08 décembre 2015

Conseil scolaire: un faux partenariat?

Le sympathique ministre de l'Éducation François Blais a enfin accouché du projet de loi 86 sur les commissions scolaires. Bien des choses ont été dites à ce sujet, mais je veux revenir sur une chronique de Camil Bouchard à ce propos. 

Ce dernier écrit: «La composition des conseils scolaires témoigne par ailleurs clairement de la volonté du gouvernement de donner une place plus importante aux parents, au personnel des écoles (enseignants et directeurs) et à la communauté locale.» On me permettra de m'inscrire en faux quant à cette affirmation en ce qui a trait au personnel des écoles.

Voici ce que dit l'article 143 du projet de loi 86 en ce qui a trait à la composition de ces nouveaux conseils scolaires:

143 -Une commission scolaire est administrée par un conseil scolaire composé des 16 membres suivants :
1° cinq parents d’élèves fréquentant un établissement d’enseignement de la commission scolaire élus par le comité de parents conformément à l’un des articles 153.6 ou 153.7 et qui ont été membres au moins un an d’un conseil d’établissement, d’un comité ou d’un conseil d’une commission scolaire;
2° un parent d’un élève handicapé ou d’un élève en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage fréquentant un établissement d’enseignement de la commission scolaire, élu par le comité de parents conformément à l’article 153.6;
3° quatre personnes de la communauté, élues conformément aux articles 153.6, 153.7 ou 153.8 à 153.12, selon le cas;
4° deux personnes de la communauté élues conformément à l’article 153.6 ou aux articles 153.8 à 153.12, selon le cas, et qui sont domiciliées sur le territoire de la commission scolaire;
5° un enseignant et un professionnel non enseignant de la commission scolaire élus respectivement par leurs pairs conformément à l’article 153.13;
6° deux directeurs d’établissement d’enseignement de la commission scolaire élus par leurs pairs conformément à l’article 153.13. 

Concernant les parents, prenons le cas de  la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin (CSBE). Selon son président, Henri Lecours, «Dans un nouveau conseil, il va y avoir six parents sur 16. Actuellement, il y a 15 élus et quatre parents, mais sept commissaires sont aussi des parents, ce qui en fait 11. Les parents ne sont pas gagnants.»

Concernant les enseignants, pourquoi le chroniqueur emploie-t-il le pluriel quand le projet de loi 86 ne prévoit qu'un seul enseignant? Un seul. Oui, on leur donne une place plus importante puisqu'ils n'étaient pas représenté auparavant. Mais un siège sur 16...

Par ailleurs, il est impossible de ne pas remarquer à quelle point cette composition est complètement différente de celle des conseils d'établissement des écoles.

  1. au moins quatre parents d'élèves fréquentant l'école et qui ne sont pas membres du personnel de l'école, élus par leurs pairs;
  2. au moins quatre membres du personnel de l'école, dont au moins deux enseignants et, si les personnes concernées en décident ainsi, au moins un membre du personnel professionnel non enseignant et au moins un membre du personnel de soutien, élus par leurs pairs; 
  3. dans le cas d'une école [primaire] où des services de garde sont organisés pour les élèves de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire, un membre du personnel affecté à ces services, élu par ses pairs;
  4. deux représentants de la communauté et qui ne sont pas membres du personnel de l'école, nommés par les membres visés aux paragraphes 1° à 4°
  5. Dans le cas d'une école [secondaire] qui dispense l'enseignement secondaire du second cycle, deux élèves de ce cycle élus par les élèves de l'école inscrits au secondaire ou, selon le cas, nommés par le comité des élèves ou l'association qui les représente.

Les écarts sont assez considérables, comme on peut le constater. On peut alors se poser la question: pourquoi autant de différences entre ces deux instances décisionnelles?

Par rapport aux parents, il m'apparait évident qu'il serait préférable qu'on retrouve des parents pour représenter les différents milieux; primaire, secondaire, adaptation scolaire, secteurs des adultes. 

Par rapport aux enseignants il m'apparait également évident qu'il serait préférable qu'on retrouve des enseignants pour représenter les différents milieux; primaire, secondaire, adaptation scolaire, secteurs des adultes. 

Par rapport au personnel des écoles, il m'apparait évident qu'il serait préférable qu'on retrouve deux employés, un plus général et un autre relié à un service de garde.

Par rapport au direction des écoles, il m'apparait évident qu'il serait préférable qu'on retrouve des directeurs pour représenter les différents milieux; primaire, secondaire, adaptation scolaire, secteurs des adultes. 

Quant aux membres de la communauté,  quant à moi, ils sont sur-représentés et leur nombre devrait être moindre. Quand on retrouve six fois plus de membres de la communauté que d'enseignants sur un conseil, on comprend que ces derniers comptent pour des prunes. 

Comme on peut le constater, il est faux cependant de déclarer, comme l'a fait M. Bouchard et d'autres chroniqueurs, que le personnel des écoles est gagnant dans ce changement. Ils seront, comme toujours, d'éternels figurants.

Un dernier mot sur l'article 197.1 créant un comité de répartition des ressources. 

«197.1. La commission scolaire doit instituer, sous la direction du directeur général, un comité de répartition des ressources formé en majorité de directeurs d’école et de centre choisis par leurs pairs. Le responsable des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage nommé en vertu de l’article 265 doit également être membre de ce comité. [...]


Le comité doit mettre en place un processus de concertation en vue d’établir les objectifs et les principes de la répartition annuelle des revenus conformément à l’article 275, de déterminer cette répartition conformément à l’article 275.1 et de déterminer la répartition des services éducatifs complémentaires conformément à l’article 261. 

Qu'on me permette cette remarque: les écoles primaires, de plus petite taille, sont plus nombreuses que les écoles secondaires et auront donc un avantage important quand viendra le temps de former ce comité. Le projet de loi 86 devrait en tenir compte.






23 novembre 2015

Les contes du comptable

J'aime bien les comptables mais encore faut-il être rigoureux. Infoman nous en présentait un le 19 novembre dernier dont l'argumentaire est assez contestable.

