26 avril 2009

Une petite revue de la semaine...

Que diriez-vous d'une petite revue toute personnelle de la semaine en éducation agrémentée de quelques propos acidulés? Oui! souffle à mon oreille un admirateur masqué.

Si les principes sont bons pour les profs de l'UQAM...

Il faudra m'expliquer parce que je ne comprends pas. Les profs de l'UQAM ont obtenu une augmentation de salaire de 11% sur trois ans afin de leur permettre de réduire l'écart salarial qui existait avec les profs des autres universités québécoises.

«C'est une opération d'équité, affirme la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne. Pourquoi un professeur de l'UQAM serait-il moins bien payé qu'un professeur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, à Chicoutimi, ou à Rimouski?» Du côté du recteur Claude Corbo: «Grâce à la correction salariale, nous disposons de la capacité d'attirer et de retenir des bons professeurs», a-t-il indiqué.

Ma question: pourquoi les profs québécois du primaire et du secondaire sont-ils parmi les moins bien payés au Canada? Équité pour équité. Peut-être que les conditions de travail et salariales y sont pour quelque chose dans cette pénurie d'enseignants qui perdure depuis 14 ans...

Augmentation des congés de maladie

Puisqu'on parle de conditions de travail, le nombre de congé de maladie a augmenté encore une fois pour atteindre un sommet l'année dernière. En 2007-2008, les enseignants ont accumulé 403 000 jours de maladie comparativement à 360 300 journées en 2002-2003, pour une augmentation de 12% en six ans. Ces absences ont coûté 90 millions au MELS. Selon la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), 46% de ces congés de maladie étaient reliés à des problèmes de santé mentale (épuisement professionnel, dépression, anxié­té).

Enseignant, un job de malade, qu'on se le dise!

Un prof de français sur cinq n'est pas formé correctement

Je sais que le message voulait dénoncer le fait que 25% des profs de français au secondaire n'ont pas une qualification universitaire pour enseigner cette matière. Mais comment sera-t-il perçu dans la population?

Pour la présidente de l'association québécoise des professeurs de français (AQPF), Mme Richard, cette situation s'explique par la pénurie d'enseignants dans certaines régions et par l'organisation du travail. Pour Denis Pouliot, de la Fédération des commissions scolaires du Québec, il ne s'agit pas d'un problème d'organisation scolaire: «Si les enseignants étaient disponibles, on les embaucherait.»

On n'a évidemment jamais entendu parler de profs dont on complète la tâche avec des résidus en français. Juste à mon école, je connais deux cas de ce genre. Cela ne veut pas dire qu'ils sont incompétents. Ils ne sont simplement pas légalement formés pour enseigner cette matière. Même qu'une des meilleures profs de français que j'ai connues avait un bac en sexologie. !

On en mène aussi un peu large quand on parle de la formation des enseignants. Je ne dirai jamais à quel point mon bac fut une perte de temps. Quant à la formation donnée par les CS, tentez de lire ce passage sans rire: La formation continue est une «préoccupation majeure» pour les commissions scolaires, ajoute M. Pouliot. «S'il y a des besoins en formation pour les enseignants, les services d'accompagnement seront présents», promet-il.

La nouvelle orthographe

Une fois de temps en temps, le lobby pour la nouvelle orthographe en français réussit à faire parler de lui dans les médias québécois (ici, ici et ici). Qu'on ne se méprenne pas, je suis en faveur de ces changements. Seulement, il est faux de croire que les écoles du Québec soient si en retard que cela dans l'acceptation de ces changements. Ce lobby exagère aussi un peu quand il parle des «succès» de la nouvelle orthographe.

En France, en Suisse et un peu partout ailleurs, on accepte les nouvelles graphies, sans plus. Même l'Académie française a fait marche arrière à ce sujet. De plus, les dictionnaires usuels les plus communs dans la francophonie ne les intègrent pas toutes (61% pour le Robert, 38% pour le Larousse).

Au Québec, il est vrai qu'il manque de directives claires quant à l'acceptation de ces graphies et d'ateliers de formation pour les enseignants. Mais il y a bien d'autres feux à éteindre, croyez-moi.

Cependant, je m'inscris en faux contre l'argument que la nouvelle orthographe faciliterait la vie des élèves québécois.

Pour la présidente de l'AQPF, Mme Richard: «Elle leur permettrait de maîtriser plus rapidement la langue française, puisqu'on élimine des exceptions qui n'ont plus leur raison d'être. Est-ce qu'on doit absolument se casser la tête pour apprendre le français?»

