Sur 84 élèves, j'en ai un seul qui a réussi à identifier correctement les sujets, les prédicats et les compléments de phrase dans les lignes ci-dessous.
1- Mes amis racontent des souvenirs de voyage amusants.
2- Dans cette petite maison vivait un sorcier
terrifiant.
3- Hier soir, Paul a été frappé par cette voiture.
Avec la nouvelle grammaire, on ne trouve plus les sujets comme dans le bon vieux temps où la nostalgie était plus belle qu'aujourd'hui.
Contrairement à ce que l’on fait traditionnellement, les questions Qui? ou Qu’est-ce qui? devant le verbe pour trouver le sujet de la phrase ne sont pas employées. Le sujet n’est pas non plus défini comme l’élément qui fait ou qui subit l’action évoquée par le verbe, ni comme ce dont on parle dans la phrase. Ces définitions ne sont pas retenues en nouvelle grammaire puisqu’elles sont trop liées au sens du verbe et de la phrase et qu’elles sont parfois inopérantes.
Puisque la nouvelle grammaire privilégie une approche syntaxique, et non sémantique, on y définit le sujet comme la fonction d’un des deux groupes obligatoires de la phrase, groupe qui présente les caractéristiques syntaxiques suivantes : le groupe en fonction sujet est habituellement placé à gauche du verbe; on ne peut pas supprimer ni déplacer le sujet; on peut le remplacer par les pronoms personnels il(s) ou elle(s); et enfin, on peut l’encadrer par c’est…qui. Pour trouver le sujet de la phrase, on aura donc recours à différentes manipulations syntaxiques qui mettent en évidence ces caractéristiques. 1
Exemples :
Les feuilles de cette tige
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sont toutes sèches.
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Elles
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sont toutes sèches.
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Groupe sujet
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Groupe prédicat
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La pianiste
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a reçu un accueil chaleureux.
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C’est
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la pianiste
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qui
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a reçu un accueil chaleureux.
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Groupe sujet
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Groupe prédicat
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Au départ, trois de ces énoncés posent problème.
1- le groupe en fonction sujet est habituellement placé à gauche du verbe. Habituellement. Mais pas toujours comme dans les cas des phrases interrogatives, par exemple, ou de celle du sorcier...
2- on ne peut pas supprimer ni déplacer le sujet; Oui, si on transforme la phrase en interrogative...
Il mange un steak. ----> Mange-t-il un steak?
3-on y définit le sujet comme la fonction d’un des deux groupes obligatoires de la phrase, Un sujet n'est pas nécessaire dans une phrase impérative.
Ensuite, regardons les deux stratégies suggérées.
1- La pronominalisation (remplacement par un pronom). Je donne la phrase suivante à mes élèves:
«Nous sommes perdus dans la forêt.» Ils pronominalisent et me disent: «''Ils sommes perdus dans la forêt? '' Mais ça ne se dit pas, Monsieur Masqué!» Je souris.
2- L'encadrement. Cette technique a ceci de particulier qu'on doit anticiper quel est le sujet à encadrer et, ensuite, on valide notre hypothèse. Bref, après la pédagogie de la découverte, la pédagogie de la devinette... Quand je leur donne la phrase «Il mange des fruits», les élèves parfois me répondent: «Mais ça ne se dit pas ''C'est il qui mange des fruits.''» Je souris.
Bref, souvent, j'ai l'impression qu'on n'est pas plus avancés qu'à l'époque de la nostalgie. Et je me demande pourquoi tous ces changements quand, sur le terrain, on en est visiblement au même point.
13 commentaires:
Dans la phrase "trois de ces énoncés pose...problème"
Peut-on se demander quel est le sujet du verbe et Le conjuguer en fonction du sujet?
Ah ah mis à part cette coquille, j'adore vous lire prof masqué!
Ah.. les fucking sujets... ça sert à rien.
mes enfants sont au primaire et bon... je déteste la nouvelle grammaire, mais je dois concéder que, à date, les 4 profs que j'ai "connu" l'ont utilisée et ont appris aux enfants à poser les questions d'autant "qui?" et "qui est-ce qui?". Je dois être bien tombée!
Consternant. Pas surprenant qu'après ils gobent la démagogie des politiciens.
Tant qu'à être dans les fautes, « on valide notre hypothèse », aïe !
je valide mon hypothèse, tu valides ton hypothèse, on valide SON hypothèse, nous validons notre hypothèse...
