30 avril 2008

Tiens, on me censurerait (ajout pour calmer les choses)

En Saignant, dans un billet dont la formule me ravit chaque fois, m'apprend que mon blogue serait inaccessible par le serveur de la CSDM (voir la question 34).

C'est plutôt rigolo quand on pense que deux journalistes m'ont contacté pour des infos supplémentaires à la suite d'un billet publié ici et que Radio-Canada me met en lien pour une analyse du plan Courchesne sur le français.

Il y en a qui auraient la couenne sensible.

Prof masqué et Britney Spears toute nue, même combat, faut croire...

Ajout

Comme le souligne un commentaire, on peut aussi se demander si ce site n'est pas bloqué à cause d'un mot, d'un terme qui activerait un système de sécurité quelconque. Pourtant, je n'avais pas écrit «Britney Spears nue» jusqu'à ce jour.

Il n'en demeure pas moins que ce site et les vôtres sont accessibles de ma commission scolaire. Il faudrait voir pour d'autres CS.

Pour l'instant, appelons cela une curiosité et utilisons le conditionnel. C'est tout.

27 avril 2008

Allo? Y a-t-il quelqu'un qui gère?

On apprend dans Le Devoir que le vérificateur général du Canada a noté que les coûts reliés à l'utilisation du téléphone cellulaire ont explosé dans un ministère fédéral important. En va-t-il autrement en éducation?

La réponse est non. Depuis quelques années, on peut remarquer que les directions d'école ont toutes un cellulaire fourni par la commission scolaire. De même pour les adjoints. Vérifie-t-on l'usage qui est fait de cet appareil et de son utilité en tenant compte des coûts qui y sont reliés? Pas sûr.

Je sais qu'on n'arrête pas le progrès mais, parfois l'appareil crée le besoin, surtout si les communications sont gratuites le soir et les fins de semaine. Je ne vous ferai pas l'apologie du bon vieux temps, sauf que je ne vois pas vraiment les changements que cette technologie a apportés dans mon école.

De même, vous jeterez un coup d'oeil sur les frais de déplacement de nos décideurs scolaires. Il est encore plus intéressant pour eux de se déplacer en voiture que d'utiliser des transports collectifs, par exemple. On m'a rapporté le cas d'un individu en particulier qui payait une partie de son véhicule en comptant sur ses frais de déplacement. Une réunion en région éloignée? Il y allait tout de suite.

Quand on parle de fric en éducation qui ne se rend pas dans les classes, en voilà un bon exemple. Et quand on sait que chaque plan de la ministre Courchesne comprend des comités, des réunions, des rencontres...

24 avril 2008

Tim à la retraite? (ajout à l'ajout)

Moi, je l'aime, Tim.

Tim, c'est le nom du chien de l'ex-policier qui vient à notre école dans le cadre d'un projet cinophile. Tim, parce son maître aime bien le café, j'imagine. En tous cas, c'est plus joli que Dunkin...

Le problème. c'est que l'avenir de Tim est menacé dans nos écoles. Du moins, c'est ce que nous apprend La Presse dans ce texte: «La Cour suprême du Canada déterminera vendredi si l'utilisation par les policiers de chiens renifleurs lors d'une visite aléatoire dans une école secondaire de l'Ontario constitue une perquisition et saisie raisonnable.»
Je sais que, quand on a proposé l'opération Pitou chez nous, j'avais soulevé cette interrogation. Pour moi, il s'agissait d'une perquisition indirecte, en quelque sorte. On m'avait assuré que des avis légaux avaient été obtenus autorisant une telle intervention. Mais c'était sans compter sur la justice.
Il faut savoir qu'il existe des précédents légaux permettant à un directeur d'école ou à son représentant de fouiller le casier d'un élève en se basant sur le fait qu'on doit assurer un lieu d'apprentissage correct aux élèves. Si j'y pense demain, je vous trouverai des infos supplémentaires et je les ajouterai à ce billet demain.
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Les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne comprennent différentes dispositions visant à protéger les citoyens contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives tout comme elles reconnaissent les droits à la présomption d'innocence et de respect de la vie privée. On comprendra l'importance de ces dispositions dans une société démocratique comme la nôtre.
En 1998 (M.R.C. c. Sa majesté la Reine, 26 novembre 1998), la Cour suprême du Canada a été appelée à se prononcer sur la fouille d'un étudiant en milieu scolaire. Pour les juges, les autorités scolaires ont l'obligation (notez le terme) de procurer aux étudiants un environnement sécuritaire, propice aux apprentissages et dans lequel règnent l'ordre et la discipline. Pour y arriver, elles doivent donc disposer de moyens nécessaires et suffisants.
Dans un contexte social où l'on assite à une augmentation de la violence et de la présence de la drogue dans écoles, la Cour croit qu'il y a lieu d'interpréter les les dispositions prévues par les différentes chartes avec une plus grande souplesse et de réduire les attentes à l'égard du respect de la vie privée.
Point important: cette souplesse est cependant bien encadrée. La direction de l'école doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu un manquement aux règlements scolaires. Elle doit donc se baser sur des sources crédibles pour intervenir. Il lui donc impossible de «partir à la pêche» à la drogue et ce sont ces limitations, je crois, qui pourraient remettre en question l'utilisation d'un chien renifleur dans nos écoles ou ailleurs.
Attendons donc le jugement d'aujourd'hui.
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Et voilà le jugement qui est tombé!
La Cour supême estime que les deux cas de fouille qui ont été présentés étaient illégaux puisqu'ils ne respectaient pas certains principes énoncés plus haut.
«Dans deux décisions complexes, la majorité des juges du plus haut tribunal au pays conclut qu'une fouille réalisée avec un chien renifleur ne peut pas être faite sans qu'il y ait eu des soupçons raisonnables avant la fouille.»
«Les élèves sont dorénavant à l'abri d'une fouille aléatoire menée par des policiers et des chiens renifleurs, mais pas à l'abri de fouilles organisées par les écoles elles-mêmes, sans la participation de policiers, comme celle faite il y a quelques jours dans une école de St-Jérôme, dans les Laurentides. Ces fouilles-là, qui mènent à une suspension de l'école mais pas à des accusations criminelles, n'ont pas encore été contestées devant les tribunaux.»
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On comprend donc que Tim va continuer à avoir du boulot, à la condition que son maître et les autorités scolaires fassent leurs devoirs s'ils veulent utiliser ce moyen.

23 avril 2008

Les tremblements de terre et de coeur

La vie de tout enseignant est parfois marquée de moments ou tout est remis en question. Souvent, ces moments ne viennent pas seuls. Cette semaine confirme la règle.

Tremblement de terre

Tout d'abord, dans le cadre du processus d'affectation des tâches, le Prof masqué a manifesté son intention d'enseigner en première secondaire. Gooba, tu aurais dû être là! Passer de la cinquième à la première, il n'en fallait pas plus pour frapper certains collègues de stupeur.

Les raisons de ce choix sont multiples.

Après 15 années à ce niveau, j'ai l'impression d'avoir tracé une piste autour du jardin tellement j'en ai fait le tour. Monotonie, lassitude... La cinquième ne représente plus aucun défi pour moi et le caractère pédagogiquement amorphe de mon école m'a poussé à réfléchir davantage à mon travail. Côté discipline et vie scolaire, j'ai tout d'abord fait le choix de ne pas changer de milieu de travail, les autres écoles de ma CS n'ayant pas nécessairement une réputation meilleure que la mienne.

J'ai alors fait le choix de vouloir changer à l'intérieur de ma propre école et, comme un poste s'ouvrait en PEI de première secondaire (trois groupes à 24 périodes), j'ai compris qu'une telle occasion de bouger ne s'offrirait pas de sitôt étant donné que nous sommes en baisse de clientèle et qu'on ne prévoit pas de départ à la retraite avant trois ans. Stratégiquement, en passant, ce départ à la retraite pourrait représenter une nouvelle occasion de changer si le choix que je compte faire ne me plaisait pas. Faut penser à long terme: on aime l'enseignement pour la vie!

À défaut de vivre dans un milieu stimulant, j'ai donc décidé de provoquer moi-même le changement, de faire tabula rasa (Bernard Landry, sors de ce corps!) de ce que je connais pour expérimenter du nouveau.

À travers leur surprise, je remarque subtilement que mes collègues estiment que la cinquième est plus exigeante: «Un prof de ton envergure... Tes connaissances en littérature... Ton contact avec les jeunes...»

Oh bien sûr, il y a le contact avec les grands, mais je pense qu'on peut allumer les yeux des plus petits d'une façon tout aussi stimulante. Peu importe la clientèle, c'est là le défi de chaque enseignant, je crois. Côté livre, je rangerais L'Orange mécanique pour Rouge Poison. J'aurai à découvrir un tout nouveau monde littéraire. En PEI, nous aborderons le Moyen-Âge, ce qui risque d'être stimulant. Et puis, avoir la responsabilité d'enseigner à des plus petits des choses tellement évidentes en cinquième, ça me fout la trouille! J'ai peur de m'élever à mon niveau d'incompétence.

