31 octobre 2011

Les idées de François Legault - une première brèche?

François Legault et la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) claironnent depuis des mois des idées fort populaires auprès d'un électorat en mal de changement. Le problème est qu'à part quelques sombres initiés dont nous sommes sur ce blogue, peu de gens discutent du bien-fondé de ces idées et de leur caractère réaliste.

Une première brèche s'est ouverte dans les médias aujourd'hui alors qu'on remet en question la constitutionnalité de l'abolition des commissions scolaires en se basant sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Toujours dans cette même veine, il serait intéressant de se pencher sur la pertinence d'abolir les CS et non les directions régionales du MELS. À l'époque où l'on retrouvait plus de 200 CS à la grandeur du Québec, ces dernières avaient un rôle de coordination à jouer. Mais, depuis quelques années, avec la réduction du nombre de CS à 78, ces directions régionales sont devenues, quant à moi, des organismes inutiles. D'ailleurs, au fil des conversations que j'ai eues avec de nombreux intervenants en éducation, peu ont réussi à m'expliquer à quoi elles servent concrètement aujourd'hui.

Le projet Legault a ceci d'inconséquent qu'il veut justement confier à ces organismes déconnectés du terrain des missions pour lesquelles les CS ont déjà une expertise pertinente.  On imagine le jeu de chaises musicales qui va s'opérer entre les CS abolies et les directions régionales embauchant des employés compétents (congédiés par les CS) pour satisfaire les nouveaux mandats qui leur seront confiés.

Si M. Legault voulait mettre de l'avant une solution ayant plus de chances d'être efficace et moins contestée, il devrait davantage abolir les directions régionales et soumettre les CS a un régime minceur tout en conservant les commissaires élus. Sauf qu'il s'est allégrement peinturé dans le coin avec plusieurs déclarations fracassantes pour plaire à un électorat. Tout cela pourrait nous mener à des débats stériles, à moins d'avoir recours à la clause «Nonobstant» avec tout le brouhaha politique que cela pourrait créer auprès des anglophones québécois et canadiens. Déjà, au dernier congrès du Parti libéral du Québec, on a vu l'accueil qu'ont fait certains délégués anglophones au projet Beauchamp qui est pourtant beaucoup moins radical.

M. Legault devrait également se rappeler que, de l'aveu même de la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard, la fusion des commissions scolaires (et même celle des municipalités) n'a entrainé aucune économie pour le contribuable. Ce n'est pas abolir qu'il faut, mais mieux gérer. Jusqu'à ce jour, aucune étude, aucune analyse économique n'est venue appuyer les propos de M. Legault à l'effet que l'abolition des CS allait générer des économies significatives pouvant être réinvesties dans des écoles autonomes. De mémoire, des universitaires avaient même démontré que de confier aux municipalités des mandats relevant des CS, une idée lancée par l'Action démocratique du Québec (ADQ à l'origine du projet Legault, signifierait une augmentation des couts pour les contribuables québécois.

Par ailleurs, il est remarquable qu'on lance de telles idées au Québec sans étudier ce qui s'est fait ailleurs. Par exemple, on mentionne souvent que le Nouveau-Brunswick a aboli ses commissions scolaires pour rétablir des organismes similaires quelques années plus tard. Est-ce véritablement le cas?  N'y aurait-il pas un journal qui pourrait dépêcher un reporter à quelques heures du Québec pour valider le tout?

Si je n'aime pas cette idée de M. Legault, il ne faut pas croire que la façon dont sont gérées actuellement les CS me ravit. Même si elle affirme que les frais de gestion des CS sont exemplaires, madame Boucher manque de sensibilité politique devant le gaspillage qu'on retrouve dans ces organismes publics. Jusqu'à tout récemment, le MELS refusait de se mêler de la gestion des CS puisqu'elle relève de commissaires élus. Le projet Beauchamp a cependant montré une volonté de la ministre de revoir le fonctionnement de ces dernières. Même le maigre plan d'action rendu public par la FCSQ semble vouloir timidement tendre dans cette direction.

