31 décembre 2012

Bilan de l'année 2012

Ouaip. Tiens. Voilà.

Une élection qui n'a pas changé grand-chose

Ce n'est pas l'élection d'un gouvernement minoritaire qui va amener de grands changements en éducation. Quoique bien des mesures peuvent être mises de l'avant sans devoir être soumises au vote de nos parlementaires.

Honnêtement, si je ne saute pas de joie à l'élection du Parti québécois, je suis résolument content que la CAQ n'ait pas pris le pouvoir si on se base sur sa plateforme électorale (ici). Analyse sommaire des problématiques en éducation. Trop d'improvisation, trop d'idées électoralistes et manquant d'analyse. Le monde scolaire a déjà donné dans ce domaine. Par contre, il va falloir prendre la formation de M. Legault au sérieux lors d'un prochain scrutin et contrer davantage certaines de ses idées avec des répliques poussées et bien étayées. Certaines mauvaises promesses ont la faveur populaire parce qu'elles sont séduisantes, pas parce qu'elles sont applicables ou efficaces...

Reste maintenant à savoir comment la formation de madame Marois va pouvoir mettre de l'avant certaines promesses électorales (ici et ici). Un gros bémol sur l'embauche de spécialistes qui sont, dans les faits, inexistants. La maternelle à temps plein à quatre ans est une avenue plus prometteuse.

Une idée à laquelle le MELS doit renoncer

En pleine canicule et en plein délire médiatique, la ministre de l'Éducation de l'époque, Michelle Courchesne, annonçait que l'école québécoise offrirait le programme Nager pour survivre (ici, ici, ici, ici, ici, ici, et ici). Je ne reviendrai pas sur le manque de pertinence de cette formation quant aux noyades chez les jeunes.

Simplement, je tiens à vous signaler qu'il y a six noyades de moins au Québec cette année que l'année dernière à pareille date. Qu plus est, depuis le mois de septembre, une seule noyade sur douze au Québec implique un jeune d'âge scolaire. Les autres incidents sont majoritairement reliés à  l'imprudence sur la glace, des véhicules automobiles et des VTT, l'alcool ou des circonstances non élucidées.

En bref

Les tableaux interactifs ont fait couler beaucoup de... craies (ici et ici).

Les «dangereux» qui enseignent à nos enfants (ici et ici).

Les poursuites des parents en éducation (ici, ici et ici).

L'anglais intensif au primaire (ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici).

Le SRAM qui démolit la planification pédagogique des profs de cinquième secondaire (ici et ici).

L'histoire de «L'enfant dans la cage» connait un dénouement judiciaire, mais certains ne semblent pas apprendre de cette saga (ici et ici).

Dépenses: les CS qui ne comprennent pas (ici).

Le cellulaire dans nos écoles (ici et ici)

À venir?

Honnêtement, comme ma boule de cristal est plutôt obscurcie par des préoccupations personnelles, je vois mal ce que l'avenir nous réserve pour la prochaine année. Une nouvelle campagne électorale? J'ai des doutes. Tant le PLQ que la CAQ, malgré leurs airs de matamores, ne sont pas enthousiastes à l'idée de repartir en élection.

Non, je prévois surtout le chaos habituel, Le Grand Chaos de l'éducation.








20 décembre 2012

Mesurer le décrochage scolaire

Titre inexact dans le Journal de Montréal ce matin: «Le décrochage scolaire serait à la hausse». Il n'est pas à la hausse. C'est la façon de le mesurer qui change le portrait qu'on en a. Miss Math pourrait s'amuser ici.

Rien de très neuf en soi. Il est connu que le MELS a changé sa façon de définir ce genre de statistiques sous les Libéraux. Il s'agit de savoir quelle mesure on veut véritablement: le nombre de diplômés en cinq ans ou le nombre de diplômés de moins de 20 ans. On ne fait pas trop cette distinction pour le collégial et l'universitaire en passant.

Veut-on noircir le tableau pour des fins politiques ou pour avoir une meilleur compréhension de la réalité scolaire?

La logique du bon docteur Barrette


M. Barrette ne veut pas que le salaire des médecins soit relié à la performance des hôpitaux, mais ne voyait aucun problème à être membre d'un parti politique qui liait salaire des enseignants et réussite scolaire...

19 décembre 2012

Une Guignolée masquée

Un peu sur un coup de tête, la semaine dernière, j'ai décidé, en convaincant quelques collègues, d'organiser une opération Guignolée pour une famille défavorisée d'une école avec laquelle nous avons des liens.

En si peu de temps, la réponse a été excellente: nous avons recueilli 15 boites de denrées non périssables. Et ce matin, fidèle à un engagement que j'avais pris avec ma personne bien lavée et rasée, je suis allé effectuer une mini-épicerie pour ajouter des produits manquants.

Néanmoins, je suis mal à l'aise devant de tels gestes relevant de la charité. Quand des familles doivent compter sur la générosité des autres pour nourrir les leurs, il y a manifestement un problème dans notre société. On peut blâmer certains parents pour leur manque de sens des responsabilités (ils fument, ils boivent, ils...), il n'en demeure pas moins que c'est le signe que ces derniers sont démunis à leur manière.

16 décembre 2012

Newtown et sécurité des écoles au Québec

La tragédie de Newtown va ramener dans l'actualité la question de la sécurité dans nos écoles. Enfin, peut-être. Car nous sommes à la veille des vacances des Fêtes et les médias risquent de s'intéresser à bien d'autres dossiers.

Les écoles québécoises sont-elles sécuritaires? La réponse est: parfois non. Nos jeunes sont-ils menacés? La réponse est: souvent non.

On ne se racontera pas d'histoire: la majorité des écoles du Québec ont été conçues à une époque où la sécurité n'était pas une préoccupation majeure parce que les tueries dont on parle aujourd'hui étaient inexistantes. On se retrouve donc avec des bâtiments scolaires comprenant une multitude de portes d'entrée, sans système de verrouillage automatique, etc. Au cours des années, divers reportages journalistiques ont d'ailleurs montré ces lacunes.

Il a fallu des années à mon école pour rendre celle-ci davantage sécuritaire. Je ne sais combien d'interventions j'ai effectuées avant qu'on adopte des mesures de sécurité appropriées et qu'on modifie physiquement certaines parties physiques de celle-ci. Même auprès de certains collègues, j'avais l'air d'un «maudit fatiguant». Les priorités sont ailleurs, on manque de budget...

Mais il n'y a pas que les édifices qu'il convient d'aménager. À quoi sert une porte fermée à clé quand un individu peut faire sauter la serrure avec un fusil d'assaut? Il y a aussi les mentalités qu'il faut changer. Au début de ma carrière, un élève pouvait apporter avec lui des armes à l'école dans le cadre d'un exposé oral sur la chasse, par exemple. Une telle chose est impossible aujourd'hui. De même, les enseignants et le personnel des écoles sont mieux informés des mesures à prendre dans le cas d'une irruption armée. Mieux, mais pas assez, croyez-moi.

Il s'agit notamment d'apprendre aux employés des établissements à pratiquer le confinement barricadé volontaire, une stratégie au cours de laquelle «les élèves et membres du personnel s'enferment dans des pièces afin d'empêcher un présumé tireur de pénétrer dans les salles où se trouvent des cibles potentielles.» Mais combien d'écoles font-elles systématiquement des simulations?

Dans les faits, nos jeunes sont peu en danger dans nos écoles, pas parce que les mesures de sécurité sont suffisantes, mais simplement parce que la menace est faible. Est-ce rassurant?

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Pour le plaisir, ayez la gentillesse de répondre à mon petit sondage.


12 décembre 2012

Agression d'une mineure et traitement médiatique (ajout)

Le traitement médiatique du cas d'une récente agression d'une jeune fille de la banlieue nord de Montréal soulève beaucoup de questionnements chez moi. En effet, de nombreux détails quant à cette agression ont été largement diffusés dans les journaux.

Je ne vois pas la pertinence d'avoir mentionné les écoles d'origine des jeunes impliqués dans cette  affaire. En aucun temps, cette variable n'était pertinente dans cette histoire survenue après les heures de classe dans une résidence privée. Qui plus est, on peut se demander pourquoi on a immédiatement précisé le nom de l'école publique de la jeune fille mais pas celui du collège du privé du garçon.

Également, des photos et des détails diffusés dans les médias permettraient d'identifier, après quelques recoupements, l'adresse de la maison de la jeune fille.

Un autre point délicat est de savoir s'il est pertinent de rendre publics autant de détails sordides entourant cette histoire reliée à des mineurs. A-t-on besoin de savoir la nature des gestes posés quand il s'agit d'une agression sexuelle d'une mineure? Le droit du public à l'information est-il mieux servi ainsi? Je comprends qu'il faut rapporter le déroulement du processus judiciaire afin de permettre aux lecteurs de bien comprendre comment il s'effectue, mais de divulguer la nature exacte des gestes posés?

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Par ailleurs, une autre question: les victimes d'agression sexuelle auront-ils (elles) envie de porter plainte si on étale autant de détails de l'acte criminel dont ils (elles) ont été victimes? 

08 décembre 2012

Pause 9: L'autobus de l'amour

Sitôt arrivé devant mon école secondaire faite de briques blanches et brunes, l'autobus de la STCUM ouvrit ses portes et cracha son flot d'écoliers bigarrés qui, eux-mêmes, crachaient leurs flots d'insultes et de bêtises à qui mieux mieux. Le brun véhicule repartit en crachant, lui aussi, une fumée infecte noire alors que nous nous apprêtions à entrer dans ce lieu terne où certains de mes enseignants nous cracheraient, à leur tour, vertement leur cours avec force de postillons. Dire que certains de ces êtres autoritaires nous noyaient sous le flot de leurs paroles ne relevait ni de la métaphore ni de l'hyperbole. Nous essuyions parfois littéralement leur colère sur nos visages.

Néanmoins, j'aimais l'école. C'était un lieu somme toute paisible. À cent mille lieux et exactement six kilomètres et demi de la maison familiale. La violence y était très peu présente. Des cris, des quolibets, du pousaillage, comme on dit, mais que des choses bénignes. Je pouvais m'y réaliser en oeuvrant dans les activités étudiantes. J'avais une valeur, des buts, une identité. Bien sûr, on me traitait parfois de «fif» parce que je réussissais en classe mais, là, au moins, je savais me défendre. À la petite école de mon quartier, comme j'étais parmi les plus grands, j'avais appris les rudiments de la lutte pour me débarrasser de tous ces petits teigneux napoléonniens qui s'en voulaient inconsciemment pour leur taille réduite et qui croyaient s'élever en s'abaissant à vouloir me foutre une râclée. J'avais simplement transféré ces acquis primaires au secondaire. Avec autant de succès.