Un tel changement demandera des ajustements dans mon langage, dans ma discipline personnelle et de classe. Sauf que... si je suis prêt à assumer ce changement, je dois aussi être prêt à devoir modifier certaines de mes comportements.

Il existe aussi de mauvais raisons pour effectuer ce changement: clientèle sélectionnée, charge de travail moins lourde, moins de pression qu'un prof de cinquième avec un examen du MELS en fin d'année ou de deuxième avec un bilan à la con, possibilité d'un projet d'informatique. J'appelle plutôt cela des avantages quand on a l'intention de donner le meilleur de soi-même encore et toujours. Et bien malin celui qui viendrait m'accuser de vouloir paresser.

Bref, je me sens comme Perrette dans la fable de La Fontaine sauf qu'il y a un hic: le droit de gérance de la direction. Le grand patron pourrait refuser ce changement et m'obliger à demeurer en cinquième. La principale raison est que le prof qui occupe le poste que je convoite le fait de façon temporaire depuis un an. Ce poste appartenait à une collègue qui est devenue directrice adjointe et est donc maintenant libre. Comme ce collègue connaît mieux le programme que moi et a une solide expérience du premier cycle, je ne suis pas convaincu que la direction acquiescera à ma demande.

On nage donc dans le doute. J'ai aussi la peur de changer et l'envie folle de reculer. Sauf qu'il y a une ombre à côté de moi et elle me dit qu'elle est écoeurée de me suivre sur des chemins trop battus.

Tremblement de cœur

Je m'étendrai moins sur ce sujet plus personnel et je vous saurai gré de ne pas insister sur celui-ci, mais Prof masqué a perdu la blonde qui partageait sa vie depuis sept ans.

Observation scolaire no 1: est-ce la saison, mais j'ai remarqué que c'est généralement dans les période de rush, surtout en fin d'année, que les conjoints plaquent leur enseignante moitié, les laissant avec leurs corrections, leurs yeux et leur crayon rouge. Un bon timing, quoi!

Observations scolaire no 2: dans un tel contexte, enseigner devient très pesant et très lourd quand on est un prof émotif qui vit proche de ses élèves. Une journée nous épuise totalement et on revient le soir dans une maison aussi vide que son coeur.

Observations scolaire 3: bien sûr, un ou deux collègues mettent en lien cette épreuve avec ma volonté de changer de niveau. Ils ont tout faux puisque ma réflexion date d'il y a quelques semaines. Mais s'ils croient qu'il faut être dépressif pour aller enseigner en PEI de première secondaire, que puis-je y faire?

Pour le reste, vous comprendrez que je préfère garder une certaine réserve sur ce que je vis.

22 avril 2008

La ministre Courchesne et la violence (suite)

Quelques ajouts sur le plan Courchesne.

Poirier en direct

À RDI, à l'émission Poirier en direct, Robert Cadotte n'y est pas allé avec le dos de la main morte quant à ses commentaires sur ce plan.

Pour lui, il est inutile de faire un portrait de la situation de la violence dans nos écoles puisqu'elle est déjà bien connue et documentée. C'est à la fois du temps et de l'argent dépensés inutilement.

Ensuite, il juge que le budget consacré à réduire la violence dans nos écoles est «ridicule». Il le compare avec celui que le CSDM a déjà mis de l'avant pour un projet semblable il y a quelques années et en vient à la conclusion qu'il faudrait au moins le double des sommes prévues.

Un autre point intéressant est que M. Cadotte estime qu'en général, les jeunes de 12 à 17 sont plus violents qu'il y a une vingtaine d'années si l'on se base sur des statistiques reliées à la criminalité chez les jeunes. Il admet toutefois que ce comportement ne se traduit pas automatiquement dans les salles de cours.

Enfin, M. Cadotte est d'avis que la violence à l'école est plus marquée dans les pré-maternelles et les écoles primaires. Il regrette que des programmes comme Vers le Pacifique ne soient pas plus présents dans les institutions scolaires et que les jeunes soient davantage amenés à adopter les comportements violents de certaines idoles médiatisées, par exemple.

Quelques réflexions...

Dans tout ce débat noyé par la victoire du Canadien et les célébrations qui s'en sont suivies (violence à l'école, hein...), diverses réflexions m'animent.

Tout d'abord, on travaille actuellement peu à la prévention de la violence dans les écoles. Il y a souvent peu d'activités afin de favoriser l'émergence de modèles autres que la violence pour régler des conflits entre les jeunes, par exemple.

L'application des codes de vie est aussi parfois très discutable. Quand j'écoute des collègues autour de moi, on sent qu'ils trouvent qu'on applique une discipline assez laxiste dans nos écoles. Il ne s'agit pas tant de tout mener comme si on était à l'armée que de faire preuve de cohérence avec les règlements qu'on s'est donnés, par exemple.

À cet égard, il conviendrait de favoriser davantage la concertation entre les enseignants, mais ce type d'intervention est parfois mal vu par certaines directions. Un exemple parmi tant d'autres: lorsque les enseignants de mon secteur se réunissaient, il nous était interdit par un adjoint de parler de cas spécifiques d'élèves de crainte de «stigmatiser» ces derniers. En échangeant en grand groupe de la sorte, on risquait en effet d'«étiqueter» un jeune et de lui nuire. Résultat: ce manque de concertation a permis à des élèves de se faufiler adroitement entre les grosses mailles du système et d'écoeurer le peuple pendant quatre années. Dans certains cas, ces comportements agressifs ou déplacés nuisaient à d'autres élèves, mais étaient aussi le signe d'une détresse psychologique. Bref, en ne voulant pas encadrer certains jeunes, on a nui à tout le monde, victimes comme agresseurs.

Les écoles ratent aussi parfois le bateau en matière de sécurité. Chez nous, il manque définitivement de surveillants dans l'école et ceux-ci ne sont pas toujours respectés par les élèves parce qu'ils ne sont pas assez soutenus dans leurs interventions.

Il est également parfois difficile d'identifier qui commet des mauvais coups parce que le système de caméras de surveillance dont nous disposons est désuet et incomplet. Certains élèves agissent donc en toute impunité. Loin de moi de souhaiter une ère de Big Brother, mais un jeune qui se surveille est un jeune plus prudent... On déplace le comportement violent à l'extérieur, me direz-vous, mais, au moins, l'école devient une aire protégée.

Enfin, et là je vous invite à penser à cet événement survenu aujourd'hui, nos écoles ne sont pas protégées contre la violence extérieure. Bien qu'il y ait eu les drames de l'École polytechnique, du Collège Dawson, de Virginia Tech, il est toujours aussi facile de pénétrer à l'intérieur de certaines institutions scolaires avec des intentions malveillantes. Chez nous, aucun obstacle n'empêche un parent furieux ou un fou avec une arme d'entrer par la dizaine de portes non sécurisées de mon école. Il n'y a rien de facile, croyez-moi! On n'a tiré strictement aucune leçon des événements passés.

Réponse à Sylvain

En réaction à mon dernier billet, Sylvain me demande:

Ma question est donc la suivante : que faire alors ? Le décentralisé tablette et le centralisé fait empocher les étages supérieurs. Dan un cas comme dans l'autre, il ne se passe véritablement rien à la base pour solutionner le problème. Que pouvons-nous alors faire ?

Je crois honnêtement que les enseignants auraient intérêt à se concerter davantage dans une école. Chez nous, c'est après des réunions informelles auxquelles la direction n'était pas invitée que nous avons dressé une liste d'élèves problématiques. Après quelques semaines, nous avons soumis à nos patrons un dossier suffisamment étayé pour leur demander de prendre des moyens pour amener ces jeunes à corriger leur comportement. Remarquez aussi qu'il a fallu deux profs en burn out pour que certains allument... Il faut toujours des victimes, semble-t-il.

Là ou je suis découragé cependant, c'est du peu d'écoute de nos gestionnaires. Un exemple: depuis quatre ans, nous soulignons le manque de sécurité dans notre école. Un vrai moulin!

La question a été abordée en Conseil d'établissement, en Comité de participation des enseignants, rien n'a été corrigé. La commission scolaire est actuellement en train de changer les fenêtres de nos classes (en pleine année scolaire), mais elle n'a pas d'argent, semble-t-il, pour installer des portes sécurisées. Les économies d'énergie sont plus importantes.

21 avril 2008

La ministre Courchesne et la violence

La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, dévoilait aujourd'hui sa politique sur la violence à l'école (ici, et ici). Dotée d'un budget de 16,9 millions sur trois ans, celle-ci ratisse large: gangs de rue, taxage, violence amoureuse entre jeunes, homophobie, cyberintimidation, violence dans le transport écolier et violence verbale.

Le plan Courchesne s'oriente selon quatre axe précis: la prévention et le traitement de la violence; la concertation et la formation; la recherche et la documentation; le suivi et l'évaluation du plan. Ces axes semblent logiques, cohérents et bien définis.