Même argument pour ce qui est de Chantal Contant, linguiste et chargée de cours à l'UQAM qui est aussi cofondatrice du Groupe québécois pour la modernisation de la langue française: «En Italie, un élève de 10 ans est capable d'écrire une lettre à sa grand-mère sans faire de fautes. Nos ados en sont incapables. Ce n'est pas qu'ils sont moins intelligents, c'est que la langue française est plus complexe. Ce n'est pas du nivellement par le bas de vouloir la rendre plus logique.»

Désolé mesdames, mais je n'achète pas.

Premièrement, la plupart des fautes dans les textes des élèves québécois ne seraient pas corrigées par l'introduction de la nouvelle orthographe. Elles relèvent d'une autre dynamique. Quand un gamin de première secondaire, qui ne présente aucun désordre orthographique, écrit «les belle maizons son bleues», on est dans une autre galaxie...

Deuxièmement, j'ai déjà suivi des ateliers donnés par Mme Contant, dont je respecte beaucoup le travail. Il faudrait cependant qu'elle discute un peu avec Mme Richard. En atelier, elle a en effet affirmé que ces modifications étaient minimes et ne remettaient en question que des aspects mineurs de la langue telle qu'enseignée au Québec. Alors, il ne faudrait peut-être pas surévaluer les retombées positives de tels changements.

L'école privée pour tous

M. Asselin me soulignait ce texte. Je comptais éventuellement écrire à ce sujet.

Tout d'abord, n'ayons pas peur de le dire: le titre de ce texte est carrément faux. Je préciserai pourquoi à la fin de ce commentaire.

Marie Allard raconte l'histoire de cette école privée dont le tiers des élèves seraient en difficulté. Wow! la grosse affaire... Ce qui est rigolo, c'est que cette école met de l'avant des solutions qui seraient refusées dans bien des écoles publiques parce qu'elles vont à l'encontre de l'esprit de la réforme, entre autres parce qu'on n'intègre pas ces élèves dans des classes ordinaires.

Grosso modo, deux programmes sont offerts à ces élèves. Dans le premier, ils font leurs deux premières années du secondaire en trois ans. Dans le deuxième, ils font leur deux premières années du secondaire dans le temps requis, mais on augmente le temps d'enseignement des matières de base. Dans chaque programme, le nombre d'élèves par groupe est réduit (20 à 26) et chaque classe bénéficie d'un titulaire.

Marie Allard souligne que ce type de programme fonctionnerait bien puisque 75% des élèves de ce collège poursuivent leurs études normalement en troisième secondaire.

Je sais qu'il existe des programmes comme le premier dans le secteur public. Dans le cas du second, je l'ignore. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que, si on augmente le temps consacré aux matières de base, on le coupe forcément ailleurs. Les arts? l'éducation physique?

«École privée pour tous», dit le titre de cet article. Non, pas du tout.

Tout d'abord, il faut payer les frais de scolarité. Ça constitue un sacré facteur de discrimination, quant à moi.

Ensuite, 25% des élèves avec qui ces programmes ne fonctionnent pas sont renvoyés au public parce que leurs lacunes sont jugées trop grandes. Wow! Jetés à la poubelle. Pas assez bons. Retourne chez les poches. Quel engagement de la part de ce collège!

En fait, la décision d'offrir de tels programmes est davantage une décision d'affaires. Quant au soi-disant «succès» de ces deux programmes, on peut l'attribuer en partie au collège, mais il ne faudrait pas oublier le facteur «suivi parental» qui est tout à l'avantage d'une institution privée pour laquelle les parents ont dû payer des frais de scolarité. Et même avec un taux de 75% de réussite, je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi pavoiser.

On parlera sérieusement quand ce collège s'engagera à n'effectuer aucun tri de ses élèves en difficulté à l'entrée et à les garder jusqu'à la fin de leur cinquième secondaire.

4 commentaires:

Le Prof a dit…

Question que je me suis toujours posée et que je vous pose car vous ou quelqu'un d'autre détenez peut-être une réponse: un parent d'un enfant ayant de sérieuses limitations physiques ou un TED pourrait-il exiger d'une école privée qu'elle accepte son enfant? Au public, nous devons accueillir ces enfants et leur fournir un accompagnement par des spécialistes (en théorie...), mais qu'en est-il du privé?