Depuis la rentrée, les trajets autrefois monochromes en autobus avaient des couleurs différentes. Ils étaient blonds et bleus. Une ravissante fille d'à peu près mon âge montait maintenant à bord du collectif véhicule à quelques rues de chez moi. Je n'avais aucun mérite à la remarquer puisqu'elle était hautement remarquable. Là où par contre j'éprouvais une certaine gêne, c'était que je n'avais pas su masquer mon intérêt à mes camarades de classe qui voyageaient avec moi. Avaient-ils surpris un regard, un froncement de sourcils, une lèvre légèrement souriante, une joue rougissante? Jouissaient-ils de pouvoirs paranormaux et lisaient-ils dans mes pensées? Chose certaine, ils auraient mérité d'être immédiatement embauchés par une agence d'espionnage ou de rejoindre le trio des Champions dont j'écoutais les exploits chaque semaine à la télévision. 

Cette idylle rêvée qui ne dépassa pas le stade du rêve dura deux semaines. Pendant celles-ci, mes camarades me prodiguaient une foule de conseils sur la façon d'aborder la nouvelle venue. Ce qui les surprenait était que ma gêne et ma timidité étaient inébranlables, malgré leurs assauts répétés pour m'inciter à poser le premier geste. Dans l'autobus qui sautait à chaque cahot et où mon coeur tressautait à chaque regard de la belle, je restais figé comme la statue de plomb dans laquelle j'avais décidé de me réfugier depuis des années. J'étais un amoureux incompétent notoire. 

Puis, la mort de ma mère est venue troubler cette histoire. Pendant deux jours, je n'allais plus à l'école. Adieu l'autobus de l'amour, je funéralisais en famille. Le vendredi soir, au salon où on n'en finissait plus de mentir dignement, ce fut le choc: la belle blonde aux yeux bleus de mes transports quotidiens venait d'entrer dans la pièce où gisait la boite de bois contenant le corps cancéreux de ma mère. Que faisait-elle ici? Qui lui avait parlé de ce décès? Se pourrait-il que... Pendant trente secondes, j'analysais les milliers de scénarios qui venait à mon esprit, mais aucun ne semblait logique. Elle approcha de moi à côté d'un homme que je n'avais jamais vu auparavant et dont pourtant le visage me semblait familier. Comme s'il avait un air de famille.

Ma cousine Nathalie faisait partie de ces ressuscités apparus à la suite de la mort de ma mère. Elle demeurait à trois rues de chez moi. Depuis des années. Mais mon oncle et mon père, qui faisaient pourtant le même métier et étaient embauchés parfois par les mêmes employeurs, ne se parlaient plus. Depuis des années. D'une main molle, celle qui m'était maintenant apparentée m'offrit ses sympathies. Je ne savais si c'était pour ma mère ou pour mes espoirs amoureux qui disparaissaient tout à coup à cause des frontières inviolables qu'impose la génétique. 

Le lundi, après les funérailles de ma mère, j'étais de retour dans l'autobus de la STCUM. Mes camarades de classe savaient tout de mon histoire d'amour morte-née et avaient eu la gentillesse de ne pas me taquiner. Tomber amoureux de sa cousine. Pathétique. 

J'ignorais tout d'elle et il me fallut donc oublier celle qui fut l'objet d'un de mes premiers béguins au secondaire, ce que je fis. J'ignorais tellement tout d'elle que j'appris seulement des années plus tard qu'il s'agissait d'une enfant adoptée.

30 novembre 2012

Dans la pause 8: enterrement pour deux cercueils

Nous étions les sept enfants assis côte à côte sur le même banc dans cette église où nous avions presque tous été baptisés et confirmés. Peut-être un jour y célèbrerions-nous aussi nos funérailles hypocritement catholiques romaines. Pour les gens qui nous observaient, mes frères, mes soeurs et moi formions un mur uni dans la douleur et sourd dans le silence. Une mère décédée du cancer, un mari éploré, des enfants maintenant orphelins: l'image était l'exemple parfait de la photographie en noir et blanc qui aurait pu servir à illustrer un deuil, une future première page du magazine Time  qui aurait été inscrite en compétition pour un obscur prix la révélant au regard du monde entier. Un exemple parfait, à une nuance près.

Les journées qui ont suivi la mort de ma mère avaient été parmi les plus étranges de ma jeune vie. Mon père était devenu soudainement très présent. Un peu comme si l'ogre se transformait en agneau doucereux. Sa présence était plus qu'inquiétante: elle était même suspecte. Que nous voulait-il? Pourquoi semblait-il s'intéresser à nous? Depuis quand savait-il même sourire? Comment lui faire confiance quand aucun lien positif ne nous unissait?

Pour la première fois, nous mangions tous au restaurant en famille. Même à la maison une telle chose était exceptionnelle et réservée à des événements annuels comme Noël et le Jour de l'An. Et encore. Cette mort maternelle ressemblait paradoxalement au début d'une nouvelle vie, à un second souffle. Autour de moi, les gens se pressaient, m'écoutaient, me regardaient. Je me sentais presque coupable de toute l'attention qu'on m'accordait, de ces émotions partagées, de ces regards compatissants et appuyés. Le décès de ma mère, devenu un moment merveilleux et rassembleur, n'avait qu'un seul défaut: il ne pouvait se reproduire. Et j'étais cependnat trop naïf pour le comprendre et gouter pleinement tout ce qu'il entrainait, l'espace de quelques jours, avec lui. Le temps passant, son effet s'estomperait et les membres de mon entourage passeraient à d'autres chapitres plus intéressants de leur vie, qu'ils en aient vraiment eu une ou pas.

Au salon funéraire, le couvercle du cercueil de ma mère demeura fermé, emportant avec lui une dernière possibilité de me recueillir auprès de celle qui n'existait pas. À quoi bon s'agenouiller ou prier devant une boite de bois abstraite et froide? Ce lieu fut néanmoins l'occasion de nombreux miracles. Ma mère décédée, des morts ressuscitaient de partout. En effet, une famille élargie, nombreuse et inconnue, fit son apparition, le temps d'offrir des sympathies d'une main molle. Des oncles, des tantes, des cousins, des cousines dont je ne connaissais ni l'existence ni les noms... Mon père, s'étant chicané avec sa famille et celle de ma mère, avait créé un vide autour de lui et de nous. Je réalisais que mes frères et soeurs étaient des pestiférés dont on ne s'approchait plus depuis des années.

C'est également au salon funéraire que j'ai appris à réciter mes premières phrases rationnelles et absurdes. Elle était tellement malade.  J'étais, au fond et au-dessus, ni plus ni moins un perroquet bien dressé par un entourage qui ne savait pas exprimer ses émotions et encore moins les vivre. C'est mieux pour elle. Je répétais sans cesse les clichés et les lieux communs avec l'aisance d'un politicien en campagne électorale qui sait sincèrement qu'il ment sincèrement. Elle est plus heureuse là où elle est. Après tout, de quel droit aurais-je brisé cette belle et toute neuve harmonie familiale? C'est mieux comme ça. Bien sûr, à douze ans, on accepte la mort de sa mère avec sérénité et philosophie. C'est un peu comme une libération.

Aux funérailles de ma mère, mes frères, mes soeurs et moi formions un mur uni dans la douleur et sourd dans le silence. Une mère décédée du cancer, un mari éploré, des enfants maintenant orphelins: l'image était l'exemple parfait de la photographie en noir et blanc qui aurait pu servir à illustrer un deuil, une future première page du magazine Time  qui aurait été inscrite en compétition pour un obscur prix la révélant au regard du monde entier. Un exemple parfait, à une nuance près: aucun des enfants ne pleurait. Aucun larme. Aucune émotion apparente. Lorsque j'ai senti les sanglots monter en moi, une voix me rappela alors durement à l'ordre: «Ne braille pas. Si tu brailles, on va tous brailler aussi.» Sois solidaire et tais-toi. J'aimais ma famille plus que je ne m'aimais.

Une chape de ciment venait de s'abattre sur ce que je pouvais ressentir. J'étais un réacteur nucléaire en fusion enfermé dans un sarcophage tchernobylien. Ma mère et moi: chacun sa boite. Alors, je me suis tu. Et c'est à partir de ce moment que je me suis aussi lentement tué.

27 novembre 2012

(Un pas hors de la pause) Tableau interactif : Pensée magique et inexactitudes


 Le 24 novembre dernier, La Presse publiait la lettre d’une enseignante, Marie-Ève Archambault, consternée par la suspension par le gouvernement Marois du programme d’achat de tableaux interactifs dans les écoles. Cette dernière défend ce programme d’une façon qui illustre bien la pauvre qualité des arguments de certains de ceux qui se disent en faveur de cet outil technologique.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’affirme cette enseignante, qui se base surtout sur son expérience personnelle, il n’existe aucune étude indépendante exhaustive qui conclut aux effets positifs de l’utilisation des tableaux interactifs sur la réussite scolaire (ici).

Mme Archambault associe également les TBI à l’«évolution de la vie» et au «monde moderne».  Or, cet argument des supposés bienfaits du progrès technologique est souvent un leurre qui relève de la pensée magique Combien de fois avons-nous vu des supposés nouveaux outils technologiques ne pas tenir leurs promesses ou encore se révéler carrément des méfaits?

Un autre aspect de l’argumentation de Mme Archambault, qui montre bien la faiblesse de celle-ci, est lorsqu’elle affirme que les tableaux interactifs sont plus écologiques. Ainsi, ces tableaux génèreraient moins de documents imprimés. Or, a-t-elle tenu compte de l’empreinte écologique des TI avant d’affirmer une telle chose? Tient-elle compte des ressources nécessaires en énergie pour alimenter de tels appareils? Sait-elle que seulement 8% des appareils électroniques au Québec sont recyclés? Quant à son idée que les TI n’occasionnent aucune poussière de craie associée aux tableaux conventionnels, «ce qui améliorerait la qualité de l’air», qu’attend-on pour déclarer toutes les écoles québécoises comme étant des zones sinistrées devant un tel danger pour l’environnement?

Contrairement à ce qu’affirme Mme Archambault, ce qui est inquiétant pour le Québec, ce ne sont pas quelques enseignants qui auraient «peur du changement» et «ancrés dans leurs vieilles habitudes,» mais bien ceux qui démontrent un si faible sens de l’analyse et de l’argumentation devant les choix qui s’offrent à eux comme éducateurs.  Voilà la véritable menace qui plane sur le réseau de l’éducation.