J'aime beaucoup ce que vous écrivez M. Baillargeon. J'en profite pour vous signalez une erreur que vous commettez souvent (nous en commettons tous) :
l'expression « mettre de l'avant » est un non-sens, un « perronisme » (probablement venue de « aller de l'avant » qui, elle, est parfaitement correcte). On « met EN avant » en français. Merci de surveiller...
Au point 2, vous suggérez qu'on peut déplacer un sujet en transformant une phrase en interrogative, en donnant l'exemple « Il mange un steak. > Mange-t-il un steak? » En fait, dans cette phrase, le sujet (il) n'a pas bougé : c'est le verbe (mange) qui s'est déplacé. C'est une évidence pour un linguiste, mais j'imagine effectivement que ce genre de faits ne saute pas nécessairement aux yeux quand personne ne nous a expliqué clairement sur quoi reposent les théories grammaticales plus récentes. ;)
Gabriel Martin: Sans blague!
Pour moi, depuis longtemps, je crois que toute cette batterie de concepts et de procédures est trop abstraite, trop chargée conceptuellement, trop lourde pour la mémorisation. Associer différents concepts d'analyse à des manipulations syntaxiques diverses peut certainement permettre d'apporter les nuances permettant de mieux décrire dans le détail la langue d'une manière satisfaisante pour un expert de la langue, mais un enfant en formation n'a pas les assises intellectuelles pour faire face à tous ces concepts et cette précision dans le détail. Mettons-nous à la place d'un enfant qui doit installer en mémoire les mêmes 5-6 manipulations syntaxiques qui reviennent dans une configuration à chaque fois différentes pour définir les concepts permettant de faire les accords de base.
Le système des questions et des définitions liées au sens tombaient peut-être dans un certain simplisme, mais offrait une possible économie dans l'apprentissage de base des éléments à maitriser pour corriger la plupart des phrases.
On a taxé à une autre époque l'enseignement de la grammaire de n'être qu'un simple étiquetage sans compréhension des processus langagiers, maintenant nous n'arrivons même pas à faire maitriser cet étiquetage qui est le point de départ pourtant de tout le reste...
Enfin, beaucoup de profs mélangent un peu d'ancienne et de nouvelle grammaire. Nous sommes pris dans une grammaire scolaire devenue encore plus complexe qui finalement n'impacte pas l'apprenant.
Belle démonstration, prof. Le sujet disparait, en passant, dans la phrase impérative, qui est, comme on le sait, une phrase transformée par rapport à la phrase de base. D'ailleurs, je ne veux pas en remontrer à un linguiste, mais je sais lire des ouvrages de grammaire: on n'explique pas en grammaire rénovée (soyons de notre temps!) l'écart qui se produit dans la phrase interrogative par le fait que c'est le verbe qui se déplace (ce devait être certainement une blague), mais par le fait qu'il s'agit d'une phrase transformée. On a prétendu que cette grammaire était bien plus logique, je veux bien le concéder, mais elle est loin d'être simple!
En espérant qu'on dépassera cette fatalité dans notre milieu...
Ce qui alimente ma réflexion ces dernières années, c'est la pertinence de l'analyse grammatical au primaire.
Faut-il vraiment nécessairement être capable de nommer et d'identifier un sujet ou un prédicat pour les utiliser correctement?
Faut-il absolument être capable de nommer toutes les pièces d'un vélo pour pouvoir s'en servir correctement?
Et si la langue était plutôt quelque chose d'instinctif qui s'acquiert à force d'y être exposé et à force de l'utiliser?
Je réfléchis à voix haute, là...
Si un individu est incapable d'identifier un sujet dans une phrase, comment peut-il en comprendre le sens? Un jeune n'a pas besoin de connaitre toutes les pièces d'un vélo pour l'utiliser correctement. Mais s'il ne sait pas ce que sont un pédalier et un guidon, je suis prêt à parier qu'il n'ira pas loin.
Prof solitaire,
Sans entrer dans les détails, il apparait d'un point de vue fonctionnel nécessaire de faire faire les accords sujet-verbe et donc d'enseigner un sens minimal de ces deux composantes indispensables de la phrase.
Alors conséquemment, il semble bien qu'il faille enseigner à localiser minimalement les verbes et leur sujet et évidemment la conjugaison des verbes.
Si l'on n'enseigne pas cela, les jeunes vont mettre des «nt» n'importe où, par exemple, comme on voit parfois. Évidemment, ce n'est pas trop logique de pédaler en appuyant sur le guidon d'un vélo et, à part un idiot, la plupart des enfants par observation vont mettre les pieds là où il faut. La phrase n'est pas un concept aussi simple que celui du vélo, elle est davantage une structure, ou un moule susceptible de s'habiller ou de se remplir d'éléments très disparates.
