Vous avez peut-être remarqué que je publie moins de billets sur ce blogue depuis quelque temps. Deux raisons expliquent mon manque de volubilité.
J'ai perdu mon anonymat
Pendant des années Le professeur masqué a pu bénéficé de l'anonymat au travail. Mais voilà: mon aura de mystère s'est éventée. Avec elle, a disparu une certaine protection qui me permettait d'aborder des sujets qui survenaient à mon école et qui mettaient en scène des collègues, par exemple.
Il existe plein de sujets intéressants que j'aurais pu aborder ici, mais la crainte de commentaires, de remarques, de bouderies (oui, oui: des collègues qui te boudent comme des enfants, ça existe!) me poussent à me tenir coi.
Et il y a ces cas d'élèves dont je ne peux plus parler puisque, même auprès des gamins, mon anonymat est disparu. Imaginez si je vous parlais d'une élève qui a pissé dans son pantalon en classe parce qu'elle est trop nerveuse et battue par ses parents. Il suffirait d'un jour pour qu'on trouve de qui il s'agit.
Le monde de l'éducation me tue
L'autre raison qui me rend silencieux, c'est la bêtise du monde de l'éducation. Aussi bien le dire, le monde scolaire est purement désespérant. Un exemple: la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard, qui justifie les voyages d'un directeur en Chine, en Belgique, en Tunisie et en France.
«Notre système d'éducation est souvent critiqué ici. On peut faire mieux, mais, à l'étranger, on sert d'exemple! Des pays veulent être comme nous et veulent être aidés. C'est un devoir qu'on a comme pays nanti d'aider des pays en situation de pauvreté. On parle d'entraide, ici.» Selon Mme Bouchard, le personnel des commissions scolaires qui se rend à l'étranger revient avec «un regard nouveau» qui «apporte de nouvelles façons de travailler».
Du grand n'importe quoi! Il me semble que le réseau scolaire québécois devrait se recentrer sur ses missions de base au lieu de s'exporter à droite et à gauche. «On peut faire mieux!», dit-elle. Mais le fait-on vraiment? Et en quoi des initiatives semblables permettent-elles de faire mieux? Et que fait concrètement Mme Bouchard pour réduire le décrochage, par exemple?
À moins d'un coup de baguette magique, rien ne semble parti pour changer. Rien.
Je m'ennuie de la Tunisie. Le Québec est, à sa manière, victime de la dictature de la bêtise de ses pseudos élites.
27 commentaires:
Triste, triste, triste.
Tu sais, Miss, quand des cons traient de lâches les profs anonymes, je me dis qu'ils nous traitent de lâches parce que notre volonté de préserver notre anonymat nous empêche de leur casser la gueule. :)
À mon école, les présentations ressemblent presque à ceci : " Lui, là-bas, avec le gros nez, c'est le prof de musique. En passant, il tient un blogue."
Le prix de la célébrité faut croire...
Sérieusementt, je trouve ça vraiment dommage pour vous! (et par la bande, pour ceux qui aiment bien vous lire...)
Je ne sais que dire sinon que j'espère que la perte de votre anonymat ne vous amènera pas a fermer ce blogue qui est , personnellement , ma référence dans le monde de l'éducation. Il y a beaucoup de blogue de prof qui sont très intéressant, mais a ce que je sache , vous êtes le seul a parler en majorité d'actualités et a remettre les points sur les i du JdM de façon chronique.
Je comprends que cela peut être difficile de se censurer et de savoir qu'on est lu par des collègues, et je vous encourage a ne pas perdre espoir :-)
@ prof malgré tout : Un gros nez? Ah mais vous venez complètement de défaire l'image que j'avais de vous!!
C'est bien ça,
Je persiste à affirmer qu'il n'y a pas de monde plus hostile à l'éducation que celui de l'éducation lui-même.
Depuis une dixaine d'années, étant donnée l'absurdité des tâches, ce sont les gens avec le plus de front qui se démarquent tandis que les gens compétents ferment leur gueule ou leur blog...
L'éducation devient de plus en plus un monde de grosses matantes névrosées et frustrées de leur propre expérience scolaire.
On se croirait dans un culte de fin de semaine.
Tout le système est revu à la baisse et les caves se promennent maintenant bien au-delà du Québec pour parler paradigme et compétence.
