31 août 2007

Les gérants d'estrade en éducation

Parfois, le samedi soir, en hiver, avec Beau-père masqué, nous écoutons le hockey. Forts des souvenirs de patinoire de nos 15 ans, forts de notre expertise de commentateurs de salon, nous y allons de nos savantes analyses: «Kovalev déplace plus d'air qu'il ne déplace la rondelle», «Huet est un bon deuxième, mais pas un premier gardien», «Carbonneau va perdre le contrôle de son club...»

Sous prétexte d'être déjà allés à l'école à une époque où un rétroprojecteur était un appareil audiovisuel moderne, sous prétexte d'être un parent ou même une économiste bardée de diplômes, certains chroniqueurs font un usage discutable de leur clavier en abordant des sujets liés à l'éducation. Je ne dis pas qu'ils ne doivent pas écrire sur ce domaine d'activité humaine parce qu'ils ne travaillent pas dans le monde de l'éducation. Simplement, un peu de prudence, quelques recherches préalables seraient de mise.

À ce propos, deux cas récents me viennent à l'esprit, soit Marie-Claude Lortie dans Ça Presse et Nathalie Elgrably dans le Journal de Mouréal. Si La peste (ici et ici) et Un autre prof (ici) ont abordé en partie ce sujet, permettez-moi de rajouter mon modeste grain de sel.

Madame Lortie et ses montées de lait

Quelle mouche a piqué cette chroniqueure versatile qui s'intéresse, entre autres, à l'odeur des antisudorifiques?

Dans un premier texte publié le 28 août dernier, Mme Lortie nous fait part d'un sordide complot scolaire brimant nos enfants: l'école «sépare les amis, volontairement, activement. Deux copines sont trop proches ? Et hop, classes différentes. Trois petits garçons jouent toujours ensemble ? Et les voilà, l’année suivante, bien éparpillés.»

Avouez que nous nageons dans un certain délire psychotronique. Comme si on avait le temps, dans certaines écoles secondaires, par exemple, de concevoir les horaires de 2000 jeunes en tenant compte de critères farfelus de ce genre. Au fil des ans, les seuls cas de «séparation» dont j'ai été témoin ont été faits à la demande même de certains parents. À moins bien sûr qu'on croit vraiment qu'on mette des enfants dans des cages dans nos classes...

Pourtant, Mme Lortie n'hésite pas à blâmer les enseignants pour expliquer cette soi-disante pratique scolaire : «La réponse qui me vient à l’esprit, c’est qu’on sépare les enfants pour faire plaisir aux profs.» Comme si nous avions le pouvoir de choisir nos élèves! Comme si quelqu'un cherchait à nous faire plaisir!

Après avoir été fortement rabrouée par certains intervenants sur son blogue (au moins un a vu ses propos effacés), Mme Lortie récidive la journée même. Notez: elle ne prend pas la peine de répondre aux commentaires qui lui sont adressés. Non, elle revient à la charge sur le terrain scolaire en posant trois questions, dont une que certains répondants ont trouvé très tendancieuse.
  1. Pourquoi l'horaire des activités parascolaires est-il dévoilé après la rentrée alors qu'il serait plus pratique pour les parents de le connaître avant juin, par exemple?
  2. «Comment se fait-il qu’il y ait régulièrement des fautes d’orthographe ou syntaxiques dans les documents remis aux parents par les profs et la direction des écoles ?»
  3. «vous (les enseignants) faites quoi au juste les profs pendant vos 18 journées pédagogiques ?»

Réponse 1: les enseignants ou les responsables des activités parascolaires ne sont pas toujours connus au mois de juin. Quand on sait que des postes viennent à peine d'être comblés dans certaines écoles, on peut avoir une bonne idée de la situation. Dans certains cas également, ces activités sont organisées par des étudiants de niveau cégep ou universitaire. Il est impossible de déterminer quand elles auront lieu avant que ces responsables aient leur propre horaire de cours. Un simple coup de téléphone auprès d'une direction d'école aurait suffi à répondre à cette question au lieu de créer un faux débat.

Réponse 2: la connaissance du français souffre de nombreuses lacunes dans le monde de l'éducation. Ce n'est un secret pour personne, il me semble. De nombreux articles de journaux ont été écrits à ce sujet. Il suffit d'une petite recherche pour voir que ce phénomène est bien documenté. Lorsque Mme Lortie se demande «Comment puis-je faire confiance à une école où on ne sait pas écrire correctement ?», je la trouve ou terriblement naïve ou démagogue. De plus, je lui rappellerai que l'ancien ministre de l'Éducation lui-même ne prêchait pas par l'exemple. Même si cela ne peut constituer une excuse valable, le mal que dénonce Mme Lortie est fortement ancré dans notre société, dont l'école est malheureusement un pâle reflet.

Réponse 3: au départ, ces journées étaient véritablement réservées à la pédagogie. Aujourd'hui, elles sont des fourre-tout, selon le loisir et la volonté des directions d'école. Dans certains cas, les enseignants se réunissent et parlent pédagogie; dans d'autres, ils suivent des formations. Mais ils peuvent tout aussi bien nettoyer leur local de classe malpropre, faire l'inventaire des dictionnaires à la demande d'un adjoint administratif, être partis en voyage avec des élèves ou que sais-je encore!

Ce qui est choquant dans le cas des textes de Mme Lortie, c'est cette propension tout d'abord à blâmer les enseignants pour un pseudo phénomène dont ils ne peuvent de toute façon être, s'il existait, responsables. Ensuite, c'est de questionner leurs connaissances linguistiques alors qu'elle commet elle-même quelques écarts à la grammaire et qu'il s'agit d'un phénomène qu'on retrouve dans l'ensemble de notre société. Enfin, c'est de s'interroger - avec une certaine malice, selon moi - sur la nature même de leur travail, oeuvrant ainsi la porte à des commentaires édifiants du genre: ««Au public (où j’ai aussi enseigné l’an passé), les journées pédagogiques… étaient des journées à ne rien faire de bon, sauf s’il y avait des réunions ou assemblé.»»

Mais, par-dessus tout, c'est dans la fausse façon qu'elle a de bloguer que Mme Lortie m'horripile. Bloguer est un processus d'échange. Dans le cas qui nous concerne, elle publie deux textes discutables, pose des questions auxquelles certains intervenants répondent, mais ne se livre à aucune rétroaction. Lit-elle seulement les commentaires des gens qui participent à ce faux blogue? On peut raisonnablement se le demander.

Madame Elgrably et son analyse du bulletin chiffré

Ce n'est pas la première fois que cette chroniqueure du JdeM s'intéresse au domaine de l'éducation. Dans un billet précédent, je commentais un de ses textes où elle suggérait de rémunérer les enseignants en fonction du succès de leurs élèves. Rien de moins!

Cette fois-ci, madame Elgrably donne son opinion éclairée sur le récent avis du Conseil supérieur de l'éducation (CSE) sur le bulletin chiffré.

Tout d'abord, elle ne peut résister à tourner en ridicule l'avis du CSE (que personne n'a lu au complet, en passant). À l'argument que les notes instaurent un système malsain de comparaison, Mme Elgrably propose, à la boutade, on le devine, de «cesser de compter les points lors des rencontres sportives, des tournois d’échecs et des parties de Scrabble», d'«abolir les niveaux afin que les élèves de 1ière année ne se sentent pas «petits» par rapport à leurs camarades de 6ième» et de «légiférer sur le contenu des boites à lunch» afin d'«éviter que certains enfants ne jalousent le sandwich de leurs camarades.»
Mais là où Mme Elgrably manifeste toute sa méconnaissance de l'éducation, c'est lorsqu'elle écrit: «Les élèves ont besoin d’une bonne raison pour éteindre la télé et passer des heures à étudier.» Les notes constituent, selon elle, cette indispensable incitation.

Croire que des notes dans un bulletin sont un incitatif scolaire suffisant pour un élève, c'est s'imaginer que la majorité des travailleurs donne le meilleur d'eux-mêmes à cause du chèque de paie qu'ils reçoivent. Les résultats scolaires chiffrés ne sont pas négligeables, selon moi, c'est vrai, mais il existe d'autres facteurs tout aussi importants pour motiver un jeune: la présence des parents, la relation maître-élève, le soutien pédagogique, etc.

Certains passages du texte de Mme Elgrably sont très révélateurs de sa pensée de droite. Prenons celui-ci, par exemple: «En s’opposant aux notes, le CSE tente de créer une école aseptisée qui s’inspire d’une vision égalitariste. C’est le communisme appliqué à l’éducation!» On croirait entendre rien de moins que Camil Samson ou même Maurice Duplessis!

Mais c'est surtout le terme que cette universitaire de haut niveau utilise pour désigner les élèves en échec qui nous révèle complètement l'ampleur de son mépris et de ses préjugés: des «cancres», ce qui, d'après Le Petit Robert, signifie un «écolier paresseux et nul».

Mme Elgrably emploie d'ailleurs ce mot à trois reprises dans son texte:
  • «Dit autrement, ils veulent éliminer les notes de peur de traumatiser les cancres
  • «C’est gentil de vouloir préserver les sentiments des cancres, mais qu’advient-il de ceux des bons élèves?»
  • «Au lieu de cela, on s’évertue à entretenir une «médiocratie» par complaisance pour les cancres
Quelqu'un pourrait-il lui faire visiter une classe, lui parler des élèves multipoqués, des enfants abusés par leurs parents, des jeunes désillusionnés défoncés aux drogues dures? Que de compassion de sa part pour les malchanceux de notre système économique libéral si juste et si généreux, créateur de richesse collective et individuelle...

Tout comme Mme Elgrably, je ne suis pas d'accord avec l'avis du CSE. Mais avec des arguments aussi peu nuancés que les siens, je préfère définitivement ne pas l'avoir à mes côtés.

30 août 2007

La fatigue de la rentrée

Bon, voilà. Après trois jours, je peux enfin parler de ma rentrée. Mais avant tout, un mot pour souhaiter que la vôtre s'est bien déroulée, si vous êtes enseignant ou élève, et pour déplorer la gestion de l'attribution des tâches des enseignants suppléants ou des postestemporaires.

