12 mai 2020

Où sont les appareils électroniques annoncés par M. Roberge?

Le 27 avril dernier, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, annonçait la fermeture des écoles secondaires du Québec pour le reste de l'année scolaire et l'introduction d'un enseignement à distance dès le 11 mai pour les élèves de ce niveau ainsi que pour tous ceux du primaire que les parents choisissaient de garder à la maison. Il instaurait aussi l'obligation, pour tous les enseignants, d'aborder des savoirs essentiels avec leurs élèves après avoir tergiversé pendant un mois.

Mais plus que tout, M. Roberge annonçait fièrement que son ministère avait conclu une entente avec Apple Canada pour fournir 15 000 appareils électroniques aux enfants qui en auraient besoin pour la poursuite de leurs apprentissages à la maison. Il comptait ainsi rattraper un peu l'Ontario qui, dès le 31 mars, avait décidé que l'année scolaire se poursuivrait. Le gouvernement voisin avait également annoncé une aide de 200$ par enfant de 12 ans et moins pour l'achat de matériel pédagogique. De plus, différents conseils scolaires de cette province  avaient déjà commencé à remettre des ordinateurs aux parents.  En outre, le conseil scolaire de Toronto prévoyait remettre 28 000 ordinateurs portables ou tablettes avant le 14 avril.  28 000 portables pour une ville, c'est presque le double de ce que prévoit le ministre Roberge pour une province complète.

Voilà: nous sommes le 12 mai, le lendemain de la date annoncée pour le début du télé-enseignement, et on se demande où sont ces nouveaux appareils électroniques. Ces appareils, c'était pour hier. Et ce n'est pas une figure de style: c'est la réalité.

On ne parle pas ici d'appareils qui étaient déjà dans les écoles et que celles-ci ont dû prêter à contrecoeur parfois. On ne parle pas non plus des ordinateurs donnés aux élèves dans le cadre de la mesure gouvernementale 30 810 (dyslexie et autre trouble du langage). Non, on parle de ces nouveaux appareils promis par le ministre. Et s'ils existent, ces appareils, seront-ils en nombre suffisant quand on regarde ce qui se fait dans la province de Doug Ford?

Si on creuse un peu, voici ce que l'on comprend. Le MEES n'aurait acheté aucun nouvel appareil électronique. Il en aurait simplement réservé 15 000 auprès de Apple Canada.  Qui devrait les acheter et les payer?  Certains disent que ce seraient les écoles et les commissions scolaires qui le feraient à même leur budget actuel, qu'aucun budget additionnel ne leur serait donné. D'autres affirment que le tout sera payé par le MEES à la fin de l'année scolaire. Bref, rien n'est clair.

Ce qui est clair, c'est qu'il sera impossible d'obtenir ces appareils à temps. Comment a-t-on pu penser que le tout sera réalisable en deux semaines? Déjà, les écoles sont débordées à suivre les autres demandes du ministre dont elles apprennent l'existence en point de presse comme tout citoyen ordinaire au gré des jours.

De plus, rappelons ce qu'ont mentionné deux intervenants dans la section commentaires de ce billet quant à cette décision du ministre:

1- «Pis ça, c'est si, et seulement si, les services STIC de la commission scolaire "permettent" les iPad... par exemple, la csdgs a pris la décision, il y a déjà plusieurs années, de NE PAS permettre les apparails MAC sur son réseau pédagogique (tu peux les brancher "invité" mais tu es limité)»

2-  «Tout d'abord, ce sont les commissions scolaires qui doivent les payer à même leur budget. Ensuite, ils ont jusqu'au 15 mai pour les commander et il faut prévoir un délais de deux semaines pour la livraison. Finalement, notre service des TICS dit qu'ils ont besoin d'un autre deux semaines pour préparer ces iPads. Bilan de l'histoire, des iPads dans les maisons pour le 15 juin…»  

Bref, le ministre annonce des promesses qu'il refile aux autres. On commence à avoir l'habitude, remarquez. Par ailleurs, si les restrictions quant aux produits Apple auraient été levées, on peut néanmoins se demander comment ceux-ci seront accueillis dans un milieu généralement hostile à ceux-ci.

Un autre aspect troublant de cette histoire, c'est que ce ne sont pas tous les élèves qui auront un appareil électronique pour commencer cette période d'enseignement à distance. Parmi les choyés, on retrouve:

  • les élèves des écoles privés dont les parents ont payé pour les inscrire dans des programmes avec ordi;
  • les élèves des écoles publiques dont les parents ont payé pour les inscrire dans des programmes avec ordi;
  • de mémoire, les élèves des écoles publiques de la commission scolaire Eastern Townships qui en ont un fourni par les écoles où ils sont inscrits;
  • les élèves dont les parents ont les moyens d'en avoir un ou plus à la maison.

Restent les autres... Là où l'histoire prend un aspect choquant, c'est lorsqu'on apprend qu'un élève actuellement en échec après deux étapes pourrait voir son résultat bonifier s'il collabore bien au télé-enseignement offert par son école. Donc, les élèves, issus d'un milieu défavorisé, ceux qui sont les plus susceptibles d'être en échec et sans ordinateur, se voient en quelque sorte exclus de la possibilité de réussir leur année scolaire.

On est, une fois de plus, devant une école avec des vitesses multiples.












1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je vais me permettre d'ajouter une autre information. Je travaille dans une petite CS en région. Dans certains villages, le réseau cellulaire est quasi inexistant encore aujourd'hui. Alors, pour certains de nos élèves qui n'ont pas internet chez eux, leur prêter une tablette branchée sur un réseau LTE n'aura aucun effet puisqu'ils ne pourront pas utiliser internet de toute façon. Selon les cadres à qui j'ai pu parler de cette situation, la réponse du MEES tournerait autour de «débrouillez-vous»... Ce qui fait qu'actuellement, nous envoyons des documents par la poste à certains enfants et quelques suivis se font exclusivement par téléphone. Cette crise me fait réaliser qu'internet est maintenant devenu un service essentiel et j'espère que nos gouvernements vont faire quelque chose pour rendre ce service accessible partout au Québec.