Ce que je remarque tout d'abord dans cet extrait, c'est qu'il accrédite très bien la thèse concernant le grand pouvoir dont jouissent les hauts fonctionnaires en ce qui a trait à la pédagogie, mais également le peu de discussions qu'ont eues nos décideurs politiques entourant l'implantation d'un enseignement par compétence. Le PQ et François Legault ont laissé la réforme aux fonctionnaires et ont tenté de rattraper après coup certains dérapages troublants.
En matière d'intervention politique en pédagogie, tout est une question de dosage cependant. Ici, on a l'impression très nette d'une laisser-faire quant aux aspects pédagogiques. Je me rappelle à quel point, en entrevue, M. Legault me donnait l'impression de ne pas épouser cet aspect de son ministère et de répéter des phrases apprises par coeur.
Un deuxième élément à retenir de ce passage est le fait que M. Legault est davantage un gestionnaire très intéressé par le rendement des effectifs qu'il a sous sa gouverne qu'un homme de contenu. Ce fut le cas en santé comme en éducation. De plus, ce dernier, semblant montrer une faible compréhension de la culture de l'appareil public, ne semble pas avoir constaté que les contrats de performance dont il s'est fait le hérault ont facilement été déjoués par nos administrateurs scolaires et produisent même des effets contre-productifs. En effet, on l'a vu encore récemment: pour atteindre les cibles fixées par ces ententes, des directions d'école n'hésitent pas à demander à des enseignants de gonfler artificiellement les notes de leurs élèves. En Ontario, des idées similaires ont poussé des écoles à carrément tricher à certaines évaluation. «À gestionnaire, gestionnaire et demi», serait-on tenté de répondre.
M. Legault est-il l'homme de la situation? Difficile encore de se prononcer, d'autant plus que les idées de la coalition qu'il co-préside sont encore imprécises. En éducation toutefois, son passage entre 1998 et 2002 ne semble pas voir laissé de bons souvenirs autour de moi.
Tout d'abord, M. Legault n'a pas su apporter les correctifs nécessaires à la suite du programme de mises à la retraite qui a saigné le réseau de l'éducation. Il a manifestement fait confiance aux universités avec le résultat qu'on vit encore aujourd'hui.
Ensuite, sa malheureuse déclaration à l'effet que les enseignants voulaient être payés «pour lire des revues» et améliorer leurs connaissances chez eux, durant leur temps libre a laissé des marques. Elle a montré un profond manque de sympathie à l'égard de ceux-ci. Certains collègues n'hésitaient pas, à l'époque, à parler de mépris. A-t-il changé? Rien ne nous l'indique actuellement. Mais je remarque que M. Legault estime que seulement une majorité d'enseignants sont compétents. Pas une grande majorité. Une simple majorité.
Son appui, à l'époque, au renouveau pédagogique et son absence d'esprit critique pédagogique sont aussi des éléments qui ne penchent pas en sa faveur. Dans l'imaginaire enseignant, il appartient à ces ministres qui, comme les autres, ont été «bouffés» par les fonctionnaires. D'ailleurs, le fait qu'il ne se soit pas formellement dissocié de la réforme vient les conforter dans cette idée.
Si l'énoncé de principes de la CAQ entend revenir à un enseignement plus centré sur les connaissances et certaines compétences de base, ce n'est pas cependant pas un des éléments qui a été constamment mis de l'avant par la coalition, M. Legault martelant sa volonté d'évaluer les enseignants.
À suivre, dirait l'autre.
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Un PDG ministre
Pour Jean-François Lisée, le «nationalisme économique» est la marque de commerce de François Legault. Réélu, Lucien Bouchard a offert l'Éducation à Legault. Notre homme d'affaires était stupéfait.
Il devait y appliquer la «réforme», élaborée sous Pauline Marois. Au Conseil des ministres, on n'avait pas discuté souvent de l'évaluation des «compétences». Legault a vite adopté le langage de ses fonctionnaires. Mais le nouveau bulletin a rebuté les parents - Lucien Bouchard l'a répudié publiquement en écorchant son ministre.
«Ce qui l'intéressait, c'était les résultats. C'était un manager. Il savait qu'il n'était pas un pédagogue et laissait ça aux fonctionnaires», explique Lisée.
François Legault voulait aussi imposer aux cégeps et aux universités ses «contrats de performance», afin que les budgets soient conditionnels aux succès. «C'était un comptable, un comptable, un comptable», résume Gaëtan Boucher, alors directeur de la Fédération des cégeps. Il ne pouvait comprendre que le taux de décrochage n'était pas lié à une formule arithmétique.
Début 2001, Legault y est allé d'un autre coup de force. Il a menacé publiquement de démissionner, parce que le président du Conseil du Trésor, Jacques Léonard, ne lui allouait pas suffisamment de budget pour les «contrats de performance» offerts aux universités. «On revenait sur les engagements du Sommet de la jeunesse. Ma lettre de démission était écrite», dit François Legault.
Dès lors, «il est vu comme un héros dans le milieu de l'éducation», se souvient Lisée. C'est à cette époque qu'autour de lui s'est formé un groupe de jeunes disciples. Les François Rebello, Pascal Bérubé et Nicolas Girard - devenus députés depuis -, Sylvain Gendron, Martin Koskinen et des leaders étudiants l'ont tous suivi. Dans les coulisses, ils ont longtemps travaillé pour leur gourou.
En 2002, sous Bernard Landry, Legault est passé à la Santé. Ministre en titre, avec deux délégués, dont David Levine, un ancien directeur d'hôpital. Ce dernier connaissait bien mieux le réseau et a même semoncé son collègue néophyte quand ce dernier a promis de réduire l'attente aux urgences. Mais Legault «était clairement le patron».
