08 décembre 2011

Payer pour de la récupération?

Le Journal de Montréal y va ce matin d'un texte qui met à mal les enseignants sans vérifier complètement les informations qu'il publie. Décevant.

Ainsi, un enseignant de Laval aurait demandé 30$ à deux élèves pour une période de récupération en vue d'un examen. Le parent, qui a porté plainte, déclare:

«Je n'en reviens tout simplement pas. Je suis désabusé. Je paie tous les jours des taxes pour financer le salaire de cet enseignant-là, et il faudrait que je le paie une deuxième fois tout simplement pour qu'il fasse son travail? C'est inacceptable. [...] Je lui ai donc donné 30$ le matin du 10 novembre en vue de cette période de récupération, qui s'est déroulée le matin pendant les heures de cours. Mais j'étais sceptique. [...] Je suis convaincu que ça existe ailleurs et que le cas de mon fils n'est pas unique. C'est choquant. Je n'ai pas à payer 30$ pour que mon fils réussisse. Ça relève de la tâche de l'enseignant, dont je paie déjà le salaire avec mes taxes!»

Personne ne semble avoir vérifié la version de l'enseignant. Nulle part dans ce texte, on indique qu'on a cherché à obtenir son point de vue. Ce n'est pas compliqué: depuis quelque temps, le Journal de Montréal semble publier des articles sur l'éducation sans faire un véritable travail journalistique. Un parent se plaint et hop! on publie!

D'ailleurs, attardons-nous à la déclaration de ce parent. 


«Je n'en reviens tout simplement pas. Je suis désabusé. Je paie tous les jours des taxes pour financer le salaire de cet enseignant-là, et il faudrait que je le paie une deuxième fois tout simplement pour qu'il fasse son travail? C'est inacceptable. [...»

Qui a vérifié si l'enseignant n'avait pas déjà accompli toutes les heures prévues à sa tâche? Qui a vérifié s'il ne demandait pas 30$ parce qu'il offrait ce service en plus de ses heures régulières de travail? Cet enseignant a parfaitement le droit de demander à être rémunéré pour le travail supplémentaire qu'il effectue.

«Je lui ai donc donné 30$ le matin du 10 novembre en vue de cette période de récupération, qui s'est déroulée le matin pendant les heures de cours. Mais j'étais sceptique.» 

Honnêtement, ici, la version du parent soulève des interrogations. Entre autres, comment peut-on offrir une période de récupération PENDANT les heures de cours? Si l'enseignant a demandé à être payé pour un service qu'il a offert pendant le temps prévu à son horaire, c'est évidemment condamnable. Par contre, si l'enseignant l'a fait en dehors des heures de sa prestations de travail, où est le problème? Cette affirmation n'est pas claire et aurait demandé à être validée avant publication.


«Je suis convaincu que ça existe ailleurs et que le cas de mon fils n'est pas unique. C'est choquant. Je n'ai pas à payer 30$ pour que mon fils réussisse. Ça relève de la tâche de l'enseignant, dont je paie déjà le salaire avec mes taxes!»

Voilà une affirmation sans fondement. Sur quoi se base ce parent pour affirmer que «ça existe ailleurs»? Comment un journaliste peut-il publier une accusation aussi grossière sans aucune vérification? De plus, si l'enseignant a effectué toutes les heures prévues à sa tâche, pourquoi n'aurait-il pas le droit de demander un supplément? Ce n'est pas parce qu'un parent paie des taxes que l'enseignant est obligé de tout faire - sans salaire - pour que son enfant réussisse. Il y a des limites à une prestation de travail! L'intervention de ce parent semble fondée sur une prémisse: l'école  a l'obligation de faire réussir mon enfant. Point à la ligne. Peu importe si l'enseignant a déjà effectué le travail pour lequel il est payé.