Abolir des directions générales, resserrer la gestion des CS: voilà des pistes qui me semblent plus prometteuses que les chimères de M. Legault. Sauf que, depuis quelque temps, le peuple, blasé par les politiciens qu'il a pourtant élus, semble avoir besoin de croire en des chimères encore plus grosses et plus fantastiques...

6 commentaires:

Marc St-Pierre a dit…

Tout est question d'équilibre. Pour ce qui concerne l'autonomie des écoles, trop est pire que pas assez. Allez voir les effets pernicieux de ce type de réforme sur l'accès à des services de qualité pour TOUS les citoyens. L'expérience Néo-Zélandaise est tristement éloquente à ce sujet.

Jouer sur les règles du marché en éducation mène à la création de gettho en élargissant les écarts entre milieux favorisés et défavorisés. J'ai écrit un papier là-dessus qui paraîtra dans le prochain numéro de Point en Aministration scolaire.

Pour ce qui concerne la tendance à l'amélioration des taux de persévérance, je ne suis plus seul à le dire. La firme McKinsey, il me semble, n'est pas ce qu'on pourrait appeler un think tank de gauche...et elle a rendu un rapport qui confirme cette amélioration.

Tout est question d'équilibre et de bonne mesure. Il y a des limites au changement qu'on peut imposer par décret. Au-delà de certaines limites les effets du changement deviennent contre-productifs. Appliquer le plan Legault demain matin, ou dans les 100 premiers jours d'un gouvernement caquiste, équivaut à mobiliser toutes les ressources du système vers des enjeux de maintenance interne, de réorganisation et cette "énergie" ne servira pas la réussite.On va se réunir des heures et des heures pour savoir qui garde sa chaise, qui la perd, qui va être le patron de qui.

Mais, c'est mon opinion. Qui vivra verra.

Pour ce qui concerne l'autonomie des enseignants, il faut retourner à la loi sur l'Instruction publique et au régime pédagogique: elle est bien réelle. Elle l'est tellement que Legault veut la harnacher, l'encadrer à travers un processus d'évaluation étatisé et bien normé. Et celle des écoles ? Personne n'a encore répondu à ma question: qui sera le patron des directions de ces écoles autonomes ? Qui sera le patron de ces directions régionales ? Québec ou les membres de la Coop de services ? Sous couvert d'autonomie, il y a lieu de croire que ce type d'organisation mène vers une plus grande concentration de pouvoirs au niveau central. Je me trompe peut-être. Mais dites-moi comment des gens nommés par Québec dans une direction régionale, même revampée, pourraient faire contrepoids aux décisions ou aux volontés du gouvernement central ? Ces gens se mettraient assurément dans une inconfortable situation de déloyauté.

Ma position elle est simple: laissons en place des gouvernements locaux, élus, pour s'occuper d'éducation sur une base régionale et faire contrepoids aux vélléitées centralisatrices des Legault de ce monde.

Je dis que si les choses vont mieux et qu'on se retrouve dans une dynamique de changement positif, les idées de Legault risquent fort d'être contre-productives. Si les choses vont mal, très mal, alors là, peut-être faut-il essayer quelque chose et condamner le statu quo. Mais sincèrement, je ne crois pas que ce soit le cas.

Bien sûr, on va ramener l'argument que les parents n'ont pas d'intérêt pour ce qui concerne la démocratie scolaire et les gouvernements locaux, à preuve les taux de participation anémique aux élections scolaires. Mais qu'en est-il des taux de participation aux élections des membres des CE dans les écoles ? Sait-on combien il y a d'écoles chaque année où on doit suspendre les pouvoirs du CE et les remettre au directeur de l'école, faute de pouvoir, de façon régulière, obtenir le quorum pour tenir les réunions et prendre les décisions ? Or, si les bas taux de participation aux élections des commissaires et des délégués au CE témoignent du désintérêt des parents pour l'administration scolaire, s'imagine-t-on vraiement que la situation changera par magie le jour où on aura des écoles autonomes gérées par un conseil constitué d'une majorité de parents ? Pensée magique. Si on pense avoir tout vu avec les arrondissements à Montréal, on n'a encore rien vu.