C'est incroyable qu'en 2007, on offre des postes à la dernière minute à des enseignants qui sont à peine formés dans certaines matières. Cela en dit gros sur le sérieux sur nos commissions scolaires.

Mes groupes

Tout d'abord, j'ai trois groupes attachants. Ils sont gentils, ils sont polis et, pour l'instant, ils sont assez tranquilles. J'ai aussi l'avantage d'être connu dans mon école et ma réputation sordide est établie. Dans certains cas, j'ai même enseigné à toute la petite famille, sauf les parents. Du moins pour l'instant...

Deux de mes trois groupes font partie de ce que j'appelle l'aparthied scolaire: ils sont constitués d'élèves sélectionnés et performants. En plus, le nombre d'élèves par classe est moins élevé dans ces deux groupes. Moralité: n'inscrivez jamais vos enfants au secteur régulier.

N'empêche que les élèves de mon groupe régulier sont importants à mon coeur de professeur et que je les estime autant, sinon plus quand je sais qu'il s'agit d'élèves batailleurs et persévérants. Déjà, j'en ai deux qui viendront me voir en récupération demain! J'ai toujours cru que tout la première étape était un moment important de l'année. Certains l'ont bien compris.

Mon local

Ensuite, je profite du fait de n'avoir qu'un seul local de classe. Qui plus est, mon local d'enseignement est situé à deux pas du local des enseignants. Pas de course, pas de stress. L'année s'annonce belle sur ce point.

Pour l'instant, j'ai installé une plante afin de faire un test. On va voir si elle va survivre à l'ouragan Prof qui ne contrôle pas ses groupes.

Dépendre des autres

Reste qu'il faut composer avec le sévice de la désorganisation scolaire. Je ne pense pas que certains veulent mal faire, mais ils manquent de ressources ou de rigueur. C'est fou d'ailleurs à quel point un enseignant est dépendant du personnel non enseignant.

Un exemple: il n'y a plus de cartouche d'encre dans l'imprimante du département. Il faudra attendre trois jours avant d'en obtenir une nouvelle parce qu'il n'y en a pas en stock à l'école. La situation sera corrigée, mais trois jours de rentrée sans imprimer, c'est long...

Un autre exemple: les rétroprojecteurs. Ceux-ci n'ont pas été nettoyés et inspectés durant l'été et il n'y a pas d'employé d'embaucher pour s'en occuper. Résultat: les enseignants les plus rapides ont réussi à s'en procurer un pour leur classe et se sont transfomés en appariteur.

Un autre exemple encore: il manque de pupitres dans ma classe et mes élèves n'ont pas reçu leurs manuels lors de la rentrée comme je l'avais demandé. Qui s'est farci le boulot, vous pensez?
Un dernier exemple enfin: le nombre de locaux ou l'on enseigne le français dans mon école est plus élevé cette année pour des raisons de conception de la répartition des locaux. Il faut donc davantage de dictionnaires. Mais oubliez l'idée d'en acheter: les enseignants de mon département devront donc faire un inventaire des ouvrages existants et les redistribuer. Pour l'instant, certains groupes n'ont pas accès à un seul ouvrage de référence.

La grosse fatigue

Peut-être est-ce moi, mais la rentrée coïncide toujours avec une grosse période de fatigue. Il faut s'adapter à ce changement et cela demande peut-être plus d'énergie que je le soupçonnais. La fin de semaine de trois jours sera bienvenue.

La dictée

Les élèves ont joué le jeu. Je regarde les résultats et je vous en reparle bientôt. Des surprises en perspective, croyez-moi!

J'aborderai aussi ma théorie de la courbe de l'effort en cinquième secondaire et les résultats à un questionnaire impertinent.

Vous ne perdez rien pour attendre! mais, pour l'instant, un peu de repos.

28 août 2007

Un blogue de prof de plus!

Un petit mot pour vous indiquer que j'ai ajouté un blogue de prof de plus à mes sites potagers intéressants. Il s'agit de celui de Lia. Comme ça, pour votre information. Je tenterai de toujours faire de même dorénavant.

27 août 2007

Une courte dictée de rentrée

Demain, je cherche les problèmes. Et j'enseigne comme si c'était ma dernière année à l'école. Voici donc le texte de la dictée de rentrée que je réserve à mes nouveaux élèves. C'est pas réforme, je le sais.

Courte dictée symptomatique

Le français est ce qui nous a permis de nous affirmer comme peuple en Amérique du Nord. En tant que Québécois, nous sommes fiers de parler cette langue qui a évolué au fil du temps et qui est admirée par tous comme étant celle de la diplomatie. Les subtilités qu’elle a conservées sont nécessaires à l’élaboration d’une pensée claire et précise. Aussi, comme terre d’accueil de nombreux immigrants, nous nous devons de leur montrer combien elle nous est précieuse et importante en la parlant bien, en la parlant mieux.

Je vous en recause demain. Mais vous pouvez commenter et m'assassiner verbalement...
Au fait, j'ai une chanson thématique pour ma rentrée. Born to be wild de Steppenwolf, ça vous dit quelque chose?

Lectures potagères

La Gloire de mon père: (Marcel Pagnol): comment présenter ce premier roman de Pagnol écrit alors qu'il avait 73 ans? À travers cette biographie rappelant des souvenirs de jeunesse, on rit, on s'amuse et on pleure. J'avais vu les deux magnifiques films tirés de cette oeuvre; le livre les surpasse aisément. Certains passages sur le métier d'enseignant devraient être obligatoirement lus lors d'études en éducation. (impossible de coter un tel chef d'oeuvre!)

À mort l'innocent! (Athur Tenor): dans un petit village français, un jeune élève est retrouvé assassiné. Immédiatement, les regards se tournent vers le nouvel instituteur qui a les défauts d'être nouveau dans le patelin et homosexuel. Récit court , sans morale ou prêchi-prêcha. Pourrait aisément avoir une valeur pédagogique ou éducative. (8,0 sur 10)

Le pays dans le pays (Francine Chicoine et Serge Jauvin): un beau livre de photos, comme je les appelle, et qui porte sur la Côte Nord, la Minganie et la Gaspésie. On aime ou on n'aime pas, ne serait-ce qu'à cause du sujet principal. Moi, j’ai adorrrrrré! (8,5 sur 10)

La septième femme (Frédérique Molay): un inspecteur de police se retrouve confronté devant un meurtrier en série qui promet de le briser et qui s'en prend à son entourage. Ce roman n'a pas mérité le prix du quai des Orfèvres pour rien, Rythme soutenu, rebondissments fréquents. Pas de la grande littérature, mais un bon moment de détente. (8,5 sur 10)

Tijuna mon amour (James Ellroy): le rédacteur en chef d'un magazine à scandales tente de prouver que Frank Sinatra a versé des pots-de-vin afin de promouvoir illégalement le disque d'une lascive chanteuse dont il serait épris. Lire Ellroy, c'est simplement croire qu'il est possible d'écrire un roman sous l'influence de la drogue. Deux mots pour décrire ce roman: totalement disjoncté. (8,0 sur 10).

Condor.net (James Grady): un informaticien de la CIA est mêlé à un complot dont il comprendra les enjeux machiavéliques au fur et à mesure de sa survie. Ce court roman est une curiosité puisqu'il reprend à la sauce 2007 ce qui fut l'éclatant succès Les trois jours du condor. À lire en comparant avec l'oeuvre originale. (7,5 sur 10)

Les démons des temps immobiles (Dan Chartier): Le commissaire Marac est de retour dans une aventure ou se mêlent nazisme, rouleaux de la Mer morte et mystérieux crânes de cristal. Récit intéressant et même instructif dans certaines disgressions. Seule la finale donne un goût amer à ce roman qui met en scène un personnage bien défini et que je tenterai de retrouver dans d'autres oeuvres. (7,5 sur 10)

L'affaire Tissot (Raymond Ouimet): sans être historien, l'auteur se penche sur un épisode peu glorieux de l'histoire du Québec ou le nazisme trouvait un écho favorable auprès d'une certaine frange de la population. Ouvrage nécessaire pour ne pas oublier l'innommable. (pas de cote)

L'exilé (Allan Folsom): un inspecteur de la police de Los Angeles est confronté à un tueur sans remord dans une saga internationale qui le mènera à Londres et à Moscou avec pour fond d'intrigue une lutte monarchique. La première partie du roman est enlevante et captivante, mais la seconde s'essoufle et sombre dans quelques invraisemblances qui gâchent ce qui aurait pu être un excellent roman policier. (7,5 sur 10)

Dernières nouvelles des oiseaux (Érik Orsenna): un groupe d'élèves français prisonniers d'une île déserte mettent en commun leurs qualités personnelles pour se tirer de ce mauvais pas. Les amateurs de renouveau pédagogique seront comblés. On dirait un livre écrit sur mesure pour la pédagogie par projet et rempli de bons sentiments rose bonbon. J'ai aimé les oeuvres précédentes d'Orsenna, mais là... (J'aime mieux pas mettre de cote)

24 août 2007

Sylvie

Depuis quelques jours, sur la blogosphère, on parle beaucoup d'évaluation (ici, ici, ici et ici). Les avis sont partagés. Comme d'habitude. Évaluation formative versus évaluation sommative, compétences versus connaissances, moyennent qui poussent au décrochage, réussite des élèves: beaucoup d'aspects intéressants sont abordés. Au-delà de ce débat pédagogique, permettez-moi cette anecdote très personnelle.
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Quand Sylvie est entrée dans ma classe l'année dernière, cela ne m'a pas pris un cours universitaire pour comprendre de quel genre d'élève il s'agissait. Durant toute cette première période ensemble, assise au fond de la classe, elle dessinait dans son agenda en regardant l'horloge égrainer trop lentement les minutes. L'éternité douloureuse avait un visage: le sien.