Premier raisonnement: «On paie nos augmentations en faisant la grève.» Faux. 

- Comme enseignant, chaque jour de grève revient à 0,5% de notre salaire annuel. Or, on parle ici d'un contrat de travail d'une durée entre 3 ou 5 ans, selon ce qui sera retenu. Si les enseignants font des gains par rapport à l’offre actuelle du gouvernement, c'est vrai qu'il faut soustraire le cout de cette perte de salaire à cause de la grève d’une éventuelle hausse pour l’ensemble de la durée du contrat de travail. Néanmoins, il demeure que, si le gouvernement offrait 1-0-1-1-1 au lieu de 0-0-1-1-1 (un gain de 1% la première année), il aurait fallu que je fasse 10 jours de grève pour ne pas rentrer dans mon argent en cinq ans. 10 jours.
- À supposer que les prochains contrats de travail ne voient pas notre salaire réduit (…), il faut aussi comprendre qu’une éventuelle hausse salariale dans le prochain contrat de travail est cumulative selon le nombre d’années qui vous ferez avant la retraite.
- Il faut également comprendre que toute éventuelle hausse salariale entre en ligne quand vient le temps de calculer votre retraite. Pour certains, elle est loin. Pour d’autres, elle est plus proche… Mais il faut comprendre qu’actuellement, si les jeunes enseignants bénéficient d’une augmentation de leur salaire à cause de leur progression dans l’échelle d’ancienneté, les plus âgés voient le montant de leur retraite réduit depuis des années avec la non-indexation des salaires par rapport au cout de la vie. De plus, les demandes patronales actuelles constituent déjà un recul en matière de retraite.

Deuxième raisonnement : «Toute résistance est inutile.»
- «À quoi sert-il de faire la grève?», semble suggérer fortement ce comptable. Il faut savoir que ce n’est pas la première fois qu’il tient ce discours. De mémoire, il a déjà affirmé par le passé aussi avoir d’excellentes conditions de travail. Or, que suggère-t-il d’autre? D’après mes recherches : rien. Ça ressemble pas mal à Mme Marie-Claude Tardif dont on attend toujours le super moyen de pression…

Un oubli de taille : la négociation de bonne foi.
Un comptable, ce n’est pas un avocat. Or, celui-ci semble ignorer que le droit du travail a évolué depuis les dernières négociations. Le gouvernement ne pourrait plus imposer une loi spéciale comme bon lui semble. Selon plusieurs avocats spécialisés, certaines dispositions évoquées ou utilisées les années antérieures seraient maintenant tout bonnement illégales.

 Chaque partie est maintenant tenue de négocier de bonne foi, ce qui complique aussi la donne pour la partie syndicale qui ne peut partir en grève générale illimitée comme ça. On nage dans un tout nouveau contexte. Rien n’est clair comme autrefois. Il faut donc pousser le gouvernement à bout et espérer que M. Coiteux fera de belles gaffes. Déjà, il en a posé quelques-unes de savoureuses...

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On trouvera une réponse de M. McSween à ce billet.

11 novembre 2015

J’ai honte d’être enseignant

Depuis 22 ans que je pratiquais ce métier avec enthousiasme. Mais voilà qu’aujourd’hui, j’ai honte d’être enseignant. Il m’a suffi de lire et d’entendre ce que tout et chacun dit de mes collègues et de moi pour que je réalise ma bêtise d’avoir ce choix dans ma vie. Ainsi, nous sommes des privilégiés, des BS de luxe, des profiteurs du système…  Autant de reproches de la part de ceux qui veulent me faire sentir coupable du salaire que je reçois et des conditions de travail qu’on m’a offertes.

Je ne comprends plus.

Où sont-ils tous ces gens que j’ai rencontrés dans ma vie et qui me disaient que j’étais courageux d’enseigner auprès des jeunes du secondaire, qu’ils ne le feraient pas pour tout l’or du monde? Où sont-ils tous ces parents qui me confiaient sans aucune inquiétude ce qu’ils avaient de plus précieux au monde : leurs enfants? Où sont-ils tous ces élèves aujourd’hui devenus adultes et que j’ai aidés sans compter parce que j’estimais qu’il méritait le meilleur de ce que je pouvais leur apporter? Leurs voix sont noyées sous le flot des propos haineux des agitateurs radiophoniques et des vendeurs d’opinion qui ne vivent que de la médisance qu’ils nourrissent à l’aide de leur micro ou de leur plume chaque jour.

Où est-il également ce premier ministre du Québec qui déclarait pas plus tard qu’en mars 2014 à quel point il était fier des professeurs québécois? Où est-il ce ministre de l’Éducation qui laisse calomnier depuis des semaines ses propres enseignants mais qui s’est dépêché de consoler ses hauts fonctionnaires écorchés le temps d’un discours qu’il avait prononcé?  Comment peuvent-ils ne pas être gênés de leur silence et de leur inaction? Où sont leurs véritables valeurs dans ce tumulte où l’on met à mal ceux à qui l’on demande d’aider à bâtir – dans nos écoles - le Québec de demain?

Plus j’y pense et plus je crois que j’aurais dû être un banquier devenu président du Conseil du trésor qui, un peu comme un personnage de Saint-Exupéry, se réjouit de compter l’argent qu’il croit économiser. Comme bien de ses supporteurs, il semble convaincu que l’éducation ne crée pas de richesse alors qu’elle forme des sociétés productives où des individus inventent de nouvelles façons de vivre et de s’enrichir. Plus intéressant encore, j’aurais dû être un de ces ministres de l’Éducation – les Marois, Legault, Fournier, Bolduc - ou un haut fonctionnaire qui n’a fait que nuire à mon travail à force d’incompétence et d’improvisation et à qui on offre des primes de départ ou une retraite dorée sans jamais demander des comptes au nom des enfants dont ils ont brisé l’avenir.
 

Non, j’ai choisi d’être enseignant. Et aujourd’hui, j’ai honte de faire ce métier. La haine et l’envie de certains ont tué cette passion. 