Il est enfin très indicatif, selon moi, que cette jeune enseignante termine sa lettre en s’interrogeant sur le genre d’avenir qu’on veut «pour nos enfants et nos futurs travailleurs». Pour ma part, ayant l’esprit moins programmé par le «progrès technologique» et la «marchandisation de l’éducation», je me préoccupe davantage de l’avenir de ceux que je considère comme nos citoyens de demain.

23 novembre 2012

En direct de la pause 7: Sur la route

Mon père n'avait pas rêvé d'être un chauffeur particulier en livrée assis sur la banquette avant d'un véhicule de grand luxe, reconduisant un personnage important à l'arrière qui daignait à peine le regarder ou un ambassadeur trop affairé pour même réaliser qu'il existait. Pourtant, systématiquement, la plupart de mes frères et soeurs s'asseyaient sur la banquette arrière de la voiture familiale, le laissant seul à l'avant. Isolé. Ignoré. Mais pas inoffensif.

En fait, dès qu'on le pouvait, on évitait tous d'être à ses côtés. Le geste était symbolique. Une protestation silencieuse. Rosa Park sans la négritude et le racisme. Un reproche sourd, méchant, quasi cruel. Il s'agissait là d'une des seules façons de lui montrer notre haine mais aussi notre peur malgré ses invitations et ses sourires. En était-il malheureux? Je le crois. Mais qu'importait sa peine: nous nous protégions et ne croyions plus à ses promesses de cessez-le-feu depuis longtemps.

Mon père, c'était aussi l'ancêtre préhistorique du concept de la rage au volant, de l'orage au violent et du slogan «La vitesse tue ». Dire qu'il conduisait mal relève de l'euphémisme routier. Chaque trajet effectué avec lui tenait du derby de démolition et du stock car. Les angles morts portaient si bien leur nom qu'il manquait de nous tuer chaque fois qu'il changeait de voie. Je me souviens encore de cette collision à 60 km/heure avec un véhicule complètement immobilisé sur l'autoroute. Il avait réussi - je ne sais comment - à percuter une voiture effectivement impossible à manquer à un kilomètre de distance. Un objet, projeté de l'habitacle arrière de la voiture familiale, avait presque réussi à me décapiter. Dans les faits, je n'arrive pas à compter les accidents dans lesquels il a été impliqué et dans lesquels il nous a impliqués. Chose certaine, chacun de ceux-ci venait résolument appuyer cette phrase terrible qu'il criait lorsqu'il était en colère alors que nous étions tous les sept enfants bien serrés à bord d'un rutillant station wagon de l'année: «Si vous continuez, je vais tous nous tuer en pognant le premier poteau que j'vois.»

La menace, répétée des dizaines de fois mais jamais exécutée, demeurait néanmoins crédible alors que tout aurait dû me faire comprendre le contraire. Cela tenait sans doute du lavage de cerveau ou d'un procédé subliminal relié à ces images de carosseries tordues  qui hantaient mes cauchemars.  Plus simplement, je ne doutais pas, je crois, de la volonté meurtrière de mon père. Il était impressionnant de colère et de folie. Sitôt les funestes paroles prononcées, un silence mortuaire régnait si pesamment dans la voiture qu'il aurait fallu repeindre en noir tellement elle prenait des allures de corbillard. Il roulait à tombeau ouvert et nous demeurions prostrés à nos places, figés, attendant l'impact final qui nous enverrait, un peu comme les membres de l'Ordre du temple solaire, rejoindre la constellation d'Orion. À la différence près que nous n'étions pas les disciples d'un leader charismatique nous promettant une vie meilleure..

19 novembre 2012

En direct de la pause 6: L'enfant de l'ogre

Je ne me cache ni sous la couette du lit ni dans le garde-robe de ma chambre. Je ne place pas non plus les mains sur mes oreilles. C'est inutile. Où que je sois dans cette maison, qui ne sera jamais assez grande pour me permettre de les fuir, je les entends, ces cris. Je les vois aussi. Ils s'abattent sourdement sur mon corps d'enfant. Du moins, c'est ce que je souhaite: sur moi, pas sur ma mère.

Mon père la menace. Il la bat. Il veut la tuer. Comme d'habitude. Comme chaque jour. Comme chaque semaine. Chaque fois est aussi dévastatrice que la première, que la seconde, que la vingtième et que toutes les dizaines d'autres qui suivront. Pourtant, je ne m'y ferai jamais. Il aura détruit bien des choses, cet homme à qui j'ai pardonné, mais pas cette partie d'humanité en moi.

Elle pleure, évite ses coups mais si mollement. On la dirait soumise, même dans la violence conjugale. Surtout dans la violence conjugale. «Pour le meilleur et pour le pire», avait précisé le curé. Savait-elle ce que serait ce pire? Si elle semblait s'y résigner en épouse fidèle aujourd'hui, aurait-elle dit «Oui, je le veux!» si on lui avait révélé qui elle marierait et l'avenir qui l'attendait de poings fermes?

Une fois, à la fin de sa vie, un peu avant que le cancer ne finisse par l'assassiner plus rapidement mon père, elle rebellera. En vain. Une tentative de divorce tuée dans l'oeuf, à grands coups de promesses cette fois-ci. Un soir, il est rentré du travail et la maison était morte. Silencieuse. Vide. Plus d'enfants à menacer et de femme à battre. L'ogre se retrouvait devant  la table de la cuisine couverte de mots d'avocat. Du papier timbré. Des mises en demeure remise à la demeure. Une séparation à venir. Cruauté mentale. Un motif comme un autre. Légal. Timbrée, comme mon père la qualifiait. Folle, comme la colère qu'il a dû avoir en lisant le tout.

Pour ma part, on m'avait caché chez une de mes soeurs, partie dès ses 18 ans. J'acquérais soudainement le statut de réfugié familial. Un statut pas encore défini par l'ONU, mais ça viendra, j'en suis sûr.  Ma soeur avait fui comme elle avait pu les horreurs de la guerre, en appartement dans le quartier Villeray.  Moi, je continuais à aller à l'école, faisais mes devoirs et mes leçons. Par contre, là s'arrêtaient les similitudes avec ma vie d'avant. Il n'y avait plus cris, plus douleur.  Il restait cependant la peur. Qu'il me retrouve. Qu'il m'arrache à cet endroit si tranquille. Qu'il me kidnappe pour me ramener à son monde de haine.

Cette peur et toutes les peurs qui seront sa descendance empoisonnée ne partiront jamais. Elles prendront différentes formes, différents visages, me grugeront de l'intérieur et guideront mes choix pour des années à venir. En fait, elles seront moi jusqu'à tout récemment. Sauf que, pour l'instant, ma soeur et sa colocataire Manon me donnaient un amour et une attention comme je n'en avais jamais connues.

Le Paradis a duré trois jours. Trois longs jours si courts. Mon père connaissait l'état de ma mère. Il savait le peu de temps qui lui restait à vivre. De toute façon, il aurait répondu ce qu'il fallait pour la convaincre de laisser tomber ses recours judiciaires, maladie ou pas. Mais là, il avait sa bonne conscience pour lui: il évitait à ses enfants une rupture inutile. Ma famille dysfonctionnelle revenait à la normale.

Alors que je suis dans ma chambre, ma mère ne fait que pleurer, résister aux assauts violent de mon père à coups de larmes. Puis, surviennent ces hurlements, aigus, stridents, pas plus rassurants. Ceux de mes soeurs. Elles défendent ma mère du mieux qu'elles le peuvent contre cet ouragan paternel de haine et de colère. J'ai déjà voulu intervenir de mes faibles poings de six ans, mais on m'a renvoyé dans ma chambre. Ma place n'est pas là, sauf que la violence, elle, est partout, me rejoint, peu importe où je suis. Je ne bouge donc pas. À quoi cela servirait-il? Je deviens une statue immobile qui ne pleure pas. Qui ne réagit pas. Qui ne vit pas. Mais qui entend, imagine et pense. Terriblement. Une roche nerveuse et sans vie qui trésaille au moindre vent.

Soudain, la paix tombe sur la maison. Aussi brutalement que les coups plus tôt. Sans autre raison qu'un rapport de force qui a changé temporairement de camp, à moins que les combattants ne soient épuisés. Ils reprennent leur souffle, je l'imagine, et moi, je retiens le mien. De quel côté ira la tempête?

Cette paix est une paix lourde. D'une violence insidieuse. Où rien n'est réglé. Le calme recouvre les cris qui résonneront pendant des années dans ma tête, mais d'un manteau pesant, rouge sans être sanglant. Un oeil exercé verrait. Les cicatrices qui n'existent pas sur mon corps. La peur de déplaire. La recherche d'être aimé. La persévérance même dans l'absolue démence. La dépendance. Est-ce que je me sens coupable, assis sur le lit de la pièce qui vibre encore des cris que j'ai entendus? Non. Simplement, je sais déjà que tout cela n'est pas normal. Enfin, une partie de l'enfant que je suis le sait. Mais l'autre, plus grande, ignore quoi faire.

Est-ce que je me sens coupable de vivre dans cette violence, de manifestement ne pas être aimé, de ne pas être aimable? Non. Bien sûr que non. Je suis aimé. Je suis aimable. Et surtout, je suis un enfant qui se ment pour survivre. Parce que c'est le seul moyen qu'il ait trouvé pour ne pas complètement mourir. Ou devenir fou. Et craquer à jamais.

16 novembre 2012

En pause 5: Le naufragé

Des mois entiers, j'ai été naufragé sur le sofa de mon salon,
Ne lançant ni SOS ni appel à l'aide,
Une bouteille à la main plutôt qu'une à la mer
J'ai regardé par la fenêtre inlassablement
Telle une vigie qui scrute l'horizon
Pour trouver un signe, une réponse.
Mon esprit éprouvait tant de difficulté à nager dans la tempête et ses forts vagues à l'âme
Que l'eau qui ruisselait sur mon visage avait le gout salé des lames de fond et des larmes du fond.
Pourquoi avais-je quitté ce navire?

La porte de ma maison était toujours débarré, nuit et jour,
Comme un coeur pas fermé.
Mon lit l'attendait, l'espérait, les bras ouverts.
Je ne pouvais lui dire que je voulais encore:
J'avais tant peur de la blesser à nouveau.
Et cela, je n'aurais pu me le pardonner.

