Un décrochage à la baisse
En effet, les statistiques montrent que le décrochage a atteint son plus bas taux en 25 ans (voir à cet effet le billet de Marc Saint-Pierre). Bien sûr, on peut questionner la validité de la formation offerte aux jeunes, mais je ne suis pas convaincu qu'elle était mieux il y a 25 ans pour la simple et bonne raison que l'école de mon enfance n'était pas mieux ou plus que celle d'aujourd'hui.
On néglige aussi de dire que le taux de raccrochage des jeunes est important au Québec. Bien sûr, il est regrettable qu'autant d'élèves quittent le réseau scolaire, mais on ne doit pas autant oublier ceux qui y reviennent. Tout cela occasionne des coûts humains et économiques importants et on ne doit pas se contenter de cette situation. Sauf qu'au moins, peut-on s'en consoler un peu?
Il n'y a pas que les garçons qui décrochent
Cet aspect-là me donne de l'urticaire. Grosso modo, 30% des garçons décrochent avant la fin de leur secondaire contre 20% des filles. Or, le discours à la mode est que les garçons sont victimes d'une école de matantes qui les castrent. Les 20% de filles, elles, elles sont quoi? Des butchs, des garçons manqués?
Il faut entendre les Dutrizac et parfois les Arcand se lamenter de l'école québécoise sur ce point. Or, à force de véhiculer ce faux message, on en vient à ancrer des réflexes absolument incroyables chez les jeunes. Un jour, l'un d'entre eux m'a confié: «C'est normal que je décroche: l'école est pas faite pour moi, chuis un gars.» Bienvenue à l'ère de la victimisation et des fausses excuses...
La pire dérive, selon moi, est venue d'Égide Royer, un universitaire, qui a cautionné tout ce discours en enfilant les clichés et les lieux communs l'un après l'autre. «Ça manque de femmes dans nos écoles», pourrait-on dire. Parfait! Embauchons des hommes. Et surtout assurons-nous de leur virilité, parce que ça prend des VRAIS hommes, avec de la testostérone, n'est-ce pas...
Cette dérive a eu une influence sur le discours politique où le gouvernement Charest a annoncé qu'il allait mieux financer les équipes sportives scolaires pour contrer le décrochage des garçons. Parce qu'on le sait tous: les VRAIS garçons font du sport et ne s'intéressent pas aux activités parascolaires culturelles. À moins de ne pas être de VRAIS garçons, bien sûr...
Le facteur important de décrochage
On peut bien parler de méthodes pédagogiques avec le Renouveau, de l'incompétence des enseignants et de l'autonomie des écoles avec la Coalition pour l'avenir du Québec, des éléphants avec Égide Royer, il n'en demeure pas moins que le principal facteur de décrochage qu'on peut identifier avec certitude est la situation socio-économique dans laquelle vit le jeune. Point à la ligne.
Taux de décrochage au Québec, 2008-2009: milieu défavorisé (IMSE 10) = 31,1%; milieu favorisé (IMSE 1) = 12,1%
Taux de décrochage au Québec, 2008-2009: garçons milieu défavorisé (IMSE 10) = 35,9%; garçons milieu favorisé (IMSE 1) = 15,6%
Taux de décrochage au Québec, 2008-2009: filles milieu défavorisé (IMSE 10) = 26,1%; filles milieu favorisé (IMSE 1) = 8,7%
Dans certains cas, le plus grand handicap à la réussite d'un jeune, c'est tout simplement son origine sociale. On retrouve aussi une culture du décrochage scolaire au Québec, une culture où l'école passe après le travail, les loisirs et tout le reste. Mais cela, il ne faut pas le dire: la situation socio-économique et les parents sont des aspects tabous du décrochage des jeunes.
Il ne s'agit pas de culpabiliser qui que ce soit mais, si on veut régler un problème, il ne faut pas avoir peur d'en regarder toutes les causes possibles. Or, qui parle d'aider les jeunes vivant dans un milieu défavorisé, d'outiller et de responsabiliser leurs parents?
Personne.
Un sujet trop sensible. Encore plus quand on a des visées politiques comme M. Legault.
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Comme pour me faire mentir, il y a ce texte dans le Journal de Montréal ce matin. Un peu sensationnaliste, il faut l'avouer. Écrire «Il n'est pas nécessaire de réussir à l'école pour obtenir un diplôme ou un certificat» est nettement exagéré, pour ne pas dire mensonger.
Il est possible que le MELS aurait diplômé 8 000 élèves au cours des trois dernières années qui n'auraient pas réussi leur premier cycle du secondaire. Mais il faut comprendre qu'on ne parle pas ici de diplôme d'études secondaires (DES). Pour parler clairement, on parle parfois d'enfants avec des problématiques mentales et psychologiques très lourdes.