15 octobre 2015

Les Blaiseries II

Cette semaine, le ministre de l'Éducation, François Blais, a eu un éclair de lucidité sur lequel je reviendrai. Mais il a été impossible pour ce grand penseur de l'éducation de ne pas se mettre à nouveau le pied dans la bouche. Explications.

On a appris ce matin qu'une école primaire de Val-Bélair annulait la fête de l'Halloween et que les élèves ne pourraient pas venir costumés en classe. Le Journal de Montréal, dans sa compétence habituelle indiquait que c'était à cause des enseignants. Or, rien n'est plus faux.

Dans un premier temps, c'est la direction d'une école qui autorise ou refuse la tenue d'une activité, tout comme c'est elle qui décide si les élèves peuvent venir costumés en classe ou non. De plus, la direction d'une école a le pouvoir d'assigner des enseignants à des tâches spécifiques durant leur présence à l'école. Les profs ne peuvent annuler ou interdire quoi que ce soit. Ils sont obligés de participer aux activités organisées par l'école.

Dans un second temps, des écoles que je connais mettent sur pied actuellement des activités reliées à l'Halloween en collaboration avec des parents bénévoles. Ça demande évidemment plus de temps et d'organisation. De là à penser qu'il est plus facile pour une direction de blâmer les moyens de pression des enseignants...

Il est remarquable de constater - en passant - qu'on fait plus d'esclandres avec le fait que des élèves soient privés d'une activité qui consiste à se bourrer de bonbons que du fait qu'ils soient privés de services ou encore qu'ils ne mangent pas à leur faim.

Si on revient maintenant à notre bon ministre, voici ce qu'il a déclaré en lien avec cet événement: «C'est dommage pour les enfants. (...) Lorsque les enseignantes et enseignants ou les directions d'établissement agissent ainsi, ce sont sur les enfants qu'ils font pression. Mais nous rappelons que les intérêts des enfants et les lois doivent être respectés.» On a évidemment compris que le ministre a été, encore une fois, mal informé.

Quant au député caquiste Éric Caire, j'espère que son collègue Jean-François Roberge saura l'informer de la réalité des écoles. Quand il déclare que, «Stratégiquement, c’est une très, très, très mauvaise décision des professeurs qui a pour effet, ultimement, de prendre en otage les enfants», il montre l'étendue de son manque de connaissances de l'éducation et de son sens de la démagogie.

08 octobre 2015

Les Blaiseries

Trop tentant. François Blais, ce ministre de la Misère, cultive les gaffes.

Il y a d'abord eu le mercredi 7 octobre dernier avec ce 400 millions $ qui sert à la construction ou l'agrandissement d'école et à l'achat de mobilier neuf qui est devenu soudainement un fonds pour remplacer du mobilier existant ou usagé. 


Puis, aujourd'hui, le jeudi 8 octobre, ce même 400 millions $ sert aussi à rénover le plafond des gymnases de l'école secondaire Louis-Joseph-Papineau à Montréal: «Abordant la question du financement des commissions scolaires dans un contexte de coupes budgétaires, le ministre Blais a rappelé que Québec avait réservé 400 millions de dollars pour réparer les infrastructures tout en réitérant que ces commissions « sont capables de faire les bons choix». 


Mais pourquoi arrêter de gaffer en si bon chemin? Alors qu'il explique pourquoi une partie de la conception des examens ministériels est sous-traitée au privé (à quoi servent finalement tous ces fonctionnaires au MEESR?), le ministre aurait indiqué que «les examens du ministère permettent non seulement de valider la connaissance et la performance des élèves, mais également des enseignants.» Ah bon... On évalue maintenant la performance des enseignants en fonction de la réussite de leurs élèves? Pas surprenant que le PLQ fasse sienne cette idée: elle vient de la CAQ.


Mais comme il ne veut pas en rater une, notre pape de la gaffe, François IV*, en remet une couche:  «Vous savez que nos élèves au Québec sont parmi les meilleurs du monde occidental en mathématique, c'est parce qu'on prend les meilleures ressources pour préparer ces examens.» Là, vive la confusion! À quoi servent les enseignants si la raison pour laquelle nos élèves sont parmi les meilleurs au monde est parce que les examens qu'ils complètent sont si bien préparés? À quoi sert-il d'enseigner finalement si les examens font tout le travail? Et surtout à quoi sert-il d'évaluer les enseignants avec des examens si bien préparés qu'ils placent d'eux-mêmes nos élèves parmi l'élite mondiale? Ne leur faisons que passer des examens...


On pensait qu'avec le départ d'Yves Bolduc, on cesserait de s'amuser. Il faut croire que M. Blais saura relever prendre la relève avec panache.


* Quatre François à l'Éducation:  Cloutier (1972-1975), Gendron (1984-1985), Legault (1998-2002) et Blais (2015-...)

07 octobre 2015

Les pupitres du ministre

Grosse nouvelle ce matin: une école publique récupère des pupitres dans les poubelles d'un collège privé. Réaction du ministre de l'Éducation, François Blais: «Je ne pense pas que les écoles publiques en soient réduites à ça. Les budgets pour le mobilier scolaire sont restés les mêmes.»

Or, selon mes petites recherches peut-être inexactes, il n'y a pas d'enveloppe fermée pour l'achat de mobilier en éducation, exception faite de celle pour l'achat de mobilier neuf destiné à de nouvelles classes ou de nouvelles écoles. Ainsi, dans certaines CS, le mobilier déjà présent dans les écoles serait remplacé à même le budget de fonctionnement de chaque établissement scolaire, selon ce que décide la direction en poste. Et quand on balaie dans les écoles coupure après coupure, il ne faut pas s'étonner parfois qu'on ne renouvelle pas le mobilier ou qu'on découvre les vertus du recyclage.

Ainsi, à mon école, certains bureaux des enseignants peuvent avoir 50 ans d'âge. Y'a pas un ministre qui accepterait cela, hein? Surtout quand on sait à quel point ils aiment dépenser pour leurs nouveaux bureaux. Il en va de même pour certaines autres pièces du mobilier qu'on y retrouve. J'ai déjà vu des meubles dans un magasin d'antiquités tout à fait identiques à ceux qu'on retrouve dans certaines écoles!