Elle n'est venue et la peine est demeurée.

10 novembre 2012

En direct de la pause 4: autre temps, autre deuil


Il y a 36 ans, on ne gérait pas les deuils comme c’est le cas aujourd’hui. La mort, la maladie étaient des sujets généralement tabous. Il est encore plus facile alors de comprendre qu’on les cachait aux enfants. On estimait que ceux-ci n’avaient ni la maturité ni la solidité d’être confrontés à de telles réalités. On croyait à tort les protéger en les éloignant de ces situations douloureuses. De toute façon, comment espérer que les adultes de l'époque puissent accompagner des jeunes dans un tel processus quand ils n’arrivaient souvent pas à le gérer pour eux-mêmes? Voilà ce qui explique rationnellement certaines des séquelles reliées au décès de ma mère. Ni méchanceté ni complot. Simplement la maladresse. Cela explique mais ne guérit pas.

Aujourd’hui, tant au niveau familial que dans le milieu scolaire, on ne gère plus les deuils de la même façon. Je le sais. À 12 ans, un de mes amis est mort devant mon école, à la sortie des classes.  Rapidement, on s’est efforcé de cacher le tout et de passer à autre chose.

Il y a à peine quelques années, un de mes élèves est décédé durant la fin de semaine. Les images de son décès ont fait les médias et le retour en classe fut un des moments les plus exigeants de ma carrière.

Les élèves de mes groupes ont alors été encadrés par une équipe de spécialistes et de psychologues. Pourtant, au delà des plans d’intervention et d’urgence, ils se sont tournés vers un collègue et moi pour demander de l’aide et de l’accompagnement. Je me souviendrai toujours de ce grand frisé qui, armé de son courage tout adolescent, répondit au directeur qui lui demandait ce dont il avait besoin: «Pouvez-vous nous laisser seuls avec notre prof, s’il vous plait?» Ce deuil, nous l'avons vécu en groupe et j'en ai tenu des mains et j'en ai soutenu des âmes.

En font-on trop? Peut-être. Contamine-t-on parfois des élèves inutilement avec des interventions de groupe? Peut-être. Mais je préfère pécher par prudence que d’ignorer un seul enfant blessé. Je préfère trop que pas assez dans des cas comme ceux-là.

Encore aujourd’hui, je suis surpris d’avoir su poser les bons gestes, prononcer les bonnes paroles et me taire aux bons moments. Les expériences que j’ai vécues, la mort de mon père entre autres, m’ont appris comment me comporter en pareille situation.  Ironique, non? Capable de gérer le deuil des autres et savoir les aider mais incapable de gérer le deuil le plus significatif de sa propre vie. Là encore, rationnellement, les choses s'expliquent.

Un bon enseignant doit avoir vécu, quant à moi. J’ai beaucoup de difficulté avec ces jeunes profs ou même ces jeunes intervenants scolaires qui en connaissent peu de la vie et qui côtoient des élèves en détresse ou en difficulté. Sans généraliser, et peut-être à tort, j’ai parfois l’impression qu’il leur manque un certain quelque chose. Je suis venu à l'enseignement sur le tard et cela m'a beaucoup aidé... à aider.

30 octobre 2012

En direct de la pause 3: L'absente qui n'a jamais existé

D'aussi loin que je puisse reculer dans ma mémoire, j'ai l'impression de ne pas avoir de souvenir de ma mère.  Elle est une présence absente, confuse, une inexistence évaporée. Un fantôme flou et blanchâtre, sans corps et sans apparence. Une idée désincarnée, à la limite du vide et du gouffre au fond duquel git mon esprit d'enfant depuis 36 ans.

Un à un, parfois, il m'arrive de lever les voiles du déni et de l'oubli pour me rappeler une femme affaiblie par une maladie qui la tuera, désemparée, fragile, confuse. Une morte en sursis qui peinait à être une mère pour ses enfants et une femme pour son mari. Nous devions tous être, peu importe notre âge, un peu plus grands, un peu plus forts, un peu plus vieux. Nous devions tous comprendre, sans même qu'on m'ait expliqué ce qui se passait parce que j'étais trop jeune, semblait-il. Je vivais dans le malaise, le non-dit, le tabou médical. Et pourtant, je sentais sans comprendre, je ressentais sans apprendre. Comment donner un sens à ma souffrance si on me cachait tant la vérité? On voulait me protéger. Une illusion remplie de bons sentiments et d'une malfaisante efficacité. La cruauté réside souvent, selon moi, plus dans l'incompréhension que le caractère brutal des faits.

À chaque crise qu'elle faisait, on s'empressait de m'éloigner de ma mère pour que je ne vois pas. Je ne devais pas voir. Mais j'imaginais et croyais savoir et croyais voir. Elle revenait confuse de ces longs voyages au pays de l'épilepsie, une zombie désemparée et parachutée dans la réalité d'une famille dysfonctionnelle de sept enfants.

Je ne condamne pas ma mère. Je constate aujourd'hui, avec mes yeux de douze ans qui n'ont jamais su pleurer, que celle-ci n'a pu me donner l'amour dont un enfant de mon âge a besoin. Simplement. Le premier vide, il est là. Causé par cette maladie qui lui rongeait la tête, lui bouffait chaque jour un peu plus le cerveau. Je me rappelle de rares sourires, mais ils sont figés dans le temps sur des photos où je n'apparais pas. Je les regarde avec la froideur du papier glacé que je tiens parfois entre mes mains quand je veux me rappeler. Des moments plutôt rares, sans signification au fond parce qu'aussi insignifiants que ce qu'ils rappellent.

De ma mère, je retiens la détresse, le désarroi qu'elle éprouvait devant son état physique confus qu'elle ne comprenait pas jusqu'à son premier diagnostic. Puis, ce fut une autre détresse et un autre désarroi. Son cancer du cerveau était une mort biologiquement programmée, sa mort déterminée au neurone près. Je ne l'avais pas connue comme enfant: je ne la connaitrais jamais comme adulte. Mais ça, je l'ignorais et on ne voulait pas me le faire savoir.

De ma mère, au delà de sa déchéance, j'ai surtout ce souvenir de cette femme épeurée et poursuivie par son mari, rempli de rage et de colère, qui la bat. De cette mère paniquée qui se réfugie dans la chambre de son plus jeune enfant: moi. Mais même ce sanctuaire de ma jeunesse ne suffit pas  à arrêter la violence de cet homme. Celui qui doit nous protéger tous et qui attaque celle que je veux tant aimer. Je revois les yeux affolés de ma mère, les yeux fous de mon père et ses mains fortes qui lui serrent le cou... J'ai protégé ma mère, je l'ai défendue à grands coups de poing. Mais qui me défendait? qui me protégeait?

Personne ne croira qu'aujourd'hui, je parle à mon père décédé depuis 10 ans. Je partage une impression, lui demande un conseil. Parfois, je l'entends qui se moque de moi. Les dernières années de sa vie ont été bien misérables. Je l'ai vu pleurer un passé qu'il regrettait avec l'amnésie propre à la nostalgie qui efface les mauvais souvenirs pour ne conserver que les beaux, quand il ne les crée simplement pas de toutes pièces. Mes bras l'ont consolé, accueilli, aimé, malgré son mauvais caractère et son incapacité à dire ces mots que tout fils souhaite entendre. Il est mort, légume sur un lit d'hôpital; je l'accompagnais. Homme orgueilleux qui admettait difficilement ses erreurs, faut-il s'étonner qu'il soit mort un 7 août? Régulièrement, je vais fleurir entretenir sa tombe, rafraichir les fleurs qui en ont besoin. Il est présent, malgré la distance.

Ma mère a connu un sort différent. Elle est comme une malédiction jeté sur le coeur de ses deux plus jeunes enfants. Je ne lui parle pas. Je ne crois pas à la vie éternelle, du moins pas pour elle. Elle n'a jamais vécu. Pourquoi existerait-elle maintenant?

Un matin, elle est partie pour un long voyage. Jusqu'à l'hôpital où elle agonisera pendant près d'une semaine. Elle est partie sans annoncer son départ, sans annoncer un impossible retour. Une semaine de disparition, prélude à une disparition complète. Je ne l'ai jamais revue. Comment lui dire adieu alors que je ne sais même pas encore aujourd'hui qu'elle était partie?

Elle est morte le jour de la Fête des mères. Elle, ironiquement, celle qui n'existait pas et qui n'existait plus, cette femme toujours absente qui a pourtant réussir à disparaitre à jamais ce jour précis. Son corps a été incinéré; ses cendres, répandues égoïstement dans une fosse commune. Ses dernières volontés. Ma mère partage son éternelle inexistence avec des inconnus. Loin de sa famille. Loin de ses enfants. Sans pierre tombale. Sinon que celle à mon cou.

J'en veux à ma mère de ne pas avoir pensé aux vivants, à ceux qui lui survivraient. Où est-elle, cette mère? Où est son corps? Où puis-je me recueillir? Dans un coeur d'enfant qui n'a pas reçu son amour? Il est là le second vide. Mais comment en vouloir à une femme si longtemps morte?  Je ne peux aimer ma mère. Elle n'a jamais existé.

Et, pourtant, ce matin, je pleure sa disparition et ce vide dans ma vie... Chaque rupture me rappelle ce qui n'est pas un deuil. Chaque mensonge, les vérités qu'on m'épargnait. Et chaque abandon, celle qui ne m'a jamais quitté parce qu'elle n'y était pas.

Il existe une cloche qui sonne à chaque tempête et, si elle n'est pas poussée par le même vent, elle donne toujours le même son.

26 octobre 2012

Dans l'oeil de la pause

C'est étrange: quand ma vie va bien, j'analyse, j'écris, je commente l'actualité. Avec une certaine lucidité et parfois même une lucidité certaine.

Actuellement, dans l'oeil de la pause, que de la poésie, des vers, des verres, du vin et du vent. Les vers que j'écris, les verres que je vide, le vin que je bois et le vent des paroles dont je questionne la véracité. Le vent, ce vent qui souffle dans ma tête et dans mon coeur. Et puis, l'absence de repères. La tempête du mensonge et de l'abandon les a emportés au loin.

Reste les larmes qui tombent en rafales, drues, acérées, tranchantes. Comme des herses qui me séparent de la réalité et me clouent sur le sol de la souffrance et de la douleur.

Reste cette hésitation: me mettre en arrêt de travail? Pour ne pas nuire aux élèves et prendre le temps. Ou encore continuer: pour ne pas nuire aux élèves et passer le temps.

