Maintenant que les travaux parlementaires sont terminés à l’Assemblée nationale, la tradition veut qu’on évalue les actions effectuées au cours de la dernière année par le gouvernement. En éducation, le bilan du ministre Sébastien Proulx est plus que mitigé et un universitaire comme Égide Royer, qui lui donnait 8 sur 10 en 2017, n’hésite pas à lui remettre aujourd’hui une note de 3 sur 10.
Oublions l’excellence
La création d’un institut national
d’excellence en éducation, dont le ministre Proulx nous vantait il n’y a pas si
longtemps les mérites, semble avoir été passée à la trappe. En effet, l’homme
politique ne dit plus un mot sur celui-ci. Il faut croire que les données
probantes et les études rigoureuses, des expressions dont il émaillait
régulièrement ses discours, sont moins importantes que les retombées
électorales de certaines décisions populaires mais dont la pertinence et l’efficacité
n’ont pas été démontrées. Plusieurs vous le diront : ce genre d’institut
constitue un intervenant gênant quand on veut avoir les coudées franches. Déjà
que le ministre doit se dissocier régulièrement des avis du Conseil supérieur
de l’éducation, pourquoi irait-il s’encombrer d’un organisme de la sorte?
Le Lab-École décolle-t-il vraiment?
Non,
le modèle que le ministre semble privilégier est le Lab-École de l’architecte Pierre Thibault, du
promoteur de sport Pierre Lavoie et du chef cuisinier Ricardo Larrivée.
Les récentes nouvelles concernant celui-ci
ressemblaient d’ailleurs davantage à des annonces électoralistes réchauffées et
ont été qualifiées de floues par plusieurs journalistes.
Ainsi, en mai dernier, le
ministre Proulx parlait de mettre du «wow» dans sept écoles en ajoutant 2
millions à une enveloppe de 60 millions pour des projets déjà prévus et qui
verront le jour au plus tôt en 2021. On a l’impression que peu a été fait dans
ce dossier et que nos Three Amigos de la
réussite ont répété des lieux communs déjà mentionnés en novembre 2017. Pierre Thibault, qui se prête à cette
mascarade politique, a affirmé: «L’école, on va la développer ensemble, on ne la connaît pas encore.»
On peut se demander comment le
ministre en est arrivé à remettre en question toute l’expertise universitaire
mais aussi celle du MEES alors que ces trois individus sont si peu avancés
après une année. On comprend que la recette magique qu’ils préconisent pour l’école
québécoise - du pain, des murs et des jeux - semble davantage relever de
mesures populaires que de pratiques efficaces. Personne ne peut être contre la
vertu, personne ne peut être contre de belles écoles où les élèves bougent et
mangent bien, mais si on veut améliorer la réussite des élèves québécois, les
façons d’y parvenir vraiment n’ont rien à voir avec ce qu’on nous propose. À
cout égal, il existe des mesures bien plus reconnues. Mais doit-on s’en étonner
quand un ministre en quête de réélection préfère le Lab-École à un institut d’excellence
en éducation?
Par ailleurs, il
flotte un certain malaise dans tout ce dossier. Voilà trois hommes dont les
idées ont été retenues par un ministre et qui ont eux-mêmes des intérêts en
éducation. Que feront-ils de cette expertise du milieu scolaire québécois qu’ils
se sont construite au cours des derniers mois en partie à nos frais? Difficile
de ne pas penser que ceux-ci vivront un jour de potentielles situations de
conflits éthiques. Qui aura les contrats d’architecture? Qui s’occupera de
nourrir les élèves? Chose certaine, ils se sont développé, avec la complicité
du ministre, une importance reconnaissance aux yeux du public et de certains décideurs
scolaires. Quand un traiteur affiche que les repas qu’il offre à la cafétéria d’une
école secondaire publique sont des recettes de Ricardo, on réalise les risques
de dérapage.
Et puis, comment
expliquer le silence de ce même Ricardo devant le refus du ministre Proulx d’appuyer
un projet de la CSDM d’offrir des repas gratuits à ses élèves des écoles primaires
et secondaires? Comment peut-il appuyer l’idée que les élèves mangent mieux sans
s’insurger devant le fait que certains ne mangent pas du tout? Maintenant qu’il
est devenu une personnalité publique en éducation, peut-on lui souligner que
cette attitude est incohérente?
