J’ai
longtemps admiré le travail de Lysiane Gagnon.
Puis, avec le temps, ses analyses m’ont désenchanté par leur manque de rigueur
ou de connaissance du quotidien. Ma dernière déception en lice a trait à sa prise de position contre l’interdiction du port de symboles religieux
ostentatoires chez les enseignants lundi dernier.
Pour madame Gagnon, le pouvoir d’un
enseignant sur un élève serait moindre
que les professions chez qui la commission Bouchard-Taylor souhaitait voir
afficher une neutralité certaine, soit les juges, les policiers et les
procureurs de la Couronne. Également, l’enseignant n’incarnerait pas l’État et ne
serait plus aujourd’hui une figure d’autorité. Enfin, il existerait davantage
de recours possible contre des comportements arbitraires d’un enseignant que
pour un juge, par exemple.
Pourtant, Mme Gagnon sait-elle que,
légalement, un enseignant est en quelque sorte le dépositaire de l’autorité
parentale des enfants qui lui sont confiés ? Qu’un enseignant peut
procéder à des actions s’apparentant à celles exercées par des policiers, par
exemple à des fouilles dans le cas de ventes de drogue ?
Soutenir qu’il est inutile d’exiger des
enseignants qu’ils affichent une image neutre parce qu’ils ne sont plus aujourd’hui
des figures d’autorité vient simplement amplifier ce phénomène qu’elle dénonce
pourtant fréquemment.
Par ailleurs, Mme Gagnon se questionne à
savoir quelle influence pourrait avoir le port de signes ostentatoires sur les
jeunes? Dans son analyse, elle semble manifestement ignorer que, dans de
nombreuses études, on identifie la relation maitre/élève comme un facteur
déterminant dans la réussite scolaire des jeunes. Je ne dis pas que le fait
qu’un enseignant porte une kippa fera décrocher des jeunes, loin de là.
Simplement, je comprends mal qu’une spécialiste de l’éducation ne sache pas ce
fait ou ne le mentionne même pas.
De plus, cette chroniqueuse écrit : «Dans ce foisonnement d'influences diverses,
que pèse la présence d'un enseignant dévot, sur la dizaine d'enseignants
auxquels un élève aura affaire chaque année?» Encore une fois, Mme Gagnon
semble oublier des réalités toutes simples. Ainsi, au primaire, chaque année,
les enfants n’ont de contacts directs qu’avec un enseignant tuteur et parfois deux
ou trois spécialistes.
À la question maintenant de l’influence des
signes ostentatoires sur les jeunes, si elle est si inoffensive, pourquoi
certaines communautés refusent-elles systématiquement que leurs enfants soient
en contact avec des individus n’affichant pas leurs valeurs ?
Concernant sa référence à l’ouverture
préconisée par le cours d’Éthique et culture
religieuse pour justifier le port des symboles religieux ostentatoires par
des enseignants, Mme Gagnon gagnerait à lire le programme concernant celui-ci.
Ainsi, on peut y lire que l’enseignant donnant ce cours doit manifester un
devoir de réserve dans l’exercice de sa profession. Ainsi, on indique que:
- l’enseignant «ne doit pas faire valoir ses croyances ni ses points de vue;
- «il lui faut comprendre l’importance de conserver une distance critique à l’égard de sa propre vision du monde, notamment de ses convictions, de ses valeurs et de ses croyances.t« pas faire valoir ses croyances ni ses points de vue»;
- «pour ne pas influencer les élèves dans l’élaboration de leur point de vue, il s’abstient de donner le sien.»
Je crois qu’il existe des différences importantes
entre des fonctionnaires travaillant dans un bureau au complexe G et des individus
oeuvrant auprès de nos jeunes. Pour cette raison, il y a lieu de s’interroger
sur le port de symboles religieux ostentatoires par ces derniers. Si Mme Gagnon
a su débattre de ce point avec respect, contrairement à bien d’autres
commentateurs depuis quelque temps, il n’en demeure pas moins que sa prise de
position, en tout respect, me semble par moment plutôt faible.
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Dans Le Devoir ce matin, on peut lire cette lettre de Paul Inchauspé, qui voit dans ce projet de charte la continuité du mouvement entrepris pour «compléter la laïcisation du curriculum» de l'école québécoise.
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Dans Le Devoir ce matin, on peut lire cette lettre de Paul Inchauspé, qui voit dans ce projet de charte la continuité du mouvement entrepris pour «compléter la laïcisation du curriculum» de l'école québécoise.
2 commentaires:
Curieux, selon madame Gagnon, l'école doit laisser la liberté aux profs d'afficher leur religion parce que ce sont des figures autoritaires sans pouvoir dans un système laxiste! Et que l'impact est donc insignifiant. C'est navrant de voir qu'on accepte une fatalité inquiétante et qu'on s'en sert en plus pour faire un raisonnement étrange.
Les profs n'incarnent pas la neutralité de l'État comme les juges et les policiers, mais une certaine transmission des valeurs culturelles d'ici. C'est différent, mais aussi important. Mais évidemment, c'est moins simple de définir ce que l'enseignant doit incarner comme valeurs de nos jours...
On aime bien nous donner la figure autoritaire responsable quand ça tourne mal, mais on laisse tout le monde nous enlever ce nécessaire pouvoir( direction, parent, etc.) pour le reste. Mais jamais personne ne se rend compte que la personne qui est responsable de 30 enfants, de leur sécurité et de leur éducation ne peut mener à bien cette tâche que si on lui en donne la crédibilité et qu'on appuie cette position. Par moment, ce paradoxe est inquiétant en situation d'exercice de l'autorité en classe.
Enfin, je trouve étrange le lien fait par Madame Gagnon entre la «liberté académique» au post-secondaire et le port de signe religieux ostentatoires. Il me semblait qu'on limitait un liberté individuelle. Sinon, il faut croire que d'afficher sa religion au post-secondaire est académique!!?? Mais pas au primaire ni au secondaire!!??
Jonathan: pour ma part, on dirait que Mme Gagnon a une opinion et qu'ensuite elle cherche des arguments pour l'appuyer. Je suis poli mais son opinion est décevante.
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