«Cette année, dans les écoles publiques, c'est plus de 400 millions de dollars qui sont investis pour la construction de nouvelles écoles, dans l'agrandissement, en incluant le mobilier. Donc on n'est pas dans une année particulière. Je ne peux pas commenter l'exemple précis qu'on a vu ce matin. Mais les écoles publiques ne sont pas du tout réduites à cette situation-là», affirme le ministre. Ce qu'il oublie cependant de mentionner ou ne semble pas savoir que ces 400 millions n'ont rien à voir avec le renouvellement du mobilier actuel et très usagé.

23 septembre 2015

La faillite politique et intellectuelle du PLQ

Je n'ai jamais eu d'appartenance politique trop tranchée. Je suis généralement capable de reconnaitre les bons et les mauvais coups des formations politiques québécoises en matière d'éducation. Mais je suis obligé d'admettre aujourd'hui que le Parti libéral du Québec, à force d'improvisation, de mensonges et de régime d'austérité, est une véritable faillite politique et intellectuelle.

Réduction de la bureaucratie


Tout d'abord, référons-nous à la plateforme électorale du PLQ des dernières élections. En avril 2014, il y a 18 mois à peine, la formation de Philippe Couillard s'engageait à réduire la bureaucratie: «Puisque les commissions scolaires sont bien implantées et jouent pleinement leur rôle de gestion des services offerts aux écoles de leur territoire, la mission du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) doit être recentrée.»


Si les directions régionales du MELS de l'époque ont été abolies, cette décision administrative n'a engendré que huit millions d’économies, au lieu des 15 espérés. Par ailleurs, on est sans nouvelle de la réduction de 100 personnes par année pendant cinq ans quant aux effectifs administratifs du MELS. Dans les faits, il est fort à parier que ceux-ci se sont maintenus ou ont même augmenté avec la relocalisation de certains fonctionnaires reliée à l'abolition des directions régionales.


Dans ma boule de cristal, il n'y a aucune économie à espérer du côté du ministère. Ce dernier restera un château bien protégé pendant qu'on coupe les services directs aux élèves dans les écoles.


Le sort des commissions scolaires


Alors qu'on loue sur la plateforme électorale du PLQ l'expertise des commissions scolaires, l'ancien ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, avait songé, pendant un temps, à en réduire le nombre et à redécouper le territoire de certaines autres: deux mesures qui n'ont pourtant jamais été présentées en campagne électorale. 


Quelques mois après sa nomination, M. Bolduc avait également indiqué l'intention du gouvernement d'abolir les élections scolaires, une autre mesure sur laquelle les Québécois ne sont pas prononcés lors du dernier scrutin provincial. On pourra toujours arguer que la faible participation aux récentes élections scolaires indique le peu d'importance que les citoyens leur accordent, il n'en demeure pas moins que la solution de rechange  proposée par le PLQ n'a fait l'objet d'aucun véritable débat et constitue, dans les faits, un déficit démocratique puisque ce sera le gouvernement qui nommera les membres des «conseils d'administration» des CS. Il est ironique de constater que des représentants municipaux, élus par acclamation, pourraient y siéger...


Avec l'accession de François Blais à l'Éducation, l'ère des fusions forcées semble révolue. Le nouveau ministre se serait rendu compte que ce genre de décision administrative génère rarement les économies escomptées. Il est toujours rassurant de voir un ministre dire, quelques mois à peine après sa nomination, le contraire de son prédécesseur. On sent que les décisions de nos hommes politiques sont basées sur des analyses sérieuses et rigoureuses. Dans les faits, il est troublant de voir avec quelle légèreté ce ministre se rend soudainement aux arguments énoncés depuis des années par de nombreux chroniqueurs (dont je fais partie).


De façon machiavélique, on peut se demander si le gouvernement Couillard n'a pas laissé les CS en place afin qu'elles portent l'odieux de certaines décisions, comme l'augmentation de la taxe scolaire et la coupure de certains services aux élèves, pour ensuite prendre le crédit de les réformer.


Dans ma boule de cristal, le gouvernement libéral va aller de l'avant avec son projet d'abolition des élections scolaires. Il risque cependant de rencontrer quelques écueils du côté de la communauté anglophone. Quant à la restructuration des commissions scolaires, en abandonnant le projet d'Yves Bolduc, le ministre Blais est habile. Il évite de braquer les intervenants du milieu. Il a déjà indiqué qu'il mettra de l'avant des «incitatifs» afin de favoriser la fusion volontaires de certaines commissions scolaires ou de certains services d'entre elles, espérant ainsi entrainer une réduction des couts administratifs  On peut parier que ces «incitatifs» permettront de faire indirectement ce que le ministre ne voulait pas faire directement, quitte à forcer la main à certains. Advenant un échec de cette réforme «administrative douce», il sera facile pour nos dirigeants gouvernementaux provinciaux  de blâmer les CS et de s'en laver les mains.


Le sort des commissions scolaires est également intimement lié au degré d'autonomie que le gouvernement voudra conférer aux écoles. Mais on comprend déjà que la volonté du ministère est de s'assurer qu'elles constituent des centres de services pour les écoles. De nombreuses questions restent cependant en suspens, par exemple la délimitation des bassins des écoles ou l'approbation des programmes régionaux. Elles devraient trouver réponses bientôt. On est loin de la pensée de l'Action démocratique du Québec de Mario Dumont qui voulait l'abolition complète des CS et on se rapproche davantage des positions avancées par la Coalition avenir Québec de François Legault. Soulignons ici aussi l'ironie de cette situation: le PLQ n'a jamais présenté aux électeurs des mesures qui sont largement empruntées à une formation concurrente..


L'école autonome


Dans la plateforme du PLQ, on indique que les écoles québécoises bénéficieront de plus d'autonomie dans le cadre de leur projet pédagogique. Il reste à voir comment celle-ci se traduira concrètement. C'est actuellement là le plus grand mystère du ministère... Et surtout, il s'agira de voir comment s'opéreront les mécanismes de reddition de comptes. À titre d'illustration, il en coute $800 000 par année à l'Université Laval en termes de rapports à fournir au ministère de l'Éducation.