Comme en Grèce, on pourra inviter les étranger à venir faire du tourisme pédagogique; venez voir nos ruine. Et ce ne sont pas les TICs qui y peuvent quoi que ce soit.
Quelle honte,
Paul C.
Je sais que l'anonymat parfait ne peut exister longtemps, surtout pas au Québec où tout lemonde connait quelqu'un qu'on connait, etc.
Je sais aussi qu'il y a de très bonnes raisons de publier de façon anonyme (ou, dans ton cas, cher PM, avec un pseudo)... Personnellement, j'ai choisi une autre voie, parce que je sais qu'un jour ou l'autre, on finit par se faire démasquer, mais ce choix-là que j'ai fait m'empêche de dire effectivement beaucoup de choses et tout comme toi, je trouve ça difficile…
Pour ce qui est de la bêtise omniprésente en éducation, je constate ça aussi, trop souvent… MAIS nous avons tous besoin de gens comme toi pour nous la dénoncer en pleine face: des parcelles de lucidités diffusées sur le web et qui nous font tous avancer, qui nous servent de motivation quand on pense qu'il n'y a plus rien à faire…
Alors je souhaite très fortement que ce blogue survive, pour toi comme soupape (même si on doit contrôler constamment le degré d'ouverture de ladite soupape), pour nous comme élément motivateur et éclairant !
Je t'inviterais bien à en jaser autour d'une bonne bière, mais il faudrait que tu me contactes pour ça ;-)
Cher PM,
Pas simple ce qui t'arrive. Je compprendrais que tu décides de ne plus écrire du tout pour un temps. J'ai vécu la même chose. Il y a un an presque je tirais moi-même une ligne et je retirais la plume des mains de Michel Le Neuf. J'avais écrit une série de billets sur l'enseignement privé au Québec et dans les semaines qui ont suivi, des directions d'écoles de ma commission scolaire ont, sûrement "par hasard", été informés par un cadre de la fédération des établissements d'enseignement privés que le fameux Michel le Neuf était le directeur-général adjoint de leur commission scolaire. Et comme deux ans auparavant j'étais passé à un cheveu du congédiement pour avoir froissé le gouvernement dans une lettre ouverte au Devoir, je n'ai pas eu d'autre choix. Je ne sais trop dans quelle mesure le concept de devoir de réserve s'applique pour un prof, mais pour un DGA c'est pesant. Tu me demanderas pourquoi alors aujourd'hui j'ouvre ça ici, ben c'est juste à cause du fameux "liberté 55" qui a maintenant pour moi un sens bien différent que celui que cette célèbre pub véhiculait. Je ne me sens pas libre aujourd'hui de pêcher le tarpon à la mouche dans les Keys, je me sens plus "liberté d'expression 55".
Pour terminer, concernant les voyages comme ceux dont tu parles, ce qui n'est pas dit là, c'est que le Québec exporte de l'expertise à l'étranger. Pour ce qui concerne les commissions scolaires, il y a de la demande à l'étranger pour la formation professionnelle. Pour conclure ces ententes, il faut bien sûr se déplacer. Et ces opérations ne sont totalement altruistes. Ces ententes génèrent souvent des revenus supplémentaires qui sont réinjectés dans le développement de programmes et d'expertise en formation professionnelle qui profitent aux gens d'ici. Je dis ça comme ça. C'est un côté "business" qu'on connaît moins des commissions scolaires. Pourtant, nos CEGEP et universités mènent plein de projets à l'international et on s'en réjoouit généralement. Est-ce qu'on arrête tout ça et qu'on s'installe dans une espèce de doctrine d'enfermement ? Tiens, je pense à la doctrine Monroe, du nom de cet ancien président américain, James Monroe, qui proposait aux américains de se retrancher dans une politique isolationniste par rapport à l'Europe.
Ce soir, je suis triste.
Prof masqué, j'ai eu la chance de te dire ce que peuvent m'apporter la lecture de tes billets et les commentaires que tu émets sur les miens.
Comment un système peut-il évoluer, changer, pousser vers l'avant s'il ne peut être regardé de près et sans que ses torts et travers soient nommés et identifiés? Ne regarder que les beaux côtés, c'est oublié que c'est le fumier qui forme le meilleur engrais. La machine est trop grosse. La politicaillerie trop impliquée dans les décisions, les relations de travail... Il faut avoir de bons amis, de bonnes relations, les bons contacts pour évoluer dans ce milieu...