J'ai alors fait ce que je fais toujours dans ce cas: je suis allé vers ses anciens profs. Comme de bons délateurs, ils m'ont tout appris. Sylvie a doublé sa quatrième secondaire, a suivi des cours d'été, a été recalée de nouveau et, par un miracle du Saint-Esprit et quelques modifications comptables, s'est retrouvée dans ma classe. Horreur! la voilà stigmatisée à mes yeux, pensez-vous.

Après cette discussion avec mes collègues, aucun doute n'est possible: Sylvie n'a aucune estime de soi en français et haït profondément cette matière. Parce qu'elle est constamment en situation d'échec, elle a cessé d'étudier depuis longtemps et le mot «effort» ne s'accorde plus avec le français. Je la comprendrais à moins.

Le portrait est donc clair et les chances de réussite de cette élève minces. Que me reste-t-il à faire? La seule et unique chose, je crois, que je fais toujours dans ces cas-là: apprendre à la connaître, à connaître ses forces et ses faiblesses, ses peurs et ses joies.

En dehors du cours, Sylvie est une élève attachante et appréciée, toujours souriante. Le sourire, elle le perd en entrant dans ma classe chaque jour depuis la rentrée et cela me tue. Aussi bien débuter par là: lui faire retrouver le sourire.

Au fil du temps, je m'intéresse plus à elle et celle-ci réalise que le prof de français est un être humain, pas seulement le même individu anonyme qui la coule année après année. Et puis, Sylvie a une passion: le basket. Alors, on parle basket, à son grand étonnement. Un prof de français qui lit de la poésie et la section des sports!

Je triche un peu, me renseigne sur le sujet et la voilà qui me parle de ses compétitions scolaires. Elle rayonne. Elle me décrit ses matchs, ses paniers, les tournois à venir, m'apprend quelques trucs qu'elle pratique le soir chez elle.

Lentement, mes explications, quand je m'adresse à elle, changent. Elle reconnaît des concepts, des notions qu'elle maîtrise déjà. On ne parle plus de stratégie de rédaction mais de plan de match, de jeu défensif, de visualisation.

N'allez pas croire que Sylvie est subitement devenue une première de classe. En tablant sur ses forces, ses qualités humaines, ses projets, ses rêves, elle est simplement devenue autre chose qu'une dernière de classe à ses yeux.
A-t-elle réussi son année? Peut-être. Je le lui souhaite, même si je sais qu'elle ne saura jamais lire et écrire convenablement. Chose certaine, elle s'est battue, comme elle se bat durant chaque match de basket. Et comme son équipe gagne souvent...

Une chose est certaine cependant: Sylvie avait retrouvé le sourire. Elle acceptait mieux ses limites, réalisait qu'il y avait d'autres façons pour elle de se regarder.

Le bulletin est une chose. À un moment donné, il doit devenir un instrument de mesure quant à des attentes précise et un instrument de tri scolaire. Sauf que le bulletin n'est pas tout dans la vie d'un jeune. Oui, il faut le pousser à donner le meilleur de lui-même sans toutefois oublier qu'il s'agit d'un être qui mérite souvent notre estime et notre humanité. Et il n'y a aucun programme de formation qui peut prescrire une relation maître-élève de qualité.

Ah! la botte de la police

Ce que tout le Québec savait, la Sûreté du Québec a pris trois jours à l'admettre. Oui, les trois manifestants étranges de Montebello étaient des agents chargés d'infiltrer les rangs des manifestants. Avec des roches et des appels à la violence s'il vous plait.

«Ces (agents) avaient le mandat de repérer et d'identifier les manifestants non pacifiques pour ainsi éviter les débordements. (...) En aucun temps, les policiers de la Sûreté du Québec ont agi comme agents provocateurs ou commis des actes criminels. De plus, ce n'est pas dans les politiques du service de police ni dans ses stratégies d'agir de cette manière», affirme cependant un communiqué de la SQ. D'aillleurs ni la SQ ni le ministre de la Sécurité publique ne feront plus de commentaire sur l'incident. En politique, on appelle cela vouloir étouffer une affaire.

Il faut savoir qu'inciter quelqu'un à commettre un crime est une infraction criminelle en soi. Mais combien on gage que ces policiers masqués (...) ne seront pas poursuivis?

Infiltrer des groupes politiques, manipuler des manifestants afin de les discréditer aux yeux de l'opinion publique: on se croirait revenu aux bonnes vieilles années 70. Il faudra bien que je vous raconte un jour mes études collégiales avec mes amis de la GRC.

En passant, vous savez comment on a pu déterminer formellement que ces agents infiltrateurs étaient des policiers? Ils portaient tous les trois la même marque de bottes que leurs confrères dûment identifiés. Question de santé et sécurité au travail, j'imagine! On ne rit pas avec certains règlements à la SQ. Dommage que la démocratie pèse moins lourd que les petits pieds de nos policiers qui ont le don de se mettre les pieds dans la...

23 août 2007

Mon beau local...

Bon, la rentrée dans mon école secondaire est finie. Finito. Réglée. Terminée. Final bâton! Il ne reste plus que deux jours pour se réunir afin de changer le monde à nouveau, envoyer le matériel à l'imprimerie, rebrancher les ordinateurs que les concierges ont déplacé, attendre qu'on nous remette nos clés et quoi d'autre encore!

Après le blablabla poétique de la direction (C'est fou comment les dirigeants scolaires se sentent obligés d'être Prévert cette journée-là!), après les résumés des voyages des collègues plus outremontais de Joliette les uns que les autres (ah! la Provence: tu ne sais pas ce que tu manques, mon cher...), après les becs de matante mouillés et fouèreux (et je ne parlerai pas de la moustache de Nicole qui vous chatouille le visage), après l'hypocrisie savamment distillée à propos de ceux qu'on aurait souhaité ne pas revoir mais qui sont toujours là, vous rappelant que même vos pires cauchemars peuvent être une réalité, après surtout la joie de retrouver certains collègues qu'on estime et dont on s'est ennuyé, après tous ces moments de réjouissance précoce et naïf vient le moment tant attendu de LA REMISE DE L'HORAIRE DE TRAVAIL!

Cette mince feuille de papier est si déterminante pour la prochaine année scolaire. C'est bien simple: nous avons tous applaudi comme des corniauds quand notre directeur nous a annoncé que nous les aurions avant la fin de la réunion du matin. Plus soumis que ça, tu meurs, Quant à moi, comme les Québécois sont les seuls passagers au monde à applaudir quand le pilote pose l'avion sur la piste, je ne me surprend plus de rien.

Revenons donc à l'horaire de travail. Ce document indique les groupes à qui l'on enseignera. Dans mon cas, trois groupes, trois niveaux, trois préparations. Non, non, ne pleurez pas sur mon sort, Argentine: j'ai choisi cette tâche. Un peu de variété ne m'a jamais fait de tort. Généralement, ça m'évite de m'endormir dans mes propres cours. Pauvre stagiaire qui reprendra ma tâche cet hiver... Et puis, j'aurais la possibilité d'enseigner à un même groupe pendant deux ans. Les pauvres élèves... On aura le temps d'approfondir la matière, façon polie de dire que, la deuxième année, ils ne pourront pas me servir la célèbre excuse «Ben, on n'a jamais vu ça, monsieur!»

Ensuite, autre avantage de ce document, on peut rager contre le Sévice de la désorganisation scolaire qui nous a conçu un horaire grâce auquel diner deviendra un défi impossible si on aime faire de la récupération avec les élèves en difficulté.

Enfin, on découvre dans quel local, euh! dans quels locaux on enseignera cette année. Je suis chanceux: un seul local! Par contre, et c'est la norme, j'ai des collègues qui en auront deux. Je les imagine déjà se promenant avec un petit chariot d'une classe à l'autre dans les corridors encombrés de mon école en s'assurant que les piles de matériel qu'ils tentent de transporter ne finiront pas sur le plancher. Misère! Dans mon jargon, je les appelle les Juifs errants. Des apatrides n'ayant ni chez soi ni repos, toujours à courir après le temps qui rétrécit entre chaque période. Parfois, leur course entre chaque local est rien de moins qu'un exploit olympique, les stéroïdes en moins!

Ravi, satisfait, repus de mon horaire de travail, je pénètre d'un pas royal dans MON local. Fanfare et majorettes saluent cette entrée remarquable jusqu'à ce que... que...

que...

que...

oui, que...

... mon regard se voile et je me sente pris de vertige. Une musique infernale remplit mes oreilles. Je la reconnais malgré le trouble qui m'envahit. C'est Une nuit sur le mont Chauve de Rimsky-Korsakov (la version du New York Philarmonic est à conseiller).

Devant moi, une vision me coupe le souffle et anéantit tous mes espoirs débridés de décoration: Prof incapable de tenir sa classe! Je partagerai ce local avec Prof incapable de tenir sa classe!

Adieu veau, vache, cochon, plantes vertes, affiches et décoration personnalisée! Adieu dictionnaires rangés correctement dans l'armoire. Avec Prof incapable de tenir sa classe, n'importe quel local finit par ressembler à Beyrouth sous les bombes, n'importe quelle armoire à dictionnaires au cimetière du livre décomposé, n'importe quelle plante à une poubelle pour stylo impotent.

Voilà! La rentrée est finie. J'ai laissé mes plantes vertes dans l'auto. Elles retrouveront une place à la maison. Mes affiches traîneront quelques jours sur la banquette arrière. Soyons patient. Cessons d'anticiper la catastrophe. Prof incapable de tenir sa classe pourrait être capable de dépasser mes pires craintes. Elle a un magnifique potentiel destructeur par élèves interposés. Une Katrina scolaire, rien de moins!

On verra comment ma colocataire saura peut-être cette année enfin empêcher ses élèves de transformer les bureaux en oeuvres d'art post punk préhistorique avec des commentaires décrivant ses qualités d'enseignante (Va chiez grosse conne, au fait, est-ce une remarque positive?).

Pour l'instant, je vais de ce pas à l'oratoire Saint-Joseph. Peut-être que si je monte toutes les marches à genoux sous la pluie, le frère André aura pitié de moi, pauvre pécheur.

