26 avril 2009

Une petite revue de la semaine...

Que diriez-vous d'une petite revue toute personnelle de la semaine en éducation agrémentée de quelques propos acidulés? Oui! souffle à mon oreille un admirateur masqué.

Si les principes sont bons pour les profs de l'UQAM...

Il faudra m'expliquer parce que je ne comprends pas. Les profs de l'UQAM ont obtenu une augmentation de salaire de 11% sur trois ans afin de leur permettre de réduire l'écart salarial qui existait avec les profs des autres universités québécoises.

«C'est une opération d'équité, affirme la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne. Pourquoi un professeur de l'UQAM serait-il moins bien payé qu'un professeur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, à Chicoutimi, ou à Rimouski?» Du côté du recteur Claude Corbo: «Grâce à la correction salariale, nous disposons de la capacité d'attirer et de retenir des bons professeurs», a-t-il indiqué.

Ma question: pourquoi les profs québécois du primaire et du secondaire sont-ils parmi les moins bien payés au Canada? Équité pour équité. Peut-être que les conditions de travail et salariales y sont pour quelque chose dans cette pénurie d'enseignants qui perdure depuis 14 ans...

Augmentation des congés de maladie

Puisqu'on parle de conditions de travail, le nombre de congé de maladie a augmenté encore une fois pour atteindre un sommet l'année dernière. En 2007-2008, les enseignants ont accumulé 403 000 jours de maladie comparativement à 360 300 journées en 2002-2003, pour une augmentation de 12% en six ans. Ces absences ont coûté 90 millions au MELS. Selon la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), 46% de ces congés de maladie étaient reliés à des problèmes de santé mentale (épuisement professionnel, dépression, anxié­té).

Enseignant, un job de malade, qu'on se le dise!

Un prof de français sur cinq n'est pas formé correctement

Je sais que le message voulait dénoncer le fait que 25% des profs de français au secondaire n'ont pas une qualification universitaire pour enseigner cette matière. Mais comment sera-t-il perçu dans la population?

Pour la présidente de l'association québécoise des professeurs de français (AQPF), Mme Richard, cette situation s'explique par la pénurie d'enseignants dans certaines régions et par l'organisation du travail. Pour Denis Pouliot, de la Fédération des commissions scolaires du Québec, il ne s'agit pas d'un problème d'organisation scolaire: «Si les enseignants étaient disponibles, on les embaucherait.»

On n'a évidemment jamais entendu parler de profs dont on complète la tâche avec des résidus en français. Juste à mon école, je connais deux cas de ce genre. Cela ne veut pas dire qu'ils sont incompétents. Ils ne sont simplement pas légalement formés pour enseigner cette matière. Même qu'une des meilleures profs de français que j'ai connues avait un bac en sexologie. !

On en mène aussi un peu large quand on parle de la formation des enseignants. Je ne dirai jamais à quel point mon bac fut une perte de temps. Quant à la formation donnée par les CS, tentez de lire ce passage sans rire: La formation continue est une «préoccupation majeure» pour les commissions scolaires, ajoute M. Pouliot. «S'il y a des besoins en formation pour les enseignants, les services d'accompagnement seront présents», promet-il.

La nouvelle orthographe

Une fois de temps en temps, le lobby pour la nouvelle orthographe en français réussit à faire parler de lui dans les médias québécois (ici, ici et ici). Qu'on ne se méprenne pas, je suis en faveur de ces changements. Seulement, il est faux de croire que les écoles du Québec soient si en retard que cela dans l'acceptation de ces changements. Ce lobby exagère aussi un peu quand il parle des «succès» de la nouvelle orthographe.

En France, en Suisse et un peu partout ailleurs, on accepte les nouvelles graphies, sans plus. Même l'Académie française a fait marche arrière à ce sujet. De plus, les dictionnaires usuels les plus communs dans la francophonie ne les intègrent pas toutes (61% pour le Robert, 38% pour le Larousse).

Au Québec, il est vrai qu'il manque de directives claires quant à l'acceptation de ces graphies et d'ateliers de formation pour les enseignants. Mais il y a bien d'autres feux à éteindre, croyez-moi.

Cependant, je m'inscris en faux contre l'argument que la nouvelle orthographe faciliterait la vie des élèves québécois.

Pour la présidente de l'AQPF, Mme Richard: «Elle leur permettrait de maîtriser plus rapidement la langue française, puisqu'on élimine des exceptions qui n'ont plus leur raison d'être. Est-ce qu'on doit absolument se casser la tête pour apprendre le français?»

Même argument pour ce qui est de Chantal Contant, linguiste et chargée de cours à l'UQAM qui est aussi cofondatrice du Groupe québécois pour la modernisation de la langue française: «En Italie, un élève de 10 ans est capable d'écrire une lettre à sa grand-mère sans faire de fautes. Nos ados en sont incapables. Ce n'est pas qu'ils sont moins intelligents, c'est que la langue française est plus complexe. Ce n'est pas du nivellement par le bas de vouloir la rendre plus logique.»

Désolé mesdames, mais je n'achète pas.

Premièrement, la plupart des fautes dans les textes des élèves québécois ne seraient pas corrigées par l'introduction de la nouvelle orthographe. Elles relèvent d'une autre dynamique. Quand un gamin de première secondaire, qui ne présente aucun désordre orthographique, écrit «les belle maizons son bleues», on est dans une autre galaxie...

Deuxièmement, j'ai déjà suivi des ateliers donnés par Mme Contant, dont je respecte beaucoup le travail. Il faudrait cependant qu'elle discute un peu avec Mme Richard. En atelier, elle a en effet affirmé que ces modifications étaient minimes et ne remettaient en question que des aspects mineurs de la langue telle qu'enseignée au Québec. Alors, il ne faudrait peut-être pas surévaluer les retombées positives de tels changements.

L'école privée pour tous

M. Asselin me soulignait ce texte. Je comptais éventuellement écrire à ce sujet.

Tout d'abord, n'ayons pas peur de le dire: le titre de ce texte est carrément faux. Je préciserai pourquoi à la fin de ce commentaire.

