27 janvier 2016

15 minutes quotidiennes de lecture à l’école : une autre fausse bonne idée?

On apprenait récemment que le ministre de l’Éducation, François Blais, aurait l’intention d’imposer dès septembre 2017 à l’ensemble des écoles primaires et secondaires de toute la province une période quotidienne de 15 minutes de lecture afin de corriger les faiblesses en littéracie des jeunes Québécois.

Tous s’entendront pour reconnaitre que la lecture est un outil important dans la formation d’un élève et qu’elle développe – tant à l’oral qu’à l’écrit - la syntaxe et le vocabulaire. Mais, comme enseignant de français depuis 22 ans, on me permettra de douter de l’efficacité de cette solution unique à un problème complexe. Il s’agit davantage, selon moi, d’une autre décision politique que d’une initiative pédagogique valable.

Une solution efficace?

Tout d’abord, sur quelles études le ministre se base-t-il pour croire qu’une simple période quotidienne  de lecture de 15 minutes sera une véritable panacée? A-t-on remarqué, dans les nombreuses écoles québécoises où une telle idée est déjà appliquée, une amélioration notable des résultats en lecture des jeunes élèves comparativement à celles qui ne le font pas? On n’en sait absolument rien mais on se prépare tout de même à consacrer une portion importante du temps d’enseignement en classe à une mesure non validée.  On semble – une fois de plus - nager dans l’improvisation en matière scolaire. Comment oublier que le prédécesseur de M. Blais a osé déclaré, il y a un peu plus d'un an, que personne ne mourrait de manquer de livres à l’école alors que, maintenant, on parle d’instaurer une période obligatoire quotidienne de 15 minutes de lecture?

Par ailleurs, on semble ignorer au ministère de l'Éducation que l’actuel programme de français comprend déjà un volet lecture. Par son intervention, le ministre donne à penser que ce programme est tout simplement inefficace ou encore que tous les enseignants sont incompétents dans leur façon de l’enseigner. Or, la façon la plus efficace d’améliorer les capacités en lecture de nos jeunes - et tous les spécialistes s’accordent à le dire - passe par davantage de ressources et un meilleur enseignement de la lecture dès les premières années du primaire que de bêtement «lire pour lire» 15 minutes par jour.

Une solution unique?

En voulant instaurer une période quotidienne de lecture obligatoire, le ministre Blais répète également un modèle d’intervention trop souvent employé en éducation, un modèle qui nie l’autonomie professionnelle des enseignants et qui ne tient pas compte des particularités de leurs élèves et des milieux différents où ils évoluent. En éducation, de telles façons d’intervenir – surtout quand elle ne sont pas validées par des études sérieuses – n’ont jamais été un gage de succès

Comme enseignant, je ne crois pas approprié qu’on me dicte le contenu que je dois aborder chaque jour en classe. De plus, j’enseigne à des élèves généralement doués et inscrits à un programme international. Ma planification et mon enseignement permettent à ces élèves de bien réussir en lecture. Pourquoi venir changer ce qui fonctionne déjà dans ce cas? Pourquoi une solution unique à des élèves québécois différents d’une école à l’autre quand ce n’est pas d’une classe à l’autre? Pourquoi aussi une solution unique qui nie le rythme normal de lecture des jeunes qui m’ont confié être parfois fâchés qu’on découpe en séquences aussi courtes la lecture d’une œuvre qu’ils aiment?  

De plus, non seulement chaque milieu est différent, mais les ressources consacrées à l’achat de livres ont grandement varié selon les commissions scolaires au cours des dernières années. Le ministre est-il conscient qu’il devra trouver des moyens aux ambitions qu’il entend confier aussi généreusement aux écoles? Sait-il aussi que cette mesure sera bien plus difficile à appliquer au secondaire qu’au primaire, comme c’est à peu près toujours le cas quand on parle d’interventions de ce genre dans nos écoles?

Tout comme bien des collègues, je préfère concentrer mes efforts à l’enseignement explicite de la lecture mais aussi de la grammaire. À quoi sert-il d’imposer uniformément une période quotidienne obligatoire de lecture à des élèves qui peinent parfois à trouver le sujet dans une phrase? À quoi leur sert-il de lire des textes dont ils ne comprennent même pas le sens premier? La simple lecture peut s’effectuer aisément à la maison sous la supervision des parents ou de façon autonome. 




3 commentaires:

al falah a dit…

bon article !

Kelly De Neubourgh a dit…

Vous avez raison.
Instaurer une période quotidienne de lecture obligatoire nie effectivement l’autonomie professionnelle des enseignants, c'est vrai. Depuis quelques années, je suis professeur d'anglais dans une école privé, ce qui permet d'adresser les besoins individuelles de chaque étudient.
Et on me laisse faire ma propre planification.

mourad a dit…

Je ne connais pas un polytechnicien qui a eu des cours particuliers en maths. Pour la bonne raison que, avant la prépa, il n’en avait absolument pas besoin et que la prépa prévoie un heure de cours quasi-particuliers (à 4) de maths par semaine (les colles). ce qui est largement suffisamment. Les concours scientifique sont intrinsèquement égalitaires: tout le monde a les mêmes cours et les mêmes livres, les mécanismes de discriminations sont ailleurs.
En spécialiste de l’organisation, je suis persuadé que l’école fondamentale (jusqu’à fin de collège) doit avoir trois « niveau de suivi »:
– le suivi pour les jeunes normalement scolaires (60% des jeunes).
– le suivi pour les jeunes qui ont le potentiel de réussir les formations les plus sélectives,
– le suivi pour les jeunes en difficulté par rapport aux apprentissages.
Il faut mettre les moyens pour accompagner intellectuellement et financièrement les jeunes de la deuxième catégorie.
Il faut se donner comme règle : Ne jamais mettre un jeune dans un cours pour lequel il n’a pas les bases pour suivre et déroger chaque fois que c’est nécessaire au dogme actuel « du même apprentissage pour tous à un même niveau ».