21 août 2007

Bulletin: un avis prévisible

AVIS: VOUS ÊTES PRO-RÉFORME OU VOUS DÉTESTEZ QUAND LE PROFESSEUR MASQUÉ FAIT UNE MONTÉE DE LAIT? ALORS, NE LISEZ PAS CET BILLET.

Certains médias et même certains blogueurs semblaient surpris par cette nouvelle: dans un avis qu'il vient de déposer à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) désapprouve l'idée d'imposer la notation en pourcentage et la moyenne de groupe dans un bulletin uniforme (ici, ici et ici). Pourtant, il faut se rappeler que le CSE a toujours défendu le renouveau pédagogique. Il est donc tout à fait cohérent avec ses positions antérieures. C'est un peu comme si on se surprenait de voir une tribunal ecclésiastique condamner le mariage entre conjoints de même sexe! On appelle cela une non-nouvelle.

Ce qui m'exaspère plutôt dans cette nouvelle, ce sont les arguments du CSE.

Les fameux pourcentages

Tout d'abord, concernant les notes en pourcentage, le CSE croit que ce mode de transmission des résultats «n'apportera pas d'information permettant aux parents de mieux comprendre la progression de leur enfant.» Pour la présidente de cet organisme consultatif, Nicole Boutin, il s'agit d'une «simple conversion de cote en pourcentage.» Alors, pourquoi tout ce débat entourant cette question, je me le demande? De plus, ironiquement, je me dis qu'il évident que recevoir un A à l'énoncé du type «L'élève construit sa conscience citoyenne à l'échelle planétaire» était plus clair.

Ensuite, toujours concernant les pourcentages, le CSE se demande si les enseignants auront suffisamment le temps de s'ajuster à ce changement. Grands dieux! Le CSE qui se préoccupe des enseignants et qui craint l'improvisation pédagogique! Depuis les débuts, cette réforme suscite les critiques de bien des enseignants qui lui reprochent, entre autres, son implantation à la petite semaine. De grâce, trouvez d'autres arguments plus sincères...

La moyenne de groupe

En ce qui concerne le retour de la moyenne de groupe, le CSE, se basant sur plusieurs recherches, estime qu'il ne s'agit pas d'une bonne façon de soutenir les apprentissages de l'élève: «L'inscription de la moyenne du groupe pourrait avoir un impact négatif sur la perception de la compétence et l'estime de soi d'une bonne proportion d'élèves et sur le rapport qu'eux et leurs parents vont établir avec l'école.»

Dans un premier temps, je vous avoue que j'aimerais bien lire ces fameuses recherches. Ah! les recherches, les études et les rapports d'experts! Que tout cela donne du sérieux à une argumentation, toute boiteuse qu'elle soit!

Cet éternel argument de l'estime de soi et du caractère nuisible des comparaisons me rend toujours aussi perplexe. Certains vont même jusqu'à affirmer que le dopage et la tricherie sont les conséquences inévitables de cette culture de la performance. Pourtant, qu'y a-t-il de mal à comparer quand cela est fait sainement? D'ailleurs, les enfants d'une même classe comparent toujours leurs résultats, même avec la réforme. Pour les parents, il s'agit encore d'un repère plus parlant pour savoir ou en est rendu son enfant. Je ne dis pas que cette indication soit parfaite. Par contre, elle permet de situer son enfant par rapport à une certaine norme moins abstraite que le développement de son propre potentiel.

Enfin, de là à affirmer que les moyennes de groupe poussent les élèves au décrochage, je suis désolé de l'écrire, mais cet argument démontre surtout à quel point ces derniers sont mal accompagnés. On doit indiquer à l'enfant ses faiblesses et ses forces, on doit l'amener à mieux se connaître et grandir. L'estime de soi, c'est davantage que des indications dans un bulletin. C'est un entourage familial présent et réconfortant malgré la tourmente. Ce sont des enseignants qui, sans être complaisants, sont capables de stimuler l'enfant et l'amener à comprendre ou à dépasser ses limites.

À respecter cette logique, pour contrer le décrochage, à la boutade, décernons des A à tous les élèves et le problème sera réglé. Pourtant, mon instinct me dit que...

Pour le CSE enfin, l'école devrait davantage favoriser divers moyens pour informer les parents, dont les rencontres avec les enseignants, le portfolio ou l'inscription de messages dans l'agenda. Quelqu'un pourrait-il rappeler au CSE que certains enseignants voient plus de 250 élèves différents par semaine?

La ministre a déjà tranché

La ministre de l’Éducation, pour sa part, a indiqué qu'elle maintiendrait le retour des pourcentages et des moyennes de groupe. Selon elle, il s'agit d'un élément motivateur: «Vivre en société, c’est vivre forcément avec des comparaisons. Si la moyenne est abordée positivement et accompagnée de mesure de soutien, ça peut aider les enfants et leur donner le goût de la réussite. »

De plus, Mme Courchesne croit qu'on a «oublié les parents dans cette réforme et 10 ans plus tard, ils nous demandent de revenir à un système qui leur parle à eux.» J'espère seulement qu'elle réalisera bientôt que bien des enseignants, eux aussi, se sont sentis mis sur la touche.

Les accommodements raisonnables à l'école - la suite

Ce matin, dans Le Devoir, on apprend que la communauté mennonite songe à quitter le Québec afin de préserver ses enfants, entre autres, de l'enseignement de la théorie de l'évolution.

«On peut penser ce qu'on veut de la théorie darwinienne... mais pourquoi faut-il absolument heurter les sentiments des mennonites qui trouvent cela vraiment contraire à leur vision du monde», explique, M. Andries, un membre de cette croyance religieuse..

Mais il n'y a pas que Darwin que fuient ces adeptes religieux. À la suite d'une visite d'inspecteurs du MELS, leur école s'est vu signifier d'appliquer les programmes déterminés par le ministère et de s'assurer de la formation des enseignants qu'on y retrouve, sinon elle devra fermer ses portes.

Au-delà de la théorie de la sélection naturelle des espèces, M. Andries déplore qu'en lecture, par exemple, le MELS «va imposer des histoires, des personnages, qui mettent de en avant des modes de vie, des rôles, jugés négatifs par les mennonites», notamment «l'homosexualité».

Les habitants de Roxton Falls ont adressé une lettre au premier ministre du Québec, Jean Charest, afin qu'il trouve un moyen pour que l'école mennonite poursuive ses activités et qu'il suspende toutes procédures judiciaires en cours. «Ils se sont intégrés à notre milieu très facilement. Ce sont des gens impliqués, travaillant, des propriétaires de ferme ou de commerces dans la région, indique l'accommodant maire de cette municipalité, Jean-Marie Laplante. Notre école est prête à les recevoir, mais ce sont les mennonites qui ne veulent pas. Il y a certains éléments du programme qui ne cadrent pas du tout avec leur foi.» Combien on parie que M. Laplante n'est pas homosexuel? De plus, les mennonites ont le bonheur de ne pas porter de hijab ou de burka. Deux poids, deux mesures...

Dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis, les jeunes mennonites peuvent suivre leur propre programme d'enseignement à l'école pour ensuite passer un examen normalisé. Au Québec, la Loi sur l'instruction publique tient à s'assurer que l'éducation de chaque jeune, peu importe ses origines et ses croyances, réponde à des critères propres à la société québécoise. L'école et l'argent des contribuable doivent servir à la formation de jeunes qui respectent les droits de la personne, par exemple.
Malgré tout, il existe des dérives connues et documentées. Qu'on pense à certaines écoles musulmanes, juives ou même à l'Institut Laflèche. Et on ne parle pas de ces nombreux jeunes dont le MELS a carrément perdu la trace et qui ne suivent pas une formation reconnue...

20 août 2007

Hypocrisie bien américaine

Avez-vous suivi la saga du rappel des jouets Mattel fabriqués en Chine? Motif: ces quelque 18,6 millions de jouets peuvent être dangereux pour la santé des enfants. Ainsi, certains ont des aimants qui se détachent. D'autres ont été rappelés, car la peinture qui les recouvre contient un niveau de plomb supérieur à la limite permise.

Aux États-Unis, on frise l'hystérie collective. En Chine, on prend la mesure américaine au sérieux. Jusqu'au propriétaire de l'usine montrée du doigt, Zhang Shuong, qui s'est pendu dans un des entrepôts!

En fait, davantage que la santé de leurs enfants, les Américains découvrent que la Chine menace de plus en plus leur économie et il ne faudrait se surprendre si d'autres rappels de la sorte surviennent bientôt, constituant de la sorte des mesures indirecte de protection économique.

Parce que, côté santé, si nos hypocrites voisins du Sud tenaient vraiment à protéger leurs enfants, ils auraient cessé depuis longtemps de les empoisonner avec leur alimentation suicidaire. Mais que voulez-vous: il n'y a rien qui bat McDonald!

Gros bébé boudeur!

Nos députés sont élus pour nous représenter et nous servir. Voilà: vous pouvez rire un bon coup.

La réaction de Diane Lemieux à sa rétrogadation (ici et ici) comme simple députée de Bourget vient simplement renforcer le cynisme de ceux qui croient que nos élus pensent plus à eux qu'à leurs commettants. Oui, le geste de Mme Marois peut s'apparenter à un réglement de compte, mais l'ex-leader parlementaire du Parti québécois, animée par une frustration bien personnelle, doit-elle pour autant en faire payer le prix aux contribuables et à ses électeurs en quittant l'Assemblée nationale du Québec de la sorte?
Jean-Pierre Charbonneau, ex-ministre péquiste, en entrevue à Radio-Canada, explique un peu le personnage Lemieux:« Non seulement elle en menait large comme leader parlementaire, mais elle a souvent imposé ses vues, elle a souvent frustré ou heurté de front plusieurs députés dans différents dossiers. Parfois, elle intervenait dans des dossiers qui n'étaient pas le sien.»

Quand un député démissionne pour une raison semblable à Mme Lemieux, il devrait peut-être encourir une pénalité: coupure partielle de sa généreuse pension de l'Assemblée nationale, partage des coûts reliés à l'élection complémentaire. Je ne sais pas. Un tel comportement n'est pas professionnel.

