28 décembre 2011

Donner la parole à un imbécile

Parfois, il y a des médias qui me désespèrent. Le Journal de Montréal atteint les limites de ma patience en reprenant les inepties d'un lecteur de l'hebdo Le Soleil de Châteauguay.

Sa solution à l'intimidation? Inscrire des enfants à des cours d'arts martiaux. Pas pour lui apprendre la confiance en soi ou la maitrise de ses émotions. Non. C'est trop zen, j'imagine. «Dites à vos enfants de régler la violence par la non-violence et ils resteront peureux toute leur vie. Apprenez-leur à se défendre et ils vous en seront éternellement reconnaissants. [...] Si ma mère m'avait inscrit à des cours de karaté au lieu de me dire de me défendre avec des mots, je ne serais pas devenu un grand peureux de 6 pieds 2 à l'âge de 35 ans.»

En préconisant la violence comme réplique à la violence, on engendre généralement une escalade de comportements dangereux tant pour l'intimidateur que l'intimidé. J'ai en tête, entre autres, le cas de ce jeune intimidé qui a tué d'un coup de poing son agresseur.

Platement, je pense qu'il y a des grands peureux de 35 ans qui mettent tout sur le dos de leur «môman» et qui sont aussi des imbéciles.

9 commentaires:

La mère qui s'pense meilleure que les autres a dit…

Pour moi, ce n'est pas du tout imbécile, prof Masqué.

Je pense qu'on s'enlise dans les problèmes à force de vouloir à tout prix croire aux méthodes "douces". "Apprendre" la confiance en soi, ça n'exclut certainement pas de savoir se défendre! comment peut-on avoir confiance en soi, profondément, si on s'interdit l'agressivité?

Je crois qu'il faut des deux. Je n'hésiterais pas une seconde à conseiller à mes enfants de se défendre avec agressivité s'ils étaient victimes d'une agression. Je les y encouragerais, même. Bien sûr, par la suite, je m'organiserais pour qu'on essaie de comprendre comment il se fait qu'ils se sont retrouvés dans cette situation et on essaierait de s'organiser pour que ça ne se reproduise pas.

Mais je crois que s'il y a tant d'intimidation dans les écoles, aujourd'hui, c'est parce que les agresseurs savent pertinemment qu'il y a beaucoup de jeunes qui ont été élevés par des idéalistes qui croient dur comme fer aux méthodes non violentes... Et voilà le travail.

Le professeur masqué a dit…

Mère: on risque paraitre «moumoune», on ne règle pas l'intimidation en se faisant justice soi-même, mais en se tournant vers des adultes pour faire valoir nos droits. Ces adultes peuvent être des parents, des éducateurs, des enseignants, des policiers. Si on laisse des jeunes «prendre la loi en main», on risque de se retrouver avec des dérapages comme je l'ai illustré.

Le karaté pour apprendre à développer son estime de soi ou pour contrôler ses émotions, je suis d'accord. Mais pour «varger» sur les autres? On est dans la solution magique à la Chuck Norris, avec les risques que cela comporte, notamment en ce qui a trait à une défense légitime est raisonnable.

J'ai eu à régler des cas d'intimidation comme enseignant. Et la perspective de m'avoir sur le dos a réglé le cas des intimidateurs. C'est davantage l'inaction - fort compréhensible - de certaines victimes, des insuffisances légales et le manque de conviction de certains acteurs scolaires qui expliquent que des cas d'intimidation perdurent.

Frapper d'abord, se poser des question ensuite ressemble à une méthode policière. Sans vouloir vous offenser.

La mère qui s'pense meilleure que les autres a dit…

Encore faudrait-il pouvoir réellement compter sur les adultes responsables! Ce qui est loin, très très très loin d'être le cas.

Apprendre le karaté, c'est une façon de se donner confiance en soi. Cette conviction intime qu'un jeune aura de savoir que s'il est attaqué, il saura quoi faire pour se défendre, ça suffit souvent à ce qu'il soit protégé! Mon aîné, je l'ai inscrit à des cours de boxe. Ça n'a pas duré longtemps, mais juste assez pour qu'il puisse s'imaginer donnant un coup de poing au visage d'un autre. Ça modifie sa façon de se déplacer, de regarder les autres dans les yeux, de se tenir, épaules droites. Et ça contribue grandement à le protéger. C'est ça qu'il veut dire, cet "imbécile à qui on a donné la parole". Et je suis totalement d'accord avec lui.

