

Augmenter le salaire selon la réussite

Le programme Legault se préciserait. Ainsi, dans le JdeM, on apprend les faits suivants:

Le programme de M. Legault veut faire de l'éducation la priorité absolue des années à venir. À cette fin, le groupe suggère un nouveau pacte avec les enseignants à qui il propose une hausse de salaire en échange de davantage de responsabilités pour favoriser la réussite scolaire de leurs élèves.

Le groupe de Francois Legault propose aussi que les enseignants soient évalués sur leurs résultats. Contrairement aux rumeurs qui circulaient, le document ne fait aucune mention d'une abolition éventuelle des commissions scolaires.


Ajouter des responsabilités aux enseignants? L'ex-ministre de l'Éducation ne semble pas comprendre que cette idée a ses limites.

Premièrement, comment peut-on ajouter des responsabilités sans donner plus de moyens et d'autonomie aux enseignants? Il est ridicule d'exiger davantage d'un employé prisonnier d'un mode de fonctionnement qu'il contrôle à peine. Cette idée fait porter à l'enseignant seul le poids de la réussite des élèves et va en sens contraire de tout ce que l'on véhicule depuis quelque temps à juste titre: la réussite scolaire d'un jeune est l'affaire de tous. Honnêtement, si on en reste là, on est dans la pensée magique.

Deuxièmement, cette idée suppose qu'un enseignant peut en faire plus. Or, dans certains cas, on l'a vu, bien des profs sont au bout du rouleau, quand ils ne claquent pas tout simplement une dépression. Agiter des dollars supplémentaires devant leurs yeux ne changera rien à ce qu'ils vivent et ce que l'on souhaite d'eux.

Troisièmement, comment évaluer correctement qui a doit à une prime au rendement? Voilà encore un autre litigieux à propos d'une réalité sur laquelle un prof n'a pas toujours d'influence.

Je suis en faveur d'une troisième voix par rapport aux deux partis traditionnels qui monopolisent le Québec depuis longtemps. Mais celle-ci doit proposer davantage que des idées qui ne ciblent que les enseignants qui sont loin d'être la principale cause des échecs de notre système scolaire.

Augmenter le salaire des profs?

L'idée a été lancée hier alors que commencent doucement à couler divers éléments de la plateforme du «mouvement» qu'entend lancer François Legault: doit-on augmenter le salaire des profs? L'ancien ministre de l'Éducation entend ainsi attirer de meilleurs candidats et motiver les enseignants déjà en poste.

François Cardinal, de La Presse, semble pencher pour cette initiative. Il s'appuie sur le dernier rapport PISA : «Les systèmes d’éducation les plus performants tendent à donner la priorité au salaire des enseignants et non à la réduction de la taille des classes.»

Pour ma part, j'ai de grandes réserves quant à cette mesure. Ce n'est pas quelques milliers de dollars de plus qui vont attirer de meilleurs profs et motiver ceux en place. Les doléances des enseignants sont ailleurs. Voici quelques pistes pour M. Legault.

- Il suffit de jaser quelques minutes pour constater à quel point ils en ont soupé des changements «pédagogiques» au cours des douze dernières années et le caractère déconnecté de ce qu'impose le MELS par rapport à la réalité du terrain. M. Legault se ferait bien des amis s'il offrait une retraite anticipée à tous ces pédagogues ministériels qui vont d'échec en échec à chaque réforme. De plus, les hauts fonctionnaires devraient redevables des changements qu'ils proposent. Ce sont d'ailleurs les seuls individus de tout le système éducatif québécois qui semblent ne pas avoir de comptes à rendre.
- Les enseignants veulent davantage d'autonomie professionnelle que de fric. Bien des gens fuient le monde de l'éducation parce que les profs sont carrément infantilisés. Jamais un véritable professionnel n'accepterait avec autant de mépris de la part de ses patrons.
- Un autre point qui susciterait l'approbation de certains enseignants est qu'on se penche véritablement sur la façon dont est dépensé l'argent en éducation. M. Legault remet déjà en question les commissions scolaires, soit. Mais pourquoi s'arrêter en chemin? Il convient d'amorcer une véritable analyse des budgets en éducation. Avec les fusions des commissions scolaires qui sont devenues des entités régionales, à quoi servent les directions générales du MELS, par exemple? Au ministère de l'Éducation, n'y a-t-il pas lieu de se livrer à une véritable analyse du rôle des nombreux organismes qui y sont rattachés? À moins que je ne me trompe, il y a plus de fonctionnaires par élève au Québec que dans une foule d'autres pays.