La lutte contre le décrochage


C'est actuellement en ce qui a trait à ce volet de sa plateforme électorale que le PLQ connait sa plus grande faillite politique et intellectuelle. L'écart entre les promesses, la réalité d'aujourd'hui et le discours du ministre est sidérant.


En avril 2014, cette formation politique s'était engagée à:

  • Assurer un service d’aide aux devoirs dans toutes les écoles primaires;
  • Étendre l’aide aux devoirs aux écoles secondaires;
  • Élargir les périodes d’aide aux devoirs avec des séances certains midis et soirs.
On comprend bien que le gouvernement Couillard, au nom de la saine gestion économique, laisse sciemment les CS couper en matière d'aide aux devoirs. Il a beau dénoncer cette pratique; elle l'arrange pourtant bien politiquement. Les CS portent l'odieux de mesures impopulaires et remplissent le mandat qui leur est demandé de réduire leurs couts.

Un endroit où le PLQ est encore plus en profonde contradiction avec ses engagements politiques en matière de décrochage est quand il s'engageait à:

  • Soutenir les projets issus de la communauté tel le CRÉPAS au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
En effet, on apprenait hier que le ministère de l'Éducation allait couper 25$ millions en ce qui a trait au décrochage scolaire et que cette mesure allait toucher justement des initiatives locales, dont le CRÉPAS! Il fallait voir le ministre Blais honteusement justifier ces coupures. Cet ancien universitaire de haut niveau s'est s'abaissé à n'être qu'un politicien avec des raisonnements tordus dont celui qu'il fallait prendre le temps d'évaluer la performance des programmes en place alors qu'en fait, il leur coupe tout financement et est incapable d'indiquer les mesures qu'il compte mettre de l'avant!  Aussi bien dire que, pendant une année (une année de «transition», dit le ministre), le Québec n'a aucune véritable politique en matière de décrochage scolaire.

Une autre promesse brisée est ce qui a trait aux élèves en difficulté. En avril 2014, on pouvait lire sur la plateforme électorale du PLQ qu'il entendait:
  • Prioriser le diagnostic hâtif chez les jeunes montrant des difficultés d’apprentissage et l’intervention rapide dès la petite enfance en s’assurant du nombre adéquat de spécialistes.
Pour l'instant, aucune mesure concrète ne semble appuyer cette promesse. Et, en suivant les négociations actuelles entre le gouvernement et les enseignants, on découvre que les élèves en difficulté risquent d'être laissés pour compte. En effet, les offres patronales prévoient des dispositions qui les toucheront directement. On songe à l'augmentation du nombre d'élèves par classe, à l'abandon de certaines «cotes d'identification» des élèves en difficulté d'apprentissage, au dépistage et à la reconnaissance des élèves à risque plus difficiles, à la disparition de 600 postes d'enseignants ressources et d'enseignants orthopédagogues, etc.

Encore une fois, il est ironique de constater la volonté de ce gouvernement de réduire le déficit des finances publiques actuelles du Québec en coupant les services destinés à certaines clientèles parmi les plus vulnérables, comme le premier ministre Couillard le reconnaissait enfin hier. Il lèguera une province moins endettée à des citoyens plus dépourvus parce qu'ils n'auront pas reçu les services nécessaires à leur bon développement - économique et social - au sein de notre société. 

J'arrête ici cette démonstration exhaustive de la faillite politique et intellectuelle du gouvernement actuel en matière d'éducation. Des engagements jamais annoncés, des promesses brisées, des improvisations inquiétantes, des raisonnements intellectuels défaillants...  «L’éducation,  c’est  le  meilleur  investissement  qui  soit  pour  le futur», déclarait M. Couillard en avril 2014. Force est de constater que le gouvernement de ce dernier ne le démontre pas par ses actions. Et que dire de l'actuel ministre de l'Éducation de ce gouvernement qui approuve sans aucune opposition des coupures qui nous permettent de douter de sa volonté d'être le véritable représentant de ce volet important de la société québécoise.

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Et les autres promesses?

Question de rire jaune encore un peu, voici quelques autres promesses libérales du mois d'avril 2014:

  • Travailler de concert avec les partenaires pour lutter contre la violence et l’intimidation à l’école;
  • Régler de façon prioritaire les problèmes de qualité de l’air dans les écoles.
  • Insister sur l’importance de la lecture et de l’écriture;
  • Accentuer la promotion de la qualité du français dès l’école primaire.








20 septembre 2015

Les tout-venants arrivent!

Depuis plusieurs années, dans le réseau de l'éducation, on ne doit plus utiliser l'expression régulier pour désigner un élève qui n'est pas rattaché à un parcours particulier (PEI, sport-études, SE, etc.). Non, il faut dire ordinaire. Ouf! avec quelle joie j'aimais apprendre à certains élèves qu'ils étaient ordinaires... ben ordinaires, d'autres qu'ils étaient super et d'autres enfin qu'ils étaient sans plomb

La raison de ce changement: l'adjectif régulier est un anglicisme qui provient de l'anglais regular:

«Toutefois, lorsqu’on l’utilise dans le sens de «courant», «ordinaire», «usuel» ou «normal», l’adjectif régulier est un anglicisme sémantique, puisqu’on lui prête alors le sens de l’adjectif anglais regular. On peut alors le remplacer, selon le contexte, par des adjectifs comme ordinairenormalstandardhabituel, courant et permanent.» (source)

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on n'achète plus de l'essence régulière mais ordinaire.

Mais voilà: être un élève ordinaire, c'est très ordinaire... surtout quand l'un des sens de ce mot est:  «Qui ne dépasse pas le niveau commun ; banal, quelconque, médiocre».  (source)

Or, j'ai appris que cette appellation connaitrait un changement: dans la région de Québec, on parlerait maintenant d'élèves tout-venant. Il est certain que l'une des définitions de ce mot correspond à ces jeunes: «Ce qui n'a pas fait l'objet d'une sélection; ensemble de choses ou de personnes sans caractère d'exception.» (source)  

Pour ma part, bêtement, je me demande si certains décideurs n'ont pas pris connaissance des définitions suivantes:

- «Marchandise non triée, non sélectionnée» (source);
- «Le premier venu, n'importe qui» (source);
- «Ensemble de personnes ou de choses banales, courantes» (source);
- «Personne ordinaire» (source).

