20 janvier 2007

À bas l'ancienneté?

Pour une fois, j’avais envie de parler un peu de moi et surtout de mes élèves, vaillants et travaillants, qui viennent de terminer une dure semaine consacrée à la hantise des jeunes : celles des exposés oraux ! Mais voilà, ma lecture des journaux du matin m'a fait avaler mon café de travers.

En effet, la CSDM annonce son intention de remettre en cause le principe de l'ancienneté dans l'attribution de certaines tâches des enseignants. Motif invoqué: le bien-être des enfants devant un mouvement de personnel parfois aberrant.

Désolé, mais commençons en affirmant que la CSDM n'a pas trop de leçon à donner quant à sa façon de se préoccuper du bien-être de ses élèves. Allez scruter comment on augmente le salaire des hauts dirigeants de cette CS, comment on dépense en frais de représentation et en déplacement... Il en y a du fric qui ne descend pas dans les classes, croyez-moi! Et la situation est similaire dans bien des commissions scolaires du Québec.

De plus, une partie du problème soulevé par la CSDM est directement imputable à sa gestion déficiente. En effet, les mouvements de personnel enseignant sont souvent occasionnés par une mauvaise évaluation des effectifs scolaires. Qu'on m'explique comment on peut mal évaluer le nombre d'élèves d'une école quand, au Québec, terre d'exception culturelle en Amérique du Nord, la majeure partie des déménagements ont lieu en juillet? Dans la même veine, pourquoi également attendre à la fin octobre pour procéder au recensement officiel du nombre d'élèves par école?

Même la présidente de la CSDM, Diane De Courcy, admet les insuffisances de son organisation dans un texte publié dans La Presse: «La commission scolaire reconnaît qu'elle devra faire son bout de chemin, notamment en permettant un décompte des élèves plus tôt qu'à la fin de septembre. (…) On doit raffiner nos outils, c'est vrai, mais les parents aussi devront être sensibilisés à l'importance de faire le choix de l'école au bon moment et de nous informer des déménagements prévus.» On peut lire dans un autre article publié dans Le Devoir que la présidente avoue que, pour y parvenir, la commission scolaire devrait effectuer des prévisions de clientèle plus justes et rappeler aux parents l'importance de l'aviser lorsqu’ils déménagent. En se basant sur ces faits, il me semble que la logique veut qu'on règle les problèmes dans sa cour avant d'embêter les voisins.

En fait, à long terme, ce que la CSDM veut obtenir, c'est ce qu'on appelle le droit de gérance dans l'attribution des postes des enseignants. C'est-à-dire que ce serait le directeur d'une école décide qui il place à tel et tel poste. «Hourra!», s'exclameront les antisyndicaux qui aiment casser du sucre sur le dos des enseignants. Voici cependant quelques pistes de réflexion pour les amener à voir la chose sous un autre angle.

Sur quels critères objectifs sera déterminée l'attribution des postes? Dans une école que je ne peux nommer, la blondeur des cheveux et la taille de la poitrine semblaient deux critères importants pour un directeur quand venait le temps d'accorder des postes de remplacement. On risque de nager en plein arbitraire, de verser dans la discrimination ou le sexisme sans critère objectif et neutre. Attention: je ne dis pas que l'ancienneté est un critère intelligent, mais, pour paraphraser Churchill, il est peut-être le moins pire.

Ensuite, en donnant un droit de gérance aux directions d'école, on ne réalise pas à quel point on remet à ces dernières le droit d'être des petits tyrans absolus. Je m'explique. Si un enseignant est trop revendicateur ou dénonce une situation nuisible à des élèves, rien n'empêchera une direction de punir ce dernier en lui donnant une tâche abominable l'année suivante. Même avec les contraintes des conventions collectives actuelles, j'ai déjà vu des directions pousser littéralement à la retraite des enseignants compétents, mais trop dérangeants.

Si elle tient tant à s'occuper du bien-être des élèves, pourquoi la CSDM ne tente-t-elle pas plutôt de régler les problèmes importants reliés à la réforme en cours ou encore de cesser de remplir des classes à pleine capacité pour sauver des sous?

Pour en savoir plus:

http://www2.canoe.com/infos/quebeccanada/archives/2007/01/20070119-075925.html

http://www.cyberpresse.ca/article/20070119/CPACTUALITES/701190811/1028

http://www.ledevoir.com/2007/01/19/127950.html

14 commentaires:

Marchello a dit…

Cher professeur Masqué, il y a de ces sujet qui interressent peu de gens. Pourtant l'abus de pouvoir des fonctionnaires en est un qui touchent tout le monde. Moi, ça me révolte de voir des gens qui sont sensés être là pour servir le peuple et qui en profite pour assouvir leur bas instinct de profiteur. Il fut un temps que quand quelqu'un avait la chance d'avoir un poste payé par ses contemporains, il en remerciait le ciel et faisait son travail avec intégrité et reconnaissance.