Mais il y a peu de chances que cette dernière mesure soit mise de l'avant par qui que ce soit. Le ministère de l'Éducation est composé d'employés dont les syndicats défendront les postes avec vigueur. Ce sont les mêmes syndicats qui défendent les profs... dont les conditions de travail se sont détériorées au fil des ans. Les mêmes syndicats qui protègent certains membres au détriment d'autres finalement.

Chose certaine, M. Legault devra présenter de solides propositions en éducation. Pour la petite histoire, on se rappellera que celui-ci a déjà déclaré, en pleines négociations collectives, que les enseignants étaient des «liseurs de revues» et a appuyé la réforme sans aucune réserve. Si on ne peut effacer le passé, on peut néanmoins mieux comprendre le présent et l'avenir.

15 février 2011

Décrochage scolaire: «Iowaïenne, je voudrais être iowaïenne...»

Cette semaine est celle de la persévérance scolaire. On a donc droit à une série d'annonces, d'événements, de reportages. Tout comme avec les causes désespérées, il est maintenant «in» de porter sa petite épinglette comémorative. Elle est verte, comme la couleur de l'espoir. On en aura bien besoin, à défaut d'avoir du courage politique.

N'espérez donc pas trop: la semaine prochaine sera celle d'une autre cause et on tournera la page assez rapidement. Quoi qu'il en soit, au cours des prochains billets, je jetterais un coup d'oeil masqué à ce que nous avons appris cette semaine.

L'Iowa, terre d'excellence

Le JdeM nous a livré une série de reportages sur l'état de l'Iowa dont les résultats en matière de décrochage scolaire chez les garçons semblent fort intéressants. Plusieurs éléments expliqueraient ce succès:
- l'apport des nouvelles technologies;
- la présence d'équipes sportives dans les écoles;
- une plus grande disponibilité des enseignants via Internet;
- des horaires flexibles pour les élèves;
- la possibilité pour les parents de mieux suivre les résultats et les absences de leurs enfants;
- une législation plus contraignante concernant les parents dont les enfants s'absentent de l'école.

Comme je l'ai indiqué dans un commentaire précédent avec le journaliste auteur de ces textes, Sébastien Ménard, j'ai beaucoup de difficulté avec les comparaisons avec des modèles étrangers. On cherche souvent à appliquer ici ce qui se fait ailleurs sans véritablement comprendre ce dont il s'agit et sans vérifier si les conditions sont réunies pour que cela fonctionne chez nous. De plus, ces comparaisons sont souvent incomplètes et entremêlent décrochage, persévérance et performance.

Des questions

Ainsi, concernant l'Iowa, des questions demeurent:
- Existe-t-il des commissions scolaires en Iowa ou chaque école jouit-elle d'une autonomie certaine?
- Quel est le degré de redevabilité des autorités scolaires? Sont-elle élues ou nommées?
- Quelle somme par élève l'Iowa consacre-t-il à l'éducation? Quelle part de cette somme concrètement se retrouve dans les classes et quelle part se retrouve dans l'administration?
- Combien retrouve-t-on d'élèves par fonctionnaire en éducation en Iowa?
- Comment se compare le salaire des enseignants de cet état à celui de leurs confrères québécois? Si celui-ci est moins élevé, cela suffit-il à expliquer qu'il semble y avoir plus d'argent dans les écoles?
- Qui équipe les enseignants en matériel informatique? Qui paie leur connexion Internet le soir et les fins de semaine?
- Lorsqu'on parle d'horaire flexible, ces derniers sont offerts aux élèves de quel âge exactement?

Le Québec, terre de désolation

Par ailleurs, il est actuellement impensable de songer à implanter certaines mesures iowaïennes au Québec parce qu'il n'y aurait pas d'argent pour les soutenir. En fait, avec un budget de 15 milliards, on manquerait de fric pour les mettre en place. C'est d'ailleurs à se demander où on le dépense, ce foutu fric. Voilà une question qui mériterait une réponse claire et étayée.