Chose certaine, dans une classe bien ordinaire, on n'aurait pas hésité à traiter Mme Lemieux de «gros bébé boudeur».

18 août 2007

L'école discriminatoire envers les garçons?

Compte rendu d'un ouvrage intéressant intitulé Les Garçons et l'École, ce matin dans le quotidien Le Devoir. En fait, je dis «intéressant», mais je demeure quand même prudent parce que, pour des raisons personnelles, je sais que Louis Cornellier a la fâcheuse tendance à interpréter plus qu'à lire les essais sur lesquels il se penche.

À la question à savoir si l'école est discriminatoire envers les garçons, Jean-Claude Saint-Amand, l'auteur de cet essai, répond que non. Il va ainsi à l'encontre de bien d'autres chercheurs et de bien des idées reçues.

Son point de vue s'appuierait sur les points suivants:

  • les difficultés académiques des garçons n'auraient trait qu'à la langue d'enseignement. Ce retard n'est pas propre qu'aux jeunes québécois et se manifeste surtout chez les élèves de milieux populaires;
  • les jeunes filles québécoises ne font pas seulement mieux que leurs homologues masculins, mais aussi mieux que ceux du reste du Canada et des pays de l'OCDE. Donc, ce sont pas tant les garçons au Québec qui connaissent des difficultés scolaires que les filles qui connaissent du succès.
Pour expliquer l'écart entre les garçons et les filles, Saint-Amand croit que «certaines conceptions de l'identité masculine amènent des garçons, le plus souvent ceux qui sont issus de milieux socio-économiques faibles, à se distancier de l'école et de ses exigences».

Selon ce dernier, l'école est davantage perçue négativement par les jeunes québécois qui la voient comme une contrainte et qui refusent certains efforts. La persistance de stéréotypes dévalorise même la réussite scolaire des garçons. Mais comme le précise le chercheur, il convient d'«éviter la généralisation à tous les garçons de phénomènes qui ne concernent qu'une partie d'entre eux».

Toujours d'après lui, il faut mettre en place des mesures de réussite scolaire qui s'adressent tant aux garçons qu'aux filles et accorder la priorité à «des actions prioritaires en milieu socio-économique faible». Ainsi, des solutions comme la non-mixité serait carrément nocive puisqu'elle entraînerait une diminution des attentes envers les garçons et renforcerait les stéréotypes masculins.

On devrait favoriser davantage la réussite des garçons en s'attaquant aux stéréotypes sexuels parce que, plus un jeune garçon adhère à ceux-ci, moins ses résultats sont bons.

Enfin, une autre solution serait de diversifier davantage les pratiques de lecture à l’école et de s'assurer qu'elles soient substantielles: «L'effet positif des pratiques de lecture fréquente et prolongée est donc bien étayé. Il serait même apte à compenser certains effets négatifs liés au statut socio-économique.»

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J'ai remarqué qu'on a souvent reproché à l'école d'être sexiste: on n'y retrouve pas de modèle masculin, les livres obligatoires n'abordent pas des thématiques propres aux garçons, il n'y a pas assez de cours ou les jeunes mâles en rut peuvent tenter d'épuiser leurs poussées de testostérone, etc. (J'ai même déjà entendu quelqu'un expliquer que les filles réussissaient davantage parce qu'il est dans leur culture d'être soumises et de travailler davantage, mais c'est un autre débat...) Les reproches sont d'ailleurs devenus tellement fréquents que bien des enseignants ont fini par se sentir coupables du décrochage de certains garçons et se remettre en question.

Si les chiffres et les hypothèses de Saint-Amand sont vrais, il convient peut-être de remettre les choses en perspective au Québec et de cesser de se sentir coupables. Trop souvent, on demande à l'école de se réinventer alors que le véritable problème n'est peut-être pas en ses murs.

Il ne faut pas non plus, comme l'a indiqué cet auteur, généraliser à l'ensemble des garçons les difficultés rencontrées par certains d'entre eux ou encore s'imaginer qu'une fille ne peut pas décrocher... parce qu'elle est une fille!

Je souligne en terminant que bien des approches contre le décrochage (réforme, réussite des garçons, programmes de lecture, etc.) ignorent que ce sont les différences socio-économiques qui sont généralement déterminantes quand on s'intéresse aux succès des jeunes. Mais qui parle de pauvreté au Québec pour expliquer les insuccès de certains jeunes? C’est un discours de gauche à la fois dangereux et périmé.

17 août 2007

Enseignant (meurtrier) congédié - la suite

Un petit mot pour indiquer qu'il y a un article sur ce sujet aujourd'hui sur Canoe. Très étonnamment, l'ADQ en profite pour surfer sur la vague d'indignation suscitée par cette nouvelle. Elle propose de légiférer sur cette question, sauf que ce jugement est basé sur la Charte des droits et libertés.

La meilleure piste pour ne pas réembaucher l'individu concerné est de prouver hors de tout doute qu'il a menti en remplissant sa demande d'emploi, ce à quoi la CSDM n'est pas parvenue. Et même là...

16 août 2007

Enseignant (meurtrier) congédié

Vous avez sûrement entendu cette nouvelle aujourd'hui. On en parle ici, ici et : la Cour supérieure du Québec oblige la CSDM à réembaucher un enseignant qui a caché avoir tué sa femme en 1990 et à lui verser le salaire qu'il a perdu.

Résumons brièvement l'histoire. Le 1er octobre 199o, sous l'impulsion d'une rage incontrôlable, Jean-Alix Miguel, l'individu en question, bat à mort sa conjointe, Monique Saint-Germain. Arrêté, il plaide coupable à une accusation d'homicide involontaire et écope de sept ans de prison. Faisant preuve de bonne conduite, il est relâché au bout de 23 mois de détention.

Quelques années plus tard, il trouve un emploi à l'Institut Aviron et, en 1998, il pose sa candidature à la Commission scolaire de Montréal afin d'enseigner à l'École des métiers de la construction. Mais voilà: sur le formulaire d'embauche qu'il doit compléter, on lui demande de préciser s'il a déjà été condamné pour des crimes violents ou reliés à sa fonction. Estimant que le crime qu'il a commis a été causé par un black out causé par un épisode psychotique, il répond par la négative et est embauché en décembre 1998.

La CSDM découvre le pot aux roses en 2004 et congédie l'enseignant. Cette dernière soutient qu'en faisant une fausse déclaration sur son formulaire d'embauche pour cacher un crime violent, l'employé était fautif

Le syndicat prend la défense de M. Miguel et l'histoire s'en va en arbitrage. La sentence arbitrale tranche en faveur de l'enseignant en affirmant que, selon la Charte québécoise des droits, on ne peut congédier un employé pour un crime qui n'a pas de lien avec son emploi. De plus, l'arbitre estime que l'employeur n'avait pas prouvé hors de tout doute l'intention frauduleuse de M. Miguel et qu'il devait en bénéficier. La cause est alors portée en Cour supérieure avec le résultat que l'on sait.

Pour le juge Larouche, l'arbitre a bien évalué les faits en prenant en considération que les psychiatres estiment que Miguel n'est plus dangereux et que, lors de son crime, il était sous un effet de black out. À la CSDM, on pense autrement. «La décision arbitrale m'avait beaucoup surpris, d'autant plus que la Cour suprême a déjà établi des standards de très haut niveau pour les professeurs, de qui on exige un degré de probité plus élevé que de la plupart des travailleurs», a indiqué hier l'avocat de la CSDM, Me Pierre Bégin, qui reconnaît qu'une telle décision peut être «choquante pour le public».

Ce cas soulève plusieurs questions générales. Devrait-on congédier un enseignant qui a commis des crimes, même s'ils n'ont pas de lien direct avec son emploi? Vendre de la drogue ou conduire en état d'ébriété, par exemple, pourraient-ils être des motifs suffisants pour mettre à la porte un professeur? N'est-ce pas une façon de nier le principe de la réhabililation? Ou doit-on tracer la ligne? Quels sont les comportements qu'on attend d'un enseignant? La lecture de ce billet, dont je ne partage pas nécessairement le contenu, s'intéresse à ces questions.

Dans le cas de M. Miguel, deux choses me chicotent plus particulièrement.

La première, c'est la liberté qu'il a pris d'interpréter un questionnaire qui était pourtant clair. En effet, il a déterminé qu'il n'avait pas de dossier criminel parce qu'il était sous l'effet d'une rage incontrôlée quand il a commis un meurtre. Ça ressemble beaucoup au fameux principe de Bart Simpson «I didn't do it!» Honnêtement, j'ai de la difficulté à croire que ce dernier n'a pas sciemment omis de mentionner son dossier criminel, de crainte de voir sa candidature refusée. Mais, en même temps, qu'aurais-je fait dans sa situation, sachant le peu d'empathie qu'ont les employeurs pour les ex-prisonniers? Après tout, M. Miguel n'a pas la chance d'être un politicien français corrompu et malgré tout embauché par l'UQÀM...

La deuxième, c'est cette partie du jugement de la Cour supérieure qui estime que la CSDM n'avait pas établi l'intention frauduleuse de M. Miguel lorsqu'il a omis de mentionner son passé criminel. Depuis quand il faut avoir une intention frauduleuse pour être reconnu coupable d'un crime? Je pourrais contester ma dernière contravention pour excès de vitesse avec un tel raisonnement. Le questionnaire d'embauche de la CSDM était pourtant simple. Cependant, le fait de le remplir incorrectement devrait entraîner des conséquences sinon à quoi bon demander de le compléter?

Quant à moi, à moi qu'il ne sache pas lire, M. Miguel a sérieusement ébranlé le lien de confiance nécessaire entre un employé et son employeur. Là était le véritable problème. Mais il n'y a qu'au Canada qu'un tel débat peut avoir lieu. Aux États-Unis, on congédie les enseignants pour moins que ça...

