18 août 2007

L'école discriminatoire envers les garçons?

Compte rendu d'un ouvrage intéressant intitulé Les Garçons et l'École, ce matin dans le quotidien Le Devoir. En fait, je dis «intéressant», mais je demeure quand même prudent parce que, pour des raisons personnelles, je sais que Louis Cornellier a la fâcheuse tendance à interpréter plus qu'à lire les essais sur lesquels il se penche.

À la question à savoir si l'école est discriminatoire envers les garçons, Jean-Claude Saint-Amand, l'auteur de cet essai, répond que non. Il va ainsi à l'encontre de bien d'autres chercheurs et de bien des idées reçues.

Son point de vue s'appuierait sur les points suivants:

  • les difficultés académiques des garçons n'auraient trait qu'à la langue d'enseignement. Ce retard n'est pas propre qu'aux jeunes québécois et se manifeste surtout chez les élèves de milieux populaires;
  • les jeunes filles québécoises ne font pas seulement mieux que leurs homologues masculins, mais aussi mieux que ceux du reste du Canada et des pays de l'OCDE. Donc, ce sont pas tant les garçons au Québec qui connaissent des difficultés scolaires que les filles qui connaissent du succès.
Pour expliquer l'écart entre les garçons et les filles, Saint-Amand croit que «certaines conceptions de l'identité masculine amènent des garçons, le plus souvent ceux qui sont issus de milieux socio-économiques faibles, à se distancier de l'école et de ses exigences».

Selon ce dernier, l'école est davantage perçue négativement par les jeunes québécois qui la voient comme une contrainte et qui refusent certains efforts. La persistance de stéréotypes dévalorise même la réussite scolaire des garçons. Mais comme le précise le chercheur, il convient d'«éviter la généralisation à tous les garçons de phénomènes qui ne concernent qu'une partie d'entre eux».

Toujours d'après lui, il faut mettre en place des mesures de réussite scolaire qui s'adressent tant aux garçons qu'aux filles et accorder la priorité à «des actions prioritaires en milieu socio-économique faible». Ainsi, des solutions comme la non-mixité serait carrément nocive puisqu'elle entraînerait une diminution des attentes envers les garçons et renforcerait les stéréotypes masculins.

On devrait favoriser davantage la réussite des garçons en s'attaquant aux stéréotypes sexuels parce que, plus un jeune garçon adhère à ceux-ci, moins ses résultats sont bons.

Enfin, une autre solution serait de diversifier davantage les pratiques de lecture à l’école et de s'assurer qu'elles soient substantielles: «L'effet positif des pratiques de lecture fréquente et prolongée est donc bien étayé. Il serait même apte à compenser certains effets négatifs liés au statut socio-économique.»

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J'ai remarqué qu'on a souvent reproché à l'école d'être sexiste: on n'y retrouve pas de modèle masculin, les livres obligatoires n'abordent pas des thématiques propres aux garçons, il n'y a pas assez de cours ou les jeunes mâles en rut peuvent tenter d'épuiser leurs poussées de testostérone, etc. (J'ai même déjà entendu quelqu'un expliquer que les filles réussissaient davantage parce qu'il est dans leur culture d'être soumises et de travailler davantage, mais c'est un autre débat...) Les reproches sont d'ailleurs devenus tellement fréquents que bien des enseignants ont fini par se sentir coupables du décrochage de certains garçons et se remettre en question.

Si les chiffres et les hypothèses de Saint-Amand sont vrais, il convient peut-être de remettre les choses en perspective au Québec et de cesser de se sentir coupables. Trop souvent, on demande à l'école de se réinventer alors que le véritable problème n'est peut-être pas en ses murs.

Il ne faut pas non plus, comme l'a indiqué cet auteur, généraliser à l'ensemble des garçons les difficultés rencontrées par certains d'entre eux ou encore s'imaginer qu'une fille ne peut pas décrocher... parce qu'elle est une fille!

Je souligne en terminant que bien des approches contre le décrochage (réforme, réussite des garçons, programmes de lecture, etc.) ignorent que ce sont les différences socio-économiques qui sont généralement déterminantes quand on s'intéresse aux succès des jeunes. Mais qui parle de pauvreté au Québec pour expliquer les insuccès de certains jeunes? C’est un discours de gauche à la fois dangereux et périmé.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Les stéréotypes existent dans les murs de l'école, et aussi à l'extérieur.

Possible qu'ils soient davantage évocateurs pour l'imaginaire d'élèves vivant en milieux défavorisés, dans une réalité qu'ils cherchent à fuir.

Les stéréotypes masculin/féminin existent certainement plus là où l'éducation académique fait le plus défaut aussi, donc il y a une certaine correspondance : variété de violences à l'intérieur du modèle familial et modèles proposés.