Premier exemple de mesure impossible: intéresser les jeunes à l'école par le biais de l'informatique. On le sait, les écoles québécoises sont sous-équipées en la matière. Les ordinateurs dans les classes, quand il y en a, sont désuets ou même pas connectés à Internet! En fait, généralement, ce sont nos gestionnaires et décideurs qui sont correctement équipés. Ils ont portables, Blackberry et j'en passe.

Deuxième exemple de mesure impossible: permettre aux parents d'avoir un meilleur suivi de leur enfant grâce à Internet. Nos écoles étant sous-équipées en informatique, on retrouve trop d'enseignants par ordinateur. De plus, je ne crois pas que les sévices informatiques des CS soient capables de livrer la marchandise en ce domaine.

Paroles, des paroles, des paroles...

En entrevue à 98,5 FM, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a indiqué être intéressée aux mesures qui ont trait aux ordinateurs et au sport: «La présence des nouvelles technologies [...], je pense que c'est porteur. Ça ne se peut pas que la classe qu'on a en 2011 soit pareille à celle qu'on avait en 1911, avec le tableau vert et la craie.» Par contre, la ministre ne croit pas à l'emploi de mesures coercitives avec les parents d'enfants «absentéistes». Reste à ce qu'elle trouve l'argent pour accorder sa vision de l'école de 2011 avec celle de nos classes actuelles. Mais jamais elle n'aura l'audace de prendre les moyens d'y parvenir. Tout comme ses prédécesseurs, elle n'osera pas questionner les dépenses québécoise en éducation.

Soulignons au passage les réactions de l'ineffable présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard, qui se contredit dans la même entrevue. À propos des sports et des technologies informatiques, elle déclare: «C'est ça qui accroche les garçons. Je pense qu'on a compris ça, ici aussi.» Affirmation catégorique: voilà LA solution, LA recette pour les gars, qui sont tous pareils, on le sait.

Mais, un peu plus tard, à propos des mesures légales dissuasives, elle explique: «S'il existait vraiment des recettes, on n'est pas plus niaiseux qu'ailleurs. On appliquerait la même recette partout.» Je m'interroge donc: Mme Bouchard est-elle en faveur des recettes-miracles ou plutôt à une forme de décentralisation et d'autonomie? Son discours manque de cohérence ou de clarté. Elle gagnerait être plus précise.

14 février 2011

Décrochage scolaire et solutions

Cette semaine est celle de la persévérance scolaire. Et quand je regarde toutes les initiatives, tous le regroupements, toutes les activités, je me dis que, si le décrochage n'existait pas, il faudrait l'inventer. Combien de gestionnaires, d'universitaires, de représentants des comm, de concepteurs de sites Internet gagnent leur vie grâce au décrochage! Une véritable industrie.

Je ne dis pas que certaines initiatives ne sont pas louables, mais je me demande combien de fric on investit dans les épinglettes, les biscuits chinois (vous avez bien lu) et compagnie. ce qui est savoureux, c'est que, parfois, siégeant sur ces tables de concertation, de valorisation et d'autres «ion», on retrouve une foule d'intervenants, sauf des profs. Et quand il y en a, ce sont des représentants syndicaux professionnels patentés qui n'ont pas enseigné depuis l'invention de la gomme à effacer.

Non, au Québec, on ne manque pas de solutions contre le décrochage. Ça serait juste intéressant d'en avoir des bonnes et l'argent qui permettent de les réaliser...

Personnellement, j'ai hâte que cette semaine finisse. C'est un peu comme la Saint-Valentin: une grosse fête où l'on célèbre un truc rapidement pour passer à autre chose...

13 février 2011

Un billet important

Je blogue pour apprendre et échanger. Dans l'ordre. J'apprends beaucoup au gré des interventions et, même s'il y a parfois des désaccords, j'estime que la très grande majorité des intervenants ici méritent mon respect et ma considération, si ces sentiments ont une quelconque valeur pour eux.

Je blogue pour apprendre et échanger. Je vais donc lire les blogues des autres et, même si je ne commente pas toujours, j'apprécie puisque j'y retourne. Parfois, je m'en veux de ne pas laisser un mot, une trace pour indiquer: «Tu n'écris pas dans le vide.»

Samedi, je suis tombé sur un billet qui donne matière à réflexion sur le blogue Plaidoyer pour la réflexion enseignante. On parle beaucoup de différenciation pédagogique, des besoins des élèves. Mais s'intéresse-t-on aux besoins spécifiques des enseignants? À leurs différences?