De façon plus précise, un premier aspect de cette politique vise à établir un portrait juste de la situation de la violence dans les écoles québécoises d'ici l'automne 2008. Celui-ci est attendu depuis 2005 alors que le vérificateur général du Québec avait alors suggéré au gouvernement de l’époque de brosser un portrait de la situation de la violence dans les écoles du Québec, de poser des actions concrètes afin de l'éliminer de ces lieux et d'évaluer l'efficacité de celles-ci.

Un autre aspect intéressant de cette politique est que chaque école devra se doter d'un plan pour combattre la violence. Le risque réside cependant dans le fait que cet exercice ne dépasse pas le stade du document photocopié. C’est souvent le danger qui guette les actions décentralisées.

Enfin, un comité de concertation interministériel sera formé afin de veiller à la cohérence et à l'efficacité des actions qui seront posées. Il sera formé de représentants du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, du ministère de la Santé et des Services sociaux, du ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique, du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, et du ministère de la Famille et des Aînés. Que cette action concertée me semble primordiale puisque la problématique de la violence à l'école ne relève pas uniquement du MELS et interpelle bien d'autres ministères.

Ce que l'on remarque également, c'est que le budget prévu de 16,9 millions sera réparti ainsi:

  • 7 millions seront accordés aux commissions scolaires pour l'ajout de personnes ressources et les interventions à l'école.
  • 5,2 millions $ serviront à créer un service pour accompagner les élèves qui ont été suspendus ou expulsés de l'école, afin qu'ils ne se retrouvent pas à la rue à ne rien faire.
  • 4,1 millions $ iront à la formation du personnel. À ce propos, la question de la violence à l'école devra dorénavant être incluse dans la formation initiale du personnel à l'université.

On ne peut qu'approuver tout projet qui vise à rendre nos écoles plus sécuritaires, permettant ainsi qu'elles soient un meilleur lieu d'apprentissage.

Ma principale crainte est cependant que tout cet argent se perde dans les dédales administratifs des écoles et des commissions scolaires. Nos écoles ont besoin de système de sécurité, de caméras, de surveillants sur le plancher. Or, nos gestionnaires scolaires ont cette fantastique aptitude à réussir à ne pas améliorer certaines situations au quotidien.

Un autre élément est qu’on ne semble pas assez mettre de l’avant des alternatives aux comportements violents, des mesures pour que les élèves puissent déverser leur trop-plein d’énergie dans des activités saines au lieu d’être laissés à eux-mêmes.

Puisqu’on parle de violence à l'école, diverses questions me viennent en tête.

Y a-t-il plus de violence à l'école?

À ma connaissance, aucune étude sérieuse ne s'est penchée sur cette question. Il sera donc intéressant d'analyser les résultats du portrait que le MELS compte terminer en à ce sujet.

Pour Richard E. Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le développement de l'enfant, la réponse à cette question est non: «Cela fait depuis la fin des années 1970 que j'étudie ce problème et, à l'époque, les enseignants disaient la même chose! Ce n'est pas vrai qu'il y a plus de problèmes. Dans l'ensemble, au Québec, il y a moins de violence qu'il y a 20 ans.»

Cependant, pour Égide Royer, codirecteur de l'Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l'école, ce phénomène gagne en importance, notamment auprès des enfants de la maternelle: «Il y a des jeunes qui portent des vêtements griffés et qui mènent le diable en maternelle. On est à côté de la plaque si on dit que ça survient uniquement en milieu défavorisé.» Pour plusieurs experts, ces comportements seraient attribuables à un manque de discipline et d'encadrement parental.

Ce que l'on remarque également, c'est que le nombre de plaintes effectués par les enseignants montréalais a doublé depuis un an, passant de 127 en 2005-2006 à 245 en 2006-2007. Faut-il alors en déduire comme le fait le journal La Presse que «La violence augmente à un rythme vertigineux» et que «La terreur gagne même la maternelle» ? Je ne sais pas.

Une bonne partie de cette augmentation est davantage attribuable, selon moi, au fait que les comportements violents sont moins tolérés par les professeurs et c'est tant mieux parce que la meilleure façon de mettre fin à la violence, c'est tout d'abord de la dénoncer.

Il est d’ailleurs ironique qu’un des moyens de pressions adoptés lors des négociations entourant la dernière convention collective ait été de ne plus tolérer la violence au travail. Pourquoi en avoir fait un moyen de pression, une action ponctuelle en quelque sorte, alors que cela devrait aller de soi en tout temps?

Pour revenir à l’idée de dénoncer la violence, l'enseignant victime de celle-ci est un être humain et il aura souvent honte d'avouer à ses confrères ou à la direction ce qu'on lui aura fait subir. Il aura peur de passer pour un faible ou de montrer qu'il n'a pas l'étoffe des héros. Et parfois, il préfère naïvement acheter la paix.

Cela, c'est sans parler de toute la lourdeur de paperasse administrative qui accompagne une démarche visant à sanctionner un élève. Parfois, c'est à se demander si l'enseignant n'est pas coupable de ce qui lui arrive jusqu'à preuve du contraire. De même pour l’adjoint qui attendra toujours d’avoir le meilleur dossier au monde avant d'intervenir, de crainte d'un éventuel recours de la part des parents concernés.

Enfin, puisqu'on parle de ces derniers, il y a aussi une situation qui est, quant à moi, assez récente: celle des parents harceleurs ou violents qui veulent régler les problèmes de leur enfant avec le professeur. Juste à mon école, deux événements violents du genre ont été portés à ma connaissance en trois ans. Et je ne tiens pas compte de toutes les joutes verbales agressantes et de l’intimidation verbale. C’en est même rendu que certains collègues ne téléphonent aux parents qu’en présence d’un témoin!

Bref, l'un dans l'autre, il est bien difficile pour l'instant de déterminer si la situation s'est dégradée. Il faut alors se baser sur des témoignages et des commentaires bien personnels.

Un surveillant d'école, qui oeuvre en milieu scolaire depuis 24 ans, m'a indiqué qu'il estimait que le niveau de violence est plus bas aujourd'hui qu'autrefois. De même pour quelques vieux enseignants et amis qui m'ont confié leurs souvenirs de jeunesse et de carrière.

Si je repense à mon vécu scolaire, je me souviens que je n'étais pas un ange et je ne peux compter combien de fois je me suis battu au primaire et au secondaire. J'étais le plus grand: un petit nerveux m'essayait presque chaque semaine. J'étudiais dans une école de garçons et il s'agissait d'un milieu aisé mais parfois dur. Malheur à celui qui avait l'air d'un fif. Et je ne parle pas de des Anglais de l'école voisine avec qui on se pognait à l'arrêt d'autobus.

Je me souviens également de ces profs que nous avons épuisés professionnellement par notre attitude en classe. La discipline était pourtant sévère, mais il faut croire que nous avions besoin d'être cons et de dépasser les limites.

La perception idéalisé qu'on peut avoir du passé vient peut-être faussé le regard que nous jetons sur l'école d'aujourd'hui.

Cependant, il faut reconnaitre que la violence est maintenant plus médiatisée qu'autrefois. Il y a des bagarres dans les écoles qui font les premières pages des journaux. Le phénomène You Tube vient fort possiblement amplifier cette perception

Il y a aussi le fait que cette violence origine parfois de groupes criminalisés comme les gangs de rue. Avec les Blood et les Crisp, on est loin des menaces du genre: «On va t'attendre au rack à bécycles à trois heures.»

Ce qui a peut-être le plus changé, c'est davantage le manque de respect à l'égard des enseignants et d'une certaine autorité. Les interventions disciplinaires sont parfois plus difficiles à effectuer. Certains élèves contestent davantage lors d'une intervention ou sont carrément impolis. Au quotidien, c'est ce manque de savoir-vivre qui devient quasiment agressant.

Et, au fond, est-ce si important de savoir si la violence a augmenté dans les écoles? S'il y en a, c'est déjà le signe qu'il faut agir.

Le personnel est-il formé pour faire face à des incidents violents?

La réponse à cette question est non. Au niveau universitaire, les étudiants ne reçoivent actuellement aucune formation à cet effet. Dans les écoles, je n’ai entendu parler qu’une fois d’une formation de ce genre et j’ai 14 années d’expérience dans le milieu scolaire.

Pas étonnant alors que bien des enseignants fuient les situations conflictuelles et ferment les yeux. Il y a aussi le fait qu’un enseignant qui interviendrait de façon inadéquate pourrait être sanctionné.

Les écoles ont-elles les ressources pour mieux prévenir et encadrer la violence?

Soyons honnête : les écoles ne se donnent pas les moyens de le faire. La salle de conférence de la direction de mon école montre ou sont certaines de ses priorités. On manque peut-être d’argent, mais on effectue des choix douteux aussi.

Comme je l’ai indiqué, le risque est que l’argent neuf que le MELS prévoit verser ne se rende pas sur le plancher, dans les classes.

C’est donc un dossier à suivre, comme dirait l’autre.