Marie Allard raconte l'histoire de cette école privée dont le tiers des élèves seraient en difficulté. Wow! la grosse affaire... Ce qui est rigolo, c'est que cette école met de l'avant des solutions qui seraient refusées dans bien des écoles publiques parce qu'elles vont à l'encontre de l'esprit de la réforme, entre autres parce qu'on n'intègre pas ces élèves dans des classes ordinaires.

Grosso modo, deux programmes sont offerts à ces élèves. Dans le premier, ils font leurs deux premières années du secondaire en trois ans. Dans le deuxième, ils font leur deux premières années du secondaire dans le temps requis, mais on augmente le temps d'enseignement des matières de base. Dans chaque programme, le nombre d'élèves par groupe est réduit (20 à 26) et chaque classe bénéficie d'un titulaire.

Marie Allard souligne que ce type de programme fonctionnerait bien puisque 75% des élèves de ce collège poursuivent leurs études normalement en troisième secondaire.

Je sais qu'il existe des programmes comme le premier dans le secteur public. Dans le cas du second, je l'ignore. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que, si on augmente le temps consacré aux matières de base, on le coupe forcément ailleurs. Les arts? l'éducation physique?

«École privée pour tous», dit le titre de cet article. Non, pas du tout.

Tout d'abord, il faut payer les frais de scolarité. Ça constitue un sacré facteur de discrimination, quant à moi.

Ensuite, 25% des élèves avec qui ces programmes ne fonctionnent pas sont renvoyés au public parce que leurs lacunes sont jugées trop grandes. Wow! Jetés à la poubelle. Pas assez bons. Retourne chez les poches. Quel engagement de la part de ce collège!

En fait, la décision d'offrir de tels programmes est davantage une décision d'affaires. Quant au soi-disant «succès» de ces deux programmes, on peut l'attribuer en partie au collège, mais il ne faudrait pas oublier le facteur «suivi parental» qui est tout à l'avantage d'une institution privée pour laquelle les parents ont dû payer des frais de scolarité. Et même avec un taux de 75% de réussite, je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi pavoiser.

On parlera sérieusement quand ce collège s'engagera à n'effectuer aucun tri de ses élèves en difficulté à l'entrée et à les garder jusqu'à la fin de leur cinquième secondaire.

19 avril 2009

Colombine et la haine de l'école

Il y a dix ans, les médias nous présentait une vision d'horreur: le drame de l'école Colombine. Deux jeunes gothiques homosexuels néo-nazis se livraient à un carnage dans une école qui les rejetait. Ça, c'était la version de l'époque. Version qui faisait bien l'affaire de certains idéologues qui ont eu le beau jeu de souligner le caractère «répressif» de l'école et qui remettaient en cause celle-ci.

Or, après une longue enquête (ici et ici), le journaliste américain Dave Cullen jette un regard totalement différent sur les deux adolescents à l'origine de cette tuerie. Je publie ici de longs extraits du texte d'Elma Elkouri pour que vous avez une bonne idée de la complexité des deux ados assassins.

«(...)les tueurs Eric Harris et Dylan Klebold n'étaient pas ces personnages caricaturaux assoiffés de vengeance que l'on aurait sans doute aimé qu'ils soient. Ils n'étaient pas victimes de la raillerie de leurs pairs ou adeptes d'une sous-culture mystérieuse.

Eric Harris est décrit par Cullen comme un jeune homme brillant et sociable. Le genre d'élève qui a toujours la main levée en classe, qui a toujours la bonne réponse. S'il était fasciné par la violence meurtrière et les armes, il n'en laissait rien paraître devant ses professeurs. Dans son cours de création littéraire, il pouvait écrire des poèmes pour dire non à la haine et oui à l'amour universel. Il flirtait, jouait au soccer et au bowling. Mais sa face cachée était celle d'un jeune homme manipulateur, calculateur, incapable d'empathie, qui réussissait froidement à leurrer tout le monde.

Des analyses psychiatriques approfondies ont fini par indiquer qu'Eric Harris était sans doute un réel psychopathe. Un diagnostic à rebours qui ne résout pas le crime, comme l'explique Dave Cullen, mais qui permet d'en établir les fondements. En commettant son crime, Harris voulait démontrer sa supériorité et en jouir.

Dylan Klebold était bien différent de Harris. Il est décrit comme un jeune homme brillant, lui aussi, mais bien plus timide. Il était le cadet d'une famille unie. Il aimait le baseball. Il était très bon en mathématiques. Il avait des projets d'études universitaires. Il avait une copine. Ils étaient allés ensemble au bal de fin d'études. Ils avaient pris des photos. Elle portait une robe de satin bleu. Il portait un smoking.

Ce que l'on a compris trop tard, c'est que sous cette façade d'adolescent ordinaire, Dylan Klebold était dépressif. Il était mal dans sa peau, il avait une piètre estime de lui-même. Il avait des idées suicidaires. Il noyait son mal de vivre dans la vodka. Ce n'était pas un gars d'action. Mais il s'est accroché à Harris qui, lui, en était un et qui a détourné son mal intérieur. D'où la question: aurait-on pu prévenir la tragédie si on avait détecté la dépression de Klebold?»


Même s'il est facile de résumer cette tuerie en affirmant qu'elle est l'oeuvre de jeunes perturbés psychologiquement, il n'en demeure pas moins que le Colorado a tiré certaines leçons de Colombine, dont celles de réduire l'accès aux armes à feu et de prendre plus au sérieux les menaces de tueries de ce genre. Par contre, souligne le journaliste Cullen, les services pour accompagner les jeunes en détresse psychologique sont toujours aussi déficients.

Qu'en est-il au Québec et au Canada?

Pour ce qui est des armes à feu, beaucoup de chemin reste encore à faire et on peut être découragé de constater que le gouvernement Harper veuille encore aujourd'hui alléger le contrôle entourant celles-ci.

De même, en ce qui a trait aux services d'aide psychologique dans les écoles, beaucoup de chemin reste à faire. En même temps, il ne faut pas oublier que la santé mentale d'un enfant relève tout d'abord des parents.

Par contre, on accorde aujourd'hui beaucoup plus d'importance aux menaces ou projets de menace se déroulant à l'école. Heureusement.