Les plans d'action, les normes et évaluations, les maudits cahiers d'exercices, tout cela vient standardiser notre enseignement. Alors que les écoles et les directeurs demandent plus d'autonomie, j'ai l'impression que les profs, dociles et joyeux moutons, se laissent «encarcanés» dans des modèles dont ils deviennent prisonniers. C'est évidemment plus facile à gérer, mais comment être stimulant et allumé si on m'éteint, si on me prive de ce que je suis?

Qu'on me donne les moyens, qu'on m'indique les objectifs à atteindre et qu'on me laisse choisir les chemins pour y parvenir.

Quelques phrases en vrac de ce billet que je vous invite à lire.

Dans nos classe, on tente d'offrir un environnement stimulant et des moyens adaptés afin que chacun puisse progresser jusqu'au maximum de son potentiel. Serait-il possible de faire la même chose avec les profs? Peut-on s'arrêter aux besoins des enseignants et leur offrir des moyens adéquats pour soutenir leur développement professionnel?

Je pense, et c'est mon avis personnel, qu'il est un grand leurre de mettre tous les membres d'une équipe-école dans le même bateau, de prodéder de la même façon avec tous, d'avoir des attentes communes pour tous.

La profession de l'enseignement est complexe et exigeante. Voilà pourquoi pour moi il s'agit là d'un art. Tous les acteurs de nos milieux de travail ne peuvent être mis dans les mêmes conditions.

12 février 2011

Décrochage: les futiles comparaisons

Ce matin, le JdeM traite de décrochage en citant en exemple l'Iowa où neuf garçons sur dix ne décrochent pas. La recette magique comprend deux ingrédients principaux: «l'importance de développer un «sentiment d'appartenance à l'école» par le biais d'équipes sportives, par exemple, et la «flexibilité» dans les horaires des ados, qui leur permet notamment de travailler tout en étudiant.»

Je me méfie toujours de ces comparaisons. Ayons un peu de recul. Quelle est la valeur du diplôme que décrochent ces élèves? Attendez que je me rappelle. Ah oui: les États-Unis sont au 17e rang en lecture et au 23e rang en sciences aux derniers tests PISA 2009. Et on ne parle pas de cette pratique qui consiste à faire passer les élèves pour qu'ils puissent demeurer membres des équipes sportives locales...

Comprenons-nous bien: les comparaisons sont nécessaires et sources d'enrichissement à condition d'être correctement effectuées. Ce qui ne semble pas le cas ici. Je ne dis pas que certaines solutions américaines ne méritent pas notre attention. Je ne crois simplement plus aux recettes magiques qu'on nous sert à la petite semaine.

Et puis, il y a l'exemple asiatique, tiens. Shangaï, Singapour et Hong Kong sont constamment dans le top 5 du PISA. Qu'attend-on pour imiter l'exemple asiatique!

(Pour les lecteurs ayant des problèmes de lecture, je souligne que cette dernière phrase est empreinte d'ironie. On ne sait jamais...)

10 février 2011

Des parents, de la relâche et l'école

La semaine de relâche arrive à grands pas et déjà on sent la fébrilité dans nos écoles. Dans certains cas, ce congé arrivera même plus rapidement que prévu puisque certains parents décident de se servir de celui-ci pour partir en voyage plus longtemps encore avec leur enfant.

Ainsi, à mon école, il y a ces parents qui feront manquer deux semaines de classe à leur enfant et qui, à une journée d'avis, ont demandé la liste du travail à faire aux enseignants de ce dernier. Comme si on pouvait manquer deux semaines d'enseignement et tout rattraper comme ça, sur les plages du Sud...

La question qui tue maintenant: on fait quoi avec un tel cas, surtout quand on sait que l'enfant dont on parle connait d'importantes difficultés scolaires et manque de motivation à l'école? La DPJ? Voulez-vous rire? Prévoir un calendrier de rattrapage scolaire au retour de l'enfant? Bien sûr, on va se farcir tout ce boulot pour des gens qui croient que l'école peut se vivre à la carte... Non, non. J'espère que le jeune aura pratiqué la plongée sous-marine en vacances parce que je suis convaincu qu'il va continuer de couler à son retour.