Merci PM de vous intéresser à la chose.

Le professeur masqué a dit…

M. Saint-Pierre: des détails sur la Nouvelle-Zélande? On dirait que le Québec vit dans une bulle dans rien valider des solutions qu'il met de l'avant. J'essaie de faire la génèse des CS et je ne réussis pas à trpuver quelque étude que ce soit qui montre les retombées positives de cette manoeuvre.

«Au-delà de certaines limites les effets du changement deviennent contre-productifs.» Tout à fait vrai. Je l'ai vécu avec les fusions des CS, la réforme, le bulletin à trois étapes. La machine prend un temps fou et des ressources incroyables pour digérer et gérer ces changements. Écoles et CS inclusivement.

À l'origine, c'était le CE qui gérait les écoles, le directeur étant un «employé» relevant des parents.

Marc St-Pierre a dit…

En 1989, la Nouvelle-Zélande a fait dispraître la structure centralisée qui gérait son système scolaire, le Département de l'Éducation,pour remettre le contrôle du système aux écoles devenues autonomes. Ces écoles étaient gérées par des conseils élus.On a également revu le financement de ces écoles et on a mis en place un sustème d'inoutabilité et de reddition de compte. On a donné aux écoles le pouvoir d'engager les enseignants, de prendre des décisions importantes au plan pédagogique, etc. Dans un deuxième temps, on a fait sauter la notion de carte scolaire pour instaurer le principe du libre choix de l'école par les parents, créant ainsi les conditions de mise en place d'un "marché de l'éducation".

L'expérience n'a pas été que négative. Possiblement que le système néo-zélandais, fortement centralisé à l'origine, avait besoin d'une cure de décentralisation. Toutefois, on a dû revenir en arrière en recréant un meilleur équilibre entre la structure centrale et les structures locales en plus de revoir la question du choix de l'école. En effet, l'ensemble des facteurs a contribué à stratifier le système et à créer des écarts majeurs entre les écoles favorisées et défavorisées. Pour ce qui concerne le libre-choix des parents, on a aussi déchanté: si au départ, certains parents ont effectivement pu choisir l'école de leur enfant, le jeu de l'offre et de la demande a finalement fait en sorte que ce sont finalement certaines écoles qui ont bénéficié du "privilège" de choisir leurs parents. On a même observé, dans ce contexte, que de plus en plus de contrats d'embauche de directionsd'écoles contenaient des clauses relatives au capacité du directeur de "mettre en marché" son école, de trevailler au niveau des relations publiques.

Côté RH, bien évidemment, les meilleurs profs, ceux qui possédaient le meilleur pouvoir de négotiation, ont naturellement choisi des postes dans les "meilleures" écoles.

Vous pouvez en apprendre beaucoup sur cette expérience en consultant cet ouvrage:

http://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=iDIb3Ci8IU4C&oi=fnd&pg=PR13&dq=when+schools+compete&ots=bsEMAYX5Zn&sig=_9anR0xodHHEn0JEo7QRsMD31Zc#v=onepage&q&f=false

gillac a dit…

La première phrase de votre texte dit tout. Dès qu'on creuse le moindrement les solutions apportées par Legault, on découvre un simplisme navrant. Son programme est un ensemble de mesures populistes assorties de solutions insipides: congédier les profs incompétents, augmenter la charge de travail des docteurs, abolir les agences de santé et les cs,etc. Si on lui demande sur quelle base les profs seront évalués, là on rentre dans le flou-mou. Si on lui demande qui va décider de fermer une école dans un territoire, les réponses deviennent évasives. Si on lui demande d'où il tient que le budget d'Hydro-Québec est de 23% trop élevé, il répond que d'autres lui ont déjà dit ça. On n'est pas sorti de l'auberge!

Anonyme a dit…

La clause nonobstant ne peut pas s'appliquer à l'abolition des commissions scolaires. L'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés (« la clause nonobstant » ) ne permet de surseoir qu'aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte. Pas à l'article 23.

Le professeur masqué a dit…

Anonyme: donc, on doit conserver une forme de représentants élus.