Les frais exigés aux parents
Voilà un dossier qui remonte à 2010 et que l'actuel ministre de l'Éducation a laissé trainer depuis qu'il a été nommé à ce poste depuis deux ans, de peur de devoir se prononcer quant
à la gratuité scolaire. Bien sûr, il a eu l’excuse facile de
dire que cette question était devant les tribunaux et qu’il fallait laisser la
justice suivre son cours. Bien sûr, il a appelé les commissions scolaires et
les parents plaignants à en venir à une entente. Mais voilà : maintenant cette
entente survenue, il se réfugie derrière celle-ci sans manifestement trop
comprendre ses impacts et promet un vague consultation sur la gratuité scolaire
en 2019… s’il est réélu.
En deux ans donc, le
ministre, qui a pourtant écrit à titre personnel un livre sur sa
vision de l’éducation, n’a pas réussi à élaborer quelque scénario que ce soit
quant à cette question. C’est un peu comme s’il était encore à la case départ
dans ce dossier. Dans les faits, on peut surtout penser que M. Proulx a décidé
de reléguer cette question électoralement sensible aux oubliettes de l’été et,
pour la prochaine année, ce sont les écoles, les commissions scolaires et son éventuel successeur qui devront gérer les résultats de son inaction. Et quels résultats!
Pour la prochaine année scolaire, il faut savoir que les choix d'école par les parents sont déjà faits. Les élèves sont déjà admis dans des programmes particuliers. Les tâches des enseignants sont déjà effectuées. Les choix de cours des élèves sont déjà complétés. Dans la plupart des écoles, les frais exigés aux parents ont déjà été adoptés par les conseils d'établissement. Mais n'empêche: le ministre ne semble pas au fait de cette réalité.
Si l'on comprend bien la directive du ministre, l'école ne peut plus exiger de frais d'inscription pour les programmes particuliers. Par exemple, dans les programmes d’éducation intermédiaire (PÉI), on retrouve des frais pour que l’enfant puisse obtenir sa certification de l’OBI (organisation du bac international) et de la SÉBIQ (Société des écoles du monde du BI du Québec et de la francophonie). Qui paiera dorénavant ces frais? De même, qu’arrivera-t-il si l’école offre un programme particulier avec l’achat d’un portable? Ce programme particulier (non obligatoire) peut-il encore exiger des frais d’inscription et d’achat pour cet appareil électronique? Si non, qui les paiera?
De façon plus générale, le ministre est-il conscient qu’une telle balise pourrait fragiliser bien des programmes particuliers qui permettent à l’école publique d’offrir des environnements pédagogiques stimulants à des enfants dont les parents n’ont pas nécessairement les moyens de les envoyer à l’école privée? On dirait bien que non.
Pour la prochaine année scolaire, il faut savoir que les choix d'école par les parents sont déjà faits. Les élèves sont déjà admis dans des programmes particuliers. Les tâches des enseignants sont déjà effectuées. Les choix de cours des élèves sont déjà complétés. Dans la plupart des écoles, les frais exigés aux parents ont déjà été adoptés par les conseils d'établissement. Mais n'empêche: le ministre ne semble pas au fait de cette réalité.
Si l'on comprend bien la directive du ministre, l'école ne peut plus exiger de frais d'inscription pour les programmes particuliers. Par exemple, dans les programmes d’éducation intermédiaire (PÉI), on retrouve des frais pour que l’enfant puisse obtenir sa certification de l’OBI (organisation du bac international) et de la SÉBIQ (Société des écoles du monde du BI du Québec et de la francophonie). Qui paiera dorénavant ces frais? De même, qu’arrivera-t-il si l’école offre un programme particulier avec l’achat d’un portable? Ce programme particulier (non obligatoire) peut-il encore exiger des frais d’inscription et d’achat pour cet appareil électronique? Si non, qui les paiera?
De façon plus générale, le ministre est-il conscient qu’une telle balise pourrait fragiliser bien des programmes particuliers qui permettent à l’école publique d’offrir des environnements pédagogiques stimulants à des enfants dont les parents n’ont pas nécessairement les moyens de les envoyer à l’école privée? On dirait bien que non.