18 avril 2009

Le non-doublement et le rythme d'apprentissage au premier cycle du secondaire

Je suis amené à côtoyer davantage des profs de première secondaire et leur réalité est d'une absurdité incroyable. Pourquoi? En partie à cause du non-doublement qui existe entre la première et la deuxième secondaire.

Dans tout notre système scolaire, il est possible d'indiquer à un élève qu'il doit reprendre son année, mais pas à ce moment-là. Au nom du respect du rythme d'apprentissage, un jeune voit son parcours scolaire échelonné sur deux années avant d'être soumis à une évaluation normative déterminante. Résultat: beaucoup de procrastination jusqu'à l'évaluation finale.

Souvent, l'élève arrive du primaire avec des retards parfois importants, selon l'école qu'il a fréquentée. Il faut alors procéder à une plate mais nécessaire mise à niveau. Mais qu'est-ce que le jeune apprend dès qu'il met les pieds en première secondaire: personne ne double, tout le monde passe en deuxième de toute façon!

Il existe depuis quelques années des classes-ressources qui permettent aux élèves trop faibles arrivant du primaire de prendre une année de plus avant de faire le véritable saut au secondaire. Mais elles ne suffisent pas à la demande.

D'ailleurs, dans le réseau public, il n'est pas surprenant qu'on assiste à une polarisation de la clientèle: augmentation des jeunes en difficulté d'un côté et des programmes de performance de l'autre. Un parent fera donc tout pour que son enfant ne soit pas inscrit dans une classe ordinaire du réseau public.

Bref, avec le non-doublement, le plus absurde est qu'on donne ainsi l'impression à l'élève qu'il a deux ans pour atteindre les objectifs du programme alors qu'en fait, s'il cumule des retards académiques importants dès les six premiers mois, il est souvent tout simplement hors course pour les reste des deux prochaines années! Il n'a pas deux ans pour voir le programme: le programme dure deux ans. Nuance!

L'enseignant peut alors utiliser son génie pédagogique, proposer des activités motivantes, mais nous avons tous été jeunes et ceux d'aujourd'hui ne sont pas plus différents de ce que nous étions. Bien sûr, il existe des enfants avec qui on peut expliquer qu'il vaut mieux ne pas cumuler de retard et valoriser la culture de l'effort, sauf qu'ils ne sont pas légions dans les classes ordinaires. Même dans les classes performantes, ce discours n'est pas toujours intégré par les jeunes.

Toute cette dynamique a des impacts sur le corps enseignant. Depuis un an, je vois parfois des profs désabusés. À l'usure, ils ont fini par ressembler à leurs élèves. J'ai déjà entendu des phrases comme:
- rien de ce que je fais compte aux yeux des élèves;
- ils vont tous passer pareil.

Dans certains cas, ces enseignants ont même l'impression d'être devenus incompétents parce que leur gestion de classe et les résultats de leurs élèves sont devenues une source de gêne professionnelle alors qu'auparavant, ils étaient des maitres de leur profession.

De façon plus absurde, il n'existe aucun moyen actuellement de s'occuper des élèves potentiellement décrocheurs du premier cycle. On doit principalement attendre qu'il aient terminé leur deuxième secondaire avant d'envisager des moyens pour les appuyer. Interdit de créer des groupes interniveaux. Interdit de faire doubler à la fin de la première année. Quant aux ressources d'accompagnement des élèves en difficulté durant l'année, elles sont proprement débordées. Et on ne parle pas des élèves intégrés qui alourdissent les groupes ordinaires.

Les directions d'école sont au fait de ce problème, mais il leur est difficile de prévoir des mesures pour contrer ce problème.

Le plus cruel dans tout cette dynamique pourrie est qu'à la fin de la deuxième année du secondaire, on ne fait pas doubler tous les élèves qui le devraient parce que sinon les cohortes de troisième seraient diablement petites. On fait alors encore passer les élèves et on les refile aux profs de troisième. Bonne chance!

Et à cette époque ou le décrochage scolaire est supposé être l'ennemi national numéro un, ou est l'année critique pour les jeunes qui mettent fin à leur parcours académique? Vous l'avez deviné: en troisième secondaire.

Loin de moi l'idée de croire que le doublement est une solution magique à tous les problèmes. Cependant, il est clair dans mon esprit que la situation actuelle - telle que vécue au quotidien et non pas imaginée dans l'esprit de ceux qui n'ont pas enseigné depuis des années - est non seulement intenable pour les profs mais injustement cruelle pour les jeunes.

16 avril 2009

Poirier, encore


Les poires de la journée de ce magnifique chroniqueur:
- une discussion verbale...
- une invasion fiscale...

J'en reste sans voix.

13 avril 2009

Incroyable: un étudiant poursuivi par un prof!

Avis: il ne faut absolument pas prendre ce texte avec sérieux. C'est de l'humour de mauvais goût.

Court entrefilet sur Cyberpresse:

Un élève de 15 ans de Sussex, au Nouveau-Brunswick, doit comparaître, le 20 mai prochain, pour faire face à une accusation de voies de fait sur un enseignant.

L'incident s'est produit le 7 avril 2007, à l'extérieur de l'établissement Sussex Regional High School. L'adolescent a utilisé une branche d'arbre pour frapper Spencer Jeffery au visage. La police a indiqué que l'enseignant avait aperçu quatre garçons qui s'étaient cachés près de l'école. C'est en s'approchant qu'il a été frappé par l'un d'entre eux. Coupé au visage, l'enseignant a eu besoin de points de suture.


Procédons avec logique et déduction.

Un homme qui enseigne. Mauvais signe. C'est peut-être un pédophile.

Il surveillait des étudiants à l'extérieur de l'école. Pourquoi? Et des garçons en plus. Encore mauvais signe.

Ceux-ci devaient être dans un boisé puisqu'ils ont utilisé une branche pour se défendre. Très très mauvais signe.

Pédophile + étudiants + boisé. L'équation n'est pas difficile à faire: l'étudiant sera innocenté et le prof sera poursuivi pour harcèlement sexuel. Vous verrez.