Foutaise.
Ton opinion est valable et agréable à attendre. Il faut que les libres penseurs comme toi puissent continuer de faire réfléchir ceux et celles qui n'en prennent pas le temps.
Merci pour tout ce que tu as fait jusqu'à maintenant. Je peux comprendre ton choix du silence; mais sache que tu me manqueras.
Prends soin de toi et prends le temps de faire le point. Centre-toi sur ce qui te semble essentiel et primordial.
Ce qui se passe est un grand symptôme d'une infection peut-être plus grave qu'on ne le pense.
Bon courage.
Ne te laisse pas abattre PM. On a besoin de gens comme toi: ne lâche pas!
PMT: tu as un gros nez? Non, je dis que la perte de l'anonymat est le lot de plusieurs, mais ça me limite en chien dans mes commentaires.
Mère: je me fous de la célébrité. Mais de moins pouvoir faire avancer des idées, ça me fait suer.
Féadaë: pas envie de fermer. Trouve juste difficile de me la fermer.
Paul C.: le monde de l'éducation n'accepte pas la critique, est conservateur et j'en passe.
Sylvain: la bière approche.
M. St-Pierre: Selon les cas, un prof a l'avantage d'être syndiqué. Mais le devoir de réserve peut nous être appliqué. C'est regrettable parce que «du choc des idées nait la lumière.» Mais on a de la difficulté à émettre des idées structurées et bien argumentées, à les défendre poliment et à ne pas de faire blaster par certains décideurs à la courte vue.
J'aime bien que vous ameniez un point de vue différent ou complémentaire à ce que je dis. Ça relativise mes points de vue. Il faudrait savoir cependant combien ces voyages rapportent.
Isamiel: je ne ferme pas boutique. J'explique mes silences plus fréquents. Et les risques du métier...
Bobby: on a la couenne dure dans ma famille.
Il serait fort dommage que vous taisiez votre blogue. Comme jeune enseignante en adaptation scolaire, vos billets me font rire, réagir et voir que, au fond, c'est partout pareil.
Longue vie!
Cher professeur masqué,
Vous le savez, l'anonymat des blogueurs et sur les blogues, m'a toujours paru une régression importante en matière de liberté d'expression. Je l'ai quelques fois écrit ici même, sans hélas jamais vous convaincre ni convaincre vos admirateurs anonymes.
Mais puisque vous êtes démasqué, profitez en donc pour laisser tomber complètement votre masque et pas seulement à moitié. Vous serez lu encore et apprécié. On vous aimera ou on vous critiquera, peu importe.
Il y a beaucoup de choses que l'on peut écrire et dire à visière levée, même quand notre situation professionnelle nous impose un devoir de réserve.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'humeur de enseignants à propos de l'éducation, c'est une question de perspective.
Je suis fils d'un enseignant et d'une enseignante. Parmi mes frères et soeurs (beaux-frères et belles-soeurs, j'en compte au moins six et deux de mes enfants le sont. Ils ont oeuvré ou oeuvrent encore de la maternelle à l'université.
Et malgré les aléas du monde de l'éducation, tous ces proches ont vécu ou vivent encore heureux au sein de leur profession.
Oh, que je ne voudrais pas perdre mon anonymat.
Par respect, d'abord, envers les élèves desquels je parle, même si je reste vague et discrète.
Je préserve, à mon avis, une certaine intimité nécessaire. Aussi par espèce de sentiment de liberté et d'aisance : je ne suis pas la fille dans le salon du personnel qui étale sa vie en plein jour.
Dans ce monde où on montre beaucoup, on dit tout, on filme et on twit trop, je me dis qu'il y a un charme à l'anonymat non?
Cela ne m'empêche pas de donner mon opinion haut et fort au boulot concernant l'éducation et les choix de l'école... Elle est où la lâcheté?
J'espère que tu arriveras à trouver un certain équilibre dans tout ça, et que tu aies de la misère à te la fermer, comme tu l'indiques, est un grand plaisir pour moi.
Cher professeur masqué,
J'ose espérer que tes écrits perdureront. Tu es celui que je lis le plus assidument!
Je n'ai pas de difficulté à comprendre que tu puisses maintenant être un peu plus «mains liées» qu'avant... Le monde de l'éducation est un univers conservateur que certains aimeraient voir maintenu sous une cloche de verre afin d'en éviter une remise en question!
