Le précédent billet abordait en partie le sujet de la réforme. Or, je suis tombé hier sur un texte du Café pédagogique qui s'intéresse aux impacts de celle-ci. On y questionnait Gilles Roy, chercheur associé au Groupe de recherche sur les environnements scolaires, ainsi que co-signataire d’un rapport d’évaluation récent ayant porté sur la Stratégie d’intervention Agir autrement, stratégie ministérielle qui visait à améliorer la réussite éducative en milieu défavorisé. Une de ses réponses m'a sidéré.
Dans quelle mesure la réforme pédagogique joue-t-elle dans ce résultat?
Difficile à dire. D’abord parce que la réforme pédagogique n’a pas nécessairement été implantée de manière fidèle et exhaustive; bien des pratiques précédentes sont demeurées. Ensuite, parce que la réforme pédagogique a différemment pris forme dans les milieux : ce que l’un considère être du ressort du renouveau peut bien être considéré par un autre comme n’en faisant pas partie. Ce que Pisa 2009 nous apprend, c’est qu’au-delà de ce flou général, plusieurs ont veillé à ce que les élèves s’instruisent. Les bons résultats atteints en mathématiques en témoignent. En passant, Pisa 2009 aura surtout servir à réfréner (pour un temps du moins) les ardeurs des Cassandre éducatifs (ceux qui sont depuis toujours convaincu que nous fonçons tout droit vers le désastre) ou encore de nos nostalgiques d’un temps qui n’a jamais été (celui où le niveau était élevé, où tous fréquentaient les grands auteurs, où tous respectaient les règles, etc.). Dernière précision enfin : la réforme pédagogique ne visait pas tant que cela l’amélioration de la performance des élèves. Elle participait, plutôt, d’un certain projet de société, plus participatif et intégrateur, qui valorisait le lien social plutôt que la création d’élites et le renforcement des clivages sociaux.
La réforme était donc un projet de société, rien de moins. Des États généraux de l'éducation, on est arrivé à ça. Et il faut voir certaines personnes vouloir nier cette évidence quand on leur dit que ces États ont été détournés.
12 commentaires:
Que des "logues" non élus élaborent des projets de société et les glissent en douce dans notre système d'éducation me donne froid dans le dos.
Mais il aurait fallu nous le dire que c'était une nouvelle révolution tranquille..
Tranquille ????
Il me semble que cette révolution bouge pas mal.
URGENT!
ALLER VOIR CECI :
http://www.usherbrooke.ca/carrefour/archives/archives-des-conferences/2011/les-jeunes-issus-du-renouveau-pedagogique-au-secondaire/
ET CONSULTER CECI:
http://www.usherbrooke.ca/carrefour/fileadmin/sites/carrefour/documents/ppt/preUSherbrooke26janv2011.pptx
«Ce que Pisa 2009 nous apprend, c’est qu’au-delà de ce flou général, plusieurs ont veillé à ce que les élèves s’instruisent.»
Bref, en dépit de la réforme, certains ont maintenu de l'enseignement, sont allés plus loin que l'accompagnement pédagogique.
Malheureusement, on le fait en ramant contre un matériel, contre un climat de suspicion quand on exige, quand on évalue des connaissances, contre une situation qui impose des jeunes en difficultés en trop grand nombre dans les groupes qui démultiplient les problèmes à résoudre et alourdit la tâche des enseignants.
Quant à l'abaissement des clivages sociaux, à voir les taux de décrochage en hausse, le projet de société concocté et imposé par la «gang» de conseillers et de «logues» n'a pas vraiment atteint ses objectifs. Évidemment, la migration des jeunes des gens qui en ont les moyens vers le privé - massive depuis la réforme, au point que plusieurs écoles n'ont même plus assez d'élèves pour faire des groupes forts - ne participent en rien aux clivages sociaux, je suppose.
En fait, c'était à peine caché. La réforme nous est rentré dedans sous le thème: "La réussite du plus grand nombre".