20 avril 2008

Franchement, comme hypocrisie... (ajout)

Dans le Journal de Montréal d'aujourd'hui, on apprend que le CRTC a blâmé la chaîne spécialisée ARTV d'avoir diffusé en heure de grande écoute le film Mourir à tue-tête. Ce dernier comporte, de par la nature même de son propos, des scènes de violence sexuelle explicite puisqu'il montre le destin tragique d'une femme victime d'une agression sexuelle particulièrement sordide.

ARTV a plaidé qu'elle était une chaîne qui s'adressait à des adultes et que des mises en garde accompagnaient la diffusion de cette oeuvre. Rien n'y fit: selon le CRTC, ARTV a manqué à ses obligations en ne diffusant pas cette émission comportant des scènes de violence entre 21 h et 6 h : «Le Conseil est d'avis qu'ARTV aurait dû être plus attentive au fait qu'en diffusant Mourir à tue-tête avant 21 h, elle risquait d'exposer des enfants à une programmation délibérément dérangeante»

Non, mais quelle hypocrisie! Des émissions violentes sont diffusées à toute heure du jour et de la nuit au Canada. Et je ne parle pas de Playboy Channel et compagnie!

Non, le vrai problème avec Mourir à tue-tête est justement qu'il s'agit d'un docudrame dérangeant. De la porno soft, des viols scénarisés et banalisés, de l'hémoglobine coulant à flots, pas de problème! Mais sitôt qu'on diffuse un film qui aborde une dynamique sociale et psychologique de façon crue, directe et sans artifices, voilà qu'on monte aux barricades en ignorant toutes les autres émissions dont les effets sont encore bien plus insidieux et dévastateurs.

D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que Mourir à tue-tête soulève la controverse à cause du traitement du sujet qu'on y aborde. C'est sans doute le signe qu'il s'agit d'une oeuvre marquante.

Quant au fait que cette production aurait dû être diffusée après 21 h, on vit dans la pensée magique de croire que nos jeunes sont couchés à cette heure.

J'espère que le citoyen qui s'est plaint au CRTC le fera aussi pour toutes les autres émissions dérangeantes qui sont diffusées sur les ondes. Mais permettez-moi d'en doutez: la porno soft, les viols scénarisés et banalisés, l'hémoglobine coulant à flots, c'est devenu banal.
PS: une question m'empêche de dormir: ajoint jaunâtre a-t-il déjà travaillé au CRTC?

18 avril 2008

L'heure juste

Avez-vous l'heure? Celle-ci varie bien évidemment selon le fuseau horaire ou vous vous situez. Elle peut aussi dépendre de celui qui vous la donne: est-il un individu précis ou nage-t-il dans l'imprécision? Et puis, il y a aussi l'heure politique, celle qu'on impose, celle du changement ou celle du grand bond en avant.

Cette entrée en matière pour vous indiquer qu'un regroupement de différents intervenants en éducation (voir la liste à la fin de ce billet) vient de lancer un bulletin d'information pour les parents et que ce dernier s'intitule, vous l'avez deviné, L'heure juste.

Sa mission: «mettre en valeur les bons coups de l’école d’aujourd’hui.» L'équivalent de la bonne nouvelle GM en quelque sorte... à la différence près que GM n'essayait pas de nous fourguer ses citrons pendant celle-ci.

Je vous cite quelques extraits pour vous dérider quelque peu:
  • Le nouveau programme en vigueur est exigeant pour les élèves. Les contenus ont été améliorés afin de donner aux élèves une formation enrichie et de les aider à devenir des citoyens actifs, avertis et responsables.
  • La rigueur et le sens de l’effort seront toujours valorisés à l’école et nous sommes convaincus que c’est là le meilleur chemin pour atteindre la réussite.
  • Le fait que l’école québécoise évolue au rythme du 21e siècle n’empêche en rien de poursuivre l’enseignement traditionnel. Les dictées et l’apprentissage des tables de multiplication, par exemple, sont toujours présents à l’école. La différence, c’est que maintenant les élèves ont en plus la possibilité d’utiliser leurs connaissances dans une grande variété de situations.
  • Un élève qui sait n’est peut-être pas compétent, mais un élève compétent est toujours un élève « qui sait ».
Vous ai-je indiqué que les seuls intervenants qu'on ne retrouve pas à l'origine de la publication de ce bulletin de désinformation sont le MELS lui-même et les enseignants.

Pourquoi ai-je la douceureuse impression qu'on gaspille notre fric à essayer de nous manipuler?

Les membres du regroupement responsable de la publication de L'heure juste sont:
Association des cadres scolaires du Québec (ACSQ)
Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ)
Association des directeurs généraux des commissions scolaires (ADIGECS)
Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES)
Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)
Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)
Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE)

16 avril 2008

Se mentir à soi-même et aux autres

Les administrateurs du site Atheex.com ont écrit à propos de mon billet précédent. Je recopie ici leur message. Comme il est accessible sur Internet, je ne crois pas enfreindre quelque règle de bienséance que ce soit envers ces joyeux étudiants qui viendraient du collège Durocher de Longueuil.

Le prof masqué nous fait part de son opinion

Le prof masqué qui tient un blog ou il émet ses opinions sur l'éducation, entre autres. Suite à la sortie de l'article dans le Journal de Montréal il a, comme on pouvait s'y attendre, donné critique à ce dernier.

Je tiens à souligner que nous apprécions tout commentaire par rapport au contenu de notre site. Qu'il soit positif ou négatif. Je crois seulement que plusieurs personnes ne comprennent pas l'essence du site qui est de créer une banque de donnée accessible aux élèves afin de leur donner tous les outils pour leur réussite.

Nous ne demandons pas de tricher ou de plagier, le site et ses fichiers sont là pour donner des exemples, des exercices et non des travaux fait et prêts à être remis au professeur. D'ailleurs, les professeurs sont aussi invités à visiter le site afin de contrer le plagiat avec les fichiers du forum. Les trucs pour tricher ne sont qu'une infime partie de ce forum, les enseignant peuvent aussi s'en servir afin de détecter les tricheurs.

Prière de nous faire part de votre opinion en vous efforçant d'être constructifs et non-haineux.

p.s. Nos parents nous ont très bien élevé, nous sommes par contre un peu trop vieux pour être punis. (Prof Masqué)

Tout d'abord, mettons une chose au clair: je n'ai pas écrit à ces jeunes. J'ai publié un billet sur mon blogue, billet ou je traitais en partie de leur site. Le titre de leur billet est donc, à tout le moins, inexact. Mais quelle importance!

Quoi qu'il en soit, rempli de bonne volonté, je suis donc aller survoler leur site. Et si le Journal de Montréal s'était trompé...?

Voici quelques-uns des éléments que j'y ai trouvés et qui montrent hors de tout doute que «l'essence de ce site (...) est de créer une banque de donnée accessible aux élèves afin de leur donner tous les outils pour leur réussite.»

Ici, les auteurs du site montrent comment éviter des retenues en forgeant de faux documents ou en imitant la signature de certains profs.

Ici encore, les auteurs du site montrent comment sécher un cours en forgeant de faux documents.

Même procédé. C'est lassant.

Enfin un peu de variété! On montre ici comment tricher avec la traditionnelle efface mais, technologie oblige, avec un cellulaire, un lecteur I-Pod, une calculatrice. Cette phrase a elle seule est très révélatrice: «Il existe des milliers de trucs, mais je voulais vous en dire certains. Partager vos expériences ou d’autres trucs pour tricher (je vais les ajouter sur la page).»

Horreur! une telle chronique est impensable si on lit les nobles intentions des créateurs de ce site. Mais on retient leur conseil: «Ensuite, vérifier sur internet pour être sur que votre travail n’est pas retraçable.»

Allez constater par vous-même...

Je crois qu'il est inutile d'en rajouter. Je le répète: quant à moi, les parents de ces deux jeunes manquent une bonne occasion de les éduquer. Je n'ai pas écrit «punir».

On leur souhaite donc beaucoup de bonheur!

15 avril 2008

Trichons sans problème à l'école (ajout)

Hier et aujourd'hui, le Journal de Montréal a publié quelques textes sur le phénomène du plagiat à l'école, dont un sur lequel je reviendrai à la fin de ce billet.

Il ne faut pas se leurrer: les jeunes trichent amplement en classe. Et il ne faut pas croire que les nouvelles façons d'évaluer les jeunes propres à la réforme les empêcheront de continuer cette pratique qui remonte au moins à Charlemagne! Aujourd'hui, le plagiat est simplement plus facile qu'autrefois. Une bonne recherche sur Internet, un copier-coller et le tour est joué.

On peut toujours vouloir contrer ce phénomène en utilisant des logiciels de recherche afin de dépister les éventuels fraudeurs, mais il n'en demeure pas moins que le plagiat est d'abord et avant tout une question morale et d'éthique.

Pour ma part, j'incite mes élèves à utiliser Internet, à y chercher des informations qu'ils pourront utiliser dans leurs travaux, dans la lecture de leurs romans. Je ne leur demande que deux choses: d'indiquer leurs sources et de ne pas citer les propos de quelqu'un d'autre à moins de les placer entre guillemets.

