On ne pourra pas m'accuser de faire dans la dentelle. Je viens de lire un texte publié dans Le Devoir sur le fait que le MELS oblige maintenant la parution de trois bulletins à date fixe (sujet déjà couvert ici et ici).
Alors qu'un représentant syndical des enseignants affirme que cette façon de faire pénalise les étudiants qui font une demande d'admission au cégep, une sympathique directrice des communications du service régional d'admission du Montréal métropolitain (SRAM), pour sa part, déclare qu'un élève qui soumet deux bulletins n'a pas plus de chances d'être admis que celui qui n'en soumet qu'un seul.
Et Le Devoir de nous asséner une série de chiffres très rassurants:
80 % des candidats ont été admis au 1er tour;
95 % des candidats ont été admis au terme des trois tours;
90 % des candidats ont été admis au programme de leur choix;
94 % ont été admis au cégep de leur choix.
Ce qu'on oublie de préciser, par exemple, c'est que les 80% des candidats admis au premier tour ne l'ont pas nécessairement été dans le programme de leur choix, mais plutôt dans celui qu'ils ont retenu (ou qu'on leur a dit de retenir) et où ils savaient qu'ils avaient le plus de chances d'être acceptés. La nuance est de taille.
Dans le bureau de l'orienteur de mon école, la scène est fréquente: «Ton bulletin est trop faible pour être policier, mon ti-pit. Choisis autre chose ou arrange-toi pour entrer au cégep où se donne le programme Techniques policières et essaie de faire un changement après ta première année collégiale.» Pas surprenant qu'on obtienne des scores aussi élevés quand on s'assure a priori que les élèves ne soient pas refusés.
De même, il ne faut pas être dupe: quand on affirme que 95% des candidats ont été admis au terme des trois tours, certains l'ont été finalement dans des programmes d'accueil et d'intégration qui sont, ni plus ni moins, une voie facile pour mettre les pieds au cégep et à condition d'aller chercher les prérequis manquants, comme le cours de français de cinquième secondaire.
Dans les faits, à la boutade, on pourrait affirmer que les seuls élèves refusés sont ceux qui ont été mal encadrés ou qui n'ont pas voulu mettre un terme à leurs rêves et ont présenté une demande d'admission totalement illusoire.
Quant
à moi, après 15 ans d'expérience sur le terrain et au-delà des belles
statistiques du SRAM, il est
inacceptable qu'on met une aussi grande pression sur des
enfants de quatrième
secondaire en leur demandant d'être déjà conscients de l'impact de leur
performance scolaire sur un éventuel choix de cégep. Également, il ne fait aucun doute que d'interdire à des
jeunes de cinquième secondaire de produire les notes d'un deuxième
bulletin nuit à leur possibilité d'être admis dans un programme qui
répond véritablement à leur choix. De plus, je considère malhonnête
qu'on mette sur le met pied les résultats d'une année complète de
quatrième secondaire et ceux d'un seul bulletin de cinquième. Enfin, il est
pédagogiquement inadmissible qu'on enlève tout espoir à l'élève qui
aurait connu des difficultés personnelles ou scolaires de se reprendre
après l'émission du premier bulletin de cinquième secondaire.
Pour Geneviève Lapointe, directrice des communications au SRAM:« Un élève qui est fort en 4e
secondaire devrait le rester en 5e secondaire aussi.» Alors, si la situation est aussi évidente, pourquoi envoyer des notes de cinquième secondaire si tout est déjà joué? En pensant de la sorte, on nie tout progrès potentiel de l'élève mais aussi tout le travail des élèves et des enseignants de cinquième.
Un bureaucrate jonglant avec des statistiques peut accepter cette façon de faire. Pas un pédagogue travaillant avec des jeunes.
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Autre son de cloche dans Le Soleil où le portrait est moins idyllique.
L'Association québécoise des professeurs de français (AQPF) s'inquiète de cette mesure: «Ce n'est pas une bonne façon de contrer le décrochage. Les élèves en
difficulté vont se dire que de toute façon, c'est foutu. C'est comme si
on leur disait que le reste de l'année ne compte pas. Ce sont des notes
qui ne reflètent pas la réelle compétence de l'élève.»
À la commission scolaire des Premières-Seigneuries, le porte-parole
Jean-François Parent explique que l'envoi d'un deuxième bulletin aux
cégeps permettait à des jeunes «d'être favorisés». «Règle générale, le
deuxième bulletin est plus fort que le premier», indique-t-il.