Et la preuve que le prof est sûrement une moumoune, c'est qu'il a eu besoin de points de suture après avoir été frappé avec une branche. Come on! Pas fait fort...

12 avril 2009

Ma classe: des vrais animaux!

Il arrive parfois que nos élèves soient de vrais animaux, que nos classes soient un zoo. Ça crie, ça bouge, ça père, ça rouspète... Il arrive aussi que le prof soit un chien, une vache... Mais, au rythme ou vont les solutions pour contrer le décrochage scolaire au Québec, on risque bientôt d'avoir de vrais animaux dans nos classes.

À preuve, cette «initiative» de la polyvalente Massey-Vanier de Cowansville. «Je crois aux bienfaits des animaux sur les élèves. Ils contribuent à améliorer leur sentiment d'appartenance et à les raccrocher à l'école», explique Manon Brien, technicienne de laboratoire.

Elle permet donc aux jeunes de venir caresser les animaux à l'heure du midi et de s'occuper d'eux. Jusque-là, je n'ai pas de problème: je crois aux bienfaits de la zoothérapie. Mais là ou je décroche, c'est quand je lis le passage suivant:

«Quand ils ne reçoivent pas la visite de jeunes, le midi, les animaux de Manon Brien sont flattés par d'autres ados à tout moment de la journée. Leurs cages sont dispersées dans deux classes, ainsi qu'au local des services aux élèves. « Les lapins se promènent toute la journée dans les classes, dit Mme Brien. Les jeunes peuvent prendre les animaux avec eux, pendant que le prof enseigne la théorie. Ça leur donne une autre raison d'aimer l'école. »

OK pour la bébitte dans une cage au fond d'une classe, mais de commencer à la promener et laisser les élèves la caresser pendant le cours à leur place? Qui gère les risques de morsure? les allergies? les dégâts des lapins? les chicanes de «Moi, je le veux!»

Depuis des années, on entend vraiment n'importe quoi à propos du décrochage scolaire.

On a changé la façon d'enseigner parce qu'elle n'était pas bonne. Or, plusieurs pays avec la vieille manière inefficace ont un taux de décrochage moins catastrophique que le nôtre.

On a blâmé le fait que le personnel enseignant ne soit pas assez masculin au Québec. Comme s'il y avait plus d'enseignants dans les autres systèmes d'éducation dans le monde.

On a suggéré qu'il fallait donner plus de pouvoir à l'école et aux directions d'école.

Nenni... c'est pas de directeurs plus puissants qu'on a besoin: c'est d'animaux! Quoi se le dise.

La prochaine étape: les crystaux. J'en ai parlé avec mon ami Raël et on croit que, si chaque élève se promenait avec un crystal lui permettant de capter les ondes extraterrestres...

Quant à moi, si j'avais des animaux dans ma classe, je choisirais des cobras. «Allez, mon p'tit tannant. Ouvre la cage et mets-ton bras dedans...»

Et vous?

11 avril 2009

Enseignant: un métier public

Ceux qui doutent que le métier d'enseignant a une valeur ajoutée pour les médias, je vous invite à lire la nouvelle suivante:

Une enseignante sera accusée du meurtre d'une fillette de 8 ans

À Tracy, en Californie, une enseignante de 28 ans a été arrêtée et sera vraisemblablement accusée de l'enlèvement et du meurtre d'une fillette de huit ans.

La victime, Sandra Cantu, était disparue de la maison mobile de ses parents il y a deux semaines.

Son corps avait été retrouvé dans une valise, près d'un étang, lundi dernier.

La police a déclaré que la victime était l'amie de la fille de l'enseignante, sans donner plus de précisions sur les motifs qui auraient pu entraîner le meurtre de l'enfant.


Entre vous et moi, quel est le rapport entre ce meurtre et le métier de celle qui l'a commis?

J'aimerais me garder une petite gêne à cause de la nature horrible de cette nouvelle. Mais à quand des titres comme:

- un commis à l'étalage écope de trois contraventions pour excès de vitesse;
- un préposé aux bénéficiaires fait pousser du pot dans son sous-sol;
- une ministre des Finances démissionne à peine quatre mois après son élection, nous laissant une facture de 250 000$ pour une élection partielle.

09 avril 2009

Je ne pouvais résister...


Photo de voyage que m'a expédiée une amie.

Une question: iriez-vous manger dans ce restaurant?

07 avril 2009

Les nouveaux sauveurs de l'éducation: les directions d'école! (ajout)

Avis: ce texte trop long (il y en a d'autres publiés hier plus intéressants...) est une réaction très personnelle, peut-être impolie et sûrement imparfaite à une proposition reliée au monde de l'éducation dont j'ai pris connaissance dans les journaux aujourd'hui. Mais je l'assume.

Une série d'articles publiés dans La Presse d'hier a failli me faire mal digérer ce matin. Les titres de ceux-ci sont tout un programme:

- Plus de latitude aux écoles, réclament des experts (ici)
- Cinq éléments pour renforcer l'école (ici)
- «laissez-nous décider», dit un directeur (ici)

En résumé, un collectif d'«experts» en éducation - le Collectif pour l'éducation - propose qu'on donne davantage de pouvoir aux écoles au lieu de les paralyser par des solutions inadaptées venues d'en haut afin de lutter contre le décrochage scolaire.

L'idée semble audacieuse, mais creusons-la un peu pour voir que tout n'est pas aussi alléchant qu'on semble le faire croire.

Un comité de sages. Vraiment?

Regardons tout d'abord de qui vient ces propositions. Deux des membres de ce collectif sont Robert Bisaillon, ex-sous-ministre de l'éducation, et Paul Inchauspé. Tous deux sont considérés comme étant des pères de la réforme qui sévit toujours dans le réseau de l'éducation. Tous deux ont été des hommes de pouvoir dans l'appareil pédagogique québécois.

Un autre membre est Diane Miron, ex-présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, qu'on a vu aux côtés du ministre Jean-Marc Fournier pour appuyer la réforme mais aussi quand les enseignants employaient des moyens de pression.

À ces trois has been, comme dirait un de mes amis, se rattache un autre membre qui est Chantal Longpré, présidente de la Fédération des direction d'école du Québec, qui prêche bien évidemment pour sa paroisse.