Je leur recommande aussi de demeurer très critique quant aux informations qu'ils recueillent et je dois avouer que je n'ai pas besoin d'échanger très longtemps avec eux sur ce point: ils sont bien au courant des limites des sources qu'ils peuvent consulter. Même Wikipédia ne trouve pas nécessairement grâce à leur regard.

Un autre élément dont je discute avec mes élèves par rapport au plagiat, c'est bien sûr le respect de la propriété intellectuelle. Une idée, une phrase peut appartenir à quelqu'un. Ce concept est assez simple à comprendre pour eux quand on le met en relation avec le piratage de chansons ou de films, par exemple.

Plagier est une question morale et éthique, je l'ai dit. Là ou je décroche, c'est quand je lis ce texte du Journal de Montréal portant sur «le premier site québécois d'échange de notes de cours, de résultats d'examens et de trucs pour tricher pour les élèves du secondaire.»

Ce site regrouperait «quelque 300 documents pour toutes les années d'études, dont des notes de cours, des résultats d'examens et des laboratoires. Un blogue, un forum, des trucs pour tricher et même des modèles de billets de retard pour remettre aux professeurs sont également en ligne.»

Mis sur pied par deux élèves d'un collège privé de la Rive-Sud (l'éducation ne va pas toujours de pair avec l'argent), le site atheex.com a été consulté 30 000 fois par quelque 5 000 internautes au cours des derniers mois. Ce nombre devrait exploser sous peu avec la belle publicité gratuite, gracieuseté du JdeM. (D'ailleurs, le site a connu une hausse spectaculaire visite aujourd'hui si on se base sur tout le monde en blogue.)

Les deux parents de nos joyeux lurons sont au courant des activités de leurs enfants. «Du bout des lèvres, Paul et Jean avouent toutefois que leurs parents n'appuient pas leur démarche. «Ils ne sont pas nécessairement d'accord. Ils trouvent qu'il y a de bonnes choses dans le site, mais ils n'approuvent pas les trucs pour plagier.»

Plagier est une question morale et éthique. Je connais les parents de deux enfants qui manquent une bonne occasion de les éduquer. En cautionnant cette culture de la tricherie dans leur propre maison, j'espère qu'ils se plaindront pas le jour ou leurs charmants bambins leur mentiront à propos d'un accident de voiture, de la rougeur de leurs yeux, du vol d'un billet dans un portefeuille...

D'ailleurs, dans la même veine, je songe à ouvrir un site: «Mentez_a_vos_parents.com» Après tout, si je me base sur cet autre texte du Journal, «Mentir serait inévitable et même essentiel au développement des enfants.» Je ne voudrais quand même pas brimer notre jeunesse.

14 avril 2008

Cherche, mon Rex!

Le Journal de Montréal y consacre quelques textes (ici, ici et ici): la polyvalente Saint-Jérôme a embauché une firme canine spécialisée dans la détection de drogues.

À différentes occasions au cours de l'année, des chiens pisteurs se promènent donc dans cet établissement scolaire à la recherche de substances illicites. L'opération en soi n'est pas nouvelle. Diverses écoles utilisent déjà depuis quelques années de tels services et TQS en a même parlé l'année dernière. Mais quand la nouvelle fait les pages du Journal, on en parle davantage...

Tout d'abord, il faut savoir à quel point les toutous sniffeux sont efficaces. Pour avoir assisté à une démonstration mettant en présence l'un d'entre eux, on constate rapidement qu'ils peuvent même identifier un élève qui aurait fumé un joint la fin de semaine précédente grâce à l'odeur résiduelle présente sur ses vêtements. Les chiens peuvent également reconnaître la présence de drogues chimiques ou d'armes à feu. De quoi donner froid dans le dos.

Il existe tout un protocole entourant ce type d'opération cinophile. Tout d'abord, les élèves sont rencontrés en début d'année et on leur fait une brève démonstration des capacités olfactives des chiens pisteurs. Par la suite, ils sont avertis de ne pas conserver dans leur casier ou sur eux des drogues. Enfin, on leur indique les conséquences entraînant la possession de stupéfiants à l'école.

Les maîtres pisteurs viennent alors promener occasionnellement leur chien dans l'école sur les heures de cours. Ils peuvent aussi cibler le casier de certains étudiants et même aller en classe renifler l'étui à crayons d'un jeune, par exemple. Bien sûr, dans ce cas précis, les élèves seront alors amenés dans une autre pièce, le temps que pitou fasse son travail. Chez nous, en aucun temps, un élève est reniflé par un chien et le travail de ces chiens se fait à l'abri du regard indiscret des jeunes.

Le maître chien pourra également aller à l'extérieur de l'établissement scolaire puisque certains élèves ont la présence d'esprit de cacher leur stock sur le terrain de leur école ou dans leur voiture.

Toute cette opération sera peu efficace si elle ne comprend qu'un volet répressif. Les jeunes en possession de stupéfiants ou qu'on suspecte de consommer doivent être mis en lien rapidement avec un intervenant spécialisé en toxicomanie. Sinon, l'école perd son temps à les suspendre ou à les expulser. Un jeune qui cesse de consommer a souvent plus d'influence sur ses camarades que celui qu'on suspend. J'en sais quelque chose puisque, une année, trois cas du genre sont arrivés dans une de mes classes.

La consommation de stupéfiants est souvent le signal que le jeune vit un problème majeur à la maison ou dans sa vie personnelle. Il a alors davantage besoin d'aide et d'un soutien professionnel que d'une bête discipline. Je repense à ce grand sosie de Jim Morrisson dans un de mes groupes qui était polytoxicomane à 12 ans. J'ai échangé avec lui mon chandail des Stones contre celui du Bloc Pot qu'il portait chaque semaine. Brillant, charismatique et peut-être mort aujourd'hui.

Un autre danger relié à cette opération est qu'elle ne fasse parfois que déplacer le problème. Elle doit s'inscrire dans une politique plus large de lutte à la consommation de drogues dans une école. Sinon, les jeunes se font livrer à proximité de l'école à l'heure du midi les substances dont ils ont besoin pour continuer leur journée. Le dépanneur, le restaurant du coin fera l'affaire...

Par ailleurs, les enseignants doivent être formés pour reconnaître les signes indiquant qu'un jeune est sous l'effet de substances illicites et intervenir, le cas échéant. L'école et le milieu social environnant doivent également fournir les ressources nécessaires pour traiter les jeunes. Enfin, les parents doivent être mis à contribution et assurer un meilleur encadrement de leur enfant.

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Quand je relis ce texte, je me trouve vieux jeu. Un joint n'a pas fait de mal à personne et qui n'a pas fumé un splif dans sa jeunesse. Sauf qu'aujourd'hui, cette réalité semble bien différente de celle que j'ai connue.

13 avril 2008

NB comme «Nota bene»?

Tiens, jetons aujourd'hui un regard sur une contrée exotique et lointaine: le Nouveau-Brunswick.

Branle-bas de combat chez certains parents de cette province puisque le gouvernement de Gordon Shawn a décidé de procédé à une réforme majeure en éducation, soit d'abolir le programme d'immersion linguistique au primaire. Le français ne fera maintenant son apparition qu'en cinquième année du primaire avec un bain linguistique de cinq mois. Dans les faits, comme le soulignait la journaliste de La Presse ,c'est un peu comme si on abolissait tous les programmes particuliers des écoles du Québec.

Selon le gouvernement, les dernières places qu'occupent les élèves néo-brunswickois dans les épreuves nationales s'expliqueraient par l'écrémage que créerait ce programme au sein des classes. Il faut dire qu'un éléve anglophone sur trois y est actuellement inscrit.

Pour Doug Willms, directeur de l'Institut canadien de recherche pour les études politiques à l'Université du Nouveau-Brunswick, l'immersion française crée une ségrégation «pire que celle qui existe entre les enfants blancs et noirs aux États-Unis. Selon nos recherches, les 20% d'enfants issus de familles ayant les revenus les plus élevés ont deux fois plus de chances de se retrouver en classe d'immersion. Les parents qui parlent de choix me font rire, dit-il. Aujourd'hui, ils n'ont aucun choix: s'ils veulent assurer une bonne éducation à leurs enfants, ils doivent opter pour l'immersion.» Ce dernier croit que, quand ce programme disparaîtra, les classes seront plus faciles à gérer et que tous les jeunes en profiteront.

Même son de cloche du côté du ministre: «J'ai la responsabilité morale de faire en sorte que la réussite de mon fils ne se fasse pas aux dépens d'un enfant en difficulté.»

Les réactions sont vives. On voit maintenant des anglophones défendre le droit à l'immersion française. Joseph Dicks, directeur de l'Institut des langues secondes à l'Université du Nouveau-Brunswick, ce changement «défie le bon sens». Des professeurs d'université parle d'une «erreur gigantesque». Mais le ministre de l'Éducation Lamrock a annoncé son intention d'aller de l'avant malgré tout.

Je ne sais pas pourquoi, mais il me vient plusieurs parallèles qu'on pourrait établir avec le Québec.