Bon, on ne part pas en peur avec cette nouvelle. Je n'ai actuellement qu'une source qui la confirme. Mais avouez que ça vous semble pas mal crédible, hein, une fois qu'on connait notre merveilleux monde de l'éducation au Québec? 






08 septembre 2015

Pour en finir avec le dopage des enfants: un ouvrage qui passe mal (ajout)

La Presse+ publiait récemment un texte relié à l'ouvrage  Pour en finir avec le dopage des enfants de Jean-Claude St-Onge. Comme je ne compte pas lire celui-ci, il me sera difficile de le critiquer dans son entièreté. Par contre, j'ai relevé deux propos qui me font douter de la validité de cette analyse mais aussi du travail du journaliste Alexandre Vigneault qui a peu, pas ou mal vérifié les faits avancés par l'auteur.

Le premier propos : «Les écoles reçoivent deux trois fois plus de financement pour les enfants TDAH ou autistes que pour les enfants normaux. Alors, dans un contexte où on coupe, il est très tentant pour les directions d'école d'obtenir des diagnostics pour ces enfants-là et recevoir un plus grand financement.» En aucun temps, les écoles publiques québécoises ne reçoivent quelque financement supplémentaire que ce soit pour des enfants atteints d'un TDAH. De suggérer que des directions font de la course au financement sur le dos de certains enfants «fragiles» est purement indécent. Il serait bon de voir où cet auteur a trouvé de telles informations.

Soulignons également que ce genre d'affirmation est fort dommageable pour l'école publique puisqu'elle implique tout d'abord qu'on y favorise la médication à outrance alors que, contrairement au portrait dépeint par Jean-Claude St-Onge, bien d'autres façons sont mises de l'avant afin de travailler efficacement avec un jeune ayant un TDAH: «L'école veut que ça marche rondement. Quand quelque chose accroche, ça ne marche pas. Quand un enfant est turbulent ou cause des problème, qu'il perturbe les classes, ils vont parfois - très souvent, même - essayer de convaincre les parents que leur enfant a un TDAH et qu'il faut l'emmener chez le médecin pour qu'un diagnostic soit posé.» Cela revient à nier tous les efforts d'adaptation mis de l'avant pour ces élèves particuliers: balle de stress, coussin avec bulles, ballon-chaise, vélo-chaise, pâte de sel, période de motricité entre les tâches, segmentation des tâches, jumelage avec un pair, local particulier pour passer une épreuve, durée des examens plus longue, etc.

En fait, la seule raison que j'ai connue pour qu'une direction insiste pour qu'un enfant soit évalué est pour qu'il ait droit, si le diagnostic de TDAH était fondé, à des mesures d'appui afin de l'aider car il ne faut pas oublier que notre bon système scolaire semble parfois avoir pour maxime: «Hors de tout diagnostic médical, point d'appui!» Et encore: parfois, les mesures ne suivent pas autant qu'on le souhaiterait, faute de budget.

Un autre impact de ce genre de propos erroné est que certains parents en viennent à exiger que leur enfant reçoive des services en lien avec le «pseudo» financement qu'il est supposé générer et accusent parfois les directions d'école de se servir de ces «sommes» à d'autres fins. Dans les faits, on l'a vu, ce financement supplémentaire n'existe pas et l'école doit travailler avec les ressources qu'on lui octroie, ressources qui varient généralement selon le milieu socio-économique des élèves et qui n'a surtout rien à voir avec des diagnostics de TDAH.

Deuxième propos douteux: les diagnostics concernant les enfants ayant un TDAH sont généralement bâclés. L'auteur affirme: «Très souvent, c'est fait sur le coin du bureau, lors d'une rencontre de 15 minutes avec le médecin ou le pédiatre.» Pour avoir complété à plusieurs reprises des questionnaires d'évaluation et discuté avec des parents en quête d'un diagnostic pour leur enfant, je me demande sur quelles études ou informations sérieuses il s'est une fois de plus basé pour avancer cette idée puisqu'elle me semble très loin de la réalité que je connais depuis plus de 20 ans et dont m'ont également fait part des dizaines de personnes. Si je suis d'accord avec l'idée que les diagnostics quant à d'éventuelles difficultés d'apprentissages chez les enfants devraient être mieux encadrés, j'ai peine à croire que les professionnels de la santé soient tous aussi peu soucieux des jeunes qu'ils reçoivent en consultation.

Dans ma carrière, comme enseignant, j'ai rarement suggéré qu'un enfant soit évalué quant à des difficultés d'apprentissage et, dans un cas précis, après une longue période de déni des parents, le verdict médical a été bien plus grave encore que ce que je suspectais. Au secondaire, règle générale, les enfants atteints d'un TDAH sont déjà diagnostiqués et je n'ai vu qu'un seul cas où une évaluation médicale me semblait - à mon humble avis - erronée. Par contre, combien de fois ai-je vu des jeunes oublier leur médication et être complètement incapable d'effectuer une tâche simple ou purement hors contrôle!

S'il est sain de questionner la médication qu'on administre à nos enfants, il vaudrait mieux le faire en s'intéressant à un nombre important de variables probantes concernant ceux-ci (pauvreté, situation familiale, anxiété, mode de vie, antécédents médicaux, etc.) et ne pas s'en tenir qu'aux comparaisons entre provinces ou pays comme le fait l'actuel ministre de la Santé (ici et ici). Mais surtout, il faut éviter de se baser sur certaines informations fausses ou douteuses comme c'est le cas ici. Sous des apparences très rigoureuses, certains ouvrages se livrent parfois à des analyses fort paresseuses pour reprendre les mots du Dr Jean-François Chicoine dans le cadre de cette excellente entrevue à ce sujet.

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Tiens, un petit erratum minuscule... :



01 septembre 2015

Quand le ministre Blais pense comme Lise Ravary et Éric Duhaime...