La faute des autres

Lorsqu'on écoute ces gens, on comprend que, selon eux, le MELS paralyserait les écoles avec des exigences inutiles. Il tuerait tout esprit d'initiative et monopoliserait les énergies dans de la bureaucratie inutile et contreproductive.

Pourtant, tant M. Bisaillon que M. Inchauspé ont eu les coudées assez franches quant à leur vision pédagogique qui a été imposée à une majorité d'enseignants qui n'en voulaient pas.

Or, que nous disent ces sages?
- «il n'y a pas de possibilité d'être créatifs et inventifs et de s'adapter aux besoins du moment»;
- «il faut alléger les encadrements»;
- «Est-ce qu'on peut donner à l'école la possibilité de faire un projet à court et moyen terme, sans que demain matin, d'en haut du Ministère arrive une directive, que de la commission scolaire arrive un formulaire, ou encore un programme sorti de nulle part?»;
- il faut que «les gens sentent qu'ils touchent aux vraies affaires et ne sont pas que l'équivalent des videurs de cendrier d'autrefois».

Permettez-moi de rigoler un bon coup parce la plus grande source d'emmerdement, de paperasserie et de castration professionnelle que j'ai connu dans ma carrière origine justement de ces gourous scolaires!

Ce sont ces derniers qui ont mis de l'avant une réforme pitoyable et improvisée, entre autres pour contrer le décrochage scolaire. Et aujourd'hui, pour contrer ce même décrochage qu'ils n'ont pas su réduire avec leur pédagogie-miracle, ils ont le culot de proposer de nouvelles solutions et de demander davantage de changements. Franchement! Jamais je ne ferais la bêtise de racheter une voiture usagée d'un vendeur qui m'a refilé un citron.

Ce n'est d'ailleurs pas la première dois que MM Bisaillon et Inchauspé remettent en question le monde de l'éducation sans pour autant tourner cet esprit critique vers eux. Le premier avait blâmé les syndicats enseignants pour les ratés de la réforme tandis que le second avait souligné le manque de professionnalisme des enseignants qui refusaient les défis de la réforme pour demeurer des techniciens de l'éducation. Rien de moins!

Là ou le jupon dépasse

En fait, ce que ce groupe d'«experts» veut, c'est moins de contraintes de la part du MELS pour mieux continuer à implanter la réforme dans les écoles du Québec. On appelle cela «vouloir faire indirectement ce qu'on ne peut plus faire directement» depuis que la ministre Courchesne dirige ce ministère.

Marie Allard relève cet état d'esprit: «Pris (selon ces sages) dans un système qui privilégie la norme au détriment des singularités, le personnel des écoles se démotive, ayant l'impression que son travail est désavoué par les commissions scolaires et le gouvernement. (...) Si les auteurs font cette sortie maintenant, c'est qu'ils craignent les reculs, tant les équipes-écoles se démotivent. Aussi parce qu'ils estiment que la réforme devait mener à une plus grande responsabilisation des écoles.»

Je ne sais pas sur quelle planète ces individus vivent, mais la plus grande source de démotivation professionnelle à laquelle j'ai assisté dans ma vie, et c'est vrai pour plusieurs de mes collègues, a été les changements pédagogiques qu'ils ont imposés dans nos écoles. J'ai vu le MELS et ma commission scolaire désavouer mes années de pratique d'enseignement ainsi que mes valeurs pour les remplacer par un prêchi-prêcha surréaliste et absurde. Selon eux, je ne savais plus enseigner. Point à la ligne.

On a restreint la liberté pédagogique que j'avais réussi à m'aménager au fil du temps pour ainsi me déresponsabiliser de mon propre travail dans lequel je ne me reconnais souvent plus tant l'ensemble du monde de l'éducation est incohérent et en crise.

Les nouveaux sauveurs de l'éducation: les directions d'école!

Depuis quelque temps, la mode est à avancer l'idée qu'il faut donner plus de pouvoirs aux écoles et, indirectement, aux directeurs d'école.

Ainsi, pour nos «experts», «l'école est toujours considérée comme une simple succursale de la commission scolaire, la décentralisation des responsabilités y reste très limitée et les directions d'école ne sont pas partie prenante de décisions qui concernent leur école.»

Ou a-t-on fait la preuve que cette solution serait efficace? On le verra plus loin dans ce texte, mais j'ai connu des directions d'école dont la gestion était si... incroyable que cela en était justement incroyable aux oreilles de mon entourage.

Je ne vois pas comment certaines directions d'école qui participent au marasme actuel en éducation se transformeraient tout à coup en solution miracle si on leur donnait plus de pouvoirs. On pourrait bien rétorquer qu'elles n'ont pas la marge de manoeuvre pour atteindre leurs objectifs. Sauf que je suis tanné de ce petit jeu qui consiste à blâmer les autres.

Par ailleurs, à ce que je sache, certaines régions du Québec ont connu des améliorations importantes quant à la lutte au décrochage sans qu'on ait eu besoin pour autant de réinventer toute la gestion scolaire. Alors, que faut-il changer: le système en place ou certains décideurs dont les performances sont décevantes?

Quand je lis les propos de ce directeur d'école, Jean-François Drouin, qui veut moins de contraintes de la part du MELs, j'éprouve certaines craintes: «Qu'on arrête d'avoir des enveloppes budgétaires du gouvernement qui sont fermées et dédiées. Laissons à l'école la chance d'innover avec son budget. (...) Si j'avais cet argent-là pour bâtir d'autres activités, ça me laisserait plus de latitude.»

J'ai vu les résultats désastreux de directeurs d'école qui coupaient le plus possible les vivres aux bibliothèques scolaires pour tenter de tout investir dans des ordinateurs désuets au bout de cinq ans. J'en ai vu d'autres tenter de réduire les sommes destinées aux élèves en difficulté pour faire repeinturer des classes. Dans d'autres cas, ce sont les services aux élèves ordinaires éprouvant des difficultés qui sont réduits pour financer ceux offerts aux élèves des classes particulières. Et je ne parle pas des classes délabrées pendant qu'on repeinture le bureau du nouvel adjoint administratif.