11 avril 2008

Un autre chantier en éducation

Ce texte est toujours une fiction, né de l'imaginaire d'un esprit intolérant et intempestif.
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Mise en situation. Notre école a le bonheur de revoir sa fenestration entièrement refaite. Réjouissons-nous!

Les travaux débute en avril et se termineront en août. On débute par les fenêtres du troisième pour ensuite faire celles des étages du dessous. Comprenne qui pourra, mais ces rénovations ont lieu durant les heures de cours. Certaines classes devront être déplacées pour une semaine, mais on ne sait pas vraiment ou ni quand.
Avec les exposés oraux de fin d'année qui s'en viennent, on a évidemment hâte d'écouter les élèves nous parler de poésie entre deux coups de marteau et la mélodie d'une scie ronde. C'est sûrement ce qu'on appelle «construire ses savoirs».

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Mercredi 8h00. Je petit-déjeune avec des élèves en prévision d'un examen d'étape avec une trentaine d'élèves de mes groupes. Tout à coup, une plateforme élévatrice s'installe devant les fenêtres de ma classe.

La machine est grosse, bruyante, polluante. Je ferme les fenêtre avant que l'odeur envahisse la classe. Immédiatement, je me rends chez l'adjoint jaunâtre et je lui indique que ça n'a aucun sens que cette grosse machinerie campe à moins d'un pied des fenêtres d'un local situé en partie au sous-sol alors qu'il va y avoir un examen d'étape.

Adjoint jaune: On vous avait dit qu'il y allait avoir des travaux. Attends avant de t'énerver. Il n'y a rien qui indique que la machine va être là toute la journée.
Enseignant : oui, mais si c'est le cas, avez-vous une solution de rechange?
Adjoint jaune: Il va falloir faire avec. On vous avait dit qu'il y allait avoir des travaux.
Enseignant: Peut-être, mais tu ne travaillerais pas avec une machine comme ça dans tes oreilles. Les élèves ont le droit de passer leur examen dans des conditions qui favorisent leur réussite, il me semble. As-tu pensé à une alternative pour aujourd'hui?
Adjoint jaune: Écoute, je ne peux rien y faire. On vous avait dit qu'il y allait avoir des travaux. Tu peux toujours aller voir l'adjoint aux ressources matérielles.

Parler dans le vide aurait été plus efficace.
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Mise en situation. L'adjoint aux ressources matérielles a la réputation d'avoir des sautes d'humeur, d'avoir ses enseignants préférés, d'être autoritaire, de ne pas supporter la critique ou la contestation. Les rumeurs aussi disent qu'il aime bien le nouveau responsable de la bibliothèque.

Prof masqué ne fait pas partie de ses profs préférés. Vous vous en doutiez, j'en suis sûr.

L'adjoint l'a déjà engueulé devant des collègues. Il ne le salue même pas dans les corridors et l'ignore quand il le croise. Appelons-le «adjoint rouge» pour sa tendance à être colérique. On l'aime ou on le déteste.

Oh! Prof masqué a ses défauts: il peut être chiant, dérangeant, pointilleux, baveux, mais il a à coeur ses élèves et ne compte pas ses heures. Sauf que, manifestement, cela n'a plus d'importance dans le réseau d'éducation aujourd'hui. Il faut plutôt savoir aimer la direction.

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Catastrophé, je salue prudemment l'adjoint rouge et lui explique la situation alors que ce dernier arrive à peine à son bureau.

Adjoint rouge: Vous parlez d'une façon de m'accueillir!
Enseignant: je suis désolé, mais la situation est là et il faudrait une solution.
Adjoint rouge: On vous avait dit qu'il y allait avoir des travaux.
Enseignant: oui, mais on ne peut pas laisser les élèves passer leur examen d'année dans des conditions semblables.
Adjoint rouge: ce n'est pas leur examen d'année, mais d'étape.
Enseignant: c'est vrai, je me suis trompé, mais c'est quand même un examen d'étape. Vous ne passeriez pas un examen dans des conditions semblables.
Adjoint rouge: On vous avait dit qu'il y allait avoir des travaux.
Enseignant: avec une plateforme élévatrice bruyante qui pue à un pied des fenêtres de classe alors que les élèves vont être en examen?
Adjoint rouge : si vous verriez les conditions dans lesquelles je travaille, vous verriez que nous aussi, on vit des situations difficiles.

En une fraction de seconde, le regard de Prof masqué est ailleurs. Il repense à la nouvelle salle de conférence dont s'est doté la direction. Il pense aussi aux fauteuils en cuir, à la peinture neuve, au mini-frigo. Il pense enfin au bureau de travail de l'adjoint rouge qui fait l'envie de bien des membres du personnel. Décidément, la vie est difficile pour la classe supérieure

L'adjoint rouge doit lire dans les pensées des profs puisque la conversation n'en est plus une. Dans les faits, le reste de cet échange est inaudible parce que l'adjoint rouge s'est mis à engueuler vertement le Prof masqué qui a préféré fuir la bêtise.
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Quelques minutes avant le début de l'examen, la plateforme élévatrice est partie polluer une autre région du monde. Fuck Kyoto!
Vous pourriez penser que toute cette histoire se termine bien, que Prof masqué est un éternel chiâleux, qu'il s'en fait toujours pour rien...
Mais non! Il y avait une deuxième plateforme élévatrice devant les fenêtres d'une autre classe en examen. Devant le bruit et l'odeur, le surveillant de celui-ci a décidé de changer de local rapidement.

Prof masqué a alors appris que, durant la même semaine, l'autre plateforme élévatrice avait sévi devant les fenêtres d'une autre classe, perturbant les cours et les esprits des jeunes élèves captivés par cette technologie et les craque de fesses des ouvriers. Une enseignante lui a même confié avoir eu des étourdissements.

Normalement, si vous vous y connaissez, après les étourdissements, il y a les vomissements, la perte de conscience et, finalement, la mort.
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Ce matin, certains collègues, dans les bonnes grâces de l'adjoint rouge, étaient tout heureux de dire au Prof masqué que la direction allait, après vérification, prendre des mesures pour éviter que les plateformes élévatrices perturbent les cours.

Trop tard: Prof masqué a pris deux résolution.
  1. Je n'enseignerai pas dans un chantier de construction. Si le climat de la classe n'est pas propice au apprentissages des élèves, nous irons à la bibliothèque ou dehors.
  2. Je vais consulter un psychologue spécialisé en relations de travail.
Appelons cela deux pas dans la bonne voie. Car, dans toute cette saga des travaux de construction pendant les heures de classe, l'adjoint jaune a reproché au Prof masqué de ne pas être assez... constructif.
Dans un autre billet: une autre raison d'aller voir un psychologue spécialisé en rlations de travail.

Un roman intéressant

Impression de lecture sur un roman policier lu il y a quelques semaines, mais que j'avais prêté à une amie.

Il s'agit d'un roman noir dont le titre est tout ce qu'il y a de plus banal et dont l'intrigue est correcte sans pourtant nous jeter par terre: Destinataire inconnu de John Dunning. Non, mais quel titre merdique qui ne reflète pas grand chose de l'histoire! Un très mauvais travail d'édition!

En gros, l'inspecteur Cliff Janeway est radié de sa profession et devient bouquiniste pour gagner sa vie. Ce métier, qui lui permet de vivre une passion qui l'habite depuis toujours, le ramènera à son rôle d'enquêteur quand un brocanteur est battu à mort.

L'intérêt majeur de ce roman et ce qui a captivé toute mon attention est cette découverte du monde de la vente des éditions originales ou rares du 20e siècle. Un monde si délirant qu'on y est même prêt à tuer pour pouvoir mettre la main sur des oeuvres recherchées. Il y a également toutes ces références littéraires qui nous permettent d'élargir nos connaissances en ce qui a trait à la littérature américaine du siècle dernier.

Curieux ne pas s'abstenir!

08 avril 2008

Rythme et lenteur scolaire

Une brève observation: le monde scolaire ne vit pas la même notion de temps que le reste de l'univers connu.

Un premier exemple: la définition de ce qu'est une année. Pour un individu normal, une année civile débute le premier janvier et se termine le 31 décembre. En éducation, une année scolaire débute à la fin août et se termine à la fin juin. La phrase «J'ai hâte à la fin de l'année» cause parfois des situations ambiguës dans un couple mixte (enseignant et individu normal).

Un deuxième exemple: le rythme des changements. En éducation, tout se fait sur une base annuelle: les tâches, la planification, les achats, les projets éducatifs, les changements de programme pédagogique, etc. Le principal défaut de cette vision des choses est qu'on attend souvent à la prochaine année pour mettre en branle des changements. Cette façon de reporter à plus tard ce qui est parfois urgent peut expliquer en partie la gestion défaillante de nos réseaux scolaires. On manque de dictionnaires? On attend l'année prochaine pour faire un inventaire.

Il existe bien sûr une exception à cette règle : les changements venant du MELS. Ceux-ci prennent toujours plus d’une année à être réalisés.