Les stéréotypes existent aussi chez les filles : soumission, obligation d'étudier, etc.

École avec activités variées, oui. Ce serait bien que les filles participent à des activités autres que le pomponnage et la tranquilitude. Et les gars à autre chose que la bagarre et le sport.

Un jour, les filles se définiront peut-être sur leur blogue autrement que par mère et... Ça m'étonne toujours. Voit-on des gars bloguer et se définir d'abord comme pères et...

Le travail est à faire partout.

Il n'y a pas que du mauvais dans le modèle stéréotypé masculin. L'occupation de l'espace, l'activité physique, l'affirmation de soi, l'envie de relever des défis, l'audace, la confrontation, etc., sont des valeurs positives lorsqu'appliquées dans un esprit de respect. Le problème est que ces valeurs ne sont appliquées qu'à un sexe.

De même pour la fille. Ne serait-ce pas chouette que les gars aient aussi envie de tranquilitude, d'art, de fonctionnement d'une maison, d'éducation des enfants et de soins aux bébés, de souci de leur apparence par moments sans être traités de fifis.

Ce qu'on peut être coincés, encore.

Zed

Magrah a dit…

La pauvreté n'est pas la cause du décrochage scolaire, mais la méconnaissance des milieux pauvres l'est peut-être.

Par rapport à sa clientèle moins bien nanti, je trouve parfois que l'École pète plus haut que le trou. Elle se croit si parfaite qu'elle regarde de haut sa propre clientèle et la juge gros comme le bras, oubliant que c'est à elle de tout mettre en oeuvre pour être POLYVALENTE, comme son nom l'indique.

Les garçons de milieux socio-économiques faibles qui ne trouvent pas leur place dans notre système sont souvent des jeunes manuels et/ou kinesthésiques que l'école traditionnelle (cours magistraux, élèves immobiles, en silence) ne rejoint pas. Ce n'est pas eux qui doivent changer, mais nous qui devont les reconnaître comme ils sont et leur offrir les services appropriés.

Des cours interactifs, des situations ou l'élève doit bouger son corps, des occasions de manipulations quelconques, de l'essai-erreur, sont des façon d'apprendre qu'on doit pouvoir offrir DANS TOUTES LES MATIÈRES. En surfant sur leur mode d'apprentissage À EUX, plutôt que de tenter, en vain, de leur imposer le nôtre, stimulerait leur motivation et leur désir d'être en classe, tout augmentant les chances de réussite.

La Souimi a dit…

Voici des faits.

Ma fille fréquente une grosse école secondaire dont le milieu socio-économique va de défavorisé à très aisé. Dans sa classe, il y a des jeunes de tous les milieux. Elle fait partie d'un programme de concentration arts. Donc, les jeunes de sa classe sont des élèves motivés réussissant facilement. Dans son groupe, cette année, il y avait 6 garçons et 26 filles.

À l'école secondaire dans laquelle je travaille, il y a aussi des jeunes de divers milieux. Dans les groupes des concentrations, la proportion est environ celle-ci:
- Multi-sports: 28 garçons/4 filles
- Musique: 27 filles/ 5 garçons
- Sciences: 24 garçons/ 8 filles

Après avoir enseigné plusieurs années aux groupes des concentrations, j'arrive à certaines conclusions: Curieusement, dans les concentrations, rares sont les élèves qui passent leurs journées à se pomponner et à se maquiller. Ils sont trop occupés pour ça. Ils ont des passions, une motivation car ils sont dans un bain qui les rejoint. Et le but ultime des gars, autant dans multi-sports, musique ou sciences, n'est pas d'avoir le permis de conduire et le gros char modifié. Ils ne pensent pas du tout à ça.

Je crois que le grand problème se situe au niveau des groupes réguliers. Plusieurs élèves, autant GARS que FILLES, ne se sentent pas ancrés, ne sentent pas qu'une partie d'eux-mêmes est reconnue pour ce qui les valorise. On a beau offrir une gamme d'activités parascolaires, souvent, ils ne participent pas. Et ça, c'est un problème qui dépasse beaucoup les murs de l'école. Je pense que lorsqu'on reconnaît un individu, la motivation augmente et il y a plus de chance de voir le jeune s'accrocher à ce a du sens pour lui.
On a aboli toutes les sphères manuelles, comme si la route traditionnelle était faite pour tous. Foutaise! On a besoin de travailleurs manuels passionnés, comme tous ces jeunes qui montent et démontent des moteurs, construisent des maisons avec leur père, se lèvent à la vitesse de l'éclair lorsqu'on leur demande de l'aide pour une corvée manuelle.
On a aboli l'individualité des jeunes pour en faire des moutons. Faut pas chercher de midi à quatorze heures pour expliquer pourquoi le nombre de moutons noirs ayant déserté le pré est de plus nombreux.
Une petite consolation, selon moi, est de garder en perspective qu'à la base, si la relation pédagogique dans l'univers de la salle de classe est saine, l'élève trouvera probablement un peu de cette reconnaissance élémentaire et vitale pour son bien-être.