Dans les faits, quoi qu'on en dise, je reste avec l'impression que les directeurs d'école actuels sont très peu imputables, malgré toute la paperasse et les rapports qu'on leur demande de remplir. Quand a-t-on entendu parler pour la dernière fois d'un directeur congédié ou ayant reçu un blâme administratif? On les nomme à une autre école, on les tablette et c'est tout.

Cinq solutions?

Le Collectif pour l'éducation propose cinq solutions pour renforcer l'école.

La première consiste à assurer la stabilité du personnel enseignant: un même prof titulaire pendant deux ans au primaire et moins de profs différents au secondaire. «Les systèmes scolaires dans lesquels les écoles recrutent elles-mêmes leur personnel enseignant fonctionnent mieux et ont de meilleurs résultats», disent-ils.

Pour le secondaire, cela veut dire qu'on reviendrait à des profs multidisciplinaires et à des baccalauréats formant les futurs profs à enseigner deux matières. On avance en arrière! Moi qui croyais qu'on avait réglé tout ce débat, surtout en ce qui a trait à la formation pluridisciplinaire des maitres dont on avait constaté les lacunes importantes.

Si on veut de la stabilité, je commencerais tout d'abord par m'assurer d'une plus grande stabilité des directions d'école pour commencer, il me semble...

La deuxième solution vise à développer un meilleur sentiment d'appartenance. Encore une fois, on revient avec l'idée de profs pluridisciplinaires. Pourtant, l'appartenance se développe aussi avec un milieu propre et accueillant, des activités parascolaires intéressantes. Y'a pas juste les profs dans une école, à ce que je sache, pour développer l'appartenance!

La troisième solution consiste à créer des liens avec la communauté. «Aller vers cette nouvelle orientation, c'est tellement aller à contre-courant de la logique du système constitué que pour qu'il ait lieu, le changement doit passer par des expériences-pilotes», indique le Collectif. Des expériences pilotes bidons comme celles qu'on a faites avec la réforme?

La quatrième solution passe par la diversification des écoles. De plus, les programmes spéciaux doivent être offerts à tous, pas seulement aux meilleurs. C'est étrange, mais il semble qu'on ne parle pas de l'école privée et de ses impacts dans ces suggestions. Pourtant, il s'agit d'une grosse part de la réalité québécoise.

La cinquième solution est de revoir la gouverne des écoles. Ainsi, l'école devrait avoir le statut d'une entité juridique autonome. Je veux bien, mais a-t-on mesuré tous les impacts légaux d'une telle idée en cas de responsabilités légales, par exemple? Comment ce statut se vivra-t-il au quotidien avec le rôle des commissions scolaires? À quoi servira-t-il d'élire des commissaires et pas un directeur d'école alors? Je m'interroge beaucoup sur ce point. «Taxation without representation?», dirait mon beau-frère.

Je m'interroge aussi quand je lis qu'il «faut aussi renforcer les conseils d'établissement, peut-être en les regroupant.» Ne va-t-on pas créer une autre superstructure? De plus, et je suis désolé de le dire, mais les conseils d'établissement ne sont parfois que des valideuses manipulées sagement par des directions qui trient les informations qui sont transmises à ceux qui y siègent.

Une conclusion

Comme j'ai commis ici un long texte, une brève conclusion s'impose.

J'ai la nette impression que ce collectif existe parce que la ministre Courchesne a repris du pouvoir au détriment de ceux qui menaient la réforme dans nos écoles et les solutions que ces «experts» proposent ont toutes un relent de renouveau pédagogique. Oui, on parle de solutions pour renforcer l'école. Oui, on veut lutter contre le décrochage. Mais on a beau habiller une vache avec une peau de tigre, elle n'en demeure pas moins une vache.

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On peut jeter un coup d'oeil au «manifeste» de ce collectif ici et lire la réaction de la ministre ici.

Ou sont les hommes?

L'enseignement est une profession féminine. Point à la ligne. Voilà le constat qu'on peut tirer de cet article du La Presse: «Environ 550 enseignants masculins ont quitté les écoles du Québec au cours des deux dernières années, ce qui fait que le corps professoral en 2008-2009 n'est composé que de 22,5 pour cent d'hommes, contre 77,5 pour cent de femmes.»

On pourrait échafauder de nombreuses explications à cette situation. Est-ce une forme de cercle vivieux ou les jeunes élèves écartent d'emblée cette profession de leur choix de carrière parce que, durant leur éducation scolaire, ils n'ont vu que des enseignantes. Peut-être?

Méchamment, je dirais que c'est une profession de femmes parce que les gars n'aiment pas les enfants, n'aiment par torcher, ne sont pas habitués de se faire traiter n'importe comment.

Combien j'ai vu de jeunes enseignants décrocher en disant que les conditions de travail qu'on offrait étaient absurdes et qu'ils regrettaient leur bac en éducation? Qu'ils seraient mieux traités ailleurs?

Tandis que les filles, plus soumises, elles, ont la vocation. Elles endurent, acceptent.

Vision sexiste, vision généralisante, peut-être.

Et je suis un homme. Et un enseignant.

Le ministre Courchesne souhaiterait faire en sorte qu'il y ait plus d'hommes en éducation mais n'envisage pas l'instauration de mesures de discrimination positive: «Il faut se pencher, avec les facultés de science de l'éducation, pour voir comment on peut améliorer le recrutement. Ca passe aussi par la valorisation du rôle de l'enseignant et par la valorisation de l'école publique.»

Elle ajoute également qu'il faudrait valoriser le métier d'enseignant et l'école publique.

Je suis désolé, mais tous ces mots ne veulent rien dire. On parle de revaloriser la profession mais, au quotidien, les enseignants sont souvent traités comme des demeurés par plusieurs directions d'école. Quand on les écoute, on ne retient à peu près jamais les solutions qu'ils avancent. Le MELS, les CS, certaines directions leur imposent constamment des façons d"enseigner, des contraintes à la limite de l'absurdité. J'en explorerai quelques-uns sous peu. Vous verrez: il y a de quoi démissionner.

