Le JdeM publie aujourd'hui deux textes sur l'ordinateur et l'école (ici et ici). J'en ferai la critique parce que trop d'éléments y sont présenté de façon incomplète.
Le blocage des réseaux sociaux à l'école
Ainsi, dans un texte, on attribue le blocage de certains réseaux sociaux au fait que des enseignants ont été piégés à leur insu par des élèves et que des photos ou des vidéos les présentant sous un jour défavorable ont été mis en ligne. Croyant connaitre un peu la pensée de M. Asselin en la matière et dont on rapporte les propos ici, je m'étonne d'un raisonnement si bancal et incomplet de sa part.
Tout d'abord, le filtrage des réseaux sociaux à l'école n'empêche en rien la prise non autorisée de photos en milieu scolaire ou la mise en ligne d'informations péjoratives sur certains enseignants. Ce n'est pas parce que Facebook n'est pas disponible dans une école que cela empêchera un jeune de mettre sur Internet une photo d'un prof le soir chez lui. Il n'y a donc aucun lien entre ces deux éléments. Je trouve regrettable qu'on semble faire porter aux enseignants l'odieux d'une mesure dont ils ne sont en rien responsables et qui n'a tout simplement aucun impact sur la problématique soulevée.
En fait, on oublie un élément essentiel dans ce texte: le filtrage des réseaux sociaux est davantage la conséquence directe de la demande de certains parents ou organismes les représentant. En effet, l'école doit s'assurer de bloquer certains sites dont le caractère éducatif ne semble pas évident à leurs yeux et les réseaux sociaux en font partie, surtout qu'avec Youtube et Facebook, ils permettent l'accès indirect à du contenu offensant ou pornographique. À cet égard, on aurait gagné à pousser un peu plus loin le travail de recherche journalistique et d'analyse plutôt qu'à toujours blâmer les profs pour ce qui ne marche pas.
Les jeunes: tous des virtuoses des NTIC
Dans un autre texte, on écrit: «Alors que les jeunes sont très à l'aise avec les nouvelles technologies, les écoles québécoises et les enseignants, eux, sont très en retard par rapport à leurs élèves.»
Ici, on véhicule encore une fois un lieu commun dangereux. Étant enseignant dans un projet où chaque élève est muni d'un portable, j'avais dans ma classe en début d'année des jeunes sans adresse de courriel personnelle ou qui ne savaient pas attacher un fichier à leur envoi. Très à l'aise? Pas tous.
Ensuite, que signifie «très à l'aise»? Quand je regarde la qualité des recherches que certains élèves font sur Internet, je me dis qu'on est souvent aveuglés par l'éclat de fausses illusions. À quoi sert d'être très à l'aise avec Google si on sait pas lire et comprendre le sens des mots à l'écran?
Les profs: ces incompétents notoires
Là où je suis choqué est la façon dont on décrit les enseignants. On relève au moins à quatre reprises le fait que ceux-ci ne maitrisent pas les NTIC. Or, ce n'est qu'à la toute fin de cet article qu'on apprend le fait suivant: «51,2 % des enseignants du secondaire n'ont pas une «maîtrise suffisante» des nouvelles technologies pour les intégrer dans leur enseignement.» On est loin des affirmations généralisatrices répétées par ce journaliste. De plus, sur quoi s'est-on basé pour parvenir à un tel constat?
C'est comme lorsqu'on écrit que «62,1 % des enseignants avouent n'utiliser qu'une «minorité» des applications de télécommunication des nouvelles technologies, comme la correspondance, les échanges et les forums.» Peut-on mettre ce pourcentage en lien avec les deux faits suivants?
1- 32,8 % des ordinateurs installés dans les écoles secondaires ne sont pas reliés à Internet.
2- 52,7 % des ordinateurs ne sont pas aptes à l'utilisation performante de multimédia.
Comment les enseignants peuvent-ils utiliser les NTIC si on ne leur donne pas les moyens de le faire? C'est «tivident», comme dirait l'autre.
Je ne nierai pas le fait que des collègues aient une maitrise insuffisante de l'ordinateur, mais peut-on dépasser le stade du simple constat et s'interroger sur les raisons expliquant cette situation?
Combien retrouve-t-on d'enseignants par ordinateur au Québec? Alors que leur tâche leur demande souvent de se promener d'un local à l'autre, combien d'enseignants ont accès à un ordinateur portable et un réseau sans fil fiable? Saviez-vous que, dans certaines commissions scolaires, la maintenance de ce réseau se fait durant les heures de classe? Et puis, combien de journées de formation reliée aux NTIC donne-t-on par année à chaque enseignant? Quand je pense au fric et au temps qu'on perd dans des formations bidon, j'en rage.