Si j'étais ministre de l'Éducation, je serais drôlement inquiet. En effet, ce matin, la pensée de M. Blais a rejoint étrangement celles d'une grande intellectuelle québécoise. J'ai nommé Lise Ravary.

Ainsi, devant la tenue de chaines humaines formées de parents et d'élèves devant 250 écoles du Québec, M. Blais a déclaré: «Ce qui me déçoit, c'est la question des enfants. C'est l'utilisation des enfants ce matin, pour tirer des slogans qu'ils ne comprennent pas, pour reproduire des demi-vérités qu'ils ne peuvent pas comprendre non plus. Les enfants ne devraient pas être mêlés à la politique, surtout quand ils ne la comprennent pas, dans un contexte où les plus petits vivent parfois de l'anxiété à rentrer à l'école.»

Si on comprend bien, M. Blais n'accepte pas que des parents partagent avec leurs enfants des valeurs sociales et politiques. À quel âge devraient-ils avoir le loisir de le faire? 18 ans? Et devrait-on cesser de parler d'écologie et d'environnement à l'école? Dans la même veine, le ministre peut-il être cohérent et immédiatement abolir les écoles religieuses où des parents endoctrinent des enfants à propos de religions qu'ils ne comprennent pas et qui véhiculent des valeurs parfois misogynes, homophobes et racistes? De plus, ces pauvres enfants ne pourraient-ils pas vivre de l'anxiété devant des notions comme le péché ou la crucifixion? Et puis, le ministre peut-il nous garantir que son gouvernement cessera de se servir des enfants et des élèves pour faire de belles photos pour illustrer les réalisations de sa formation politique? Les enfants ainsi instrumentalisés et souriants comprennent-ils, par exemple, toutes les subtilités des politiques scolaires?

Et que dire de la position similaire de Lise Ravary qui emprunte honteusement le titre d'un des plus grands textes d'Émile Zola - J'accuse! - pour pourfendre les méchants syndicats. Elle écrit:

«Une fois encore, les syndicats d'enseignants utilisent, manipulent des enfants à peine sortis des couches pour faire avancer leurs négociations avec l'État. Si cela ne vous révolte pas de voir des enfants de 5 ou 6 ans qui ânonnent des slogans que des enseignants leur ont mis dans la bouche en faisant une chaine humaine devant leur école, expliquez-moi votre point de vue.»

Tout d'abord, une précision s'impose. Ce mouvement de chaines humaines origine de parents. Ce sont très majoritairement des parents et des élèves qui ont fait ces chaines 30 minutes avant le début des classes. 
Donc, encore une fois ici, les parents ne peuvent pas partager des valeurs avec leurs enfants? J'ai hâte que Mme Ravary pourfende tout endoctrinement religieux, sous quelque forme que ce soit, avant que la personne concernée soit majeure et apte à faire ses propres choix.
Et que dire d'une position connexe adoptée cette fois-ci par le très grand intellectuel Éric Duhaime. Sur Facebook, le coloré animateur de radio de Québec déclarait:

«APPEL À TOUS: Certains profs portent des t-shirts avec des slogans syndicalistes pour la rentrée scolaire. J'aimerais ça que des enfants portent des t-shirts apolitiques pour riposter à cet endoctrinement de bas étage. Que devrait-on inscrire sur ces t-shirts? "Ne me prenez pas en otage!" ou "Je ne suis pas en négo" ou "Élève, pas syndicaliste" ou "Non à la propagande politique infantile" ou n'importe quelle autre suggestion est la bienvenue. Soyez imaginatif!»

Donc, ce qu'Éric Duhaime propose, c'est d'utiliser des enfants pour passer de messages politiques qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de comprendre afin de dénoncer des messages politiques qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de comprendre. On repassera pour la cohérence.

Monsieur Blais, si j'étais en si bonne compagnie intellectuelle, je m'inquiéterais. 


30 août 2015

Éducation à la sexualité ou le MEESR prouve qu'il n'apprend pas de ses erreurs (ajout)

Si vous vous demandez pourquoi certaines choses en fonctionnent pas en éducation, l'implantation du programme d'éducation à la sexualité en est un bon exemple.

Là, on fait un projet-pilote. Bravo! Mais sans être défaitiste, on a vu comment cela a fonctionné avec le renouveau pédagogique... Mais outre le manque de formation des enseignants,  l'absence de consultation du milieu ou de l'approche pédagogique retenue par le MEESR, une nouvelle variable s'ajoute ici: les convictions religieuses ou les valeurs des parents. Ça va être joyeux, croyez-moi de voir aller le Parti libéral dans ce dossier. « Pour l'instant, aucune exemption n'est prévue », a affirmé un porte-parole du ministère, Pascal Ouellet.

Belle bataille légale en vue. Et j'ai bien hâte de voir comment les écoles religieuses vont appliquer ce programme. Déjà que certains parents «ne veulent pas que leur ado entende parler de masturbation» en classe, explique la présidente de la Fédération québécoise des directeurs d'école (FQDE), Lorraine Normand-Charbonneau. On part de loin...

Et preuve de l'incompétence ministérielle, ce passage:

«Or, au moment où s'effectue la rentrée scolaire, il est difficile de dire qui au juste assurera l'éducation à la sexualité dans les écoles. Le ministère prévoit que ce pourrait être des enseignants, infirmières, psychologues, voire des responsables d'organismes communautaires. S'il s'agit d'enseignants, la tâche pourrait aussi bien revenir au professeur de mathématiques qu'à celui de français ou de géographie.»

Et tiens, comme prof, pourrais-je demander à ne pas enseigner ce programme ou des parties de ce programmes qui vont à l'encontre de mes valeurs et de mes convictions religieuses?

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Un point de détail. L'enseignement de la sexualité n'est pas disparue de nos écoles, contrairement à ce que certains véhiculent.  En sciences de deuxième secondaire, le volet santé est couvert (ITSS, etc.). Dans le cadre du cours d'éthique et culture religieuse, il est possible d'aborder des thématiques reliées à la sexualité: droit à la différence, sexto, etc.