Obsédée par le CH


Lorsque je fais une dictée en classe, je laisse souvent les élèves choisir individuellement le nom du personnage principal du court texte que je leur donne. C'est un peu une façon de s'approprier le récit que je me dis.

Aujourd'hui, il s'agissait de l'histoire d'un vaillant chevalier. Quelle ne fut pas ma surprise de lire la copie d'une élève qui allait comme suit:

«Dans un village enchanté vivait un brave chevalier qui se nommait Carey Price...»

06 avril 2009

Un petite plogue, comme ça


On aimera ou n'aimera pas, mais je mentionne ce roman de Benoit Séguin qui se déroule dans l'univers d'un cégep québécois: La voix du maître.

Comme je suis en conflit d'intérêts (on s'est promis une bière, Benoit et moi, il y a deux ans...), je vous invite à lire ladite oeuvre et à me faire part de vos commentaires ici si vous le voulez bien. La description d'un cadre cégépien, M. Pédag-Hogue, est croustillante de vérité.

Et puis, comme on le dit par chez nous: «La cause est noble».

05 avril 2009

L'éducation aux adultes: Eldorado scolaire

Excellente série d'articles de Marie Allard dans La Presse sur l'éducation aux adultes.

Tout d'abord, Mme Allard mentionne deux points importants qu'on oublie parfois de préciser aux jeunes qui veulent «aller aux adultes».

Premièrement, certains cégeps discriminent négativement les élèves issus de l'éducation aux adultes. Pourquoi, d'après vous?

Deuxièmement, certaines formations comme les DEP ont des exigences plus élevées que certains cégeps tellement la demande est forte et les programmes contingentés.

Voilà de quoi jeter un froid dans le dos de ceux qui croient que les adultes, c'est facile! Parce qu'ils sont nombreux ceux qui vivent d'illusions pédagogiques.

L'Eldorado scolaire

Pendant les quinze années que j'ai enseigné en cinquième secondaire, combien de fois il m'a fallu brasser des ados qui baissaient les bras et qui s'imaginaient que le gazon était plus vert ailleurs: «C'est individualisé. T'as juste à faire du cahier. C'est facile.»

Et ceux qui partaient pour cet Eldorado scolaire revenaient souvent me voir avec un constat pour mes élèves «branleux dans le manche»: «Les adultes, c'est plate. On est toujours tout seul. Y'a pas de grosses interactions dans les classes, pis avec le prof. Même que ça me gêne de le dire , mais je m'ennuie du secondaire.»

Dans une école de ma CS, l'alternative d'aller étudier aux adultes a augmenté le jour ou on a ouvert un secteur «adultes» dans le même bâtiment que le secteur régulier. La gaffe! Méchante cohabitation, vous en conviendrez!

Gaffe aussi parce que les enseignants du régulier ont pu constater que l'éducation aux adultes disposaient de budgets autrement plus intéressants. Ce secteur a même donné des bureaux, des casiers, etc., au secteur régulier parce que les leurs étaient supposément désuets... Mes collègues se sentaient comme des quêteux.

Un taux de succès peu reluisant

Sauf qu'à côté de l'argent investi pour raccrocher les jeunes (et moins jeunes), on a de quoi à être sidéré quand on constate que le nombre d'élèves diplômés aux adultes est d'environ 15%. Y a-t-il lieu de repenser autrement l'éducation au Québec? Investir davantage dans l'école que dans le raccrochage? La question mériterait d'être débattue. Mais comme le premier ministre Charest semblait se faire une fierté que le Québec soit le champion canadien des raccrocheurs...

La clientèle à l'éducation aux adultes est loin d'être constitué d'adultes: 47% des étudiants aux adultes ont entre 16 et 19 ans. 15% des étudiants de la cohorte 2006-2007 sont même passés directement du secteur des jeunes au secteur des adultes sans arrêter leur cheminement scolaire.

Un bémol

On me permettra ce bémol à cette série de Mme Allard lorsqu'elle laisse la parole à un enseignant au secteur des adultes: «T'as sûrement remarqué qu'on a beaucoup d'élèves de 16-17 ans que les polyvalentes ont câlissés dehors parce qu'elles ne savaient plus quoi faire avec eux.»

En fait, la plupart des élèves se «câlissent» eux-mêmes dehors parce qu'ils ne respectent pas certaines conditions précisées dans des contrats de réintégration en classe qu'ils ont dûment approuvé. Des exigences comme arriver à l'heure en classe ou faire le travail demandé. Des exigences normales de quelqu'un qui veut aller à l'école.

Il est beaucoup plus difficile de mettre un jeune à la porte d'une école secondaire qu'on le croit. Il existe un droit sacré à l'éducation qu'il peut malmener autant qu'il le veut.

Quand on suggère à un jeune d'aller aux adultes, c'est souvent parce qu'il a déjà brûlé toutes les alternatives et les ressources de son école. Pas juste parce qu'on manque de ressources, mais souvent parce qu'il les a toutes épuisées et qu'il y a des cas autrement plus rentables dans lesquels investir.

À cet égard, le témoignage de Carl est assez indicateur. Ce dernier, qui travaille dans une épicerie, a confié à la journaliste: <« Ça va, mais il faut aussi du temps libre pour faire ce que tu veux dans la vie », a-t-il plaidé. Le jeune homme aux cheveux foncés n'avait pas fini son secondaire et ne semblait pas prêt d'y arriver. « C'est ça quand t'es né dans un quartier difficile : tous mes chums sont des mauvaises influences », m'a-t-il expliqué un midi, avant de partir. C'était deux jours avant mon départ de l'école ; je ne l'ai pas revu.

04 avril 2009

Taxe scolaire et papier commercial: des questions

On apprenait hier (ici et ici) que le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal (CGTSIM) aurait perdu 35 M $ en investissant dans le papier commercial. Résultat: on est bien embêté parce que les repas offerts gratuitement aux enfants défavorisés, l'embauche de professionnels et l'organisation d'activirés parascolaires, financés à partir des intérêts récoltés par la taxe scolaire, sont menacés.

À la CSDM, on indique qu'on trouvera un moyen que les sommes allouées à ces initiatives ne soient pas coupées. Du côté de la CGTSIM, il semblerait qu'on ait l'intention de se tourner vers Québec pour régler cette situation.