Même le pendant québécois du SRAM, le SRACQ trouve à y redire. Marc Viens, directeur du Service régional d'admission au
collégial de Québec, reconnaît que, dans un scénario idéal, les notes remises aux
cégeps devraient être compilées «le plus près possible» du 1er mars, de
façon à mieux refléter le parcours de l'élève. Mais il souligne que
cette nouvelle règle représente un «problème» seulement pour les élèves
qui veulent être admis dans les programmes contingentés, un groupe qui
représente 11 % des demandes d'admission.
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Au fait, s'il y a seulement 11% des demandes qui sont effectuées dans des programmes contingentés, comme le souligne M. Viens, on n'a pas à s'étonner du haut taux d'admission des jeunes au premier tour... et c'est pourtant dans ces programmes qu'on devrait avoir la meilleure évaluation des candidats.
De plus, il faut se rappeler qu'au premier tour, les finissants indiquant trois choix, je crois. Wow... Un autre fait qui explique qu'ils sont admis des celui-ci. Il n'y a rien là de glorieux.
11 commentaires:
Pathétique, je me répète mais c'est exactement ça. Vive les beaux discours sur la motivation scolaire, sur le décrochage et sur le sens de l'effort.
Je trouve incroyable que le ministère de l'éducation laisse passer des abérrations comme celle là. Il faudrait réveiller les gens dans la grande tour d'ivoire pour qu'ils reviennent à la réalité et arrête de vivre dans un monde théorique.
Votre dernière phrase dit tout.
Nous sommes là pour les élèves.
Pas eux.
Peut-être que cette nouvelle façon de procéder permettra-t-elle d'écrémer la clientèle et d'avoir ainsi moins de bois morts au cégep? Il ne faut pas que les élèves attendent en 5e secondaire pour se grouiller: c'est important avant aussi.
Au primaire, les examens pour accéder à l'école privée au secondaire ne se font-ils pas au début de la 6e année, avant même les premiers bulletins?
Anonymes 1 et 2: ça dort au gaz ou ça se fait endormir... Le texte du devoir me sidère.
Anonyme 3: aucune écrémation. Les cégeps ont un nombre de places précis à remplir. Ils vont prendre les meilleurs des moins pires. On ne s'en sort pas.
Cessez de prêcher pour votre ancienne paroisse PM. Contentez-vous maintenant d'amener vos élèves à être prêts à toute éventualité lors de leurs demandes d'admission au cégep.
Anonyme: êtes-vous en train de me donner un ordre, vous là? Je n'ai pas le droit de critiquer des décisions que j'estime contraire à une logique pédagogique? C'est quoi ça!
Pour votre gouverne, je n'enseigne plus en cinquième justement à cause de ce genre de bêtises ministérielles.
Et sur quels arguments basez-vous votre intervention?
Mais quel génie que ce Marc Viens, 11% c'est 11% de trop.
Je ne suis pas certain qu'il a déjà mis les pieds dans une école secondaire pour affirmer des énormités de ce genre!
Moi, j'ai parlé, cette semaine, à mon jeune qui est en 5e secondaire dans une «bonne» école de Montréal. La pression a été mise par les profs pour cette première étape. Ils étaient déjà à double régime dès la première semaine. Prédiction de mon garçon: après, l'année est pratiquement terminée et la motivation au travail va être très basse(même pour ces classes de doués).
Jo
L'analyse de prof masqué rejoint très bien mon opinion et je suis témoin au quotidien de l'impact négatif crée par cette mesure du MELS. L'élève doit avoir deux résultats avant de présenter sa demade au SRAM. C'est évident, simple et juste! J'ai contacté mon député pour le rencontrer et lui demander d'agir pour corriger cette erreur du MELS. Des dizaines d'enseignants ainsi que plusieurs intervenants en milieu scolaire, dont des directeurs d'écoles, sont d'accord avec cette analyse. Bravo prof masqué pour votre sens critique et votre attention aux besoins des élèves. Si chacun de ceux qui sont d'accord avec nous essayait de rencontrer son député, peut-être que l'erreur pourait être corrigée dès cette année.
Je ne peux rester indifférent face à cette erreur qui affectera les élèves profondément.
J'amène l'hypothèse que si le SRAM adaptait la date de tombée au 15 mars plutôt qu'au 1er mars, cette problématique n'aurait pas lieu. Est-ce une inflexibilité idéologique ou technique de la part du SRAM qui les empêchent de s'adapter à cette nouvelle réalité administative?
Anonyme: trop simple comme solution... puis les pauvres petits du SRAM devraient travailler plus fort.
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