04 décembre 2014

Un grand brouillard au Conseil supérieur de l’Éducation

Enseignant depuis plus de 20 ans, c’est non sans fébrilité que j’ai lu le texte «Un grand brouillard en éducation» paru dans Le Devoir.  On y apprenait que le Conseil supérieur de l’Éducation croyait qu’il fallait mettre un terme aux vastes réformes dans les écoles québécoises. Se pourrait-il que le CSÉ ait enfin vu plus loin que la brume qui flotte dans les bureaux de certains décideurs scolaires?

Dans ce texte, on apprend également que, selon son président, Claude Lessard, «Le Conseil demeure étonné de constater combien peu de données existent sur ce qui est réellement enseigné dans les classes du Québec.» Puis, ce dernier y va de constats qui ont valu à bien des enseignants d’être taxés de tous les noms à une époque pas si lointaine. Il évoque les idées qu’il ne faille plus y aller de réformes d’envergure à tous les 15 ans en éducation, que l’élaboration et l’implantation de la dernière réforme a connu des ratés et des maladresses. Il affirme même:  «Il y a eu des écoles pilotes, mais ça a duré à peine un an. Et la pression était telle qu’on ne peut pas dire qu’on a validé grand-chose.» Appelons cela une douce admission que les élèves québécois ont été des cobayes pédagogiques.

Mais ne crions pas victoire trop vite car, malgré ses propres constats et le fait que le CSÉ affirme lui-même qu’on on ne sait pas ce qui se passe dans nos écoles, cet organisme maintient, selon Le Devoir,  «qu’il ne faut pas arrêter d’implanter la réforme que le milieu, malgré les critiques et les controverses, a réussi à s’approprier.» Mais au fait, comment sait-on que le milieu s’est approprié cette réforme si on ne sait pas ce qui se passe dans nos écoles?

En poussant plus loin notre analyse, une lecture du «Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2012-2014» du CSÉ chassera toute idée que celui-ci remet en question la dernière réforme qu’a subie l’école québécoise. Pour ce dernier, «le premier cycle de deux ans est bien implanté et il prépare efficacement à l’entrée en troisième année du secondaire» (p 94). Dans les faits, «le Conseil estime qu’il faut faire différemment pour poursuivre la mise en œuvre du curriculum et des programmes en procédant de manière graduelle et itérative» (p. 99)

Mais comment peut-on considérer avec sérieux de telles idées alors que de l’aveu même du CSÉ, «quinze ans plus tard, le dossier de l’évaluation n’apparaît toujours pas réglé à la satisfaction des acteurs concernés» (p. 100)? Finalement, c’est un peu comme si on disait: «On enseigne on ne sait pas trop quoi dans nos écoles, on n’a peu d’analyses sur ce qui s’y fait mais continuons la réforme ! Et en ce qui a trait à l'évaluation, il faudrait bien y penser.»

2 commentaires:

Isabelle a dit…

Tous les fameux « projets pédagogiques » issus de la réforme ne constituent plus une panacée au secondaire. En français, notamment, nous travaillons avec la Progression des apprentissages du MELS (ce qui dissipe toute brume de confusion), ce qui signifie que nous privilégions surtout l'enseignement de connaissances pour ensuite évaluer les compétences en lecture, en écriture et en communication orale.

Jonathan Livingston a dit…

Ces gens de grands conseils, on le sait, ont été les plus grands partisans de la réforme. Après 15 ans, tout ce qu'ils veulent c'est qu'on ne vive pas une contre-réforme qui serait dans l'ordre des choses de faire. Après 15 ans, il faudrait selon toute logique faire un bilan des plus froid de cette approche, des programmes mis en place, des outils didactiques mis en marché dans un climat d'urgence, des approches pédagogiques prônées.

Depuis quelques années, on constate plutôt qu'on nous abandonne dans ce fameux brouillard qui dissipe la vision de tous en éducation. Il n'y a plus de pilotage, on dérive tous doucement.

Je poursuis chez nous la réflexion qui a pris de l'ampleur en s'écrivant!