Le professeur masqué a dit…

M. Marchello,

Je dois vous avouer que j'ai de la difficulté avec votre commentaire. Il se peut que nous ne partagions jamais le même avis sur certains sujets (et se rejoindre sur d'autres - la vie est parfois drôle!), mais en autant que le ton des échanges demeurent poli et respectueux, moi, je suis partant!

Est-ce que tous les fonctionnaires, et partant de là, les enseignants sont des profiteurs? Permettez-moi d'en douter. À ce compte, si l'on parle d'ancienneté, on pourrait émettre des critiques aux syndicats dont les membres oeuvrent dans le secteur privé et qui jouissent du même privilège.

Par ailleurs, je remarque que vous négligez un aspect important du texte que j'ai publié: la CSDM demande des concessions aux enseignants alors qu'elle n'a pas, au préalable, fait son bout de chemin pour régler ce problème. Que pensez-vous de ce mode de gestion? En éducation, les décideurs, dont vous payez le salaire et qui profitent parfois bien plus allégrément du système, sont rarement remis en cause. Dans certains cas, c'est par ignorance du fonctionnement de l'appareil administratif; dans d'autres, c'est tout simplement parce qu'il est plus facile de frapper les gens plus près de soi.

Je ne suis pas un syndicaliste véhément et hargneux. Je suis d'abord et avant tout un enseignant apprécié de ses élèves et fatigué par une gestion en éducation qui manque de sens.

Marchello a dit…

Prof. Masqué, Il y avait erreur dans mon commentaire. En fait quand je dénonce les abus de pouvoir de fonctionnaire, je voulais dire des commissaires. Ce sont aussi des fonctionnaires comme les professeurs mais élu par le peuple et élu pour le servir. J'ai posté mon commentaire trop vite sans le relire.
S.V.P. relisez mon commentaire mais remplacez fonctionnaire par commissaire et je suis sur qu'on sera un peu plus en accord.

le Prof Maudit a dit…

J'ai connu 5 écoles dans mes 6 dernières années à la CSDM. Les directions, autant dans la gestion que dans l'attitude, c'est le jour et la nuit. Pour une direction juste et équitable, il y a deux tyrans ailleurs. C'est déjà assez grossier dans certains cas, faudrait pas leur donner encore plus de longueur de bâton!

Anonyme a dit…

Délicat sujet s'il en est un que le principe de l'ancienneté. Concept qui se voulait juste et intelligent afin de reconnaître l'expertise et l'expérience des travailleurs plus âgés... Quant est-il aujourd'hui? Quant à l'idée lancée par les commissions scolaires, elles n'ont aucune crédibilité pour suggérer une telle proposition puisqu'elles ont un autre objectif, plus pécunier: privilégier ceux qui coûtent moins cher.

Le professeur masqué a dit…

Cher Prof maudit, bonjour et soyez bienvenu dans ce blogue!

Effectivement, il est important de baliser le pouvoir de certaines directions. Si certaines sont compétentes et justes, il en existe quelques-unes qui manquent de professionnalisme, disons, et dont les valeurs morales sont plutôt élastiques, du genre «Je place mes amis et tant pis pour le reste.» Le mot «tyran« convient très bien...

Anonyme a dit…

Prof Masqué, tu as tellement raison et encore, attends de voir apparaître d'autres listes qui ne feront pas référence à l'ancienneté et qui seront acceptés en négo sous peine d'abolir LA liste d'ancienneté actuelle! Tout pour « économiser » à courte vue, bien sûr. Car à long terme, on aura beaucoup perdu.

Concernant le principe d'ancienneté, je crois que l'évaluation régulière du personnel ainsi que des formations encore plus régulières assurent que tous ceux et celles qui sont là sont qualifiées. Que dire des examens, sans droit de reprise, dont les textes élaborés sont évalués on ne sait suivant quels critères? Nous avons ainsi perdu (je viens d'un autre milieu, mais tout semblable) au moins une personne qui était très éprouvée par la maladie grave d'un membre de sa famille et qui a échoué l'examen et a été mise à la porte après 20 ans d'expérience. Il existera toujours des moyens malhonnêtes pour se défaire des employés indésirables ou trop « exigeants ». N'en donnons pas davantage!!!

On multiplie les patrons, donc les jeux de pouvoirs, et on crée des sous-emploi nécessitant - dit-on - moins de formation, pour lesquels tous les critères sont permis et qui diminuent les tâches et le nombre des professionnels formés, évalués, qui coûtent toujours trop cher.

Les dieux de plusieurs : le pouvoir et son assistant, l'argent.

Anonyme a dit…

Et que dire de cet autre cas abusif où une direction a "plié" à la suite d'une demande d'un des cadres d'une commission scolaire, pour qu'un contrat soit accordé à son enfant, enfant qui entrera sur la liste de rappel (ou liste de priorité d'emploi) beaucoup plus vite que bien d'autres qui s'échinent à faire de la suppléance sans contrat ou à contrat très très partiel depuis des années, sans avoir cumulé assez de temps pour entrer sur ladite liste...