Dans un tel contexte, a-t-on le droit de demander à tous les enseignants une maitrise suffisante des NTIC alors que le système dans lequel ils évoluent leur démontre le peu de pertinence qu'on leur accorde? On sait qu'un nombre important de décideurs scolaires (commissaires, directeurs, cadres...) ont un accès institutionnel aux nouvelles technologies. Le problème, encore une fois, est que celles-ci ne descendent pas dans nos classes.
La manque de maitrise des NTIC de la part de certains enseignants n'est pas scandaleux. C'est le système qui engendre cette situation qu'on se doit questionner. Et les deux textes du JdeM ne le font malheureusement pas.
8 commentaires:
J'enseigne à l'université depuis 2008 comme professeur régulier et j'ai 48 ans. Or, je constate que la majorité des étudiants sont nettement moins habiles que moi sur l'informatique et je suis loin d'être un crack! Affirmer que les jeunes d'aujourd'hui sont des pros de l'informatique est faux et diffère complètement ce que je vois à l'université et ce à tous les jours!!!!!
Comme je suis en accord avec ce billet!!!
Le problème avec les NTIC à l'école c'est que le réseau est mal géré (comme vous disiez : durant les heures de classe). Dans certaines écoles, on doit prendre un rendez-vous avec le techinicien pour régler des problèmes ou avoir accès à certains sites...
plutôt frustrant lorsque vient le temps de profiter de l'intérêt de nos élèves pour leur enseigner, démontrer ou enrichir une notion!
De plus, impossible d'obtenir une connexion au réseau de l'école pour mon propre portable (ce que je trouve dommage parce que je perds beaucoup de temps à transférer des données entre mon ordinateur et celui de l'école).
Bref, ce n'est pas la fin du monde, mais ces détails se transforment en irritants de taille dans ma pratique au quotidien...
L'intégration des nTIC dans vos écoles est un peu à l'image de votre accès internet à la maison: lente, bancale, limitée, avec peu de personnes qui semblent être choqués par cette situation.
"En 2009,3% des foyers branchés de la RMR de Montréal le sont à la haute vitesse"*
Dans une grande région métropolitaine comme celle de Montréal, le pourcentage devrait être de 100% depuis longtemps déjà.
Avec la régression technologique -d'au moins 10 ans- que j'ai eu l'impression de subir en traversant l'atlantique, je ne suis pas choquée de lire que vos jeunes ne sont pas particulièrement à l'aise avec les Tic.
L'apprentie, frustrée
"Merde, on est en Amérique, quand même!"
*http://blogue.cefrio.qc.ca/2009/12/resultats-de-decembre-netendances-2009/
Je connais l'ordi et ses utilisations, car je progresse depuis ma vingtaine avec cet outil de travail. Pour le reste, je revendique la droit de juger si ces bébelles m'aident dans ma tâche et aussi le temps d'intégrer et d'apprendre à un rythme humain ces nouveaux outils qui inondent particulièrement nos vies depuis une douzaine d'années.
J'ai un peu de mal avec le sous-entendu de tout ceci, à savoir que l'intégration des NTIC et les réseaux sont nécessairement le moyen d'éduquer la jeunesse pour l'avenir. Évidemment, faire des recherches prépare pour les études et est utile dans la vie. Mais bon, il y a des tâches en amont aussi importante comme savoir lire et comprendre les rouages d'un texte et émettre des idées d'une manière ordonnée en respectant le code de la langue.
Les NTIC ne sont pas toujours requis pour ces apprentissages. Mais bon, les vendeurs et pourvoyeurs de fond du JdeM ont certainement une autre vue sur la question. Un enseignant efficace sait tenir hors de son chemin la technologie quand elle nuit et déconcentre et s'en sert pour les nécessité de la tâche à accomplir encore qu'ils doivent tenir compte des outils à sa disposition, des capacités des élèves devant lui et des nécessités de l'enseignement à donner.
Il est évidemment commode pour certains de croire que les machines éduquent d'elle-même notre jeunesse...
Enfin, je suis mal à l'aise de faire développer l'art de ne rien dire que Foglia dans une de ses dernière chronique soulève.La parole et l'expression ont leur utilité, savoir se taire aussi. Je ne vais pas devenir un adepte de Facebook parce que je suis prof. Mon job est de montrer à lire et écrire à la base. Le reste est du ressort des libertés individuelles.Occupé par ces facebookerie, on peut passer à coté de bien des choses de la vie bien plus fondamentales dans l'univers réel.
Je trouve incroyable qu'on assume qu'un jeune ne puisse pas comprendre que ce qui ne sert pas tout de suite peut servir plus tard pour légitimer une philosophie utilitariste des moyens de communication même si ce n'est que pour véhiculer du gros vide de sens. Les jeunes se servent souvent déjà des médias sociaux sur leurs heures de temps libres et tirent de cette usage déjà ce qu'il y a à en tirer.
Enfin, tous ces fabuleux moyens ont un prix. L'école et la société ont-elle les moyens de mettre autant d'argent dans ces bébelles chères, même si elles sont fabriquées par les «esclaves» chinois, qui sont désuètes à tous les 5 ans?