Pour ma part, je poursuis ma voie en ayant amené ma façon de me battre pour que les choses changent sous une autre forme.
L'important, c'est de ne cesser de croire que l'on peut encore faire la différence!
Contente de voir que ta couenne est encore dure: elle te fera passer au travers de cette période "plate".
Monsieur le Professeur Masqué,
Puisque vous n'êtes presque plus anonyme, pourquoi ne pas dévoiler votre véritable identité?
Il est vrai que vous serez limité dans vos propos, mais comme vous l'écrivez dans votre article, ils sont déjà restreints, non?
Si vous deviez vous afficher, je pense que vous n'auriez rien à perdre... Ce que vous rédigez est juste, bien songé, logique.
Cependant, faites un choix avec lequel vous serez bien. Rappelez-vous qu'un blog est fait pour communiquer ce que l'on pense. Si vous devez censurer vos pensées, votre blogue n'a plus sa raison d'être...
Avec admiration,
Félix
À unautreprof,
La liberté vraie ne va pas sans la responsabilité, i.e. de rendre compte de nos actes. Voilà pourquoi l'anonymat n'est qu'une demi liberté.
@ Félix Tremblay:
PM n'est plus anonyme dans son milieu scolaire mais il l'est encore pas mal dans la blogosphère.
Laissez-le prendre ses propres décisions: comme il le dit, il a la couenne dure et il est aussi TRÈS intelligent. Il ne fera aucun geste qui pourrait lui être nuisible.
Karine: merci.
M. Proulx: au fil du temps, vous ne semblez définitivement pas comprendre que l'anonymat de certains blogues ne visent pas à protéger ceux qui les écrivent comme ceux dont on y parle parfois. J'ai souvent défendu mes opinions publiquement et privément avec certains des décideurs dont il m'arrive même de parler ici. Seulement, comme je l'ai mentionné, il serait regrettable qu'un élève soit identifié par le biais d'une de mes interventions, par exemple.
Par ailleurs, quand vous écrivez: «La liberté vraie ne va pas sans la responsabilité, i.e. de rendre compte de nos actes. Voilà pourquoi l'anonymat n'est qu'une demi liberté.», je ne peux que rigoler. Votre raisonnement ne vaut rien dans le monde où les enseignants ont une liberté bien relative. Encore le mois dernier, une collègue s'est fait ramasser par des parents, des collègues et certains décideurs scolaires pour avoir énoncé une évidence dans un média. «La liberté vraie» en éducation présuppose une mentalité de kamikaze ou de suicidaire. Ce n,est pas tout le monde qui peut jouir d'un statut comme le vôtre qui vous met à l'abri de bien des tracasseries.
Un autre prof: je cherche cet équilibre actuellement.
M. Samarres: je me doute que vous comprenez ma situation. La vôtre a été bien plus intenable.
M. Tremblay: il me reste encore un peu de marge de manoeuvre.
Vous écrivez : « […] l'anonymat de certains blogues ne vise pas à protéger ceux qui les écrivent comme ceux dont on y parle parfois. »
Vous avez raison de protéger l’anonymat de vos élèves ou de vos collègues quand il s’agit de relations professionnelles ou personnelles. L’éthique et même la Loi sur les renseignements personnels l'exigent en effet.
Cela dit, l’argument demeure peu convaincant :
1- La majorité de vos billets traitent de questions générales et d'intérêt public. Il est malheureux de renoncer à votre liberté d’expression pour en débattre.
2- Il faut aussi se demander si les interventions des blogueurs anonymes sur leurs élèves ou sur leurs collègues, surtout s’il s’agit de l’expression d’humeurs, ne sont pas une façon de prolonger hors de la salle des profs les commentaires qui devraient y rester. Et même si vous écriviez anonymement un fait réel à propos d’une élève anonyme qu’elle « a pissé dans son pantalon en classe parce qu'elle est trop nerveuse et battue par ses parents », en quoi cela changerait-il la situation réelle de cette malheureuse? Il y a des lieux appropriés pour parler de cela.
Vous ajoutez : «La liberté vraie en éducation présuppose une mentalité de kamikaze ou de suicidaire ».
Ici l’argument est beaucoup plus sérieux. Je ne partage pas votre vision des choses, mais je constate que c’est bien la vôtre et, probablement aussi, celle d’un certain nombre d’enseignantes et d’enseignants blogueurs anonymes.