22 octobre 2012

En direct de la pause (2)

Actuellement, peu de lecture sur l'éducation ou sur quoi que ce soit d'ailleurs. Encore moins l'envie de commenter, d'analyser, de lier. J'ai perdu le gout de lire, de penser. Bref, comme disait Michel Rivard, j'ai perdu le gout de l'eau. De toute façon, c'est fou comment notre mémoire oublie et que reviennent dans l'actualité les mêmes et éternels débats: prof suspecté de meurtre et qu'on devrait pendre avant même qu'il ait subi son procès, immersion anglaise, etc.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner ces deux textes traitant de l'école privée, de la sélection des élèves et de l'égalité des chances. Bonne lecture.

École publique, école privée - Quelle liberté de choix au juste?

Les écoles très privées subventionnées à 100%

 

17 octobre 2012

En direct de la pause (1)

En passant, j'ai de beaux groupes cette année. Vraiment de bons élèves. Rarement autant ri en classe. Ils sont un bon public et des gamins polis et attachants. Il est rare que je complimente des élèves si tôt dans l'année. Parfois moins forts que les années précédentes, mais je vois cela comme un défi à relever.

13 octobre 2012

Funérailles d'automne

Avouez que je l'ai joyeuse.

Funérailles d'un de mes oncles maternels ce matin. Un homme droit, juste, bon. Il m'a donné ma première chance, comme à tous mes frères d'ailleurs. De lui, je garde de grandes leçons de vie et il mérite tout mon respect. Respect dont j'ai voulu témoigner ce matin.

02 octobre 2012

Impossible de ne pas mentionner ce texte de Rima Elkouri, publié dans La Presse hier. Ce dernier revient sur la série d'articles du JdeM sur les pédophiles et reprend quelques-unes des idées que j'ai déjà abordées ici. Elle montre aussi les raccourcis pris dans cette série de reportages et les idées préconçues quant à une publication des adresses des pédophiles. Plus encore, Mme Elkouri souligne que agressions pédophiles sur dix seraient commises par un proche.

Et tristement, comme pour lui donner raison, on peut lire aujourd'hui  ce texte sur la star britannique  Jimmy Savile.  Le présentateur de la BBC aurait abusé des jeunes filles de 14 ans autour de lui alors qu'il avait créé une fondation devenue célèbre et qui visait justement à s'occuper des enfants... On se rappelle aussi du cas de Guy Cloutier au Québec et de bien d'autres encore où ce sont des individus connus et parfois estimés des parents qui ont abusé de jeunes autour d'eux.


29 septembre 2012

Les pédophiles sont partout!

Le Journal de Montréal aurait voulu traumatiser des parents qu'il ne s'y serait pas pris autrement.

Ainsi, depuis quelques jours, on a droit à la recension du domicile des criminels violents et sexuels du Grand Montréal. Ce matin, on apprend même qu'une école de Longueil aurait des voisins inquiétants. En effet, trois hommes accusés de crimes sexuels envers des enfants habitent en face de cette école primaire.

Un journaliste, muni de cette information, est allé rencontré des parents et il n'en fallait pas plus pour que ces derniers cèdent à la panique dans certains cas. Selon eux, l'école devrait être au courant de ce genre d'informations. Est-ce le mandat de gérer ce genre de situation? J'en doute. D'autant plus que ce type d'informations doit légalement demeurer confidentielle.

Je ne dis pas qu'on ne doit pas être inquiet de cette proximité, mais il est regrettable que cette série d'articles ne mentionne pas les faits suivants, généralement admis et bien plus troublants:

Dans 85% des cas, le pédophile, coupable d’agression sexuelle, appartient à l’entourage immédiat de l’enfant: parent, tuteur, membre de la famille, éducateur, entraîneur sportif, pasteur, confident, et généralement, l’agression s’inscrit dans un contexte de relations suivies entre l’agresseur et l’enfant. Près de 25% des agresseurs sexuels d’enfants sont des adolescents.

Avant de vous inquiéter du voisinage des écoles, il y a d'autres endroits bien plus préoccupants: l'entourage de votre enfant! Dans la même veine, je me demande s'il y a plus d'accidents impliquant des jeunes enfants et des automobiles que de cas de pédophilie commis par des inconnus. 

C'est juste pour dire...

Réenligner les chakras à l'école...

Je dois être vieux, rétrograde, périmé. Parmi mes valeurs, j'ai toujours cru que l'école publique et celle financée par des fonds gouvernementaux devraient être laïques et exemptes de toute forme de croyances religieuses ou autres.

Moi qui croyais qu'on ne retrouvait plus de ces enseignants qui abrutissaient leurs élèves à coup d'astrologie et d'autres balivernes, j'ai eu tout un choc cette semaine en lisant ce texte dans La Presse où l'on explique que «Trois écoles primaires de Lanaudière ont récemment permis à une enseignante et orthopédagogue de donner des ateliers parascolaires pour aider les élèves «à réorganiser leur énergie» en utilisant une approche basée sur la théorie des chakras.»  

L'enseignante en question a été formée par une coach de vie qui offre d'aider les directions d'école à répondre aux besoins des enfants ayant un déficit d'attention:  Connaître «leur nature énergétique» aide les enfants à se concentrer et à gérer leurs émotions, aurait affirmé cette coach à la journaliste.

Cette dernière explique: «Les classes sont grosses à l'école, les enfants sont sur le Ritalin. Il faut essayer autre chose », plaide l'ancienne infirmière, qui a changé de carrière parce qu'elle désapprouvait le recours excessif aux médicaments. Son analyse : «Le champ énergétique des enfants est souvent trop haut, donc ils ne sont pas groundés.»

Si l'on peut me permettre ce constat, j'ai souvent croisé de ces infirmières ou des professionnels de la santé qui défroquent de la rigueur scientifique pour verser dans un ésotérisme douteux. Mais de là à leur permettre de sévir dans nos écoles, il y a une limite à ne pas franchir.

Je crois fermement que les directions de ces trois écoles doivent être sanctionnées, ne serait-ce que minimalement pour indiquer qu'on ne tolère pas de tels ateliers parascolaires dans les écoles québécoises. De plus, je me demande ce que pense l'Association des orthopédagogues du Québec d'une telle forme d'enseignement. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un ordre professionnel proprement dit, cette association approuve-t-elle ce genre d'action dans un cadre scolaire?

Honnêtement, je suis découragé et choqué.


27 septembre 2012

L'école pourrait-elle poursuivre des parents? (ajout)

Un nouvel exemple de poursuite de la part de parents contre une commission scolaire aujourd'hui dans le Journal de Montréal. Ces derniers estiment que la commission scolaire des Val-des-Cerfs est responsable des difficultés d'apprentissage de leur fille et allèguent qu’elle n'a pas eu droit à l'aide et au soutien approprié de 2004 à 2011. Aussi, ils  réclament à cette CS une somme de 750 000$.

Si cette situation ressemble sous certains aspects à celle mentionnée dans ce billet (une poursuite ne signifiant pas que les faits allégués soient véridiques), cette fois-ci, le journaliste a pris soin de ne pas mentionner le nom de l'école ou des enseignantes concernés. Appelons cela une gentille délicatesse.

Je vous laisse lire ce texte et juger du bien-fondé de cette poursuite, mais une récrimination de la part des parents m'a fait sourciller:  ils reprochent à une enseignante de leur fille d'avoir refusé «de partager le matériel pédagogique de l'école». Un enseignant a-t-il l'obligation de partager son matériel avec des parents?

Comme le souligne l'avocate Annie-Élizabeth Girard, il ne sera pas facile de  prouver la faute de la commission scolaire : «L'école et une commission scolaire a (sic) une obligation de moyens, pas de résultats et de réussite. Il y a aussi des phénomènes extérieurs qui pourraient venir expliquer les problèmes d'adaptation de l'enfant à son nouveau milieu.»

On semble assister à un phénomène nouveau avec ce genre de poursuites. Je ne suis pas convaincu, honnêtement, que certains avocats effectuent correctement leur travail en prêtant assistance dans de tels cas. Mais à supposer qu'on puisse poursuivre une école ou une CS car elle n'effectue pas correctement son travail en ce qui a trait à l'éducation de certains jeunes, l'inverse ne pourrait-il pas être aussi vrai? Qu'attend-on pour responsabiliser certains mauvais parents qui nuisent à l'avenir de leur enfant, engendrent des couts supplémentaires à l'école par leur attitude et drainent des ressources importantes qui pourraient être utilisées à de meilleurs fins?

Ça, on n'en parle jamais.

En terminant, j'espère que certains commentateurs et gérants d'estrade sauront faire preuve d'un peu plus de prudence dans le présent cas.

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Pour ceux qui doutent de ce genre de procédures ou pensent que j'exagère, La Presse nous apprend ce matin que, dans une cause à propos de «traitements» donnés à un enfant, «Les parents sont libres de croire ce qu'ils veulent, reconnaît la magistrate, mais l'intérêt de l'enfant prime, et leur droit de prendre des décisions à son sujet n'est donc pas absolu.»





25 septembre 2012

Poursuite: la commission scolaire s'indigne

Comme me l'a souligné un intervenant à propos d'un billet précédent, la commission scolaire des Hautes-Rivières s'indigne de l'article publié dans le Journal de Montréal concernant le dépôt d'une poursuite intentée par les parents d'une élève ayant fréquenté une école de ses écoles et qui aurait été victime d'intimidation sans que des moyens n'aient été pris, selon les plaignants, pour corriger cette situation.

La CS parle d'un «traitement médiatique partial»«Deux enseignantes et la directrice de l’école primaire Micheline-Brodeur ont été publiquement identifiées sans jamais que la journaliste ne communique avec elles ou avec la Commission scolaire pour connaître leur version des faits et, surtout, sans que les faits allégués n’aient été prouvés dans le cadre d’une enquête judiciaire.»

Avouons que ça ressemble pas mal à ce que je notais concernant l'article du Journal de Montréal. J'ignore si les décideurs de cette CS savent également le traitement qu'on a réservé à cette situation à l'émission Dumont. Mais j'avoue que, plus je repense à cette entrevue, plus je suis mal à l'aise de voir avec quel manque de prudence on a immédiatement présenté les faits allégués comme vrais.


 

 

23 septembre 2012

Écoles privées: quelques chiffres et observations

Dans un article de La Presse sur les examens d'admission des écoles privées, la journaliste Pascale Breton conclut son texte avec quelques statistiques intéressantes que je reproduis ici. Mais ce qui est fou est à quel point on oublie que le principal facteur de sélection pour entrer dans ces écoles n'a rien à voir avec ces tests.