Un troisième exemple: le rythme des activités personnelles qui suit celui des cloches, surtout au secondaire. Même au mois de juillet, on se surprend à avoir faim, selon l'horaire de son école, à 12h15 exactement, à aller au petit coin entre 14h45 et 15h00... et ainsi de suite. Pavlov parlerait d'un conditionnement. D'ailleurs, il faut un bon mois pour ne plus entendre sonner la cloche à heure fixe, même si on est à la maison!

Une quatrième exemple: les périodes de correction. Que serait Noël sans corriger des textes au coin du feu (avec l'envie de les mettre au feu, mais ça, c'est une autre chose!)? Que serait la semaine de relâche sans corriger des textes sur le coin de la table? Que serait le mois d'avril en cinquième secondaire sans corriger comme un débile avant l'examen du ministère du début mai?
Le monde scolaire est un monde à part. Même quand on parle de temps!

06 avril 2008

De l'évaluation des connaissances

Pour faire suite à ce dernier billet, j'ai eu une longue discussion avec l'adjoint jaunâtre sur les raisons l'incitant à ne pas fournir un lecteur optique pour la correction d'examens à choix de réponses.

Ce qui en est ressorti est une crainte viscérale et très émotive que les enseignants évaluent des connaissances autrement que par le biais d'épreuves d'évaluation des compétences. Or, comme on l'a vu, il est faux de croire que l'évaluation des compétences entraînent automatiquement l'évaluation rigoureuse de certaines connaissances. Avec un peu de débrouillardise, certains élèves s'en tirent allégrement sans même connaître les grands principes de la grammaire de la langue, par exemple.

Mais il faut évaluer les connaissances dans une épreuve décontextualisée parfois! Or, cela ne sourit guère à nos gestionnaires qui ne savent pas s'occuper de la neige sur les toits de nos écoles mais qui veulent nous montrer comment enseigner et évaluer. Vous auriez dû voir leur mépris devant le plan de la ministre Courchesne sur le français et leur sourire en coin quand on parle de dictée.

Mais pour être bien certaines d'empêcher les enseignants d'utiliser des épreuves autres que celles qu'elles veulent, des directions d'école retirent certains outils des mains des enseignants. C'est le cas du lecteur optique, par exemple. Chez nous, on invoque des raisons informatiques, mais une école voisine de la même commission scolaire en dispose d'un sans aucun problème. Quelques-uns de mes collègues font maintenant des tests à choix de réponses qu'ils corrigent eux-mêmes, alourdissant ainsi leur charge de travail. Comme s'ils en avaient besoin!

Dans la même veine, la CS a modifié les logiciels dans lesquels nous versions nos notes au bulletin afin de s'assurer que les enseignants ne puissent effectuer un cumul de résultats obtenus durant l'étape. On ne peut y entrer qu'une cote (une lettre) qui est ensuite transformée en note (un pourcentage). La cote est basée sur le jugement professionnel de l'enseignant qui estime si l'élève atteint ou non les objectifs du programme.

On n'a jamais vu, à mon école, autant d'élèves évalués de façon aussi disparate. Les critères de notation sont flous et le jugement professionnel varie d'un individu à l'autre. Dans une classe de douance, j'ai des élèves qui ont obtenu des cotes excellentes en deuxième année du secondaire et qui peinent maintenant à obtenir l'équivalent d'un 40% dans une épreuve de production écrite. Je n'ai jamais connu de situation semblable en 15 années de métier. Et je ne parle pas de leurs connaissances grammaticales parfois inexistantes. À quoi sert un déterminant, par exemple. Au fait, c'est quoi un déterminant?

Afin de continuer à cumuler des résultats, quelques-uns de mes collègues ont découvert le logiciel Excel et s'en servent pour calculer une note à laquelle ils croient qui entreront sous forme d'une cote et qui sera ensuite reconvertie en note.

J'ai donc discuté pendant une heure avec l'adjoint jaunâtre. Il connaît ma réputation d'enseignant qui est loin d'être mauvaise, mes approches pédagogiques que des stagiaires et des conseillers pédagogiques ont déjà qualifié de «réforme», mon souci d'équiper les jeunes de moyens et de stratégies pour réussir en écriture, le continuum logique dans lequel s'inscriraient ces épreuves. Mais malgré tout cela, malgré qu'on ne puisse pas corriger un texte avec un lecteur optique (le rêve parfois, quand on y pense!), il a peur. On nage dans la croyance, la foi et l'irrationnel.

Le lecteur optique est un instrument démoniaque, porteur de tous les maux de l'éducation. Qu'on se le dise!

05 avril 2008

Une phrase d'élève

Dans un texte d'élève que je corrigeais aujourd'hui et dont le sujet portait sur l'aide humanitaire:

«Il est inconcevable de laisser autant de couches de la société dans leurs besoins.»

Appelons cela une phrase très imagée.

04 avril 2008

Déprimons en jaune

Ce texte est une fiction, née de l'imaginaire d'un esprit vacillant et maladif.
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Bureau d'adjoint jaunâtre et déprimant. Précisons que ce sont les murs du bureau qui sont jaunes.

Adjoint: tu ne peux pas mettre 0 à cet élève qui n'a pas fait son examen.
Enseignant: oui, mais il a séché son cours. C'est une absence non motivée.
Adjoint: oui mais, en lui mettant 0, tu évalues davantage son comportement que ses compétences et ce n'est pas correct.
Enseignant: et celui qui vient gelé en classe et qui coule, je fais quoi avec? J'évalue sa mauvaise performance ou je tiens compte de son comportement toxicomane?
Adjoint: ben... euh... En tout cas, tout élève a droit à l'évaluation et tu ne lui mettra pas 0.
Enseignant: mais il a refusé d'exercer son droit en ne se présentant pas à l'examen. Je lui fais signer une décharge?
Adjoint: ben.. euh... tu ne lui mets pas 0. Point.

Chers élèves de mon école. Un examen est trop difficile? Vous manquez de temps pour l'étudier? Absentez-vous sans aucun problème grâce aux nouveaux principes guidant l'éducation au Québec.

J'ai un adjoint moderne qui a du leadership pédagogique.


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Des plans pour que je démissionne.

Élèves en difficulté et intégrés: de bons textes!

Belle série de reportages sur l'intégration des élèves en difficulté dans La Presse (ici, ici et ici)! Madame Hachey a fait du bon travail. Je vous en résume un aspect rapidement parce que le travail m'appelle et je terminerai cet aperçu commenté ce soir.

Le dépistage et le dossier des jeunes

Il y a tout d'abord le dépistage des élèves en difficulté qui pose problème. On manque de spécialistes scolaires pour identifier les élèves présentant des troubles de comportement ou d'apprentissage, ce qui retarde d'autant un diagnostic officiel. Résultat: il s'écoule un temps précieux avant qu'on puisse travailler à aider le jeune, un temps perdu qui aggrave souvent sa situation. «Éviter de guérir en ne prévenant pas», voilà ce qui pourrait être le slogan de nos écoles. Je signale qu'en Finlande, pays du succès scolaire et du socioconstructivisme, ce dépistage est une des mesures de base du réseau de l'éducation.

Il ne faut pas s'étonner du fait que des parents, exaspérés des lenteurs du réseau public, aient alors recours à des spécialistes privés ($$$) pour faire évaluer leur enfant. Un des effets pervers de cette lacune de notre système d'éducation est que les parents de milieu défavorisé n'ont pas la possibilité de payer afin qu'on assure des services à leur enfant. S'enclenche alors un cercle vicieux démentiel qui part des difficultés d'apprentissage, va aux troubles de comportement et finit par la consommation de drogue ou même les pensées suicidaires: «Au primaire, Antoine a beaucoup parlé de suicide», confie la mère d'un jeune dyslexique.

Méchamment, les décideurs scolaires uniquement concernés par leur budget ont tout intérêt à ce qu'on ne dépiste pas les élèves en difficulté parce qu'ils n'ont pas ainsi à fournir les services qui devraient accompagner ces jeunes. D'ailleurs, est-il normal qu'en éducation, on retrouve des listes d'attente et des quotas déguisés en ce qui a trait aux services à donner aux élèves? On ne meurt pas faute de soins dans nos écoles. Alors, qui se soucie de ces jeunes qu'on scrape allégrement année après année?

À moins que je ne me trompe, mais un élève qui complète son primaire avec succès perd toutes les cotes qu'il avait reçues parce qu'il a réussit son parcours scolaire et est présumé sans problème. Le gag, c'est qu'il a souvent eu des mesures pour l'aider... et qu'on les lui enlève quand il change d'école. C'est alors à son école secondaire de refaire l'opération pour le coter à nouveau afin de lui donner les services auxquels il a droit. Combien de temps s'écoute-t-il avant que toute cette opération soit complétée? En plus, il existe peu d'informations (lire aucune) qui passent du primaire au secondaire. On recommence à zéro.

Dans la même veine, on informe peu les enseignants des éléves ayant connu des difficultés scolaires afin d'éviter l'étiquetage. À mon école, on nous informait qu'un élève était en difficulté avec une liste informatisée. Il fallait alors aller consulter le dossier de l'élève dans le bureau du directeur pour en savoir davantage.