A.B. a dit…

J'adhère à 100% à ce que tu affirmes dans ton dernier paragraphe. Il ne faudrait surtout pas émettre l'hypothèse que le «méchant» argent est en partie responsable du décrochage de certains garçons; on se ferait crucifier sur la place publique. L'argent, je ne l'apprends à personne, est un sujet pratiquement tabou au Québec. Le fait d'en avoir, surtout. On démonise beaucoup l'argent, donc il devient difficile d'admettre que de ne pas en avoir en quantité suffisante peut expliquer une partie des problèmes des décrocheurs de sexe masculin. Ne pas en avoir beaucoup, c'est supposément «bien». Quelque chose de «bien» ne peut donc pas faire de tort. Tordu, non?

Le professeur masqué a dit…

Zed: il faut éviter de généraliser quand on s'intéresse aux comportements des garçons et des filles. Chose certaine, il est bien que tous les deux apprennent à aller plus loin que l'image qu'on leur associe.

Pour ma part, j'ai passé mon primaire et mon secondaire à être un «fif» parce que j'aimais l'école et que je réussissais en français. D'ailleurs, les préjugés à l'égard de cette matière me semble bien plus important que pour les autres, ce qui expliquerait un certain dégoût des garçons. Depuis quand est-on un «fif» quand on aime la chimie, par exemple? Là, on est plutôt un «nerd».

Magrah: je partage en partie votre opinion. On a avantage à mieux connaître la problématique propre à l'apprentissage en milieu défavorisé. Il est regrettable, à cet égard, que l'UQAM ait fermé le centre en enseignement en milieux défavorisés (http://www.cyberpresse.ca/article/20070618/CPACTUALITES/70618003/1028).

Par contre, je suis désolé, mais un jeune qui souffre de la faim, qui vit dans un climat d'insécurité chronique et de survie n'a pas les mêmes préoccupations par rapport à la chose scolaire. De plus, l'accès à la culture et à la littérature est moins aisé dans les milieux pauvres. Et il y a aussi certaines valeurs qu'on retrouve davantage dans ces milieux qui limitent la volonté d'apprentissage.

De plus, je crois qu'il est incorrect d'associer milieu économique et apprentissage manuel ou kinesthésique. J'enseigne dans un milieu relativement aisé et les jeunes garçons qui bougent sont bien nombreux dans mes classes.

Enfin, ce que je remarque depuis des années, c'est qu'on demande à l'école de s'adapter aux jeunes. Je ne dis pas que cela soit mauvais, mais on ne sort pas l'élève de lui-même, on ne le confronte pas avec d'autres modes de fonctionnement et d'apprentissage que les siens.

Souimi: l'école primaire et secondaire est un tronc commun qu'on entend donner à chaque jeune. Dès la troisième secondaire, un jeune peut s'inscrire à des formations davantage axer sur le marché du travail et les emplois plus manuels. Il s'agit peut-être de rendre son enseignement plus stimulant sans pour autant dminimuer ses attentes et ses exigences.

Chose certaine, j'ai toujours cru que c'est la relation maître-élève qui est le facteur le plus important dans une classe.

Anonyme a dit…

Non, il ne faut pas généraliser et non plus condamner ceux qui ne se conforment pas aux attentes stéréotypées. L'éducation trad a a habitué, forcé les garçons à ne pas s'exprimer avec des mots, mais plutôt avec les poings ou la violence, quitte à la canaliser dans des sports (devenus) violents).

La parole, les mots, les phrases, la conversation, l'expression orale est du domaine féminin. Encore plus si on se soucie d'y coller des sentiments, des émotions, d'être précis, et oh scandale, poétique, esthétique, philosophique.

Alors le français, la langue...

Pour moi, une partie importante de l'éducation des garçons, comme des filles (mais dans ce cas, c'est déjà tellement encouragé) consiste à les inciter à mettre des mots sur ce qu'ils ressentent, à exprimer en phrases compréhensibles, précises, voire recherchées ce qu'ils ressentent, à les écrire, aussi.

Je connais quelqu'un qui laisse un cahier sur la table familiale pour que les enfants (un garçon et une fille) y écrivent ce qu'ils vivent et ressentent. Je trouve ça génial.

Zed :)