15 août 2007

Les accommodements raisonnables à l'école

Alors que va débuter la commission Bouchard-Taylor, Richard Martineau, à la fin d'une chronique plutôt délirante, rapporte le cas de cet enseignant qui s'est fait demander par la direction de son école de ne plus employer l'expression «Oh, mon Dieu!» parce que celle-ci choquait certains élèves musulmans de sa classe. Est-ce exagéré?

Je sens qu'on va beaucoup parler des accommodements raisonnables cet automne et certains dérapages seront inévitables. Pour ma part, à cause du mileu ou j'enseigne, je suis rarement confronté à cette réalité québécoise qu'est l'intégration des immigrants. En fait, je crois qu'au départ, on confond souvent intégration des immigrants et respect des religions. Les deux ne vont pas automatiquement de pair. Je m'explique.

Depuis des années, mes classes comprennent souvent des élèves «québécois de souche plus fléchés que ça tu meurs et qui connaissent par coeur toutes les tounes des Cowboys fringuants». Ce qui les démarque des autres, ce sont leurs convictions religieuses. Ils sont Témoins de Jéhovah, par exemple. Essayez alors d'organiser un échange de cadeau à la Noël! Bien sûr, il existe des moyens de contourner les interdits, mais il faut quand même tenir compte de cette réalité dans l'organisation de la classe.

Bien sûr, on ne verra pas les Témoins de Jéhovah réclamer des locaux de prière, des piscines séparées, des repas différents à la cafétéria... Sauf qu'on les accommode sans trop de problème parce que leurs demandes ne sont pas trop dérangeantes. Ici, il ne s'agit donc pas d'une question de principe, mais de faisabilité.

Je pense aussi à un autre cas ou j'ai dû m'assurer de bien surveiller mon langage en classe (eh oui! le Professeur masqué s'échappe parfois...) et développer toute une nouvelle variété d'expressions pour exprimer divers sentiments, disons, sans faire référence à la religion catholique romaine. L'élève à la source de mes modifications langagières était plus Tremblay que Tremblay et, pourtant, il m'a demandé plus d'efforts d'adaptation que sa voisine qui débarquait à peine du Sénégal.

Et si je songe à mes débuts en enseignement, je me rappelle ces élèves vietnamiens avec qui je devais respecter tout un code non verbal afin de respecter certains comportements propres à leur milieu d'origine: pas de contact physique, éloignement à quelques pieds pour ne pas les mettre mal à l'aise, pas de regard insisitant, etc.

S'adapter à l'autre, l'accommoder est un signe de respect, de politesse. On n'a pas tort en soi d'agir ainsi. On le fait pour des raisons religieuses, politiques, écologiques, personnelles. Le véritable débat est peut-être davantage de savoir jusqu'ou l'on doit aller et ce que l'on est en droit d'exiger de celui qu'on accueille.

Une anecdote en terminant: hier, je suis allé planter au billard un ami directeur d'école. À chaque coup qu'il manquait, il ne pouvait s'empêcher de s'exclamer :«Ah, la pute!» Si madame Madame masquée avait été présente, elle lui aurait sûrement demandé de modifier son langage. Aurait-il s'agi alors d'un accommodement raisonnable? Ah, mon Dieu...

14 août 2007

À l'école, on se protège!

Voilà un titre bien ambigü puisqu'on associe souvent «protection» avec sexualité. Or, il n'en est rien ici.

Soucieuse de permettre aux écoliers de pouvoir vivre en toute sécurité, une entreprise anglaise, Bladerunner, offre maintenant aux parents d'acheter des uniformes scolaires en kevlar et résistant aux coups de couteau. Il faut savoir que sept garçons de moins de 16 ans ont été tués à Londres depuis le début de l'année.
Quand il y a une demande, il y a un marché. À quand un tel uniforme dans nos écoles québécoises?

J'cours les concours!

Un autre petit clin d'oeil que vous avez peut-être lu: ce fait divers publié sur Cyberpresse.

«Jaison Biagini, professeur d'art, a dû démissionner de son poste pour avoir honoré un rendez-vous avec une vedette du cinéma pornographique gagné dans un concours radiophonique.

Le conseil d'administration du lycée de Monessen, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie, a accepté jeudi soir la démission de l'enseignant, en poste depuis 14 ans dans cet établissement.

M. Biagini, qui s'était rendu à Saint-Petersburg en Floride le mois dernier pour rencontrer la star du porno Akira, a expliqué au journal Valley Independent de Monessen avoir participé au concours uniquement pour bénéficier d'un voyage gratuit et visiter le musée Salvador Dali de la ville.»

11 août 2007

Un article du Devoir bien complaisant

Le Devoir publie aujourd'hui une série de textes sur l'éducation. J'en aborderai quelques-uns au cours des prochains jours. Mais je veux me permettre de réagir immédiatement aux propos de Pierre Bergevin, sous-ministre adjoint au ministère de l'Éducation et responsable de l'éducation préscolaire et de l'enseignement du primaire et du secondaire. Ce dernier a un sens politique assez aiguisé, on en conviendra.

Questionné sur la qualité du français de nos jeunes, Le Devoir rapporte les commentaires suivants de la part du sous-ministre :

«Nous remarquons des problèmes quant à la maîtrise du code grammatical, notamment.» Québec a d'ailleurs mandaté un comité d'experts, dit-il, formé d'universitaires et de conseillers pédagogiques, qui a pour tâche d'examiner toute la question de l'enseignement du français aux niveaux primaire et secondaire. Les travaux du comité ont débuté en mai dernier et les résultats sont attendus d'ici la fin de l'année.

Ce qu’il omet de mentionner cependant, c’est qu’il a fallu rien de moins qu’une année complète pour former ce comité. On sent l’urgence de la situation pour le MELS…

«Le constat que nous faisons depuis quelques années, et ce, à la lumière des résultats d'examens d'écriture de cinquième secondaire, c'est que les élèves ont des résultats plus faibles en grammaire, particulièrement en orthographe d'usage, en orthographe grammaticale et en syntaxe. Ces élèves n'ont pas connu la réforme. Or, on constate les mêmes faiblesses chez les élèves de sixième année qui, eux, ont connu la réforme. En somme, on remarque les mêmes faiblesses avant et après la réforme», note M. Bergevin.

Le sous-ministre se livre ici à un raccourci inexact, pour ne pas dire faux. Si tous ces élèves font le même type d’erreurs, ils ne le font pas avec la même fréquence. Ainsi, une étude du MELS montre clairement que les résultats des élèves de sixième année qui ont connu la réforme sont moins bons que ceux qui ne l’avaient pas connue.

Enfin, on conclut cet article avec les propos suivants de M. Bergevin :

Les recherches démontrent aussi que ces faiblesses, fait-il remarquer, ne sont pas exclusives au Québec. «C'est un problème que l'on retrouve à l'échelle internationale dans les langues respectives des pays touchés. En fait, la qualité de l'enseignement du français, c'est une priorité pour le gouvernement du Québec.»

Encore une fois, les faits rapportés par M. Bergevin sont inexacts. Si on peut constater que la maîtrise de la langue cause des difficultés dans de nombreux pays, le Québec se classe généralement au dernier rang pour ce qui est du code grammatical dans les tests PISA, si j’ai bonne mémoire.
Que tous aient des difficultés, on peut l'admettre, mais ce n’est pas une raison pour sous-estimer les difficultés rencontrées par les jeunes Québécois et teinter de teindre la situation en rose. Quant à parler de priorité pour le gouvernement, je pensais que c’était la santé… euh ! les routs… euh ! l’économie des régions…

Je peux comprendre que le rôle du sous-ministre soit politique et qu’il ait le mandat d’enjoliver les choses, sauf que je me serais attendu à moins de complaisance de la part du journaliste qui l’a rencontré. Entre ce texte et un publi-reportage, je préfère encore le publi-reportage !

Le français au cégep

Dans un autre article du Devoir, on s'attarde à la qualité du français de nos jeunes cégépiens. On cite entre autres les résultats d'une étude de l'universitaire Hélène Tardif qui cherchait à identifier les facteurs qui expliquant le faible taux de réussite des étudiants du secteur technique en français et en philosophie.

Elle suggère plusieurs pistes, dont celles-ci: «Il y a beaucoup de préjugés. Les jeunes pensent que cela ne leur donne rien de réussir ces matières. Les étudiants ont également de la difficulté à prendre des notes et ils perdent facilement le fil du discours du professeur, alors ils se découragent. Je crois aussi que les cégépiens sont plus jeunes de tempérament maintenant qu'en 1978, lorsque j'ai commencé à enseigner.»

Mais là ou je rejoins davantage son propos, c'est lorsqu'elle affirme: «Lorsque j'ai fréquenté le cégep, alors qu'il venait tout juste d'être créé, les étudiants étaient très motivés à apprendre le français. Notre langue était très importante, nous en étions fiers et nous la défendions. Maintenant, le contexte social est différent et on ne sent plus cette motivation.» La langue est davantage qu'une question de grammaire: c'est une question d'identité et de fierté.

Aussi, j'ai le goût de mordre lorsque la journaliste Martine Letarte débute son article avec la phrase suivante: «Avouons-le, notre langue française est bien capricieuse et difficile à maîtriser même pour ceux dont c'est la langue maternelle.»

Dans les faits, ce ne sont pas les exceptions que ne maîtrisent pas nos cégépiens mais les règles et l'orthographe de base. Qu'on cesse de lancer comme prétexte la complexité de notre langue pour expliquer la piètre qualité du français des jeunes. Quand la moitié de mes groupes écrit le mot Québécois avec au moins une erreur, quand écrire le groupe nominal «les belles maisons» devient un défi, c'est qu'il y a quelque chose de plus profond que la non maîtrise de la règle des adjectifs de couleur...

Un ancien premier ministre et l'éducation

Comme parent, on choisit toujours ce qu'on estime le meilleur pour nos enfants. Nos gestes, nos choix en ce sens valent souvent plus que bien des paroles et des discours politiques.

Dans le Journal de Monréal, section sports, Lucien Bouchard nous en apprend quand même un peu sur son appréciation du réseau scolaire québécois.