On assiste aussi à de la rétention d'informations dans le milieu scolaire. Un jeune consomme de la drogue. L'information est confidentielle et le jeune peut continuer à assister à ses cours gelé comme une balle. Dans le milieu médical, une telle pratique serait vertement dénoncée mais, en éducation, nous ne sommes pas de professionnels.

En Finlande (blablabla socioconstructivisme), on prend les choses un peu plus au sérieux: le travailleur social de l'école peut aller jusqu'à obliger le jeune à subir un test de dépistage et à suivre un traitement approprié.

Et puis, il y aussi ces parents et ces jeunes qui refusent d'être identifiés!

Chez nous, la direction a même aboli les réunions de secteur ou l'on discutait entre collègues de cas d'élèves. Oui, il y a un risque que des informations sensibles tombent dans les oreilles d'un prof maladroit. Seulement, on prive tout un groupe d'enseignants d'éléments qui lui permettraient de mieux comprendre la dynamique d'un jeune et de l'aider à s'en sortir.

Ce n'est que tout récemment, avec le départ en épuisement professionnel de deux collègues, que les profs de mon niveau ont décidé de coincer la direction, euh de proposer à la direction un plan de concertation et d'intervention auprès des jeunes. Bref, on est revenu tranquillement à ce qu'on avait comme structure auparavant, mais le tout de façon informelle. On perd une énergie folle à faire fonctionner ce système parallèle mais, au moins, il donne de bons résultats pour l'instant. Je reviendrai d'ailleurs sur ce comité des 13 un jour.

02 avril 2008

Des moments de bonheur

Ce matin, nous étions en réunion de département de français. Réunion ou l'on radote toujours les mêmes choses que d'habitude depuis des années, en vain.
  • On manque de dictionnaires en classe!
  • Les dictionnaires actuels auraient besoin d'être réparés!
  • On manque de romans à faire lire aux élèves!
  • Le local des profs manque de mobilier adéquat et aurait besoin d'être repeinturé!
  • On ne doit pas couper dans les heures d'ouverture de la bibliothèque de l'école!
Il faut évidemment mettre ces remarques en contexte. Et le contexte est que la direction précédente s'est aménagée une belle salle de rencontre avec fauteuils en cuir il y a deux ans. Même que notre patron avait un mini-frigo dans son bureau.
Mais deux remarques m'ont fait réagir et je veux partager ces moments de bonheur avec vous.

Le premier bonheur
  • Un prof: Qu'est-ce que la médiathèque a acheté comme livres cette année?
  • Un autre: un peu n'importe quoi. Des livres sur l'horoscope, la magie noire, le bricolage et même une biographie de Fernand Gignac!
Tabarnacle! Fernand Gignac au secondaire! Allo quelqu'un! Je n'ai rien contre ce crooner à la voix d'or, je suis même prêt à lui donner des roses pour qu'il se taise mais... vraiment pas fort!

Le second bonheur

  • Un prof: Est-ce qu'on pourrait nous fournir un lecteur optique pour corriger les examens à choix de réponses en français et dans d'autres matière comme on en a déjà eu avant?
  • Un adjoint: Ben... euh... Avec les nouvelles philosophies d'enseignement... Ben... euh... Il vous faudrait envisager d'enseigner autrement avec les nouveaux types d'élèves que vous allez avoir... Ben... euh...
Dans mon école, huit profs de quatrième et cinquième secondaire s'étaient entendus sur un enseignement uniforme de la grammaire avec une terminologie et des évaluations communes. On a testé ce concept pendant un an pour constater que les élèves accordaient plus d'importance aux connaisssances grammaticales, facilitant ainsi leur transfert lors de pratiques d'écriture. Le tout a dû être abandonné parce qu'une direction pro-réforme a fait disparaître le lecteur en question, pas compatible avec le nouveau système informatique, officiellement.

Bref, c'est le service de l'organisation scolaire et la direction qui déterminent parfois le genre d'évaluation que nous donnons en classe. Gros soutien aux enseignants quand ils exercent leur autonomie professionnelle... Gros respect du programme de formation qui laisse aux enseignants pourtant une marge de manoeuvre quant aux activités pédagogiques qu'ils souhaitent utiliser dans leur classe.

Un troisième bonheur

Surprise! il y en a un troisième. Vous ne vous y attendiez pas, hein? C'est justement pour cela que c'est une surprise.

Ce matin, mes élèves de troisième secondaire étaitent en examen de lecture. Deux d'entre eux, des lecteurs assidus avec qui je discute beaucoup, avaient un nouveau livre sur le coin de leur pupitre, livre dont le titre était Le vide. Comme le responsable de la bibliothèque avait à passer par là, je me suis assuré de mettre les bouquins bien en évidence. On ne sait jamais...

Je ne suis pour rien dans le choix de lecture de ces deux élèves et je les superviserai avec encore plus d'attention. Sauf que rien, pas même la bêtise de la réunion du matin, n'a pu m'enlever le sourire que j'arborais.

01 avril 2008

L'évaluation des compétences

Le dernier avis du Conseil supérieur de l'éducation (CSE) sur le bulletin a ramené le sujet de l'évaluation dans la blogosphère.

Parmi les positions du CSE, on se souviendra que ce dernier exclut toute mesure directe des connaissances dans le bulletin. Pour celui-ci, l'évaluation des compétences comprend nécessairement celui des connaissances.
Une telle position ne surprend personne puisque ce conseil a appuyé depuis toujours le Renouveau pédagogique, qu'au moins un de ses membres adhère au Réseau de l'avancement en éducation au Québec (RAEQ) favorable à la réforme, de même qu'un des professeurs universitaires consultés par le CSE.
Tout le monde a droit à son opinion. Seulement, quand la moitié des enseignants sont divisés sur la réforme, il y a quelque chose de malsain et dysfonctionnel derrière toute cette belle position unanime.

D'autant plus que l'énoncé voulant que la mesure des compétences inclut celui des connaissances est en majeure partie faux. En effet, tout dépend de l'évaluation dont on parle et de la rigueur avec laquelle on traite celle-ci.

Allons-y avec deux exemples.

En français

L'examen d'écriture de cinquième secondaire est vu par plusieurs pédagogues comme une évaluation claire d'une compétence: celle d'écrire un texte argumentatif d'environ 500 mots en tenant compte de certains critères, dont la maîtrise de la langue. À tort, quant à moi, le MELS va même jusqu'à utiliser cette épreuve lorsque vient le temps de pondérer la note école. Il utilise son examen comme étalon mesure si l'on veut pour contrebalancer les résultats obtenus durant l'année par un élève.

Or, il faut savoir que la réussite de cette épreuve constitue une véritable blague. La Presse notait récemment les taux effarants de réussite à cette épreuve. Il faut dire qu'on met tout en oeuvre pour éviter l'échec aux élèves; possibilité de préparer l'examen d'une façon éhontée, utilisation d'une feuille de notes à l'examen qui n'est jamais vérifiée quant aux éléments qu'on y retrouve, allongement de la durée de l'épreuve devant les difficultés nombreuses des élèves, etc.

Il existe également différentes façons de tricher à cet examen, mais le MELS ne semble soit pas connaître les façons d'y parvenir soit ne pas vouloir les éviter. Je ne les mentionnerai pas sur ce site, sauf que dites-vous que les nouvelles technologies y jouent une place déterminante.

Enfin, pour en revenir à l'essentiel, cette épreuve ne mesure pas véritablement la maîtrise de la langue française d'un élève, mais plutôt sa capacité à écrire un texte argumentatif d'environ 500 mots dans un contexte donné. Sinon, comment expliquer un taux de réussite si élevé alors qu'on constate quotidiennement le peu de maîtrise de la part d'élèves pourtant diplômés? D'ailleurs, obtiendra son DES un élève qui fera moins d'une faute de grammaire et d'orthographe aux quinze mots. Ce seuil de réussite en dit long sur la définition de ce qu'est réussir pour le MELS.

Dans mes classes, année après année, de mes élèves qui ne savent pas reconnaître un adverbe d'un nom réussissent cet examen. Ils échouent des tests de connaissances grammaticales, mais réussissent à se dépatouiller quand arrive l'épreuve du MELS et sa correction à la rigueur douteuse.

Compétence et connaissances? Désolé, mais je ne confierais pas l'écriture de mon épitaphe à la moitié de mes élèves. Je ne les dénigre pas. Je constate. Ils ont plusieurs qualités importantes. Cependant, après onze années d'école, on aurait pu espérer mieux. Et ne blâmez pas les formes de pédagogie qu'ils ont vécues: regardez la façon dont on les évalue.

En histoire

Le programme d'histoire n'existe plus à proprement parler. Sauf que les profs de quatrième secondaire sont en formation et l'un des constats que deux collègues de commissions scolaires différentes m'ont confié est le suivant: les élèves forts en écriture et en lecture n'auront pas besoin de suivre le cours. Avec un peu de travail, ils réussiront l'examen sous sa forme actuelle avec une connaissance très parcellaire de l'histoire.

Je ne dis pas que ce qui se faisait avant était parfait, mais on n'a rien emmieuté loin de là.