Dans la même veine, le ministre a indiqué que «Les sorties
et les activités éducatives organisées en application du régime pédagogique et
du calendrier scolaires [sont] gratuites», mais pas les «activités
parascolaire» ou les «sorties culturelles» facultatives. Ainsi, dans le cadre d’un
cours de français, un enseignant qui veut amener ses élèves au théâtre ne
pourra plus demander aux parents de payer pour cette sortie culturelle s’il
demande un travail d’analyse à leur enfant. Qui paiera alors? Si cette
sortie devient facultative le soir et qu’il ne demande plus de travail, les élèves
pourront-ils y aller?
Est-ce la même chose pour les cours optionnels? Par exemple,
pourra-t-on encore exiger des frais à des parents qui inscrivent leur enfant à
un cours de théâtre afin d’aller voir des pièces en salle? Même chose pour le
cours optionnel en art où l’enseignant voudrait amener ses élèves voir une
exposition dans un musée?
À toutes ces questions le ministre explique que, dans le cadre de sa nouvelle politique culturelle, son gouvernement a ajouté 7 millions au trois déjà prévus pour ce qui est des sorties culturelles au budget du ministère de la Culture. Cet ajout ne sera jamais suffisant. Déjà, certaines écoles facturaient 30$ aux parents AVEC le budget existant de 3 millions. Et comment sera attribuée cette somme? par école? Par élève? Aux premiers arrivés?
À toutes ces questions le ministre explique que, dans le cadre de sa nouvelle politique culturelle, son gouvernement a ajouté 7 millions au trois déjà prévus pour ce qui est des sorties culturelles au budget du ministère de la Culture. Cet ajout ne sera jamais suffisant. Déjà, certaines écoles facturaient 30$ aux parents AVEC le budget existant de 3 millions. Et comment sera attribuée cette somme? par école? Par élève? Aux premiers arrivés?
Si tel est le cas, le ministre réalise-t-il que, peu de sorties scolaires auront lieu et que des entreprises culturelles verront le nombre de leurs spectateurs ou de visiteurs baisser de façon significative, ce qui pourrait mettre en péril leur existence même? Déjà, bien des commissions scolaires et des écoles ont décidé de ne planifier aucune sortie de ce type l’année prochaine.
L’avenir des commissions scolaires
En ce qui a trait aux
commissions scolaires, le ministre Proulx, tout comme bon nombre de dirigeants
de celles-ci, vit dans une certaine forme de déni. Il existe actuellement au
Québec un mouvement fort préconisant soit leur réforme soit leur abolition. Or,
en reportant l’élection des différents commissaires scolaires en 2020 sous
prétexte que la date actuelle de celle-ci du 4 novembre est trop proche du
scrutin provincial du 1er octobre, on présume que le ministre tient
surtout à éviter que la gouvernance scolaire devienne un enjeu électoral dont
il pourrait sortir perdant à cause de l’inaction de son parti sur cette
question. Il a compris qu’il lui est inutile de donner des munitions
supplémentaires à la CAQ sur ce sujet.
À moins d’être naïf, il est
difficile de croire que le ministre Proulx se soit soudainement rappelé cette
proximité électorale pourtant connue depuis des années. Quant à son idée que ce
délai de deux ans permettra aussi d’explorer une façon de rendre cette élection
plus accessible, notamment en implantant le vote à distance, notamment par
Internet, peut-on indiquer que cette suggestion a été soulevée aussi loin qu’en
2010 et que rien n’a été fait depuis?
Quand on regarde les actions
et les inactions de M. Proulx, cyniquement, on pourrait penser que ce ministre
semble davantage travailler à la réussite de sa réélection et à celle de son parti
qu’à régler véritablement les dossiers importants qu’il a devant lui. Il est
inconcevable que ce dernier affiche le même sourire aujourd’hui en annonçant
des «investissements» en éducation que lorsque le gouvernement auquel il
appartient se livrait à ce que le premier ministre Couillard appelait un
exercice de rigueur budgétaire. Cette façon de gouverner à courte vue dans le
but d’être réélu explique aisément les maux qui affligent notre système d’éducation
depuis des décennies et ce sont surtout les élèves qui ont font les frais. Parfois,
pour paraphraser George Clémenceau, c’est à se demander si l’école est une chose trop grave pour la confier à
des politiciens.
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