Ainsi, dans un texte portant son son fils, Simon, on nous indique que ce dernier fréquente le collège privé Brébeuf. Là ou, par contre, on peut réagir est lorsque l'ancien premier ministre du Québec suggère à son garçon de poursuivre ses études aux États-Unis: «Mes parents, eux, sont convaincus que le système scolaire alliant parfaitement l'excellence sportive et scolaire est celui des États-Unis.»

Merci papa Lucien pour cette appréciation.
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Ajout du dimanche, après réflexion.
J'ai trouvé ce qui me choquait finalement à la la lecture de cet article. C'est une certaine inadéquation entre un discours nationaleux du genre «Au Québec, on est capables!» et cette suggestion parentale. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'idée mais, parfois, devant de tels changements, pourquoi est-ce moi qui me sent l'imbécile?

08 août 2007

Pour changer du train-train quotidien

Vous avez une fascination pour les gros engins qui font du bruit et qui fument? Alors, à moins d'être freudienne comme Safwan, vous êtes l'heureux propriétaire d'une Camaro 84 qui brûle de l'huile ou encore un amateur de trains à vapeur. Dans ce dernier cas, il vous est toujours possible de satisfaire l'ultime objet de votre désir en montant à bord du train Hull-Chelsea-Wakefield (le HCW, pour les intimes).

Welcome aboard!

Le convoi est tiré par la dernière locomotive à vapeur encore en fonction au Canada. Le fumant véhicule fête d'ailleurs ses 100 ans cette année. Pour les mordus de la chose, il s'agit en fait d'un engin acheté en Suède puisqu'on ne retrouve plus de locomotive canadienne en état de marche. Les habitants de ce pays, qui nous ont ausi donné IKEA et ses maux de tête, ont stocké durant des années plus de 200 locomotives similaires dans le cadre de mesures de défense dans le cadre de la Guerre froide. Ils à vapeur d'être envahis par leurs voisins russes et voulaient conserver un moyen de locomotion qui ne fonctionnaient pas à l'électricité. Oubliez cependant la polluante combustion au charbon: à cause de la législation sur l'environnement, le HCW utilise plutôt de l'huile à chauffage.


Grosso modo, le HCW quitte la gare de Hull vers les 10 heures chaque jour de la semaine avec quelque 500 passagers à son bord. Le trajet longe généralement la rivière Outaouais et on devine que le paysage doit être magnifique à observer l'automne. À la vitesse maximale de 25 kilomètres à l'heure, il les amène jusqu'au petit village pittoresque de Wakefield (environ 1 000 habitants) qui a su évidemment s'adapter pour accueillir cette manne inespérée de touristes. Le temps de visiter quelques atractions de l'endroit (le pont couvert Gendron, un moulin à eau, le village avec sa boulangerie et ses autres commerces) ou encore de s'attarder au train lui-même, le convoi repart pour arriver à Gatineau vers 15 heures.


Il s'agit essentiellement d'une visite familiale et de nombreuses activités sont organisées pour ne pas que les voyageurs, grands et petits, ne s'ennuient lors du trajet: animateur bilingue dans chaque wagon, maquillage pour les bambins, musiciens, visite guidée du village, court exposé sur la locomotive, etc.


Les plus et les moins


On a aimé:
  • la beauté du paysage et l'étrange réflexe des habitants vivant à proximité de la voie ferrée qui consiste à envoyer la main deux fois par jour aux passagers du HCW (quand madame Masquée m'a confié qu'elle faisait la même chose dans sa Gaspésie natale, ce fut un choc!);
  • le caractère pittoresque de Wakefield;
  • l'aspect familial de cette activité;
  • la jovialité des animateurs du HCW et l'accueil des commerçants de Wakefield qui, bien que majoritairement composé d'anglophones d'origine irlandaise et allemande, servent les visiteurs dans un français de meilleure qualité que dans certains quartiers montréalais;
  • les burgers au sanglier de chez Jean-Luc's;
  • le fait que les souvenirs soient offerts à un coût abordable quand on sait qu'il est si facile d'arnaquer les touristes (une casquette de cheminot se vend 12,50$ , par exemple).
On a moins aimé:


  • on remarque peu le fait qu'on soit à bord d'un train à vapeur. Ce n'est qu'avant l'embarquement à Gatineau et lors de l'arrêt à Wakefield qu'on peut admirer la locomotive. Sinon, le trajet s'apparente généralement à celui d'un train régulier. Cependant, pour les enfants, la magie du train à vapeur fonctionne;
  • il ne faut évidemment pas être à la recherche de sensations fortes étant donné la vitesse maximale atteinte par la locomotive. Dans certains endroits, il serait même possible de marcher sans peine à côté du train;
  • le caractère familial de l'activité peut rebuter les asociaux, les amateurs de contemplation intérieure ou les amoureux. En d'autres mots, il vaut mieux avoir de l'entrain en train sinon...
  • le temps d'arrêt trop court à Wakefield, environ une heure trente, limite les possibilités de visite.
Les suggestions du Professeur masqué


Comme on apprend parfois de l'expérience des autres, voici quelques petites suggestions qui pourraient rendre votre voyage plus agréable:
  • côté billets, il est préférable de réserver votre place et de vous assurer quelques jours à l'avance qu'aucune erreur ne se soit produite dans votre réservation. En effet, la billeterie semble connaître parfois certains ratés désagréables;
  • apportez votre lunch que vous mangerez lors du trajet. Vous gagnerez ainsi plus temps pour visiter Wakefield;
  • si vous êtes plus de deux, demandez à avoir des places avec une table, très pratique pour luncher;
  • demandez à être assis du côté de la rivière Outaouais, sinon le paysage sera obstrué par les paysagers assis du bon côté du train;
  • photographier les paysages de biais avec les vitres du train qui, sinon, reflèteront généralement votre propre image;
  • ne vous précipitez pas, comme tous les passagers, pour faire des photos de la locomotive dès votre arrivée à Wakefield. Elle reste en gare pendant une heure trente;
  • lors de votre visite à Wakefield, profitez du fait que le train fait un arrêt au début du village et cueille les marcheurs;
  • à moins de devoir retourner à la maison rapidement, prévoyez une autre activité dans la région. Par exemple, le Prof masqué et son clan en ont profité pour visiter le domaine de Mackenzie-King et ses célèbres ruines, ce qui leur a valu un séance de photos des plus amusantes!

05 août 2007

Un clin d'oeil comme ça...

J'aime le journalisme bien fait. J'aime aussi quand il est un peu baveux et intelligent. Parfois, le lien entre une photo et un titre peut être machiavélique. On dit qu'une photo vaut mille mots mais, bien placée, elle en vaut mille de plus encore. En voici un bon exemple:

Écoutes téléphoniques facilitées aux États-Unis

(19h15) Le président George W. Bush a promulgué dimanche la loi sur l'élargissement du pouvoir du gouvernement pour écouter, sans mandat, les appels...

On a quasiment l'impression que le président des États-Unis met l'oreille à l'ouvrage.
Je ne sais pas qui était au pupitre du site Cyberpresse, mais chapeau!

Les scouts et l'armée

J'ai déjà été scout. «Scout un jour, scout toujours!» veut l'adage. Et ce mouvement est loin d'être mort ou dépassé. Par exemple, la fin de semaine prochaine aura lieu un gigantesque Jamboree au parc Maisonneuve à Montréal.

Or, ce matin, j'apprends qu'en échange d'un prêt d'équipement, les Forces armées canadiennes pourront tenir un kiosque ou des jeunes pourront jouer aux démineurs militaires. «Les jeunes devront revêtir un habit antibombes et trouver des fausses mines avec un détecteur de métal», explique le capitaine Ian Laporte, officier responsable des activités de la Défense nationale au Jamboree.

Les militaires présenteront également des modèles de bombes antipersonnel et antichars. «C'est pour montrer qu'il y a des pays où les enfants sont amputés et qu'eux sont chanceux de vivre ici. Peut-être que ça va les motiver pour s'impliquer plus tard», précise le caporal Andy St. James, responsable du kiosque de l'armée.

Il y aura également un canon et des films sur les métiers de l'armée «pour montrer que, comme dans les scouts, c'est un travail d'équipe. Chaque métier a ses tâches», poursuit le capitaine Ian Laporte.
Je n'aime pas ce lien scout-militaire et les raisons invoquées par ces différents officiers sont cousues de fil blanc. Il ne faut pas être naïf : dans les faits, l'armée utilise cette occasion pour être plus visible et à des fins d'éventuels recrutement. Sauf que c'est peut-être un peu jeunes pour les initier de la sorte.

Pour moi, les scouts, c'est la jeunesse, la nature, la coopération, des valeurs plus pacificistes, disons. Si je voulais que mon jeune s'intéresse à la chose militaire, je l'aurais inscrit dans les cadets. Pas vous?

Fantasme ferroviaire

Demain, le Professeur masqué va réaliser un de ses fantasmes: il va faire un tour de train à vapeur. Tchou! Tchou! Et comme il est drôlement convaincant, Madame et Fille masquées sont du voyage. Quand tu amènes trente adolescents à lire certains des romans poches qu'on a sur les tablettes de mon école, tu peux convaincre n'importe qui de n'importe quoi.

Je vous reparlerai de cette expédition dans le temps et dans l'Outaouais. Deux hics à l'horizon: passages nuageux demain et, selon les photos, les organisateurs de cette activité semble prévoir des musiciens à bord des wagons. Ce n'est pas que je n'aime pas l'accordéon mais, quant à moi, il pourrait bien finir dans la soute à charbon..

En terminant, deux éléments.

Le premier est très personnel: j'apprends à apprendre... à me faire plaisir. Et selon le type d'éducation qu'on a reçue, c'est un processus très difficile. On peut bien rigoler, mais il y a des gens, comme moi, oui oui ça existe! qui se culpablisent sytématiquement quand ils font quelque chose de jouissif pour eux, des gens qui achètent toujours des cadeaux pratiques aux autres, des gens qui ont toujours des stratégies pour être plus efficaces...

Le deuxième est plus existentiel : pourquoi les gars aiment ça les trains, pis manifestement moins les filles?