En chiffres
76,4% des élèves qui ont passé un examen d'admission à une école secondaire privée ont été admis.
1/5 a été refusé, faute de place.*
3,1% ont été refusés parce que les écoles n'avaient pas les ressources pour eux (élèves en difficulté, besoins particuliers, etc.).
85% des écoles secondaires privées n'ont pas de liste d'attente, selon la Fédération des établissements d'enseignement privés.
50$ Coût moyen d'un examen d'admission. Les élèves en passent jusqu'à trois ou quatre.
162 Nombre d'écoles secondaires privées au Québec.**
88 776 élèves, soit 19,6% des élèves du secondaire, fréquentent une école privée.

À la lumière de ces chiffres, on pourrait être tenté de penser que l'école privée accepte une grande majorité des jeunes qui y font une demande. Pourtant, on oublie un facteur discriminant important qui présélectionne ces jeunes avant même le test d'entrée: l'argent.

Que 76,4% des demandeurs soient admis ne doit pas faire oublier qu'il s'agit d'enfants dont les parents ont les moyens ou choisissent de faire les efforts pour inscrire leur enfant dans un tel établissement d'enseignement. Et, qu'on le veuille ou pas, la variable socio-économique demeure un facteur important dans la réussite scolaire.

Un autre facteur de réussite scolaire important est bien sûr l'appui parental, l'importance accordée aux études. Quand un parent paie, il s'attend à en avoir pour son argent et que son enfant réussisse. Il mettra de la pression sur ce dernier ainsi que sur l'établissement d'enseignement qui l'accueille.

Il existe donc une sélection des élèves avant même les examens d'admission. Et celle-ci ne s'arrête pas là puisqu'on remarquera que le quart des demandeurs sont refusés, dont 3,1%  parce que les écoles n'avaient pas les ressources spécialisées pour eux.

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J'enseigne dans un programme particulier d'une école publique où l'on sélectionne les élèves avec un examen d'admission. Il s'agit d'un test de mesure des habiletés scolaires de type Otis-Lennon. Cet examen ne mesure pas les connaissances des jeunes. J'ai des gamins dans mes classes qui ne savent pas trouver un sujet dans une phrase. J'ai généralement un, parfois deux élèves TDA ou TDAH par groupe mais, contrairement aux institutions privées, on ne peut refuser ce type d'élèves et encore moins ne pas leur fournir certains services d'aide. D'ailleurs, j'ai toujours reçu une excellente collaboration des parents de ces enfants. Il n'est pas surprenant alors que le taux de diplomation du programme où j'oeuvre soit équivalent à ceux des collèges privés de la région.

Je me plais à répéter qu'à travers les variables «coût des examens d'admission» et «cout des programmes», ce ne sont pas vraiment les élèves que les écoles sélectionnent mais bien leurs parents! Par surprenant que, dans certaines institutions privées, si un enfant est admis, il en sera de même pour ses frères et soeurs. Pourquoi, si ce n'est qu'on choisit au fond des entités familiales prédisposées à la réussite scolaire?


21 septembre 2012

Intimidation: attention avant d'affirmer que... (ajout)

Le Journal de Montréal aujourd'hui y allait d'un article percutant où des parents dénoncent, dans une requête de 44 pages, l'intimidation dont aurait été victime leur enfant dans une école de Granby. Ils poursuivent conjointement pour 400 000$ la direction de l'école de l'enfant, deux enseignantes (elles sont nommées dans l'article) et la commission scolaire des Hautes-Rivières.

J'ai de grandes réserves à propos de tels cas, surtout que la journaliste à l'origine de ce texte ne donne pas la parole aux gens visés par la poursuite et ne vérifie pas certains faits.

Les affirmations des parents

Dans cet article, on rapporte que les parents se seraient plaints que leur enfant aurait subi les éléments suivants pendant toute une année: «Bousculade, agression physique, mépris, crocs en jambe, insulte, exclusion.» L'élève, qui souffre d'arthrite juvénile et porte des orthèses, «se serait fait voler des objets, ridiculiser lorsqu'elle portait ses orthèses et ostraciser.»  Une de ses consoeurs de classe l'aurait frappée avec une chaise et lui aurait donné un coup de poing. Malgré une plainte à la Sûreté du Québec, la situation aurait perduré jusqu'à la fin de l'année scolaire, semble-t-il.

D'après les parents, la direction de l'école aurait affirmé que l'intimidation dont leur enfant aurait été victime «n'existait tout simplement pas», qu'elle ne faisait que chercher de l'attention et qu'elle «avait des comportements particuliers.»

La présentation des faits par la journaliste

Si on analyse ce texte, on remarque tout d'abord qu'il ne présente qu'une version de l'histoire: celle des parents. À mon avis, le traitement de l'information journalistique doit être équilibré, ce qui n'est manifestement pas le cas ici. Pourquoi n'a-t-on pas la version des gens poursuivis par les parents?

Ensuite, la journaliste rapporte du ouï-dire: les parents affirment que la direction a dit que... En cour, une telle preuve est immédiatement rejetée à juste titre. Très délicat comme façon de faire.

Enfin, la journaliste n'a pas procédé à deux vérifications élémentaires qui auraient pu donner un éclairage important à cette histoire. Qu'est-il arrivé de cette plainte déposée à la SQ? A-t-elle été retenue? Enquête-t-on sur ce cas? Il me semble que cette vérification était nécessaire avant de publier une telle histoire. De même pour l'incident avec la chaise. Y a-t-il un rapport médical appuyant une partie des faits avancés par les parents?

Par contre, et soyons honnête, on notera que la journaliste emploie le conditionnel pour décrire les faits qui seraient survenus et indique fréquemment qu'il s'agit de ce que soutiennent les parents de l'élève concerné. Un excellent point en sa faveur, mais qui ne contrebalance la façon dont elle a traité cette «nouvelle».


Évitons de tirer des conclusions

En plus de déplorer le fait que nous n'ayons pas les différentes versions de toute cette histoire, un autre aspect du traitement médiatique de cette «nouvelle» est que l'on demande à divers individus de la commenter alors qu'ils ne semblent pas avoir l'ensemble des éléments nécessaires pour agir ainsi.

Ici, dans la capsule vidéo accompagnant ce texte, Mario Dumont fait preuve de ses faiblesses journalistiques et présente la situation comme vraie: en introduction, il emploie le présent pour décrire toutes les exaction dont serait victime l'enfant concerné. Quant à elle, Chantal Longpré, invitée sur le plateau, fait exactement de même en plus de blâmer sans manifestement s'en apercevoir une direction d'école («il faut que je m'assure que.. ça n'a pas été fait.») et de tirer de cette «nouvelle» une multitude de  conclusions inexactes en prenant pour acquis que cette histoire est vraie. Ça donne du beau trashnews mais, pour la rigueur, on repassera.

Si on pousse plus loin, je n'arrive même pas à comprendre comment  Mme Longpré puisse affirmer en fin d'entrevue: «Là, on est en train d'investir des sommes incroyables, 400 000$. Une poursuite pour un élève. Ce 400 000$ pourrait servir à plusieurs écoles.» Euh... On n'investit pas 400 000$ ici. On parle d'une poursuite. Même pas encore inscrite en cour. Même pas encore certain du jugement et d'une possible somme à verser.

Dans les faits, si on lit bien le texte publié dans le Journal de Montréal, à partir de ce seul cas, on ne peut pas affirmer que l'école québécoise manque de moyens pour contrer l'intimidation en ses murs. Premièrement, la direction aurait été informée, selon les parents, des faits survenus à leur enfant et aurait volontairement décidé de ne pas y donner suite, estimant que la situation ne méritait pas qu'on y accorde de l'importance. Le présent cas n'aurait donc rien à voir avec un manque de ressources, mais plus avec une décision prise par une direction d'école et le désaccord des parents concernés. Deuxièmement, cet article traite d'une poursuite entamée par des parents, pas d'un jugement en leur faveur. Aucun des faits allégués ici n'a été prouvé. Aucune vérification minimale n'a été effectuée.  On ne dispose que de la version des plaignants. Rien ne prouve (encore) que l'enfant ait été réellement victime d'intimidation. 

En commentant cette nouvelle et en prenant pour acquise la version des parents, certains commentateurs semblent ignorer qu'ils peuvent s'exposer à des poursuites criminelles. Ils doivent donc être très prudents dans leurs propos et toujours les accompagner de remarques appelant à la prudence du genre: «Si cela est vrai.. Si le cas qu'on rapporte est avéré...»

Si vous croyez que j'exagère, je vous rappellerai le cas de Félix, l'enfant dans la cage. (ici et ici). Il y a quelques années, des parents ont dénoncé médiatiquement le traitement qu'aurait subi leur enfant à l'école. Divers chroniqueurs et gérants d'estrades s'en étaient mêlés. Des poursuites ont alors été intentées par l'enseignante visée par les propos de nos «experts» et se sont conclues par une entente hors cours à son avantage et une belle compensation financière.

*********
Puisqu'on parle de traitement équilibrée de l'information...  Quand un animateur télé, ancien chef d'une formation politique qui a prôné l'abolition des commissions scolaires, reçoit comme invitée spécialiste en éducation une candidate d'une autre formation politique qui a également prôné l'abolition des commissions scolaires, faut-il se surprendre qu'ils s'entendent tous les deux sur certains constats?

20 septembre 2012

Ma phrase intelligente de la semaine

J'ai une grande diversité culturelle dans ma classe. En fait, je dis ça et c'est peut-être une connerie. Toutes mes Fatima, Laeticia, tous mes Aymen, Hamilton et compagnie sont peut-être nés au Québec et mangent des pâtes trois fois par semaine... tout en se désolant du lock out au hockey.

Alors, disons que j'ai une grande diversité de couleurs dans ma classe et je ne parle pas des vêtements portés par mes élèves. Je vis bien dans cette multitude. Et les jeunes sentent que je n'ai pas une once de préjugé.

Abordant le thème du racisme et de la différence, j'ai eu cette phrase que j'aime :

«On est tous de la même couleur: humaine.»

16 septembre 2012

Bilan des lectures d'été

Ouaip, un petit bilan. J'ai retrouvé l'habileté à lire des textes longs et soutenus. Je ne sais pas si mes longues sessions de lecture sur Internet y étaient pour quelque chose, mais on dirait qu'il m'a fallu une période d'adaptation pour redevenir un lecteur bimode.

Donc. Allons-y tout d'abord avec mes coups de coeur.