L'article de Kiosque Média (http://kiosquemedias.wordpress.com/2009/12/21/la-reforme-scolaire-ne-pour-un-petit-bulletin/) est de plus en plus pertinent! Voyez un compte rendu de ce détournement.
Enseignement efficace,
Wow quels résultats! Il sera très intéressant de voir les gens
"spinner" ces résultats de façon positive. Il leur sera certainement plus utile d'invalider toute la démarche...
Cher PM,
En préambule, je précise que pour ce qui concerne la réforme et ses effets sur la réussite des jeunes, je partage les points de vue exprimés par mon bon ami Steve Bissonnette.
Ayant clarifié ceci, je reviens au contenu de votre billet et aux commentaires qui suivent. M. Gillac peut affirmer quand et comme il le veut que des "logues" non-élus ont glissé en douce un projet de société dans notre système d'éducation et vous pouvez vous indigner aussi. Vous le faites très bien d'ailleurs. Mais pourtant, quand on retourne au Rapport, le premier des dix chantiers prioritaires identifiés par les commissaires "sonne" pas mal "projet de société": "REMETTRE L'ÉCOLE SUR LES RAILS EN MATIÈRE D'ÉGALITÉ DES CHANCES". Évidemment, on est passé à côté en proposant des façons de faire que la recherche identifie pourtant comme moins productives pour les populations d'élèves à risque ou issus de milieux défavorisés. Je pense notamment aux approches constructivistes de type "découverte". On a en même temps caché dans le placard des approches réputées efficaces. La place réservée aux stratégies d'enseignement explicite dans le matériel didactique approuvé en est une illustration.
Je reviens au projet de société. Ceux qui pensent que c'est une invention de logues n'ont qu'à considérer cet extrait qui traite d'égalité:
"(...)Nous devons renouer avec nos idéaux et nos pratiques démocratiques, qui ont subi, en particulier depuis une dizaine d'années, une certaine désaffection. Chez plus d'un, la préoccupation à l'égard de l'égalité des chances a cédé le pas à l'élitisme et ce, dès l'école primaire. Peu à peu, presque imperceptiblement, la stratification des lieux scolaires s'est installée, avec ses pratiques de sélection, créant sa minorité d'élus et son contingent d'exclus. (…)On ne peut, d'une part, affirmer que l'on veut la réussite du plus grand nombre et, d'autre part, placer les élèves les moins privilégiés dans les conditions les plus désavantageuses. À l'inverse, la nécessité d'une scolarisation accrue pour toutes et tous comme condition de notre développement social et économique ainsi que la poursuite de notre idéal démocratique nous imposent, comme nous l'ont rappelé de nombreux participants et participantes aux assises, d'en faire plus pour ceux et celles qui en ont moins. »
Tous les mémoires déposés lors des audiences peuvent être consultés à la Bibliothèque des sciences de l'éducation de l'UQAM.
Il est tout de même curieux que dans à peu près toutes les sphères de la société, on cherche à favoriser l'émergence d'une élite : en musique, en sport, en danse, en science, et tout le monde s'en félicite. Sauf à l'école, où on s'appuie sur le plus petit dénominateur commun. Le résultat, c'est qu'on abreuve les écoles privées comme le dit Livingstone, c'est-à-dire qu'on aligne les clivages scolaires sur les clivages socio-économiques sans réellement donner la chance aux plus pauvres de se hisser jusqu'à l'élite, qui n'est aprèes tout qu'une façon de désigner la réussite sociale.
Je ne supporte plus les gens qui parlent de Pisa 2009 qui n'évaluent en rien les programmes et qui évaluent plutôt des savoirs pratiques.
Voir aussi comme les élèves finlandais (champion Pisa avant l'arrivée des très élitistes chinois de Shanghaï) sont en fait assez mauvais à l'université (finlandaise) :
http://pouruneecolelibre.blogspot.com/search/label/PISA%20et%20%C3%A9tudes
Puisqu'on en parle, l'étude ERES est intéressante, mais juste dans cette présentation, on a vu spontanément que les pros ne manquent pas de ressources: la pensée critique stimulée par la réforme pourrait expliquer que les perceptions soient plus négatives! Ensuite, on a intériorisé socialement que les jeunes de la réforme seraient moins bien préparés pour la suite de leurs études. Bref, tout est beau dans le meilleur des mondes.