03 août 2007

Enfin, elle est arrivée!

Parents, réjouissez-vous: la télé pour bébés est enfin arrivée au Canada (ici et ici)!

En effet, BabyFirstTV, une chaîne américaine, est disponible depuis le 25 juillet dernier au poste 562 pour les abonnés de Bell ExpressVu et 233 pour ceux de Rogers.
Pour l'instant, BabyFirstTV diffusera des émissions pédagogiques conçues spécialement pour nos charmant ti-prouts. Elles seront sans publicité et en anglais. Les chanceux!
Je ne sais pas, mais j'ai comme un frisson d'horreur qui me traverse le dos.

Quelques chiffres en passant:
  • Heures de télévision quotidienne regardées par les enfants de 6 mois à 6 ans: 2.
  • Enfants de moins de 2 ans qui regardent la télévision tous les jours: 4 sur 10 .
  • Heure de télévision quotidienne recommandée par l'American Academy of Pediatrics pour les enfants de moins de 2 ans: 0 .
  • Pourcentage d'enfants de 6 mois à 6 ans qui ont un téléviseur dans leur chambre à coucher: 33%.
  • Parmi les parents qui ont mis une télévision dans la chambre de leur enfant de 6 ans ou moins, pourcentage de ceux qui disent se servir de la télévision pour garder leur enfant occupé pendant qu'ils travaillent dans la maison: 39%.
  • Pourcentage des bébés de 1 an et moins qui regardent le petit écran durant une journée typique: 61%.

Sources: American Academy of Pediatrics

Savoir compter?

Je ne peux pas m'en empêcher. Ne pensez pas que je les déteste ou que je m'amuse à les descendre intentionnellement. Ça adonne comme ça. Je respecte le travail du Journal de Mouréal et de ses affiliés mais, là, c'était trop drôle! Surtout quand tu dois relire trois ou quatre fois la manchette parce que ça te semble impossible.

Trouvez l'erreur (...) dans cette nouvelle publiée sur le site Internet Canoe ce matin:

150$ par mois
La fontaine fait des sous

Le Journal de Québec
03/08/2007 09h33
Les gens ayant pris l'habitude de lui lancer de la monnaie, la fontaine de Tourny amasse 150$ par semaine en petites pièces.

02 août 2007

Pourquoi suis-je devenu prof?

Dans un récent billet, madame Dobby demandait aux enseignants de la blogosphère pourquoi ils avaient choisi cette profession. Cette heureuse initiative psychanalytique nous a valu des réponses fascinantes. Et c'est à mon tour aujourd'hui de répondre - peut-être un peu trop longuement - à cette interrogation. «Alors, docteur... quand j'étais jeune...»

L'école refuge

J'ai toujours aimé l'école. Il faut comprendre que, pour le jeune enfant que j'étais, c'était pour moi ni plus ni moins qu’un refuge, qu’un oasis de paix et de tranquillité. Oh! bien sûr, je me faisais traiter de fif à l'occasion parce que j'aimais bien les cours et mes profs. J'ai même dû apprendre à me battre pour me défendre contre les petits teigneux qui voulaient régler leur complexe d'infériorité en s'en prenant aux plus grands (j'appelle ce comportement le complexe de Curley - du personnage du roman Des souris et des hommes de John Steinbeck), mais rien n'empêche: je m'y sentais apprécié et valorisé par les adultes, ce qui tranchait avec mon milieu familial plutôt dysfonctionnel. Je repense entre autres à madame Campion qui me permettait de sécher avant le dîner, question que je puisse aller lui chercher un repas à la boulangerie du coin. On n'était pas loin du détournement de majeure tellement j'y mettais tout mon coeur.

J'étais excessivement curieux. Je m'intéressais à tous les cours, je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Il n'en demeure pas moins cependant que ma matière préférée était le français et que j'écrivais chaque semaine des petits récits sans trop savoir pourquoi. La pulsion d'écrire, j'imagine.

Je me voyais déjà...

C'est au secondaire que mon avenir professionnel s'est réglé, du moins je le croyais: je serais journaliste. Déjà, en deuxième secondaire, je devenais le rédacteur en chef du prestigieux journal étudiant de mon école. Et qui journalisme dit alcool. C'est sûrement pour cette raison que j'imprimais les pages de ce dernier avec une ivresse débordante.

Mon intérêt pour ce métier s'est poursuivi au cégep ou je collaborais au journal étudiant. Accessoirement, j'étais inscrit en Arts et Lettres. Côté assiduité scolaire, j'avais tout du fantôme. Ma photo était sur toutes les bouteilles de bière entrées en fraude dans cet établissement scolaire: «Recherché – Missing».

Mon âme était ailleurs, errait en d'autres pays bien plus vivifiants. Avec un collègue, nous avons redonné un ton à une publication qui faisait mourir ses lecteurs d'ennui. Cela nous a valu des menaces assez sérieuses de la part de la direction qui n'appréciait pas notre humour incisif et méchant. Avec le temps, je suis toutefois convaincu que nous avons fait plus pour la cause étudiante avec certains textes trempés dans le vitriol que l'association étudiante avec certaines grèves...

Puis vint le bac en communication à l'UQÀM. Si l'on oublie les cours théoriques ou l'on nous enseignait ad nauseam la théorie de la communication de Jacobson, je m'éclatais en journalisme écrit. Et j'avais aussi la chance de rencontrer des monuments du métier, monuments qui n'étaient pas toujours reposants : Pierre Bourgault (ici et ici)m'avait sacré dehors de son cours pour j'aille faire publier mes textes tandis que Jacques Larue-Langlois (ici et ici) me dénichait mes première piges sans mon consentement. Messieurs, je pense à vous encore aujourd'hui!

Ma formation universitaire terminée, je suis devenu pigiste pour quelques publications et je travaillais comme adjoint à un magazine qui a fermé ses portes depuis. Je me shootais à ce métier: les incessants coups de téléphone pour débusquer la bonne information, le rush des textes qui n'entrent pas, les heures stressantes ou il faut boucler les pages au montage, le travail en équipe sous pression. Et, au risque de paraître prétentieux et puéril, la satisfaction de voir mon travail reconnu. Les textes que je signais m'étaient payés! Mes mots valaient quelque chose!

La crise de la vingtaine
Sauf qu'au bout de quelques années, si j'appréciais toujours cette vie énergique en dents de scie, je m'apercevais qu'il me manquait un élément pour être heureux et c'était l'équilibre. On ne rappellera jamais assez à quel point la vie de pigiste est difficile! J'avais besoin de stabilité, de projets à long terme. J'en avais assez aussi de courir après des patrons pour qu'ils me paient alors qu'ils roulaient en voiture de luxe et sortaient au Friday's.

J'ai alors décidé de me réorienter et j'ai choisi l'enseignement du français. Pourquoi? Parce que c'était une matière dans laquelle je réussissais bien et que je croyais, à tort, que cela serait suffisant pour bien l'enseigner. Il y avait aussi la mère de Fille masquée qui travaillait dans ce domaine... sauf que cette dernière ne me croyait pas assez discipliné pour tenir plus de deux semaines. Il faut dire qu'à l'époque, je vivais fréquemment au rythme du fuseau horaire de l'Australie et que je travaillais fort chaque jour à grossir ma collection de réveille-matin brisés.

Je me suis inscrit au bac en enseignement du français. Ce fut l'un des moments les plus pénibles de ma vie. Moi qui pondais des textes de dix pages en une soirée, j'étais entouré d'étudiants râleurs qui se plaignaient au moindre travail. Et je ne parle pas de la qualité de leur français écrit... Il y avait aussi ces profs qui enseignaient ce qu'ils ne faisaient même pas en classe avec nous. Misère!

Après un an, j'ai voulu tout laisser tomber, écoeuré. J'avais reçu une bourse pour travailler à Québec dans un domaine relié aux communications. Mais prudemment, j'ai décidé de jumeler études et stage. Mon patron l'ignorant, je me tapais trois cours à l'UQÀM le vendredi. L'enseignement demeurait ma roue de secours, ma porte de sortie au cas...

La révélation faite au mécréant

C'est après que j'ai connu les stages et que tout s'est placé dans ma tête. Mon maître associé était Laurel et j'étais Hardy: «Tu observes quand tu veux, tu enseignes quand tu veux...» Génial! On se complétait magnifiquement bien.

J'ai enseigné dès le deuxième jour et j'ai compris que j'étais fait pour ce métier. J'aimais l'interaction avec les jeunes, j'aimais faire briller leur regard, j'aimais leur donner l'occasion d'être intelligents, j'aimais les écouter et avoir le privilège d'être une personne significative pour eux. Plus que tout, je sentais que j'avais un héritage à leur transmettre: celui que mes profs m'avaient légué.

Mes doutes sont disparus et j'ai fini mon bac en faisant mes stages avec le même prof, ce qui contrevenait formellement à la politique de mon université. Dès la fin de mes études, je me trouvais un emploi. L'année suivante, il y a 14 ans de cela, j'étais embauché à l'école ou je travaille encore aujourd'hui et j'enseigne toujours au même niveau.

À la blague, je dis souvent, pour faire enrager mes collègues, que j'ai délaissé le journalisme pour l'enseignement, un métier pépère et sans pression. Inutile de dire qu'ils me trouvent cinglé.

Post scriptum

Je m'en voudrais de ne pas ajouter à ce portrait un point important.

Aujourd'hui, dans la quarantaine, je me remets beaucoup en question professionnellement. Je manque de défis mais, surtout, je sens que le milieu de l'éducation se dégrade au Québec, bien qu'on fasse tout pour nous faire croire le contraire. Je me sens incapable honnêtement de participer à une telle supercherie et je me sens mal devant les élèves à qui l'on ment souvent quant à leur réussite et leurs réels apprentissages.

Combien de temps encore serais-je capable de maintenir la tête hors de l'eau? Je ne sais pas. Chose certaine cependant, il faudra bientôt que je me redéfinisse à l'intérieur ou à l'extérieur de ce métier.