Bulle a dit…

Le deuxième "système" existe plus ou moins dans le public. Des classes restreintes (on devait avoir 18 élèves mais on est monté à 22 en cours d'année), avec une enseignante d'adaptation scolaire pour le français et les maths (donc 14 périodes de 1h15 par 9 jours) Une année, j'enseignais l'éducation physique et les sciences à un de ces groupes. D'autres école fonctionne avec une "triade": trois enseignants d'adaptation scolaire qui font toutes les matières.

Jonathan Livingston a dit…

Le prof,

Je dirais qu'au privé, le client et l'école ont une relation commerciale, bref les obligations qui les lient tiennent du contrat. Pour être une école enfin, j'imagine qu'il faut répondre à un ensemble de critères définis par la loi. C'est de ce côté qu'il pourrait y avoir des contraintes, mais bon, dans le privé, on soutient généralement qu'on n'a pas les moyens que le public aurait lui! J'ai travaillé dans une école spéciale privée d'intérêt public qui avait ce statut pour faire justement autrement qu'au public... Je passe dans une 3e école privée en carrière à titre indicatif!

Pour ma part, toutes ses solutions particulières qu'on tente ici et là pour satisfaire une exigence réelle de service adapté qui est dans la loi devraient être compilées, évaluées, regardées froidement, clairement par le ministère au lieu de nous faire avaler de travers l'intégration coûte que coûte de merde et de nous répéter que l'éducation coûte au Québec 10 milliards. Peut-être faudrait-il en mettre plus... Pour ma part, j'ai connu l'école Vanguard à Montréal (école privée d'intérêt public pour permettre des formules en dehors des normes si ma mémoire est bonne) qui fait finir le secondaire 5 à des TGA depuis longtemps dans sa section secondaire francophone pour aider des jeunes à avoir une place en formation professionnelle parce que les adultes en réinsertion prennent beaucoup de place et augmente les exigences du DEP professionnel. L'approche école spéciale avait sa valeur, des jeunes se revalorisaient dans cette école adaptée à leur besoin. Elle est toujours là malgré la réforme et la politique d'intégration... Des parents au pied pesant j'imagine...

Non, la loi a malheureusement été contournée de différentes façons pour nier le problème et donc économiser.

Bref:
- ne pas s'occuper du dossier du primaire (la grâce pour ne pas soit-disant stigmatiser le jeune) quand le jeune passe au secondaire;
- ne pas avoir de titulaire de groupe pour au moins payer quelqu'un pour détecter les problèmes et pousser le dossier;
-éviter une évaluation dure en fin de secondaire 1...

Voilà autant de manière évidente (je ne sais même pas comment on arrive à justifier de telles sornettes) de se mettre la tête dans le sable et c'est en plus contraire à la loi.

Bon, des parents qui ne sont pas dupes et qui connaissent un peu le système et leurs droits pourront dans certains endroits revendiquer des services, mais ce n'est pas la norme...

Enfin, autre conséquence: la classe régulière est devenu très ordinaire! Et les dépressions sont en hausse chez les profs aussi...

Bref, je trouve les essais de cette école privée de Saint-Hyacinthe à son honneur, même si, comme le fait remarquer PM, le résultat n'est pas si époustouflant que ça. Pour les écoles qui font le ménage en secondaire 3, disons que j'ai vu la pratique aussi dans certaines écoles du public qui aiment être dans le haut du palmarès! Ben oui, je suis un «trotteux»!

Pour le reste, le privé, c'est souvent des profs mal informés, syndiqués de façon amateur à faire peur qui se font passer des conventions collectives ou des interprétations abusives de ces dernières sans rien dire, alors que c'est un document légal très important qui joue dans la tâche et le salaire. On s'économise un prof ici et là dans des définitions de tâches, on impose du parascolaire bénévole comme travail à faire obligatoirement au petit bonheur...

Au privé, y a toujours une menace plus ou moins fictive de fermeture pour x raisons qui planent qui justifient des concessions salariales. En ces années de crise et de baisse de population des jeunes pour quelques années, les conditions au privé risquent d'en souffrir...

S'il n'y avait pas cette négo sérieuse au public pour quand même garder un comparatif, au privé, on retournerait dans le temps des soeurs en peu de temps!

D'ailleurs, dans cet article, on le voit qu'en sourdine on exige plus des enseignants, ça semble clair:«Ils ont des conditions qui s'apparentent à celles du public, mais on a gardé les droits de gestion sur les affectations de tâches», souligne adroitement le directeur.