L'article mentionne que, pour l'obtention du certificat préparatoire au marché du travail (CPMT), l'élève n'a pas besoin d'avoir terminé sa scolarité primaire. Or, ce certificat existe justement pour diplômer une formation minimale, pas des études universitaires en physique nucléaire! Et le MELS en a remis un seul en 2009. On ne parle pas d'une grosse cohorte...
Quant au certificat en formation pour un métier semi-spécialisé (CFMSS), je doute, comme l'affirme ce texte, qu'on demande de suivre des cours sans les réussir. Je vérifierai ce point.
«Pour avoir une bonne idée du taux de réussite, il faudrait ne prendre que le DES et le DEP» affirme le sympathqie Égide Royer. Même chose du côté de la Fédération des syndicats de l'enseignement. Dans un premier temps, que représentent 3 000 élèves sur le taux de diplômation annuel? Dans un second, que font les autres provinces canadiennes avec des diplômes similaires?
15 commentaires:
Parfaitment d'accord, comme presque toujours, et même trop souvent : combien de fois j'ai abandonné un billet en cours parce que tu m'avais devancé !
La question du décrochage scolaire est un problème politique qu'on essaie de camoufler en en faisant porter à l'école l'odieux. En français écrit entre autres, il est flagrant de constater que si certains jeunes écrivent mal, c'est qu'ils écrivent comme parlent sans doute leurs parents, comme on parle dans le milieu où ils ont grandi, lequel trop souvent dévalorise l'école.
Je n'oublierai jamais cette étudiante, brillante, allumée, qui réussissait presque sans effort et qui a malgré tout abandonné. Son chum avait réussi à la convaincre que trop de diplômes (un DEC, bordel!) pouvait nuire à l'obtention d'un emploi !
Tout à fait d'accord avec toi. La culture de l'effort passe par la responsabilisation des parents, d'abord et avant tout.
Merci PM. Je me sens un peu moins seul ce matin. Et merci pour le lien vers mon billet là-dessus. De toute façon, on est pris dans un catch 22. Si les taux de décrochage sont à la baisse, on dira que c'est pcq on donne des diplômes à rabais. Mais j'aime bien votre argument: ce qu'on compare est tout à fait comparable, pusique l'école d'hier n'était pas forcément mieux que celle d'ajourd'hui. Et quoi qu'on en dise, je crois que l'école d'aujourd'hui est plus exigeante et meilleure que celle d'hier.Ne faisons que regarder du côté de la formation des enseignants, particulièrement au primaire.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Les parents doivent se mobiliser afin d'aider leurs enfants.
Toutefois, certains sont dans l'impossibilité de le faire. À l'école où j'enseigne, les statistiques démontrent que 30% des parents francophones du secteur ne savent pas lire.Difficile pour eux d'aider leurs enfants.
Paola ;)
«Je suis tout à fait d'accord avec vous. Les parents doivent se mobiliser afin d'aider leurs enfants. »
Et vous voulez les responsabiliser en laissant tous les choix aux fonctionnaires et surtout pas offrir plus d'autonomie aux écoles?
Je ne comprends pas.
Pour le reste, il est SIMPLISTE de dire que l'origine sociale explique tout.
1) Le taux de décrochage a beaucoup diminué dans certaines régions (Lac-Saint-jean) récemment sans que l'origine sociale des enfants ait changé !
2) J'ai fait des études nettement plus poussées que mes parents et mon vocabulaire était à 15 ans plus riches que celui de mes parents. Mais je faisais aussi du latin et du grec...
3) Un diplôme comme le DES ne vaut pas grand chose, je suis à chaque fois étonné quand on ose comparer le taux d'obtention du DES québécois avec le taux d'obtention du bac en France ou l'Abitur en Allemagne. Ce ne sont pas du tout les mêmes diplômes. Abitur et bac = D.E.C. par équivalence officielle et par la nature des matières étudiées.
Prof: dans une union précédente, la nièce d'une blonde s'était fait dire par ses parents qu'un DES était suffisant alors qu'elle était première de classe. Le père fraudait, la mère buvait... Un classique.
Isabelle: comment responsabiliser des parents quand on veut une «écoles de services à la carte» avec une approche client...
M. St-Pierre: je déteste les comparaisons. Au présent, l'école peut faire mieux. Plusieurs essaient! Quant à la formation des maitres, j'ai des réserves. J'y reviendrai.
Paola: d'où l'idée de les outiller, de les accompagner. On rêve si on croit qu'on va scolariser un grand nombre d'enfants issus d'un tel milieu.
Pauf!: l'autonomie aux écoles est un miroir aux alouettes, la saveur du mois... La responsabilisation des parents est une problématique complexe et va plus loin qu'un CE efficace...
Je ne crois pas avoir écrit que l'origine sociale explique tout: « il n'en demeure pas moins que le principal facteur de décrochage qu'on peut identifier avec certitude est la situation socio-économique dans laquelle vit le jeune».
Des initiatives personnelles et régionales existent. Sont-elles applicables partout? J'en doute.