Bref, il faut faire voir les formes de cette structure, c'est ce qu'on appelle l'analyse. Nommer est un premier pas. Faire voir par la conjugaison le lien entre le sujet pronom et la terminaison qu'on appelle «accord», dans ma nouvelle grammaire à moi je l'appellerai «ajustement»: on ajuste le verbe au pronom ou au groupe de mots qu'un pronom pourrait remplacer (= sujets: forme à connaitre).
Le sujet d'un verbe est généralement devant, mais il y a toute sorte de complications dans notre fichue langue. Il peut s'insérer des compléments entre le sujet et le verbe, entre autres. Le sujet peut se cacher et il faut être sur nos gardes! D'où l'enseignement de la commode question qui permet de localiser le sujet rapidement et sans faille, la pronominalisation est une autre processus qui permet de valider l'identification du sujet. J'enseignerais les 2!
Évidemment, il faut faire faire des routines explicites de ces démarches de localisations et d'«ajustement» du verbe à un moment qui s'appelle la correction. Diverses démarches de corrections qu'on rencontre dans les milieux scolaires peuvent être écrites sur le brouillon. Sans cet entrainement supervisé et régulièrement pratiqué, on ne devra pas s'étonner que les jeunes qui nous arrivent au secondaire ne sachent pas localiser un sujet de phrase, car ce n'est pas parce qu'un adulte a intégré mentalement la routine qu'un enfant l'acquièrent en un claquement de doigt par l'étincelle ou la magie de l'«Eureka!» On sait que les connexions du cerveau mettent un peu plus de temps à s'établir. Enfin, faire cette routine est épuisante pour un esprit en apprentissage, alors que l'adulte n'a besoin que d'ajuster son attention pour faire par balayage rapide la vérification de ces accords, car il a automatisé le processus pour une grande part.
Bon, il semble que ce ne soit pas seulement ce point d'analyse qui soit au programme du primaire. On s'attend également à certains acquis au plan des accords déterminant-nom-adjectif aussi...
Prof masqué,
Je comprends ce que tu dis au sujet de la compréhension, mais c'est dans le contexte de la phrase complexe ou transformée ou alourdie de diverses expansions. Quand un jeune écrit «L'élève joue avec un ballon», sans savoir ce qu'est le sujet, il doit en saisir le sens.
Prof solitaire,
La langue orale s'acquiert de manière intuitive. Par contre, la forme normative de la langue écrite qui permet de garder une lisibilité partagée de l'écriture, demande un enseignement structuré et un apprentissage. Bon, je rencontre des élèves qui ont une très belles expressions, mais qui écrivent au son. On finit par les lire et les comprendre, mais ce n'est pas une lecture fluide! On ne peut pas dire qu'il maitrise l'aspect formel de la langue... J'ai toujours cru que l'école enseigne l'écriture et sa forme.
Mais quand je réfléchis à haute voix, je me dis souvent que les profs au primaire aiment développer les potentiels des élèves et, malheureusement, certaines connaissances qui apparaissent indispensables à un prof du secondaire manque de vigueur dans les sillons cérébraux des jeunes, très probablement par manque d'exercices.
11/15 de mes élèves avaient besoin d'une table de multiplication en papier pour palier leur méconnaissance des tables l'a dernier en 1re secondaire. Si je ne m'abuse, on apprend les tables de multiplication en 4e année... On devrait y mettre un temps prioritaire.
Les accords de base(S-V; dét-nom-adj.), la connaissance des verbes et de la conjugaison, le classement des mots sont d'une fragilité déconcertante chez les jeunes qui arrivent au secondaire. Ça manque de vigueur clairement.
Mais évidemment, avec un programme qui n'a pas su simplifier et faire partager une systématique de l'enseignement des connaissances et de l'analyse grammaticale, on est là à faire nos petites réflexions ici et là et à enseigner aux petits bonheurs la chance des notions assez difficiles pour un jeune.
A une autre époque, j'ai été exposé de la 4e année à la 5e secondaire à un même modèle d'analyse grammaticale et ensuite logique (au secondaire). Il y avait une certaine uniformité et je crois que c'est ce qui manque de nos jours...
« malheureusement, certaines connaissances qui apparaissent indispensables à un prof du secondaire manque de vigueur dans les sillons cérébraux des jeunes, très probablement par manque d'exercices.»
Et avec l'abolition de plus en plus répandue des devoirs au primaire..
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