Au ministère, on ne s'inquiéterait pas: les résultats positifs au Pisa valide la réforme et le système a été perturbée par l'implantation.
Comme le souligne le chercheur, la situation est préoccupante.
Jonathan : moi, ce que j’aime dans le commentaire que vous citez est qu’on pourrait tout aussi bien écrire : «L’implantation a été effectuée tout croche. Heureusement, les profs ont sauvé les meubles…»
Pour ce qui est des clivages sociaux, aux écoles privées et au décrochage, j’ajouterais les programmes particuliers dans les écoles publiques. Et ce, sans parler de l’augmentation des clientèles présentant des difficultés scolaires.
Dans les faits, depuis la réforme, l’école est plus inéquitable que jamais et les élèves en difficulté vivent des moments difficiles.
Paul C. : de quelle réussite parle-t-on? De quel genre de réussite?
Marc St-Pierre : à la lecture de l’extrait cité dans votre commentaire, je me dis qu’il y en a qui aime «se lire écrire» (version de s’écouter parler). Que de vœux pieux! Tiens, soyons méchant : je suis sûr que M. Camil Bouchard, avec sa prime de départ et tout le reste, partage ce point de vue quant aux inégalités sociales. C’est juste qu’il n’est pas en bas de la pyramide… et que ses actions ne vont pas avec son discours. Je reviendrai sur ce point au grand plaisir de M. D’Arrisso.
Profquifesse : peut-être suis-je naïf, mais je ne raisonne pas en matière d’élite ou d’inégalité. Je pense plutôt que l’école doit permettre à un jeune d’atteindre son plein potentiel. Fort ou faible, on mettre les moyens pour leur permettre de se construire et de se réaliser. Dans les faits, le discours des inégalités sociales nie souvent les problématiques rattachées aux élèves forts ou doués. De plus, ce discours peut limiter l’ascension sociale d’élèves issus de milieu défavorisé qu’on traite parfois avec misérabilisme en leur parlant constamment de DEP…
Dedge : je n’arrive pas à consulter votre lien. Et effectivement, les élèves finlandais ne brillent pas au niveau universitaire.
Jonathan : oui, et c’est de la malhonnêteté intellectuelle crasse : les PISA montrent une stagnation, si ce n’est un recul. Or, on a fait une réforme pour améliorer les choses. On aurait pu investir ce temps et cet argent autrement de façon plus efficace.
M. Bissonnette : en résumé, le document que vous citez indique que les perceptions quant aux impacts de la réforme semblent généralement plus négatives dans la perception qu’en ont parents et élèves.
Pour ce qui est des chiffres quant au rendement scolaire, j’ai mes réserves. Il est difficile de comparer des évaluations si peu comparables. L’écart pourrait être plus grand encore. Mais on parle d’augmentation d’échecs au secondaire et de plus grande inscription au x cours d’été.
Par ailleurs, on remarque une plus grande consultation d’aide professionnelle. Il y a plusieurs façons de voir cela : un meilleur dépistage ou un système qui craque de partout.
Mais la synthèse (diapo 58) est très claire : trois des variables examinées sont en faveur du renouveau (11%) et 22 sont en défaveur (81,5%).
Larose demeure malgré tout prudent dans ses conclusions :
Ces effets peuvent témoigner:
•D’une période de transition associée à l’implantation progressive du RP et aux remaniements dont il a été l’objet.
•D’une couverture médiatique et social soulignant davantage les problèmes inhérents au RP que ses avantages.
•D’éléments d’un système à repenser.
C’est vague, ça, des éléments d’un système à repenser….
Je n’arrive pas à ouvrir votre autre document.
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