Ian Rankin: une oeuvre constante, régulière. Pas de feu d'artifice, mais un plaisir simple à goûter.  On retrouve toujours avec joie l'inspecteur Rebus. Deux titres: Rebus et le loup-garou de Londres et  Ainsi saigne-t-il. Par contre, le deuxième roman est un peu plus faible. L'intrigue est politique et on peut se perdre dans ce monde écossais peu familier.

Albert Camus. De douces retrouvailles avec des oeuvres inédites ou récemment rééditées. Dans son premier roman La mort heureuse, qu'il abandonne en chemin, Camus met en scène le personnage de Meurseault, qu'il reprendra dans L'Étranger, dans un autre contexte et une tout autre histoire. Quoique... Un récit lourd, étrange à cause de ce Meurseault avant l'heure, mais rempli d'une grande maturité. Du même auteur, deux nouvelles: La femme adultère et Les Muets. La première m'a laissé sur ma faim. Par contre, la seconde est un bijou de narration. Dans une usine, les employés décident de se mettre en grève. Au retour d'un conflit qu'ils ont perdu, ils décident de garder le silence.

Dino Buzzati. Un autre retour à d'anciennes amours littéraires. Barnabo des montagnes. Rythme lent. Descriptions douces, imagées mais aussi ironiques d'une certaine Italie d'avant-guerre. Cette oeuvre annonce définitivement Le Désert des Tartares tant dans le ton que dans le thème. On aime ou on déteste. J'ai aimé. Du même auteur aussi, Douze nouvelles.  Mordant. Savoureux. Du Buzzati comme je l'aime.

Milan Kundera. L'ignorance. Un autre retour. Avec un livre dont le thème est le retour d'expatriés dans le pays qu'ils ont quitté. Que dire de cet auteur sinon qu'il aborde ici le thème de l'identité avec le brio qu'on lui connait. Certaines phrases ont été des coups de poing au ventre. Des directs au menton.

Sandor Marai. Les Braises. Auteur hongrois tombé dans l'oubli jusqu'en 2000. Un solide coup de foudre. Un huis clos réunit deux anciens amis qui s'étaient quittés sur une mésentente pour ne se revoir que des dizaines d'années plus tard. Un mélange de L'enfer, c'est les autres avec une intrigue digne des bons romans policiers. Des raisonnements logiques qui n'ont rien à envier à Hercule Poirot. Je continuerai à lire cet auteur.

Pierre Desproges. La minute nécessaire de monsieur Cyclopède et Monologues. Deux courts ouvrages regroupant des moments de l'oeuvre de cet humoriste français. Maniant le mot et l'ironie comme un maitre, Desproges ne laisse pas indifférent. Il touche certains sujets sensibles pour l'âme française (la Collaboration, les Arabes..). J'ai adoré.

Opinion neutre

Robin Cook. J'étais Dora Suarez. Bon roman policier noir, mais sans plus.

Tony Hillerman. Blaireau se cache. Un policier qui en vaut un autre. Intéressant pour son exploration des cultures ute et navajo.

Ed MacBain. Branle-bas au 87. Un policier relié au phénomène des gangs de rues de New York. Des personnages qui auraient de l'avenir. Un bon récit, sans plus.

William Bayer. La ville des couteaux. Un récit qui a de bons moments mais qui se lance dans trop de directions à la fois. Un talent certain pour la description, l'atmosphère. Buenos Aires est présenté comme si on y était. Des détails qui sont parfois plus captivants que l'histoire elle-même. Par moment, on sent la plume de Philipp Kerr. Un auteur disposant de solides moyens mais qui a voulu trop en faire.

Les «à éviter»

George Chesbro. Loups solitaires. Courts récits mettant en scène trois personnages fétiches de ce romancier.

Michel Connely  présente divers auteurs dans ce recueil de nouvelles policières intitulé Moisson noire. La récolte n'était pas très bonne, à mon avis...

Thierry Jonquet. Le secret du rabbin. L'auteur a un beau flash, sauf qu'il l'étire tellement qu'on voit venir la fin au milieu du roman. Décevant quand un secret s'évente de lui-même. Et pourtant.

Colum McCann. Les saisons de la nuit. Honnêtement, cet auteur tient une histoire géniale entre les mains.  Une saga où s'opposeront constructions de tunnels et de gratte-ciel à New York. Mais voilà: il ne sait manifestement pas quoi en faire. Même le titre est mauvais.

Stephen Greenblatt. Comment William est devenu Shakespeare. Une biographie sans document et remplie de si et de peut-être, d'extrapolations. Décevant.

14 septembre 2012

Quand quantitatif devient indéfini et mal défini

Branle-bas de combat cette semaine entre collègues! On découvre qu'il y a un écart entre les manuels d'exercices que nous avons choisis en français et les outils de références que nous possédons.  Rien de majeur, mais assez pour illustrer une problématique chiante.

Ainsi, dans notre cahier d'exercices, on fait disparaitre la catégorie «déterminants quantitatifs» en l'incluant dans celle des déterminants indéfinis. Bregf, les «tout, quelque, plusieurs...» vont rejoindre les «un, une, des».

Rien dans le programme de formation ou la progression des apprentissages ne l'interdit. Sauf que ce changement est erroné quant à moi. En quoi les déterminants «nul» et «aucun» ont-il un caractère indéfini? Il s'agit de d'une quantité précise, soit zéro.

Quand j'enseigne à mes élèves les différentes catégories de déterminants, je leur explique que l'appellation  avec laquelle on les désigne n'est pas le fruit du hasard. Par exemple, le déterminant possessif indique qui possède la chose ou la personne dont on parle (mon chien = chien à moi).

Ce n'est pas pour rien que je tiens tant à enseigner avec mon propre matériel. Mais quand on a plusieurs collègues, on fait des compromis et c'est très bien comme cela. Il est regrettable cependant que certains concepteurs de matériel scolaire, eux, se laissent aller à de tels errements.

12 septembre 2012

Anglais intensif au primaire: la FCPQ s'inquiète

Avec l'élection du Parti québécois, voilà que la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) s'inquiète de l'avenir du programme d'enseignement intensif de l'anglais au primaire.  «Le gouvernement ne peut pas aller à l’encontre de la volonté des parents. Nous, on reste vigilants», a réagi, mardi, Gaston Rioux, président de la FCPQ.

Le texte parle d'ailleurs d'une volonté exprimée par 87 % des membres de la FCPQ, ce qui est rigoureusement faux comme le montre ce billet:

«Voici la «vraie» vérité: 48 des 55 délégués présents au conseil général de la FCPQ, les 12 et 13 février, ont voté pour un programme d'anglais intensif, se faisant le relais uniquement des parents présents aux conseils d'établissements. Cinquante-cinq délégués, porte-voix de centaines de milliers de parents: côté représentativité, on repassera! Seuls les membres de conseils d'établissements ont été consultés, et par un sondage complaisant et biaisé de la FCPQ.»

Je ne referai pas ici l'inventaire exhaustif de tous les arguments à l'encontre ce programme, mais qu'il me soit permis d'en rappeler quelques-uns:
- mesure improvisée alors qu'on manque de ressources et d'enseignants pour l'appliquer;
- compression des autres matières vues en sixième alors qu'il s'agit d'une année charnière dans la transition vers le secondaire et que les élèves ont à réussir de nombreux examen du MELS;
- programme universel s'adressant autant à des élèves en difficulté scolaire qu'à d'autres maitrisant déjà très bien l'anglais et moins le français (qu'on pense à certaines communautés immigrantes);
- absence d'une mesure corollaire pour les écoles anglophones quant au français (le bilinguisme est seulement pour les francophones).

Enfin, qu'il me soit permis de corriger une erreur véhiculée par cet article. En effet, on peut y lire:

«Si jamais le gouvernement du Parti québécois choisissait de freiner le pas, les conseils d’établissement, qui ont le dernier mot sur la grille-matière, pourraient aller à l’encontre de cette décision puisque la loi le leur permet.»

Or, à moins que je ne me trompe, l'adoption de la grille-matière doit se faire dans le respect du régime pédagogique et du programme de formation. Or, la Loi sur l'instruction publique n'autorise pas les CE à compresser autant les autres matières comme l'exigerait ce programme d'enseignement intensif de l'anglais au primaire.

Enfin, à propos de parents vigilants, je ne les ai jamais entendus quant à la qualité de l'enseignement du français au Québec. Et pourtant...

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Dans la foulée du sujet d'aujourd'hui, je vous suggère la lecture de ce texte de Christian Dufour intitulé Le français: la vraie menace. Et j'en profite pour vous souligner qu'à Kuujjiaq  et chez les Cris, des élèves francophones sont incapables d'obtenir une éducation en français.




09 septembre 2012

Parlons de prénoms d'élèves

Depuis une semaine, je commence à mémoriser les noms de mes élèves. Avec le temps, mon école accueille de plus en plus de jeunes de communautés dont les origines sont davantage à l'extérieur du Québec, si je puis dire. Cela me vaut des prénoms et des patronymes difficiles à retenir. Au Scrabble, certains d'entre eux seraient très payants. Mais comme ce jeu n'accepte pas les noms propres...

Là où, par contre, j'ai une réaction, c'est à propos de certains prénoms de jeunes dont la famille vit au Québec depuis des générations. Ou bien certains parents sont dyslexiques, ou celui qui a écrit leur nom dans le registre civil était saoul, ou la drogue fait des ravages, ou la course à l'originalité ne cesse de gagner du terrain.

J'ai quelques élèves prénommées Gabrielle. Enfin, c'est aussi Gabryelle ou Gabrièle. J'ai aussi un Jakob, un Nicola, une Élodye, une Sara sans «h». Mais la palme dans mes classes revient à... Félip.

Certains collègues me signalent avoir dans leur classe ou leur entourage les prénoms suivants: Cassadryne, Kamay-Lia, Mayghane, Max-Hyne, Ma-Ryèv, Jannique, Kay-Ven...

D'où mon commentaire: chers parents, quand vous donnez un prénom à votre enfant, voulez-vous ne pas le handicaper! Il va passer sa vie à l'épeler aux autres.

08 septembre 2012

La «bullshit» du SRAM (re-ajout)

On ne pourra pas m'accuser de faire dans la dentelle. Je viens de lire un texte publié dans Le Devoir sur le fait que le MELS oblige maintenant la parution de trois bulletins à date fixe (sujet déjà couvert ici et ici).