Bravo à ces parents qui assument parfaitement leurs responsabilité d'éducateurs!

09 février 2011

Nos élites en éducation: la FCSQ

Tiens, je me permets un petit plaisir aujourd'hui.

Cette semaine, dans un commentaire sur ce billet, un intervenant sur ce blogue, le professeur Steve Bissonnette, faisait un lien vers une étude du groupe ERES responsable d'évaluer la réforme scolaire près de dix ans après son implantation.

Les résultats préliminaires de celle-ci montrent bien que le Renouveau pédagogique ne semble pas avoir tenu ses promesses. Si je demeure quelque peu prudent, c'est parce que les résultats partiels de cette étude traitent beaucoup des perceptions de certains acteurs en éducation et que, quant à moi, les morceaux de choix seront davantage ce qui concerne les résultats de nos jeunes en matière d'apprentissage, bien que je me demande comment on pourra comparer des éléments dont je doute qu'ils soient comparables méthodologiquement.

Lundi, une journaliste du Soleil reprenait les résultats de cette étude. Elle publie aujourd'hui un texte rapportant les réactions de certains intervenants à ces derniers.

Mon petit plaisir réside dans les propos de la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) , Josée Bouchard. Celle-ci est «étonnée» et «s'explique mal ces résultats» selon la journaliste: «Je trouve ça inquiétant. Si c'est bel et bien le cas, je vous avoue ma surprise. L'école est tellement intéressante aujourd' hui! On a implanté l'approche par projet, le travail d'équipe, des projets particuliers... Tout ça pour répondre aux besoins des jeunes.»

Pour madame Bouchard, les médias seraient en partie responsables de cette mauvaise perception: «On a tellement dit aux jeunes qu'ils étaient des cobayes que ç'a dû avoir un impact.»

Premier constat: Mme Bouchard ne semble pas vivre dans la même réalité qu'une majorité de gens. Elle est «surprise» par ces résultats, car l'école est «intéressante» à ses yeux. Or, il suffit de connaitre un tant soit peu la réalité scolaire pour réaliser que cette vision est idyllique à bien des égards.

Deuxième constat: pour Mme Bouchard, l'école semble être définie selon sa capacité à «intéresser» et à satisfaire les «besoins des jeunes». Je m'interroge toujours quand on tient ce genre de discours. N'amorce-t-on pas une lente dérive quand on raisonne de la sorte? Est-ce qu'apprendre fait partie des besoins de certains jeunes? L'école doit-elle être fondamentalement intéressante ou pertinente pour un jeune? Doit-elle se baser sur la notion de plaisir ou de nécessité ou un mélange équilibré des deux?

Troisième constat: pour Mme Bouchard, l'école devrait nécessairement être «intéressante» puisqu'on y a implanté l'approche par projet, le travail d'équipe, des projets particuliers. On remarquera que deux de ces trois mesures ont été reliées à la réforme au cours des dernières années. Donc, on peut librement penser que la présidente de la FCSQ croit que l'école québécoise devrait être «intéressante» puisqu'elle est «réforme».

Quatrième constat: Mme Bouchard n'est capable d'aucun recul critique quant à la réforme dans ses propos. S'il y a un problème, il est ailleurs que dans le Renouveau.

Cinquième constat: Mme Bouchard n'est pas capable d'effectuer un mea culpa. En effet, il faut savoir que des organismes comme la FCSQ ont été de chauds partisans de la réforme. Ils ont mis en oeuvre tous leurs moyens - qui sont considérables - pour en forcer l'implantation dans les écoles québécois avec le succès que l'on sait.

Sixième constat: Mme Bouchard a besoin de détourner l'attention en indiquant un bouc-émissaire: les médias. Cette dernière stratégie montre bien la faiblesse de certains intervenants en éducation. Tout d'abord, on blâme les autres au lieu de reconnaitre et d'évaluer la portée de ses propres actions. Pas très «réforme» comme comportement. Ensuite, avec tout le pouvoir d'influence médiatique dont disposent la FCSQ et le MELS, si ces derniers n'ont pas su «contrôler» la perception des médias quant à la réforme, c'est le signe qu'ils sont soit incompétents, soit que la réforme éprouvait des difficultés majeures, soit les deux.