Au CGTSIM, on ignore encore les impacts à long terme des investissements dans le papier commercial. «On ne peut pas encore se prononcer sur l'impact que ça va avoir, mais quand on regarde le marché, ce n'est pas une bonne nouvelle, avoue Sylvie Dorion, directrice générale du CGTSIM. On travaille en ce moment là-dessus, on fait des démarches. Mais des fois, je dis à la blague que je vais acheter des billets de 6/49», dit-elle.

C'est étrange, mais le payeur de taxes en moi, lui, n'a pas envie de blaguer. Même que plusieurs questions se bousculent dans sa tête. par exemple:
- qui a décidé d'acheter du papier commercial au CGTSIM?
- sur quelles bases l'a-t-on fait?
- ces décideurs reçoivent-ils des primes au rendement comme ceux de la Caisse de dépôt et de placement?
- d'ailleurs, il serait peut-être intéressant d'avoir une idée du salaire des gens qui oeuvrent au CGTSIM. (À cet égard, il est intéressant de constater qu'il est impossible de savoir le salaire des gens travaillant à la Fédération des commissions scolaires du Québec, pourtant payés à même nos taxes.)
- est-ce le rôle du CGSTIM de spéculer avec les sommes qu'il recueille?

Quand on dit à la blague qu,en éducation, l'argent ne se rend pas dans les classes, on en a encore une fois une belle preuve.

03 avril 2009

Les effets de la pénurie (la suite)

Il ne fait pas bon de demander des congés quand on enseigne. Une petite anecdote qu'on m'a racontée ce midi.

Une collègue accouche de son premier enfant. Elle a alors droit à un congé parental auquel elle réussit à ajouter un congé d'une demi-année. Comme son enfant présente des problèmes de santé, elle demande alors une autre demi-année, demande qui lui est refusée.

L'enseignante se présente alors devant le responsable du personnel et explique à nouveau son cas, sans que la décision soit changée. Bravo pour la conciliation travail-famille!

Elle décide alors de remettre sa démission sur-le-champ, consciente qu'avec la pénurie dans son champ d'enseignement, elle retrouvera bien un poste ailleurs un jour.

Mais ne voilà-t-il pas qu'on lui accorde immédiatement le congé demandé.

Demandez et vous recevrez. Tel est le secret du Secret.

Quand on est rendu à menacer de démissionner pour conserver son emploi, il y a quelque chose d'absurde quelque part.

01 avril 2009

Les effets de la pénurie

On le sait tous: on assiste à une pénurie de profs depuis 1997. Un des impacts de cette pénurie est que les CS sont très réticentes à accorder des congés à leurs employés.

Bon, on se plaint le ventre plein, diront certains, mais c'est un des avantages d'être prof: celui de prendre une sabbatique, par exemple. Il est facile d'endurer le boulot, les parents, les petits monstres, l'incohérence administrative quand on sait qu'on peut prendre congé... Certains ont d'ailleurs choisi cette profession en tenant compte des avantages sociaux qu'elle offre. Elle leur permet de se ressourcer, de mettre à bien des projets parfois reliés à leur travail.

De façon plus générale, dans certaines CS, les conditions entourant les congés sabbatiques et les départs progressifs sont reserrées en ce qui concerne les enseignants, les éducateurs et les techniciens des services de garde, les techniciens en éducation spécialisée, les techniciens en organisation scolaire, les techniciens en travaux pratiques, les orthophonistes, les psychologues et les ergothérapeutes. Bref, un peu tout le monde sauf les concierges!

Il est bien sûr hors de question d'accorder un congé pour travailler chez un autre employeur et il est impossible d'obtenir un congé sans traitement à temps partiel plus d'un an sur deux. De même, les retraites progressives doivent être approuvées. C'est à se demander s'il est même interdit de démissionner!

Plus au quotidien, les longs congés pour des raisons médicales ou sur une base quotidienne sont davantage scrutés par le service du personnel.

Des effets pervers

En cette ère d'épuisement professionnel, le reserrement des congés est une contrainte de plus qui s'ajoute à des conditions de travail qui se sont détériorées depuis une dizaine d'années.

À mon école, les profs se sentent parfois coupables de prendre congé quand ils sont malades tant les responsables du personnel leur répondent avec un air exaspéré. On comprend qu'il est difficile de remplacer un prof sur une base quotidienne parce qu'on s'arrache les suppléants. Mais de là à vouloir culpabiliser quelqu'un parce qu'il se soigne... Il arrive même qu'on leur demande des papiers médicaux pour une seule journée manquée.

Pis encore, sur le même sujet, on m'a raconté cette histoire d'une enseignante qui a dû envoyer une mise en demeure au service du personnel de sa CS parce qu'on l'appelait sur une base quotidienne pour savoir quand se terminerait son burn out. De quoi la faire devenir folle!

De même, il y a de quoi à devenir cinglé quand on constate toutes les démarches à compléter quand on doit prendre congé parce que notre état physique ou psychologique l'impose. Qui, en dépression, a envie de courir les médecins, de remplir des formulaires et des formulaires, de composer avec une gestion parfois défaillante?

Je me souviens d'un collègue, en profonde dépression, à qui on réclamait 18 000$ de salaire parce qu'on estimait qu'il avait pris un congé partiel et non pour maladie. Il lui avait fallu les services d'un avocat pour s'assurer qu'on reconnaisse ses droits. Une façon comme une autre de s'assurer qu'il se rétablisse, j'imagine.

Dans une école ou on surveille de plus en plus le temps travaillé par les enseignants, ou on en demande toujours plus, mais ou on ne reconnait pas le temps effectué en plus, il est incroyable de constater ce reserrement quant aux congés des enseignants.

Je constate aussi un système de «deux poids, deux mesures». Je m'explique.

Questionné sur les bonis offerts aux cadres scolaires, un décideur expliquait récemment qu'il était important de retenir les meilleurs candidats possibles. Pour les enseignant, on oublie les bonus. On les attache à leur travail. Et on trouve à redire même quand ils acceptent des coupures de traitement pour se reposer.