En complément d'information:
Taux de décrochage au Québec, en 2009, pour les 20-24 ans = filles 8,3%; garçons 13,9%; ensemble 11,1%
80% des jeunes du Québec qui décrochent avant 20 ans vont finir par raccrocher (au Canada, c'est 55%). Le Québec est le champion du raccrochage. Cela se reflète dans le taux de diplomation entre 20 et 24 ans.
Taux de diplomation au Québec, en 2009, pour les 20-24 ans = filles 92%; garçons 81%; ensemble 86,5%.
Comme quoi, lorsqu'on donne aux jeunes le temps de vivre leur vie, de se chercher, de découvrir autre chose et d'étudier, ils finissent par réussir. Cela coûte peut-être plus cher à court terme, mais finit par nous rapporter dans le long terme. L’idée que les jeunes du Québec devraient tous terminer leur scolarité en cinq relève de l’utopie puisque 17 % d’entre eux arrivent au secondaire avant un an de retard.
cc. Marc Saint-Pierre
En complément au complément : à propos du miracle du Lac St-Jean : http://www.ledevoir.com/societe/education/240893/decrochage-scolaire-aux-origines-du-miracle-sagueneen
Je me suis livré à un petit calcul aujourd'hui qui m'a stupéfié : environ 10% de la nouvelle cohorte de mon collège est inscrit d'emblée en Mise à niveau (Renforcement en français écrit). 10 %, c'est énorme, et on me dit que le chiffre va croissant d'année en année malgré que les critères soient restés les mêmes.
Quant à la formation des maîtres qui se serait améliorée, j'ai plus que des réserves aussi.
Vous dites: "Bien sûr, on peut questionner la validité de la formation offerte aux jeunes..."
Les données de l'enquête PISA de 2009 démontrent clairement que les garçons et les filles de 15 ans du Québec sont parmi les plus performants au monde. Nous avons un très bon système d'éducation, contrairement à ce que l'on entend dans les médias.
http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/EPEPS/Sanction_etudes/RapportPISA_ProgIntSuiviAcquis2009_f.pdf
M. levasseur: Les tests PISA soulèvent bien des interrogations quant à ce qu'ils mesurent. En avez-vous déjà vu un? Savez-vous ce qu'ils mesurent réellement?
En ajout: http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/education/archives/2011/10/20111011-130809.html
M. le professeur masqué, vous dites:
"Les tests PISA soulèvent bien des interrogations quant à ce qu'ils mesurent. En avez-vous déjà vu un? Savez-vous ce qu'ils mesurent réellement?"
Dans une économie de services, la formation du capital humain a un impact direct sur la productivité des travailleurs. Les performances en mathématiques et en sciences des jeunes, telles qu'évaluées par les enquêtes PISA, ont un effet sur la croissance économique subséquente. Les enquêtes PISA mesurent avec efficacité les capacités cognitives des jeunes et leur aptitude à contribuer à l'essor économique. Les tests PISA ont prouvé leur efficacité.
Vous trouverez un article à ce sujet ici:
http://edpro.stanford.edu/hanushek/admin/pages/files/uploads/ednext_20082_62.pdf
Alors, je réitère mon affirmation: Nous avons un très bon système d'éducation, contrairement à ce que l'on entend dans les médias.
Stephane Levasseur
M. Levasseur: pour vous, un bon système d'éducation est celui qui forme des travailleurs nécessaires au marché du travail et à l'essor économique.
Désolé mais, pour moi, l'éducation va plus loin qu'être un élément performant du capital humain. Ce discours à la mode réduit l'élève à une facette bien utilitaire.
M. le professeur masqué, mon intervention visait à rétablir la crédibilité des tests PISA. Ils ont été élaborés par l'Organisation de Coopération et de Développement Économique afin d'évaluer la capacité des systèmes d'éducation à contribuer à l'essor économique. Ces tests remplissent leur mandat.
Mais je suis d'accord avec vous, la finalité de l'éducation n'est pas uniquement économique. Il est plus important encore que l'éducation soit humanisante, c'est-à-dire qu'elle contribue à actualiser le potentiel humain de chacun en développant la conscience de soi, la volonté, la créativité, la moralité, l’autonomie, etc.
C'est dommage que la mission de l'école québécoise soit d'instruire, socialiser et qualifier. Il manque humaniser.
Stephane Levasseur
Cependant, à force de fixer les décrocheurs sur la liste des incapables et, de leur empêcher de faire valoir leur savoir faire, on en fera, force oblige, des citoyens guéthosisés qui finiront par coûter plus cher à la société que si on évaluait les gens par leur compétences plutôt que sur la "sainte" certification de nos établissements croulants. Le système a laissé tomber beaucoup de jeunes de la DPJ, TED, etc. Sans parler des fautes de moyens qui ne suffisent plus alors, cessons de tenir au fond du baril, ceux qui se sont autoformé parce que le système leur ont fait défaut
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