Quand le monde des adultes sera suffisemment fiable et courageux, alors là on pourra peut-être prétendre régler l'intimidation. D'ici là, il faut que les jeunes apprennent à se défendre eux-mêmes. Je ne laisserai pas mes enfants se faire détruire de l'intérieur parce que les adultes ont des principes. Je préfère, et de loin, quelques ecchymoses et une "conséquence" de l'école.

Anonyme a dit…

De toute façon, le type qui a écrit ça ne connaît rien aux arts martiaux.
Les arts martiaux enseignés aux enfants sont des techniques dont l'efficacité ne se démontre que dans un cadre très précis et contrôlé. Pour que ça devienne des techniques de combats efficaces dans la vrai vie, il faut ÉNORMÉMENT d'entraînement et d'expérience. Il faut ajouter, à la technique, de la masse musculaire et du poids. Aucun enfant de cour d'école normale n'a ça, même après quelques années de pratique des arts martiaux.
Les seuls à qui profitent les techniques d'arts martiaux dans un combat de cour d'école, ce sont les bullies, parce qu'ils ont déjà pour eux la supériorité physique. Et s'ils ne font pas d'arts martiaux et que leur victime en fait, 9 fois sur 10, c'est le bully qui va quand même gagner. Et la victime de s'en tirer avec encore plus de peur, ayant appris par expérience que même avec des techniques de combat réputées efficaces (à tort), elle ne peut pas se défendre.

La mère qui s'pense meilleure que les autres a dit…

Alors qu'ils apprennent l'auto-défense où la boxe.

Il faudra bien qu'un jour l'être humain arrête de se croire à ce point supérieur qu'il croie ne plus avoir besoin de recourir à sa propre agressivité pour se faire une place, la garder, progresser. C'est bien beau, l'intellect, mais il ne pourra jamais se passer du corps.

unautreprof a dit…

«Encore faudrait-il pouvoir réellement compter sur les adultes responsables! Ce qui est loin, très très très loin d'être le cas
»
En fait souvent les jeunes n'en parlent pas aux adultes de l'école et si certains cas sont plus visibles, plusieurs ne le sont pas, alors comment agir en tant que prof?
C'est encore pire au secondaire et pour y avoir travaillé, la majorité des adultes agissent et se mobilisent dans de tels cas, encore faut-il qu'ils le sachent.

L'école n'a pas la seule responsabilité de régler le problème, by the way. Elle a la responsabilité de permettre aux jeunes d'apprendre et d'être en sécurité. À partir du moment qu'enfant est dans un telle situation (intimidé ou intimidateur) et que l'école informe le parent ou suspend un jeune, il en reste la responsabilité du parent d'aller chercher de l'aide pour son enfant.

Peut-être que le parent croira aux bienfaits de l'autodéfense, ou de la thérapie, je n'ai pas de solution, mais je pense que des adultes responsables devraient assumer et aller chercher de l'aide pour leur enfant.

Le professeur masqué a dit…

Autreprof: je dois attirer les cas d'intimidation. Il faut dire que je prends le temps d'en parler ouvertement et de montrer qu'en plus d'être un tuteur, je suis une personne-ressource, le cas échéant.

D'autre part, les intimidateurs savent que je ne seraient pas tolérants. J'ai un côté chien et papa poule.

unautreprof a dit…

Ils doivent aussi avoir confiance en toi, savoir que tu les protègeras.

La mère qui s'pense meilleure que les autres a dit…

Oui, je suis d'accord, Autreprof. C'est d'ailleurs ce que j'insinuais par "les adultes": ça inclut les parents. Plus que tout!

À force de s'être fait polluer l'esprit par gaga des méthodes douces à la "Comment élever ses enfants sans JAMAIS JAMAIS JAMAIS se fâcher", ils en sont devenus des adultes sur lesquels on ne pouvait pas compter. Trop gentils.