Il est vite revenu à sa marotte, un «système» pour vérifier le «rendement» des hôpitaux. Après que des ambulanciers se furent heurtés à une porte fermée aux urgences de Shawinigan. Québec a adopté une loi qui forçait les médecins à travailler aux urgences. Quand la Régie de la santé de Saguenay a envoyé une citation à comparaître à un médecin de Montréal, Legault a explosé. «Je lui ai dit que c'était prévu dans la loi qu'il venait d'adopter», se souvient Rénald Dutil, alors président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Legault voulait gérer le réseau de la santé comme «un PDG de compagnie», résume Rénald Dutil. «Les médecins étaient ses employés: c'était une méconnaissance profonde de la culture médicale», lance-t-il. Il n'en reste pas moins que les «activités médicales particulières» imposées par Legault sont encore en vigueur presque 10 ans plus tard.
Son appui, à l'époque, au renouveau pédagogique et son absence d'esprit critique pédagogique sont aussi des éléments qui ne penchent pas en sa faveur. Dans l'imaginaire enseignant, il appartient à ces ministres qui, comme les autres, ont été «bouffés» par les fonctionnaires. D'ailleurs, le fait qu'il ne se soit pas formellement dissocié de la réforme vient les conforter dans cette idée.
Si l'énoncé de principes de la CAQ entend revenir à un enseignement plus centré sur les connaissances et certaines compétences de base, ce n'est pas cependant pas un des éléments qui a été constamment mis de l'avant par la coalition, M. Legault martelant sa volonté d'évaluer les enseignants.
À suivre, dirait l'autre.
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Un PDG ministre
Pour Jean-François Lisée, le «nationalisme économique» est la marque de commerce de François Legault. Réélu, Lucien Bouchard a offert l'Éducation à Legault. Notre homme d'affaires était stupéfait.
Il devait y appliquer la «réforme», élaborée sous Pauline Marois. Au Conseil des ministres, on n'avait pas discuté souvent de l'évaluation des «compétences». Legault a vite adopté le langage de ses fonctionnaires. Mais le nouveau bulletin a rebuté les parents - Lucien Bouchard l'a répudié publiquement en écorchant son ministre.
«Ce qui l'intéressait, c'était les résultats. C'était un manager. Il savait qu'il n'était pas un pédagogue et laissait ça aux fonctionnaires», explique Lisée.
François Legault voulait aussi imposer aux cégeps et aux universités ses «contrats de performance», afin que les budgets soient conditionnels aux succès. «C'était un comptable, un comptable, un comptable», résume Gaëtan Boucher, alors directeur de la Fédération des cégeps. Il ne pouvait comprendre que le taux de décrochage n'était pas lié à une formule arithmétique.
Début 2001, Legault y est allé d'un autre coup de force. Il a menacé publiquement de démissionner, parce que le président du Conseil du Trésor, Jacques Léonard, ne lui allouait pas suffisamment de budget pour les «contrats de performance» offerts aux universités. «On revenait sur les engagements du Sommet de la jeunesse. Ma lettre de démission était écrite», dit François Legault.
Dès lors, «il est vu comme un héros dans le milieu de l'éducation», se souvient Lisée. C'est à cette époque qu'autour de lui s'est formé un groupe de jeunes disciples. Les François Rebello, Pascal Bérubé et Nicolas Girard - devenus députés depuis -, Sylvain Gendron, Martin Koskinen et des leaders étudiants l'ont tous suivi. Dans les coulisses, ils ont longtemps travaillé pour leur gourou.
En 2002, sous Bernard Landry, Legault est passé à la Santé. Ministre en titre, avec deux délégués, dont David Levine, un ancien directeur d'hôpital. Ce dernier connaissait bien mieux le réseau et a même semoncé son collègue néophyte quand ce dernier a promis de réduire l'attente aux urgences. Mais Legault «était clairement le patron».
Il est vite revenu à sa marotte, un «système» pour vérifier le «rendement» des hôpitaux. Après que des ambulanciers se furent heurtés à une porte fermée aux urgences de Shawinigan. Québec a adopté une loi qui forçait les médecins à travailler aux urgences. Quand la Régie de la santé de Saguenay a envoyé une citation à comparaître à un médecin de Montréal, Legault a explosé. «Je lui ai dit que c'était prévu dans la loi qu'il venait d'adopter», se souvient Rénald Dutil, alors président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Legault voulait gérer le réseau de la santé comme «un PDG de compagnie», résume Rénald Dutil. «Les médecins étaient ses employés: c'était une méconnaissance profonde de la culture médicale», lance-t-il. Il n'en reste pas moins que les «activités médicales particulières» imposées par Legault sont encore en vigueur presque 10 ans plus tard.
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«Ce que je remarque tout d'abord dans cet extrait, c'est qu'il accrédite très bien la thèse concernant le grand pouvoir dont jouissent les hauts fonctionnaires en ce qui a trait à la pédagogie, mais également le peu de discussions qu'ont eues nos décideurs politiques entourant l'implantation d'un enseignement par compétence. Le PQ et François Legault ont laissé la réforme aux fonctionnaires et ont tenté de rattraper après coup certains dérapages troublants.»
Il faut bien comprendre que dans notre système ministériel, la place des fonctionnaires est incontournable. On imagine mal un ministère des transports sans ingénieurs, ni un ministère du Revenu sans fiscaliste, etc. Il en va de même pour l'éducation.
Pour l'heure. Car il pourrait en être autrement. Je suis d'avis qu'il faut "dépédagogiser" le MELS en confiant la pédagogie aux pédagogues. i.e. au premier chef aux enseignantes et aux enseignants. Cela pourrait très bien se faire à travers une agence gouvernementale, mais autonome, bref un office chargé d'élaborer les programmes et ce qui s'y rapporte.
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