Un point cependant que je me dois de préciser: tout enseignant qui offre des services contre rémunération à des élèves devrait toujours en informer sa direction et demander son autorisation écrite si cela se fait à l'école même. J'ai toujours refusé d'offrir un service de ce genre, malgré de nombreuses demandes. Deux raisons motivent ce choix: parce que ça permet d'éviter les zones grises dans mon métier d'enseignant (comme le montre cette histoire) et parce que ça ne paie tout simplement pas assez. Trente dollars de l'heure est un tarif ridicule quand on sait ce qu'exigent certaines entreprises d'aide aux devoirs.

Comme un cave, je ne compte donc pas mon temps et je me (attention au mot) dévoue. Le système d'éducation du Québec compte d'ailleurs sur la bêtise de ses enseignants à ce propos. Alors, si un prof demande à être payé pour un service qu'il offre en dehors de ses heures normales de travail, je lui dis bravo. 



8 commentaires:

Anonyme a dit…

Je le fais, mais pas avec mes propres élèves, idéalement même pas dans la même école pour éviter les conflits d'intérêt.

À 30$/h, c'est ce qui me reste dans les poches, clair, net! Ça vaut un 50$/h déclaré!

Jacques Tondreau a dit…

Professeur masqué

Je crois que vous vous évertuez à trouver une logique dans les déclarations du parent ou un quelconque raisonnement plausible à l'article du JdM. Je pense que c'est peine perdue. Le journalisme au JdM n'existe plus. Avec ce quotidien, on est bombardé par un "junk food" médiatique qui rend l'esprit malade. Je vous le dit, un véritable poisson pour les neurones. Je déconseille fortement de lire ce journal sous peine de tomber malade de sens.

Au plaisir

Anonyme a dit…

Voilà encore une autre bonne raison de ne pas lire ce "journal" qui semble s'éloigner de plus en plus du journalisme...... Le plus déprimant, c'est bien des gens croient que c'est "ça" du journalisme.

Marc St-Pierre a dit…

Moi, le JDM, je ne leur fais même plus confiance quand ils donnent le pointage final du dernier match des Canadiens.

bobbiwatson a dit…

Pourquoi le travail au noir n'existerait-il pas pour les profs?
Eux aussi ils ont le droit de monnayer leur expertise ..... il faut juste qu'ils ne le fassent pas pendant leurs périodes libres à l'école. Un décorum s'impose.

Le professeur masqué a dit…

Anonyme: sage décision. Imaginez maintenant combien vous auriez de plus dans vos poches si vous pouviez facturer toues vos heures sup...

M. Tondreau et feanorfire: il faut toujours connaitre le discours des gens qui disent n'importe quoi, surtout quand il s'agit de notre boulot. Ce qui est triste est qu'il n'y aura pas de suivi à cette affaire.

M. St-Pierre: surtout s'ils annoncent une victoire 2 minutes avant la fin de la troisième...

Bobbi: théoriquement, le travail au noir, c'est mal.

imaginezautrechose a dit…

Le problème, ce n'est pas le Journal de Montréal. Le problème, c'est le parent qui se déresponsabilise de la réussite de son enfant et qui va trouver le JdM pour leur offrir une nouvelle qui fait sensation. Vouloir faire sensation, être la pauvre victime du système en avançant toujours le même pauvre argument démagogique de "je paie le salaire de ce prof-là avec mes taxes", c'est ça qui est n'importe quoi. Et ce n'importe quoi là est imprégné dans l'esprit des gens. C'est pathétique.

La mère qui s'pense meilleure que les autres a dit…

"Je n'ai pas à payer 30$ pour que mon fils réussisse. Ça relève de la tâche de l'enseignant, dont je paie déjà le salaire avec mes taxes!"

Eh bien... Les parents n'ont donc rien à voir dans la réussite de leurs enfants, si je suis bien?

Si fiston est pogné pour faire de la récupération, papa aurait peut-être quelques questions à se poser. Si papa s'occupait de faire "récupérer" fiston, peut-être que ça aiderait.