À cet égard, si la réforme était la merveille qu'on nous a promise et non pas le cafouillis qu'on a connu, on n'en traiterait pas sous cet angle encore aujourd'hui. Le reconnaitre serait déjà un pas vers une solution quant à un certain marasme qui existe dans nos écoles.

08 février 2011

La réforme et les détails: le droit à l'évaluation

L'enfer est dans les détails, dit le proverbe. Quand on analyse les pratiques qu'a amenées la réforme, il y en a une que j'aimerais souligner ce matin: il s'agit du droit à l'évaluation. Ainsi, on ne peut priver un élève de son «droit» à être évalué. Jusque-là, peu d'individus s'objecteront à ce principe. Mais voici quelques cas où la situation peut déraper.

L'absence non motivée

Un élève est absent lors d'une évaluation. Il préfère rester à la maison pour écouter les Simpsons. Son absence est non motivée. Le jeune a malgré tout le droit de reprendre l'évaluation dont il s'est volontairement privé.

On peut toujours donner à l'élève une «conséquence». Il n'en demeure pas moins une chose: ce jeune est avantagé par rapport à ses collègues de classe. Ainsi, il aura eu théoriquement plus de temps pour se préparer à l'évaluation.

Pensons à un exposé oral, par exemple. Il est impossible de pénaliser le jeune absent quant à son résultat scolaire: les grilles d'évaluation ne prévoient pas le retrait de point pour ce genre de situation. On pourrait répliquer qu'il s'agit d'un problème de comportement et que le résultat de l'élève ne doit pas s'en ressentir. Il n'en demeure pas moins que ce dernier aura été avantagé et que ce sont ses collègues qui sont ainsi traités de façon inéquitable. Tout cela au nom du sacro-saint principe du «droit» à l'évaluation.

Dans le cas d'une épreuve écrite, si on ne veut pas avantager l'élève absent, on doit créer une nouvelle situation d'évaluation des apprentissages. Quand on sait qu'une SAE s'étale parfois sur quatre périodes, quel enseignant a envie de se farcir ce travail?

Le plagiat ou la tricherie

Si un élève triche lors d'une évaluation ou plagie dans un travail, il est interdit de lui coller zéro. On doit lui faire reprendre l'épreuve où il aura tenté de contourner les règles. Bien sûr, on peut lui donner une «conséquence» mais, encore une fois, le «droit» à l'évaluation interdit de le pénaliser quant à ses résultats scolaires. Il faut alors créer une nouvelle épreuve et prévoir un nouveau temps pour l'évaluation.

Une telle règle ne s'applique pas au cégep ou à l'université. Mais, chers collègues supérieurs, préparez-vous à voir contester vos façons de gérer ce genre de situation.

La renonciation à compléter une SEA

Si un élève renonce à passer un examen, par mesure préventive, l'enseignant devrait lui faire signer un papier expliquant ce choix et aviser les parents de l'enfant. Mais, oh surprise! le jeune pourra toujours changer d'idée par la suite.

La remise en retard d'un travail

Même principe ici encore. On ne peut ôter des points à la note d'un travail volontairement remis en retard. Un jour, dix jours: c'est le même principe qui s'applique.

Je comprends la notion de »droit» à l'évaluation, mais un principe poussé jusqu'à son absolu devient absurde.

Un élève qui renonce à passer une SEA ou qui ne respecte pas les conditions de celle-ci ne devrait pas avoir une possibilité de reprise. On peut toujours répliquer qu'il s'agit de pénaliser l'élève autrement (copie, réflexion, remise de temps, etc.). Le problème est qu'on embarque alors dans une dynamique lourde et complexe qui gruge un temps considérable qu'on pourrait consacrer à des occupations plus saines et stimulantes.

Ce qui est aussi pénible avec ce fameux «droit», c'est qu'on ouvre la porte à tous les abus de la part de ceux qui profitent ainsi de ce qui devient une largesse et on prive les enseignants de faire preuve de discernement dans le cadre de leur jugement professionnel.

Il est par ailleurs ironique que certains de ceux qui ont instauré cette pratique ou qui la défendent oeuvrent dans des établissements d'enseignement qui gèrent ces cas de manière bien différente de celles qu'ils nous demandent d'appliquer. D'où cet autre proverbe: Faites ce que je dis, pas ce que je fais...

07 février 2011

Un code vestimentaire pour les profs?

