Depuis les
25 ans que j’enseigne, j’en ai vu des réformes et des innovations dans le
merveilleux monde scolaire québécois: le Renouveau pédagogique, les tableaux
blancs interactifs, le Lab-école… Mais il en existe une que j’espère vivre
d’ici ma retraite : celle où un ministre de l’Éducation comprendra que, si
l’on veut que les élèves écrivent et parlent mieux, ils doivent avoir avec eux et
en tout temps une grammaire française imprimée ou un équivalent numérique.
Actuellement,
par rapport à cette question, la situation est désolante. Dans bien des écoles publiques,
au secondaire, on retrouve souvent à peine une dizaine de grammaires par classe
de français. Impossible d’en avoir une pour chaque élève. Impossible pour lui de
l’apporter à la maison. Quand un jeune veut en consulter une lors d’un examen,
il doit attendre son tour et l’emprunter à un voisin de pupitre.
Comment
veut-on qu’un élève utilise fréquemment cet outil dans de telles conditions?
Qui plus est, comment veut-on qu’il connaisse correctement sa grammaire si on
ne lui en fournit pas une en permanence et s’il ne peut pas l’avoir avec lui pour
ses travaux et ses devoirs?
Des incohérences
La Loi sur
l’instruction publique interdit que les écoles publiques obligent les parents à
acheter une grammaire pour leur enfant. Par contre, ces mêmes parents peuvent
être légalement contraints de payer un uniforme s’ils veulent respecter les
demandes de l’école où est inscrite leur progéniture. Ils devront même débourser
des centaines de dollars chaque année pour les envoyer dans des programmes particuliers
(PEI, sport-étude, etc.) où il sera toutefois impossible de leur demander d’acheter
une simple grammaire. Comprenne qui pourra.
En
mathématiques, les écoles sont obligées de fournir aux élèves inscrits à certains
cours de quatrième et de cinquième secondaire une calculatrice graphique valant
plus de 100$ pour toute l’année scolaire. En arts, en éducation physique, en
sciences, on s’assure que tous les jeunes aient le matériel dont ils auront de
besoin. Mais en français, il semble trop difficile ou couteux de leur donner les
outils nécessaires à leur réussite.
Oui, il
arrive parfois qu’à la suggestion d’un enseignant, un parent finisse par doter
son enfant d’une grammaire. Il faut
savoir cependant que j’ai été davantage témoin de cette situation quand on
parlait de familles économiquement favorisées. Encore une fois, la réussite
scolaire est à deux vitesses : ceux qui en ont les moyens et les
«laissés-pour-compte». Pourtant, n’est-ce pas l’un des mandats de l’école
publique québécoise de veiller à l’égalité des chances?
Une règlementation qui limite la réussite
L’achat
d’une grammaire par élève est un choix budgétaire qui relève des écoles, m’a-t-on
déjà dit. Or, la réalité est bien plus complexe. Devant le cout important qu’engendrerait
l’idée que chaque élève ait une grammaire, certaines écoles ont fait preuve d’initiative
et ont créé des ouvrages «maison», souvent un recueil de règles imprimé à
faible cout. On en distribue un à chaque élève qui peut ainsi consulter cet
outil de la première à la cinquième secondaire, à la maison comme à l’école.
Mais
voilà : un tel recueil n’est pas autorisé par le ministère de l’Éducation
à l’examen de français écrit de cinquième secondaire. Non : il faut
absolument que les élèves aient dans leurs mains une grammaire publiée par un
maison d’édition (voir page 9). Rien d’autre. Si on comprend qu’on veuille éviter que
certaines écoles fournissent à leurs élèves des outils trop «aidants»
(comprenant des formules de rédaction toutes faites, par exemple), je
m’explique mal pourquoi on n’autoriserait pas, après vérification, tous les
recueils conçus de façon appropriée.
Qu’en
couterait-il pour vérifier ces recueils ou même en créer un valide à la
grandeur d’une commission scolaire, par exemple? Quand acceptera-t-on enfin,
devant les échecs répétés de notre système d’éducation, d’avoir un peu
d’imagination et de faire autrement? Cyniquement, on peut se questionner à
savoir si le ministère de l’Éducation préfère encourager les maisons d’édition ou
la réussite scolaire. Pour ma part, j’en suis à me demander si je n’allais pas
créer une grammaire à faible cout et la publier à titre d’auteur pour ensuite la
distribuer gratuitement à tous mes élèves. Ce procédé serait parfaitement
conforme avec les règles actuellement en vigueur et montrerait toute
l’absurdité de la situation que nous vivons depuis des décennies. Si jamais le trio Ricardo, Thibault et Lavoie veulent m'appuyer dans cette idée, ils sont les bienvenus!
1 commentaire:
N'oublions pas qu'on pense avec des mots dans sa tête....C'est à partir de mots qu'on articule des idées....Sans les connaitre adéquatement, on " pense tout croche"....Ce qui semble être souvent le cas... Me semble t'il...
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