De plus, il ne faut pas oublié que bien des profs de FPS (le cours qui abordait la sexualité) se sont recyclés dans d'autres champs, mais demeurent disponibles pour enseigner ce sujet.

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Signe des temps à venir:

Les parents qui ne sont pas d'accord avec le retour du programme d’éducation à la sexualité dans les écoles du Québec pourraient décider de garder leurs enfants à la maison, prévient l’Association des parents catholiques du Québec. (texte)




29 août 2015

Qualité du français des enseignants : évaluation douteuse et gestion incohérente


 Le ministre de l’Éducation, François Blais, affirme que les facultés universitaires d’enseignement acceptent des candidats dont la maitrise du français est trop faible et entend resserrer les exigences quant à l’admission de ces derniers : «On prend des étudiants qui sont trop faibles dans une discipline pourtant fondamentale parce que les professeurs, les enseignants, devraient être des modèles sur le plan intellectuel, sur le plan moral aussi.»

Des enseignants officiellement compétents

Le ministre Blais semble oublier que ces futurs enseignants ont réussi avec succès trois évaluations quant à la maitrise de leur langue écrite :
  •        celle en français écrit dont la réussite est obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études secondaires (DES);
  •        l’épreuve uniforme de français  (ÉUF) dont la réussite est obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études collégiales (DEC);
  •         et le test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE) dont la réussite est obligatoire si l’on compte poursuivre des études dans tous les programmes de formation à l’enseignement.

De plus, ces enseignants en devenir ont également réussi des stages en milieu scolaire où ils ont été évalués à la fois par leur maitre-associé et par un superviseur relevant d’une université.

Concernant le TECFÉE, il est révélateur de noter la réaction des universités quand la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne avait décidé d’aller de l’avant avec cette mesure en 2006. À l’origine, les futurs enseignants avaient trois chances d'atteindre le seuil de réussite, fixé à 70 %.  Un candidat qui connaissait un troisième échec était automatiquement exclu du programme pour un an tandis qu’un quatrième échec entrainait une expulsion définitive.  Puis, les universités ont voulu revoir à la baisse le seuil de réussite de 70% pour le placer à 60%.  Ensuite, ce fut le nombre de reprises possibles qui a été remis en question – certains doyens suggérant même un nombre illimité de reprises! - avec, pour résultat, que les sanctions en cas d'échec varient présentement d'une université à l'autre.

Le fameux contingentement

L’accès aux études universitaires en enseignement est souvent contingenté, mais il arrive pourtant que bien des candidats discutables soient acceptés tant le nombre de places disponibles est élevé. En fait, dans leur course au financement, les universités les accueillent simplement pour des raisons financières. Il n’est donc pas étonnant alors que ce soit en enseignement qu’on retrouve souvent les candidats ayant la cote R la plus faible.  Cela ne signifie pas que tous les futurs enseignants soient faibles : il en existe d’excellents dont la compétence est indiscutable, mais ils en côtoient d’autres qui n’auraient pas dû être admis.

Par ailleurs, soulignons qu’il n’y a aucune véritable concordance entre les besoins du réseau scolaire en terme d’enseignants et le nombre de candidats admis dans les universités. Depuis des années, on forme des diplômés qui viennent s’ajouter aux interminables listes d’ancienneté. Certains jeunes excellents enseignants finissent par se lasser de la précarité de leurs conditions de travail et quittent le domaine de l’éducation, laissant ainsi leur place à d’autres parfois tout aussi bons et passionnés mais aussi à ceux dont la persévérance n’est pas nécessairement un gage de compétence.    

Ce que le ministre Blais devrait comprendre quant à la qualité de la maitrise du français des futurs enseignants, c’est qu’elle constitue le reflet de la qualité de la formation qu’ils ont reçue mais aussi de la gestion qu’exercent les hauts fonctionnaires et les décideurs politiques sur notre système scolaire.  On peut bien resserrer les conditions d’entrée des étudiants universitaires en éducation; il n’en demeure pas moins que, fondamentalement, c’est l’ensemble de l’enseignement du français et les évaluations reliées à celui-ci qui sont à revoir. 

12 février 2015

Réforme: toujours blâmer les autres

Dans une lettre publiée dans La Presse le 12 février dernier, Mme  Yolande Nantel, qui se définit comme une directrice générale de commission scolaire ayant enseigné de nombreuses années, vient à la défense de la réforme, notamment en ce qui à trait à l’enseignement du français. 

Elle fait alors référence à un document qui s’appelle La progression des apprentissages et qui décrit le contenu notionnel du Programme de formation de l'école québécoise devant être systématiquement enseigné. On a vu dans ce billet précédent ce que je pense de celui-ci.

Mme Nantel blâme également des résistances syndicales et le manque de volonté de formation des enseignants pour expliquer les échecs d’une réforme dont elle dit des fondements et des principes directeurs qu’ils «sont solides et inspirants».  Se souvient-elle qu’au secondaire, l’implantation de la réforme a été retardée d’un an parce que le MELS n’arrivait pas à suivre le rythme qu’il avait pourtant imposé aux enseignants ? Se souvient-elle que les programmes disciplinaires arrivaient en pièces détachées dans les mains des enseignants au fur et à mesure de la première année d’implantation au secondaire? Se souvient-elle qu’à la même époque, durant les formations, les conseillers pédagogiques semblaient en savoir autant que les enseignants qu’ils devaient former et n’avaient aucun matériel à leur proposer?

On pourra bien me parler des positions syndicales  à l'époque, il n'en demeure pas moins qu'au secondaire, les enseignants n'ont rien boycotté parce que ces formations avaient une très faible crédibilité.

Pour ma part, je critiquerais davantage nos décideurs qui ne semblent jamais avoir écouté ceux qui avaient une connaissance concrète de la réalité du terrain. Ces mêmes décideurs qui avaient la responsabilité d’appliquer cette réforme et d’assurer la formation de leur personnel et qui, aujourd’hui, dans une critique partisane et limitée, ne trouvent rien de mieux que de s’en prendre à ceux qu’ils dirigeaient.