11 novembre 2015

J’ai honte d’être enseignant

Depuis 22 ans que je pratiquais ce métier avec enthousiasme. Mais voilà qu’aujourd’hui, j’ai honte d’être enseignant. Il m’a suffi de lire et d’entendre ce que tout et chacun dit de mes collègues et de moi pour que je réalise ma bêtise d’avoir ce choix dans ma vie. Ainsi, nous sommes des privilégiés, des BS de luxe, des profiteurs du système…  Autant de reproches de la part de ceux qui veulent me faire sentir coupable du salaire que je reçois et des conditions de travail qu’on m’a offertes.

Je ne comprends plus.

Où sont-ils tous ces gens que j’ai rencontrés dans ma vie et qui me disaient que j’étais courageux d’enseigner auprès des jeunes du secondaire, qu’ils ne le feraient pas pour tout l’or du monde? Où sont-ils tous ces parents qui me confiaient sans aucune inquiétude ce qu’ils avaient de plus précieux au monde : leurs enfants? Où sont-ils tous ces élèves aujourd’hui devenus adultes et que j’ai aidés sans compter parce que j’estimais qu’il méritait le meilleur de ce que je pouvais leur apporter? Leurs voix sont noyées sous le flot des propos haineux des agitateurs radiophoniques et des vendeurs d’opinion qui ne vivent que de la médisance qu’ils nourrissent à l’aide de leur micro ou de leur plume chaque jour.

Où est-il également ce premier ministre du Québec qui déclarait pas plus tard qu’en mars 2014 à quel point il était fier des professeurs québécois? Où est-il ce ministre de l’Éducation qui laisse calomnier depuis des semaines ses propres enseignants mais qui s’est dépêché de consoler ses hauts fonctionnaires écorchés le temps d’un discours qu’il avait prononcé?  Comment peuvent-ils ne pas être gênés de leur silence et de leur inaction? Où sont leurs véritables valeurs dans ce tumulte où l’on met à mal ceux à qui l’on demande d’aider à bâtir – dans nos écoles - le Québec de demain?

Plus j’y pense et plus je crois que j’aurais dû être un banquier devenu président du Conseil du trésor qui, un peu comme un personnage de Saint-Exupéry, se réjouit de compter l’argent qu’il croit économiser. Comme bien de ses supporteurs, il semble convaincu que l’éducation ne crée pas de richesse alors qu’elle forme des sociétés productives où des individus inventent de nouvelles façons de vivre et de s’enrichir. Plus intéressant encore, j’aurais dû être un de ces ministres de l’Éducation – les Marois, Legault, Fournier, Bolduc - ou un haut fonctionnaire qui n’a fait que nuire à mon travail à force d’incompétence et d’improvisation et à qui on offre des primes de départ ou une retraite dorée sans jamais demander des comptes au nom des enfants dont ils ont brisé l’avenir.
 

Non, j’ai choisi d’être enseignant. Et aujourd’hui, j’ai honte de faire ce métier. La haine et l’envie de certains ont tué cette passion. 

4 commentaires:

Sylvain a dit…

Triste constat que le vôtre, cher PM. À peu près autant que le mien, le constat que je faisais en jasant avec un de mes amis internet. Je disais cette semaine que si un de mes trois enfants me dit un jour qu'il veut être prof comme papa et maman, eh bien je lui répondrai quil est mieux d'être vraiment sur de sa passion et quil devra faire autre chose en même temps pendant des années... Et/ou quil devra aller enseigner dans une autre province ou même un autre pays, voilà.

Jonathan Livingston a dit…

Bon, je n'ai pas vraiment cru au sentiment exprimé, mais j'ai aimé la figure! Bon, je ne vois pas ce qu'on te reproche en matière de courage dans un autre débat en amorce, quoique dans la presse d'aujourd'hui le mac semble faire une prise de conscience.

Le professeur masqué a dit…

Jonathan: avec les élèves, tout va bien et je suis professionnel. Mais l'envie de défoncer les murs, de créer de nouveaux projets sans regarder la montre ou l'horloge n'est plus là. Je me sens le dindon d'une farce. Je n'ai jamais compté. Là, je compte.

Joffrey a dit…

Je viens de lire ma propre histoire de déception !!! Effectivement: Où sont-ils tous ces gens qui me disaient que j’étais courageux d’enseigner les jeunes ??? Et où sont les parents quand on a besoin de support? J'ai enseigné l'anglais et le néerlandais pendant 14 ans dans une école à Bruxelles... mais c'est fini. L'année dernière, j'ai démissionné! C'est fini la carrière. Maintenant, je travaille à mi-temps pour une école de langue privé ou je donne des cours de néerlandais. Cela me suffit. C'est pareil partout. L'enseignement officiel, c'est pour les masochistes.