Un exemple parmi un trop grand nombre :-(

Dobby a dit…

... le pire... c'est que justement si la CSDM finit finalement par faire comme toutes les autres commissions scolaires environnante et évalue les effectifs nécessaires en août, le problème est majoritairement réglé à 3 ou 4 postes près. Le nombre de jeux de chaises sera minimal.

Si elle arrêtait aussi de bourrer une liste de 6e année à 42 et celle de 5e à 39 pour éviter d'avoir à ouvrir une classe combinée, de peur que 25 élèves ne déménagent pendant l'été (et cette école a eu à la place 2 nouveaux inscrits!!!), on n'aurait pas de situation de changement de profs un peu partout à cause de l'ancienneté à respecter. Une bonne quarantaine de postes n'ont pas été ouverts en juin alors qu'ils auraient dû l'être, ce qui fait que des surplus avec peu d'années de permanence ont été jetés avec la clause du 50 km. Cela a fait en sorte que les suppléants en place en remplacement ont eu accès à des postes menant à la permanence lorsque plus d'une centaine de postes ont finalement été ouverts (plus que le nombre de permanents jetés, vous remarquerez) au lieu d'une soixantaine (si les 40 postes avaient été donnés aux largués). Le jeu de chaises a donc été monumental.

... le pire... c'est que si plusieurs des critiques de l'ancienneté dévoilaient leur vrai emploi, on découvrirait qu'ils occupent eux-même un poste où l'ancienneté joue un rôle dans l'attribution des tâches, et alors là pas touche! C'est bon pour les profs, mais pas pour le camionneur chez Molson, le commis d'épicerie ou les employés de banque.

Le professeur masqué a dit…

Dobby,

je vous lis et je rage... intensément. Merci de ces informations.

Dobby a dit…

Vous ne saviez pas? Il y a eu une trentaine de "surplus" au primaire et 10 au préscolaire mis gallamment à la porte à la fin d'août, donnés généreusement qu'ils ont été aux CS environnantes, à 50 km de leur lieu de domicile, car pas rappelés puisqu'il n'y avait pas de postes.

À la séance de placement du 22 (ou 25 septembre, je ne me rappelle plus), les postes menant à la permanence pleuvaient:une centaine au primaire et un peu plus qu'une vingtaine au préscolaire. En effet, plein de classes avaient été ouvertes en catastrophes, avec en attendant des suppléants (s'ils pouvaient en trouver, sinon c'était le bal des suppléants). Pauvres enfants... Il y en a même qui ont attendu jusqu'en octobre pour enfin avoir une classe ouverte, ils étaient dans des classes surpeuplées.

Cette liste de postes menant à la permanence a draîné le nombre de suppléants, déjà plus ou moins nombreux, et on se retrouve maintenant avec une situation où les suppléants stables (et disponibles à la semaine) sont déjà placées et que la marge de manoeuvre pour les imprévus de l'année est très mince, voire inexistante: les remplacements à long termes qui surviennent se retrouvent sans suppléants,dans une belle ronde de nouvelles têtes d'une journée, d'une semaine à l'autre.

Le professeur masqué a dit…

Et je dois comprenne que, selon la CSDM, le problème est l'ancienneté et non sa façon de gérer son personnel?

Cela me confirme que la conférence de presse de M. de Courcy était bien plus une façon de négocier la prochaine convention collective dans les journaux.

Anonyme a dit…

Je suis très dubidatif face à vos arguments en faveur de l'ancienneté. Il y a les mêmes possibilités d'abus dans le privé. Si un responsable d'équipe engage des blondes à fortes poitrines plutôt que des personnes compétentes, c'est son équipe qui performe moins bien et son superviseur qui sévira. De même, si un directeur fait n'importe quoi, il doit y avoir quelqu'un au dessus de lui qui sévit.


Je ne sais pas comment les directeurs d'école sont évalués dans le publique, peut-être qu'il faut modifier leur évaluation en premier, mais je pense qu'il faudrait prendre en compte d'autre critère et qu l'ancienneté devrait être un élément dans un ensemble permettant de choisir le meilleur enseignant pour une tâche et non pas le seul et unique critère.

Le professeur masqué a dit…

M. Côté,content de vous compter sur ce blogue!

Si vous saviez ce que ça prend pour congédier une directeur...

Pour votre gouverne, selon les conventions collectives, il existe différents critères pour l'obtention de certains postes. Par exemple, pour le programme d'études internationales, le prof doit faire preuve de certaines aptitudes.

Je ne dis pas que l'ancienneté est le meilleur critère. Il en faut un neutre et objectif qui évite l'arbitraire. C'est peut-être le moins pire...

De plus, les directions d'école ont un certain pouvoir quant à l'évaluation des ensiegnants.