C’est dire que vous et d’autres acceptez de vous contraindre dans votre liberté d’expression en raison de la peur des représailles. Je ne suis pas sûr que de plier l’échine soit le meilleur moyen d’accéder à la liberté. La liberté, elle se prend; elle ne se quémande pas.
La question dès lors qui se pose avec force : quoi faire pour que changer cet état de choses qui vous contraint (si cet état existe bel et bien, ce qui reste à démontrer) ou quoi faire pour vous débarrasser de la crainte qui, dites-vous, vous habite, qu’elle soit ou non fondée et vous pousse à vous « tenir coi »?
Enfin, si tant est que je jouisse d’un statut privilégié, je souhaite que ce droit que j’exerce ne soit pas mon privilège, mais un droit communément partagé.
M. Proulx: je ne comprends pas votre acharnement à ne pas comprendre. Le combat est inégal en éducation et, de plus, vous semblez croire à tort que la liberté d'expression doit obligatoirement se faire à visage découvert. Or, l'un n'exige pas l'autre. Loin de là. Pourquoi ne pas suggérer cette conduite alors à tous ceux qui contestent l'ordre établi ailleurs dans le monde? En Iran, par exemple. Affichez-vous publiquement: la liberté d'expression le demande!
Ce qui compte, ce sont tout d'abord les idées, il me semble. Et il arrive en éducation qu'on brise les gens pour faire taire leurs idées.
Pour répondre à vos arguments:
1- Quand un commissaire appelle votre patron à 23h00 parce que vous vous interrogez sur la pertinence des commissions scolaires à la télé, vous comprenez que certains ont l'épiderme sensible. Et ces gens ont parfois un pouvoir réel d'influence sur votre vécu au quotidien.
2- Vous encouragez la culture du silence et du secret? Il convient parfois d'illustrer des situations à l'aide d'exemples. Qui vous dit que les blogueurs ne font que parler, qu'ils n'agissent pas ? En plus de régler des cas au quotidien, ils en parlent pour éveiller des consciences, pour conscientiser les gens à propos de certaines problématiques. Taisons-nous! C'est ce que vous proposez? Certaines «humeurs», pour reprendre votre expression sont des cris du coeur, des cris d'alarme. D'autres sont des analyses fines tirées d'événements ponctuels.
3- «La liberté se prend: elle ne se quémande pas.» Sans vouloir vous heurter, vous donnez ici une leçon de morale à des gens que vous ne connaissez pas, dont vous ignorez le parcours. Des gens qui peuvent également vous demander: Et vous, qu'avez-vous fait pour prendre votre liberté? Qu'avez-vous risqué? Seriez-vous prêt à perdre dès demain vos privilèges pour la défendre?
Il existe des gens en éducation qui ont une vie professionnelle précaire, M. Proulx. Ils vivent dans des contextes difficiles, stressants. J'ai récemment vu une collègue se faire blaster parce qu'elle a pris la parole publiquement. Et la seule leçon qu'elle en a retenue a été de fermer sa gueule la prochaine fois qu'on lui demandera son avis.
Pour moi, cet état existe. J'ai vu des gens en être victimes. Nous ne vivons pas dans le même monde, M. Proulx. Continuez à ne pas croire que ce que certains profs craignent existe et vous ne comprendrez pas leurs comportements empreints de prudence. En niant leur réalité, on peut se demander si cela évite surtout de remettre en question la vôtre.
«Jean-Pierre Proulx a dit...
Cela dit, l’argument demeure peu convaincant :
1- La majorité de vos billets traitent de questions générales et d'intérêt public. Il est malheureux de renoncer à votre liberté d’expression pour en débattre.»
Incompréhensible. Le professeur masqué en débat, il ne renonce pas à sa liberté d'expression.
J'adore que le « grand impositeur » du rapport Proulx fasse la leçon aux péons qui devraient juste appliquer ses « recommandations » ou faire « face à la musique ».
N'oublions pas que l'article 20 de la LIP sur la liberté de conscience des professeurs a été abrogée sous la recommandation de quelqu'un comme JP Proulx !