Dans ce texte de La Presse de ce matin, on aborde la notion de code vestimentaire pour les intervenants dans les centre jeunesse: «On voyait des éducatrices habillées de façon très inconvenante. Travailler en camisole sans soutien-gorge, c'est beaucoup trop provocant dans un milieu de gars de 12-18 ans! explique un professionnel du centre jeunesse. Aujourd'hui, l'hypersexualisation des jeunes s'observe même au sein du personnel.»

Et puis, je me suis mis à penser à ce qui se passerait si la direction de mon école demandait que les enseignants respectent certaines normes vestimentaires. La tempête, oui!

L'idée a été à peine effleurée dans une réunion que déjà les collègues hurlaient à la liberté d'expression et au respect de la convention collective. Or, à ce que je sache, la liberté d'expression peut être soumise à des restrictions. Par ailleurs, nulle part dans notre convention collective, il est mentionné la question de la tenue vestimentaire. Par contre, je crois qu'un directeur est en droit d'intervenir à ce sujet.

Il est par ailleurs remarquable qu'on agisse parfois auprès d'élèves incorrectement vêtues (majoritairement des jeunes femmes) parce qu'elles n'adoptent pas une tenue vestimentaire décente et propre à une maison d'éducation, mais qu'on tolère une tenue similaire chez une enseignante. Comme si des valeurs comme la décence et le respect dans une maison d'éducation étaient à géométrie variable.

Bilan partiel de la réforme...

Voyez ce qu'on retrouve dans Le Soleil ce matin.

Mais cela étant dit, on en viendrait à la conclusion un jour que le Renouveau est de la schnoutte qu'on ne changerait pas les choses immédiatement.

Et je vous souligne que personne ne serait interpelé quant à ce cafouillis pédagogique. Personne n'est redevable en éducation...

05 février 2011

Jeunes en mauvaise forme et cours d'éduc: un faux débat

Il y a plein de belles choses à commenter cette semaine dans le monde de l'éducation, mais je ne peux passer à côté de ce texte de François Cardinal. Ce dernier relève que, devant la mauvaise forme physique des jeunes, la solution proposée semble toujours la même: augmenter le nombre d'heures d'éducation physique à l'école. C'est encore ce que suggérait Kino-Québec au gouvernement tout récemment, «l'idéal étant au moins un cours par jour».

Or, M. Cardinal qu'on ne peut soupçonner d'être opposé à la bonne forme physique, s'inscrit en faux contre ce genre de raisonnement. «...aussi séduisante soit-elle, cette avenue a peu d'avenir tant elle est parsemée d'embûches, du faible nombre d'éducateurs physique à l'occupation des gymnases, en passant par l'horaire déjà chargé des écoliers», écrit ce dernier.

L'auteur y va également d'une statistique assassine qui devrait clore le débat sur l'ajout de période d'éducation physique à l'horaire. Ainsi, dans le cadre d'une heure de cours d'éducation physique, savez-vous combien de temps est consacré à réellement s'activer? À peine 24 minutes...

Ce que propose Cardinal est de cesser de penser en termes d'éducation physique, mais plutôt d'activité physique: «nos jeunes ont davantage besoin de bouger que d'apprendre comment bouger.» Et, à ce sujet, il repère des plages-horaire où il serait possible de le faire, soit la récréation, l'heure du repas et le service de garde.

Il est évident que le fait que je sois un enseignant de français au secondaire teinte mon opinion. J'ai participé à tellement de débat sur l'ajout de périodes d'éducation physique au détriment de celles en français au cours de ma carrière que je ne les compte plus.

Lors tous ces débats, il fallait voir à quel point on jouait de la corde de la culpabilité sans pour autant s'intéresser à l'efficacité des mesures proposées et à ce qu'on pouvait faire hors du temps d'enseignement. On se donnait bonne conscience en croyant améliorer les choses d'un simple ajout d'une période à l'horaire.

Par ailleurs, je tiens à corroborer le chiffre de 24 minutes d'activité par heure de cours d'éducation physique. Combien de fois suis-je allé voir des confrères d'éduc durant leurs cours pour constater, gymnase oblige, que bien des élèves étaient assis à attendre.