Alors qu'un représentant syndical des enseignants affirme que cette façon de faire pénalise les étudiants qui font une demande d'admission au cégep, une sympathique directrice des communications du service régional d'admission du Montréal métropolitain (SRAM), pour sa part, déclare qu'un élève qui soumet deux bulletins n'a pas plus de chances d'être admis que celui qui n'en soumet qu'un seul.

Et Le Devoir de nous asséner une série de chiffres très rassurants:

80 % des candidats ont été admis au 1er tour;
95 % des candidats ont été admis au terme des trois tours;
90 % des candidats ont été admis au programme de leur choix;
94 % ont été admis au cégep de leur choix.

Ce qu'on oublie de préciser,  par exemple, c'est que les 80% des candidats admis au premier tour ne l'ont pas nécessairement été dans le programme de leur choix, mais plutôt dans celui qu'ils ont retenu (ou qu'on leur a dit de retenir) et où ils savaient qu'ils avaient le plus de chances d'être acceptés. La nuance est de taille.

Dans le bureau de l'orienteur de mon école, la scène est fréquente: «Ton bulletin est trop faible pour être policier, mon ti-pit. Choisis autre chose ou arrange-toi pour entrer au cégep où se donne le programme Techniques policières et essaie de faire un changement après ta première année collégiale.» Pas surprenant qu'on obtienne des scores aussi élevés quand on s'assure a priori que les élèves ne soient pas refusés.

De même, il ne faut pas être dupe: quand on affirme que 95% des candidats ont été admis au terme des trois tours, certains l'ont été finalement dans des programmes d'accueil et d'intégration qui sont, ni plus ni moins, une voie facile pour mettre les pieds au cégep et à condition d'aller chercher les prérequis manquants, comme le cours de français de cinquième secondaire.

Dans les faits, à la boutade, on pourrait affirmer que les seuls élèves refusés sont ceux qui ont été mal encadrés ou qui n'ont pas voulu mettre un terme à leurs rêves et ont présenté une demande d'admission totalement illusoire.

Quant à moi, après 15 ans d'expérience sur le terrain et au-delà des belles statistiques du SRAM, il est inacceptable qu'on met une aussi grande pression sur des enfants de quatrième secondaire en leur demandant d'être déjà conscients de l'impact de leur performance scolaire sur un éventuel choix de cégep.  Également, il ne fait aucun doute que d'interdire à des jeunes de cinquième secondaire de produire les notes d'un deuxième bulletin nuit à leur possibilité d'être admis dans un programme qui répond véritablement à leur choix. De plus, je considère malhonnête qu'on mette sur le met pied les résultats d'une année complète de quatrième secondaire et ceux d'un seul bulletin de cinquième.  Enfin, il est pédagogiquement inadmissible qu'on enlève tout espoir à l'élève qui aurait connu des difficultés personnelles ou scolaires de se reprendre après l'émission du premier bulletin de cinquième secondaire.

Pour  Geneviève Lapointe, directrice des communications au SRAM:« Un élève qui est fort en 4e secondaire devrait le rester en 5e secondaire aussi.» Alors, si la situation est aussi évidente, pourquoi envoyer des notes de cinquième secondaire si tout est déjà joué? En pensant de la sorte, on nie tout progrès potentiel de l'élève mais aussi tout le travail des élèves et des enseignants de cinquième.

Un bureaucrate jonglant avec des statistiques peut accepter cette façon de faire. Pas un pédagogue travaillant avec des jeunes.

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Autre son de cloche dans Le Soleil où le portrait est moins idyllique.

L'Association québécoise des professeurs de français (AQPF) s'inquiète de cette mesure: «Ce n'est pas une bonne façon de contrer le décrochage. Les élèves en difficulté vont se dire que de toute façon, c'est foutu. C'est comme si on leur disait que le reste de l'année ne compte pas. Ce sont des notes qui ne reflètent pas la réelle compétence de l'élève.»

À la commission scolaire des Premières-Seigneuries, le porte-parole Jean-François Parent explique que l'envoi d'un deuxième bulletin aux cégeps permettait à des jeunes «d'être favorisés». «Règle générale, le deuxième bulletin est plus fort que le premier», indique-t-il.

Même le pendant québécois du SRAM, le SRACQ trouve à y redire. Marc Viens, directeur du Service régional d'admission au collégial de Québec, reconnaît que, dans un scénario idéal, les notes remises aux cégeps devraient être compilées «le plus près possible» du 1er mars, de façon à mieux refléter le parcours de l'élève. Mais il souligne que cette nouvelle règle représente un «problème» seulement pour les élèves qui veulent être admis dans les programmes contingentés, un groupe qui représente 11 % des demandes d'admission.

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Au fait, s'il y a seulement 11% des demandes qui sont effectuées dans des programmes contingentés, comme le souligne M. Viens, on n'a pas à s'étonner du haut taux d'admission des jeunes au premier tour... et c'est pourtant dans ces programmes qu'on devrait avoir la meilleure évaluation des candidats.

De plus, il faut se rappeler qu'au premier tour, les finissants indiquant trois choix, je crois. Wow... Un autre fait qui explique qu'ils sont admis des celui-ci. Il n'y a rien là de glorieux.


05 septembre 2012

Bulletins et admission au cégep: la saga continue

J'avais parlé dans un billet précédent de cette directive ministérielle qui empêchait les écoles secondaires de transmettre aux organismes d'admission collégiale les notes d'un deuxième bulletin émis avant le 1er avril.  J'avais dénoncé cette mesure en expliquant qu'on évaluait ainsi des élèves de cinquième secondaire en se basant sur une trop faible partie de leur parcours scolaire et que celle-ci pourrait avoir des impacts sur la motivation des jeunes ainsi que sur le décrochage scolaire.

J'avais alors écrit:

«...certains décideurs auraient voulu qu'on évalue au minimum tous les finissants en écriture dès la première étape, sans tenir compte du fait que ce volet demande beaucoup de temps et des énergies considérables en un si court laps de temps et qu'il désavantage certains élèves moins habiles à l'écrit. L'idée a heureusement été reléguée aux oubliettes, mais on craint qu'elle ne soit ramenée avec cette récente décision du MELS.»

Mes craintes étaient fondées. Le 5 septembre, alors que mes collègues enseignent depuis une semaine, que leur planification est établie pour le premier bulletin et même pour l'année dans certains cas, le SRAM a fait parvenir aux écoles une note intitulée: «Échéancier révisé des transmissions des résultats scolaires des élèves de la 5e secondaire suite à la publication de l’Instruction annuelle du MELS».

On y apprend que l'envoi obligatoire des notes pour le premier tour d'admission a été fixé au plus tard le 18 décembre 2012.  Je vous rappelle qu'autrefois, il était possible pour les élèves de soumettre les notes d'un bulletin émis avant le 1er avril. Qui plus est, le SRAM écrit:

«...la note du volet écriture sera attendue. C’est à partir de ces résultats que la plupart des collèges déterminent si le candidat doit être convoqué à un test de classement ou s’il doit être soumis à diverses mesures d’aide. L’absence de ces résultats pourrait entraîner l’imposition d’un cours de mise à niveau au cheminement du candidat admis ou, ultimement, le refus de sa candidature.»

Aussi bien dire qu'on ordonne aux collègues de français d'évaluer leurs élèves en écriture. Une telle façon de procéder est non respectueuse du professionnalisme des enseignants du secondaire. Ensuite, de changer ainsi des règles en cours d'année est inadmissible et fait preuve d'un net manque de gestion administrative. Enfin, encore une fois, on ne tient pas compte de l'élément le plus important dans nos écoles: les élèves. On gère l'éducation dans le mépris le plus total de certaines règles pédagogiques, comme si c'était un MacDonald's et que nos élèves étaient de simples boulettes qu'on se contente de flipper sur un grill.

Le SRAM veut des notes. Il en aura. Tristement.

02 septembre 2012

Et mon vote sera?

Malheureusement PQ.

Je n'ai jamais voté pour le Parti québécois. Dans tous les comtés où je suis demeuré, mon vote se noyait dans un océan bleu. Alors, je votais Vert par principe. Pour que quelqu'un quelque part se dise que l'environnement commençait à être une vraie préoccupation environnementale des Québécois et des Canadiens. Parce que le milieu où l'on vit ne doit pas nous rendre malades ou nous tuer. Parce que nos enfants méritent qu'on ne leur laisse pas un héritage empoisonné.

Je ne voulais pas voter non plus pour un parti dirigé par Pauline Marois. Tout d'abord, son passage au ministère de l'Éducation a été la plus grande catastrophe des trente dernières années, n'ayons pas peur de le dire. La réforme de l'éducation, ses fondements mais surtout son implantation ont laissé des séquelles majeures sur le réseau scolaire. Ensuite, étonnamment, parce que son projet de CPE souffre  de graves lacunes dont elle ne parle pas, même aujourd'hui.

Si je regarde les plateformes électorales des trois principaux partis en matière d'éducation, aucun n'a suscité mon intérêt. Dans les faits, le PQ et le PLQ promettent un statu quo relatif et la CAQ, une révolution improvisée.

Le PQ a une seule mesure intéressante: la prématernelle à quatre ans. Tous les experts s'entendent sur les bienfaits de cette idée. Pour le reste, on promet l'embauche de 600 spécialistes qui n'existent pas... Le programme du PLQ, quant à lui, c'est la continuité dans le manque d'originalité. Un gros 100$ aux parents ayant des enfants au primaire.  Fait à noter: ces deux partis remettent peu en question la gestion des commissions scolaires et les méandres du ministère de l'Éducation.

Arrive la CAQ avec des idées, du changement. On serait tenté de ressentir un peu d'espoir. Le problème est que le remède proposé pour guérir les maux du réseau de l'éducation vaudrait une poursuite en déontologie à n'importe quel médecin. À une Pauline Marois qui a effectué une réforme pédagogique pour contrer le décrochage au Québec (une réforme que François Legault a appuyée comme ministre pendant quatre années), la CAQ propose une réforme structurelle et d'affrontement avec les principaux partenaires scolaires. Cette formation nous dirige vers un système à l'américaine avec les résultats que l'on peut voir chez nos voisins du Sud. Je ne reviendrai par sur des billets précédents, mais disons que les solutions proposées par la CAQ manquent de rigueur, d'études et de profondeur. On dirait davantage des engagements populistes qu'une fine analyse de la réalité. Le réseau de l'éducation a besoin de changements, mais pas comme ceux-là.

Le PLQ est cuit. Restent le PQ et la CAQ. Lequel est le moins pire...

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Sondage masqué (en haut à droite): et vous, pour qui voterez-vous?