Je jouis, au collège, d'une sécurité d'emploi blindée. A moins d'une faute éthique grave, on peut difficilement me mettre à la porte. Ce n'est donc pas par peur de représailles des patrons que l'anonymat m'importe et qu'il me semble important pour tenir blogue un tant soit peu polémique dans un tel milieu. Je vais même jusqu'à éviter nombre de sujets qui relèvent de mon enseignement de façon trop particulière pour le préserver. La grande liberté, ce serait en effet de pouvoir parler sans contrainte. C'est d'ailleurs ce que vise à assurer la sécurité d'emploi : que chacun puisse garder une pleine liberté d'expression sans crainte d'en subir les conséquences. Le problème, c'est qu'il n'y a pas que les patrons et que ces conséquences, pour être moins terribles qu'une banale perte d'emploi, n'en sont pas moins pernicieuses, voire vicieuses : il y a aussi les collègues, les élèves, l'école, et la maudite rumeur, l'hydre à mille têtes et à la langue fielleuse. Dans un petit milieu fermé sur lui-même, on a vite fait de vous briser moralement si vous avez le malheur d'être l'empêcheur de tourner en rond. Penser qu'on peut assumer une liberté pleine et entière sur un blogue scolaire sous son propre nom, c'est mal connaître le milieu et ses petites hypocrisies. Un journaliste peut se permettre d'assumer ses opinions sans avoir à affronter de façon quotidienne les gens qu'il pourrait blesser ou simplement contrarier. Pour un prof, il est difficile de cracher dans la soupe et d'être forcé d'en manger aussitôt après. Quoi faire pour changer cela ? Mais changer quoi ? La nature humaine ? La vraie liberté, c'est de pouvoir n'être que monsieur Machin Truc à l'école, prof incognito qui retourne à l'état civil une fois ses heures de classe terminées. En dehors de l'école, je n'ai de leçon de morale à recevoir de personne.
Prof masqué : désolé de monopoliser ton espace pour cette longue réponse légèrement courroucée.
À Profquifesse,
Ce qui me désole, c'est le constat que vous faites sur votre milieu: "Dans un petit milieu fermé sur lui-même, on a vite fait de vous briser moralement si vous avez le malheur d'être l'empêcheur de tourner en rond". C'est de la même eau que ce qu'écrivait le Professeur maqué: "Aussi bien le dire, le monde scolaire est purement désespérant".
C'est qui est désespérant par dessus tout, c'est que l'école qui est ou devrait être pour nos jeunes le lieu par excellence de l'apprentissage à la liberté pour toutes ses formes est, ou serait, ce que vous en dites.
"Changer quoi?", demandez-vous?
Je vous le demande aussi. Mais, soit dit avec respect, sachez que votre amorce de réponse est irrecevable. On ne peut pas être pleinement homme en dehors de l'école, .i.e libre, et à moitié à l'intérieur de ses murs, i.e. entravé. Je refuse.
M. Proulx: vous pouvez refuser autant que vous le voulez, mais vous vivez dans un autre monde. Allez lire mon billet de 25 janvier 2011 et vous comprendrez où mène le refus de certains enseignants.
A- En tout cas, quand on a une gang, en plus au pouvoir ou qui tire les ficelles, bien accordée dans une idéologie, il est facile de s'exposer sans heurts et de se croire libre. Évidemment, si on a l'intention de malmener les dogmes, on va peut-être relativiser sa liberté.
B- Pour ceux qui conteste l'idéologie et les privilèges de la gang, on a la liberté de se faire lyncher en public avec des attaques contre la personne, et plus sournoisement de se faire malmené à sa job par le fidèle en poste le plus près.
Évidemment, pour que B soit praticable par les libres acteurs de A, il y a un problème: l'anonymat.
Enfin, le blogue est public, on en convient puisque accessible par tous. Cependant, vu l'infini de ces espaces publics, on ne peut quand même pas les comparer aux espaces que les médias ouvrent pour publier des lettres ouvertes.
L'anonymat des blogues ouvrent un espace de réflexion critique entre gens qui ont des préoccupations semblables pour faire avancer les idées, pour comprendre la dynamique des milieux, pour faire évoluer les idées sans les contraintes de pouvoir. Quand on se concentre sur cet aspect, on découvre toute la liberté d'expression que permet ce nouvel espace. Au lieu de la décrier, on peut en voir toute la richesse d'expression.
Évidemment, ce n'est pas pour plaire à ceux qui choisissent de limiter leur capacité de réfléchir et de s'exprimer pour avoir une position dans la société.
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