Je tiens à souligner cependant quelques éléments intéressants:
- de plus en plus, les nouveau enseignants d'éducation physique font preuve de créativité et d'originalité pour accrocher les jeunes.
- à mon école toujours, le diner et après la classe, les élèves ont la possibilité de participer à des activités physiques parascolaires ou encadrées par des fédérations sportives locales.
- à mon école toujours, on suscite de plus en plus la participation d'enseignants d'autres matières lors de manifestations sportives. Ainsi, les élèves voient leur prof de maths ou de français courir avec eux lors du cross-country, par exemple.

Tout comme dans le cas du décrochage scolaire, chaque école y va d'initiatives peu connues et qui demanderaient à être partagées. On est loin des méga-mesures ministérielles, mais celles-ci sont peut-être plus efficaces... et il reste les parents à qui on doit faire réaliser le rôle majeur qu'ils ont à jouer dans toute cette problématique.

04 février 2011

Réforme: une évaluation prudente

Dans un commentaire, M. Bissonnette a envoyé un lien vers une présentation de Simon Larose, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval et directeur du projet Évaluation du renouveau à l'enseignement secondaire.

Je retranscris ici mon commentaire-réponse afin d'alimenter les réflexions et je vous invite à consulter ce document.

En résumé, le document que vous citez indique que les perceptions quant aux impacts de la réforme semblent généralement plus négatives chez les parents et élèves.

Pour ce qui est des chiffres quant au rendement scolaire, j’ai mes réserves. Il est difficile de comparer des évaluations si peu comparables. L’écart pourrait être plus grand encore. Mais on parle d’augmentation d’échecs au secondaire et de plus grandes inscriptions aux cours d’été.

Par ailleurs, on remarque une plus grande consultation d’aide professionnelle. Il y a plusieurs façons de voir cela : un meilleur dépistage ou un système qui craque de partout.

Mais la synthèse (diapo 58) est très claire : trois des variables examinées sont en faveur du renouveau (11%) et 22 sont en défaveur (81,5%).

Larose demeure malgré tout prudent dans ses conclusions :

Ces effets peuvent témoigner:

•D’une période de transition associée à l’implantation progressive du RP et aux remaniements dont il a été l’objet.

•D’une couverture médiatique et social soulignant davantage les problèmes inhérents au RP que ses avantages.

•D’éléments d’un système à repenser.

C’est vague, ça, des éléments d’un système à repenser….

02 février 2011

Puisqu'on parle réforme...

Le précédent billet abordait en partie le sujet de la réforme. Or, je suis tombé hier sur un texte du Café pédagogique qui s'intéresse aux impacts de celle-ci. On y questionnait Gilles Roy, chercheur associé au Groupe de recherche sur les environnements scolaires, ainsi que co-signataire d’un rapport d’évaluation récent ayant porté sur la Stratégie d’intervention Agir autrement, stratégie ministérielle qui visait à améliorer la réussite éducative en milieu défavorisé. Une de ses réponses m'a sidéré.


Dans quelle mesure la réforme pédagogique joue-t-elle dans ce résultat?

Difficile à dire. D’abord parce que la réforme pédagogique n’a pas nécessairement été implantée de manière fidèle et exhaustive; bien des pratiques précédentes sont demeurées. Ensuite, parce que la réforme pédagogique a différemment pris forme dans les milieux : ce que l’un considère être du ressort du renouveau peut bien être considéré par un autre comme n’en faisant pas partie. Ce que Pisa 2009 nous apprend, c’est qu’au-delà de ce flou général, plusieurs ont veillé à ce que les élèves s’instruisent. Les bons résultats atteints en mathématiques en témoignent. En passant, Pisa 2009 aura surtout servir à réfréner (pour un temps du moins) les ardeurs des Cassandre éducatifs (ceux qui sont depuis toujours convaincu que nous fonçons tout droit vers le désastre) ou encore de nos nostalgiques d’un temps qui n’a jamais été (celui où le niveau était élevé, où tous fréquentaient les grands auteurs, où tous respectaient les règles, etc.). Dernière précision enfin : la réforme pédagogique ne visait pas tant que cela l’amélioration de la performance des élèves. Elle participait, plutôt, d’un certain projet de société, plus participatif et intégrateur, qui valorisait le lien social plutôt que la création d’élites et le renforcement des clivages sociaux.


La réforme était donc un projet de société, rien de moins. Des États généraux de l'éducation, on est arrivé à ça. Et il faut voir certaines personnes vouloir nier cette évidence quand on leur dit que ces États ont été détournés.