Je veux pas passer pour un prof pro-syndical blindé gâté pourri, mais je suis un prof de français plutôt du genre consciencieux et je travaille fort... Surtout qu'on a trouvé le tour dernièrement de me faire rétrograder sans que je le vois venir dans les échelons pour cause de clauses orphelines patentées et privées! Je suis encore sul... Mais bon, le précaire prend ce qui passe des fois, car l'année achève...

Le gazon n'est pas nécessairement plus vert chez le voisin... Même s'il est riche!

Anonyme a dit…

Prof masqué,

Tout à fait d'accord avec vous dans l'ensemble de cette revue de la semaine (on s'est d'ailleurs ennuyé), sauf dans votre réfutation de l'exemple italien et de son corolaire, que vous démontez par le contre-exemple «les belle maizon sont bleues».

Oui, la nouvelle orthographe n'est pas une panacée, mais le dire ne signifie pas pour autant que la référence à l'enfant italien est inexacte. L'élève italien a effectivement plus de facilité à écrire, du moment que sa compréhension de la grammaire, à l'oral, est correcte.

Le genre et le nombre sont donnés en italien par les terminaisons finales.Inversement, les fautes que les élèves québécois commettent relèvent de l'arbitraire de la grammaire graphique d'une langue qui n'a, a priori, rien à voir avec les rudiments de son usage et de son apprentissage pratique.

En italien, on apprend à l'oral à utiliser le bon déterminant en même temps que la bonne terminaison, tout en apprenant également les exceptions. La grammaire écrite est donc un calque de la grammaire orale. Comme les «fautes» sont audibles à l'oral, l'élève italien s'est probablement fait corriger un nombre incalculable de fois, l'apprentissage de la langue écrite requiert alors uniquement de reconnaitre la composition des phonèmes et de les appliquer.

Inversement, essayez d'expliquer à un jeune enfant (qui n'écrit pas encore) pourquoi il doit prononcer le «z» dans les belles «z» oranges, sans faire référence à la langue écrite... Vous conviendrez effectivement que le français possède une complexité que s'économise l'italien ou l'espagnol.

La nouvelle orthographe rend l'écriture plus logique en systématisant l'application de certaines règles (un gratte-ciel/ des gratte-ciels). C'est probablement ce que Mme Richard voulait dire.

L'économie accomplie par la réforme du pluriel des noms composés et de l'écriture des nombres permet de consacrer du temps à d'autres apprentissages essentiels, mais c'est probablement effectivement un gain minime.

Cela place les élèves dans une situation préoccupante : la société québécoise, francophone, distincte et minoritaire se refuse un statut politique essentiel, mais à l'école, les profs insistent sur l'apprentissage de la langue, que le reste de la société (et des parents) néglige. La langue est donc un objet bâtard, un apprentissage facile à haïr. Paradoxalement, alors que le français véhicule une culture, certaines langues (l'anglais américain, l'espagnol) sont perçues comme des outils de communication (plutôt que comme le véhicule de l'expression d'une culture). L'apprentissage de ces langues s'en trouve facilité, ce qui permet aux apprenants d'investir leur énergie dans des matières où il existe des arrimages pratiques évidents (sciences- ingénierie, math-finance, langue-droit). Le lien entre la réussite scolaire et la réussite personnelle est donc plus évident, la persistance scolaire et le soutien de l'univers familial et social s'en trouve facilité.

La difficulté et l'abstraction circonscrivant l'apprentissage du français, alors que la culture n'est pas valorisée par la société, est un facteur aggravant l'aliénation que subissent les élèvent par rapport au système scolaire.

L'apprentissage en général serait facilité si la complexité de la langue était reconnue en faisant un parallèle avec la richesse unique de la culture française, que la compréhension de la complexité de la langue permet de saisir. Une telle reconnaissance exige la participation de la sphère familiale, sociale, politique et économique de la valorisation de la culture. Il est douteux qu'une société, qui a par deux fois refusé la liberté de participer à une telle valorisation, s'engage dans un tel parcours alors que son élite politique se laisse de plus en plus corrompre par des groupes corporatifs.

La réforme orthographique ne peut évidemment rien contre l'intrication de tels facteurs conspirant contre la santé même de la société.

Voilà ma réserve sur ce que vous n'«achetez pas». Toutefois, cette nouvelle orthographe souffre de graves problèmes de «mise en marché», si même les gens du milieu ne s'entendent pas entre eux.

Nous nous entendons par contre je crois sur les cause plus profondes du «mal québécois»

Étienne