Mais évidemment, toute cette fièvre utopique moderne et ses ratés sont la faute de ces vieux profs dépassés. Les profs en ce moment sont jeunes, faudra-t-il le rappeler? Et connaissent pour la grande majorité toutes ces bébelles...
Livingstone
Partie #2...
- On bloque aussi parce que des gens préoccupés par des enjeux de sécurité croient que les réseaux sociaux montrent le pire d’Internet, c’est-à-dire, du contenu violent, parfois pornographique et souvent diffamatoire, incompatible avec les valeurs d’un milieu scolaire. Les bloquer fait alors appel à un certain sens des responsabilités.
- Les responsables des TI dans les C.S. participent aux décisions de bloquer parce que la bande passante sollicitée par les réseaux sociaux est forte et ne pas les bloquer équivaut à ralentir les réseaux. C'est un argument que je n'admets pas, mais je l'entends souvent.
- Enfin, on bloque aussi parce que les dispositifs qui favorisent la publication de contenu, exposent à pendre des risques avec quelques échevelés qui diront n’importe quoi sur des sites scolaires pouvant même diffamer sur le dos des profs ou de l’école qui sont déjà suffisamment malmenés. On se demande à ce moment pourquoi risquer de perdre le contrôle et d’être blâmé par les parents alors que c’est si simple d’interdire et de se concentrer sur ce qui «compte vraiment»… la transmission des connaissances! Dans le même billet de mon blogue, je réagis aussi à cela…
Partie #3...
Sur la question des profs qui seraient «incompétents» ou sur celle des jeunes qui seraient des virtuoses des NTIC, il y aurait plusieurs nuances à faire, mais je me contenterai de deux:
- Ce sont les profs eux-mêmes souvent qui se dévalorisent dans leurs capacités à maîtriser l'utilisation des TIC en milieu scolaire. Quand ils abordent les élèves en disant «je sais que vous connaissez bien les NTIC, moi je suis un débutant», ils envoient un message qui reste. La réalité est probablement loin de la perception des jeunes. Qu'ils surestiment leur propre connaissance des NTIC est probable.
- Une enquête du Céfrio démontre le chiffre suivant : «46 % des jeunes considèrent que seulement quelques-uns de leurs professeurs disposent des connaissances adéquates pour les accompagner dans leur apprentissage des TI.» (source : http://generationc.cefrio.qc.ca/blog/2009/09/etude-sur-la-generation-c-enfin-des-resultats/ ).
Désolé... il manque la 1re partie de ce commentaire qui ne s'est pas affiché. Le voici:
J'étais hors ligne depuis plusieurs jours… Je suis désolé du délai mis à commenter. Je commenterai en trois temps.
«Ma pensée» sur ces histoires de blocage est rapportée de façon très - trop - succincte dans ces articles, mais je ne fais pas partie du club des «mal cités». Des enseignants demandent les blocages, certains parce qu'ils ont été «piégés à leur insu». L'auteur des articles a sélectionné parmi les nombreux motifs que j'ai invoqués celui qui cadrait le mieux avec la tonalité de son topo. Voici d'autres raisons qui expliquent les blocages, à mon avis (mentionnées à M. Ménard):
- Ce sont les C.S. qui décident des blocages et ce sont les mêmes C.S. qui administrent la GRICS… pourrait-on penser que les C.S. bloquent pour protéger les dispositifs de la GRICS dans les écoles? Je parle de ces dispositifs, peu utilisés, selon ce que j’en sais, qui encapsulent les savoirs et servent bien davantage les usages liés à l’administration des écoles que ceux liés à la pédagogie et l’enseignement. Sans compter qu’ils ne contribuent en rien - ou si peu - à aider les élèves dans la construction de leur identité numérique ou dans l’évitement des nombreux pièges de la validité de l’information sur Internet et du respect des autres dans les médias sociaux. Si cette hypothèse s’avère exacte, on comprendra mieux pourquoi on avance si lentement au Québec en terme d’aménagement d’espaces numériques personnels servant véritablement les apprentissages.
- On bloque aussi parce que des parents ou du personnel des écoles croient que les sites du Web participatif représentent de belles pertes de temps. Ils sont perçus comme étant des lieux de divertissement et [au mieux] de socialisation qui n’ont rien à voir avec l’apprentissage et la recherche d’informations de qualité. Dans un texte sur mon blogue, j'élabore un peu sur ce sujet…
N'oubliez pas le développement de l'identité numérique!
Est-ce qu'un prof qui monte un bon document sur ordi mais le passe en papier aux élève a fait utilisation des TICs?
Y a t il des profs qui maîtrisent les TICs mais qui n'en voient pas toujours l'utilité dans leur enseignement?
Quelle part de l'utilisation des TICs est classable dans le dossier divertissement?
Enregistrer un commentaire