10 février 2007

Les médias et l'élève mis en cage

N'importe quoi! Voilà la chanson d'Éric Lapointe qui me vient aux oreilles en pensant à cette nouvelle incroyable que les médias ont charrié hier toute la journée: une enseignante aurait confiné depuis cinq semaines un élève dans une cage aménagée dans sa classe! Vite! Aux armes, citoyens: on martyrise nos enfants dans les écoles de notre beau Québec! La suite des choses a cependant complètement ébranlé ma foi dans les journalistes et dans la façon dont ils traitent l'information.

En effet, devant le tollé qu'a suscité cette nouvelle, la commission scolaire et la direction de l'école concernées ont réagi en précisant les points suivants:
  • il ne s'agissait pas d'une cage mais d'un point de retrait ouvert;
  • le jeune n'y avait été confiné que quelques minutes par jour lorsqu'il était turbulent;
  • l'enseignante avait tenté de communiquer sans succès avec les parents de l'élève à propos de son comportement déplacé;
  • et les parents avaient déjà refusé, par le passé, de bénéficier de services spécialisés offerts par l'école pour aider leur enfant.
Bref, on serait loin de la situation abominable dépeinte initialement dans les médias. N'empêche! Voilà qu'aujourd'hui, le Journal de Montréal en rajoute en rapportant les propos de la juge Ruffo et de l'ancien commissaire scolaire Robert Cadotte.

Mme Ruffo: «J'ai été horrifiée, gênée et j'ai eu honte en apprenant ça. C'est bien triste pour cet enfant qui a été isolé, humilié et étiqueté. Je ne vois pas comment on pourrait faire ça à des animaux. Ce sont de mauvais traitements, et c'est très méprisant. Pourquoi cette enseignante peut avoir fait ça et s'en tirer sans s'expliquer publiquement ? Je pense qu'il y a des congédiements qui se perdent...»

Robert Cadotte: «Tous les psychologues vous diront que c'est la même chose que le bonnet d'âne qu'on a connu à une certaine époque. Les jeunes peuvent se moquer de celui qui est isolé. Nécessairement, ils vont l'identifier et le pointer. Cette jeune enseignante a nécessairement besoin de soutien particulier, soit de la direction, soit d'un conseiller pédagogique.»

Au-delà de ce fait, je m'interroge. Et mes questions sont nombreuses!
  • Que pensez-vous de parents qui affirment que leur enfant aurait été mis dans une cage à l'école et à qui il aurait fallu cinq semaines pour le découvrir?
  • Que pensez-vous de parents qui entrent dans l'école de leur enfant sans permission et photographient de façon sensationnaliste un local de retrait afin de le faire ressembler à une cage (voir photos plus bas)?
  • Que pensez-vous de parents qui, après avoir bien préparé leur coup, se précipitent à TQS pour hurler au scandale au lieu de répondre au message de l’enseignante de leur enfant ou de contacter la direction de l'école qu’il fréquente?
  • Que pensez-vous de parents qui étalent ainsi sans discernement la vie et les difficultés scolaires de leur enfant dans tous les médias?
  • Que pensez-vous de parents qui retirent leurs deux enfants de neuf ans de l'école (le deuxième est le jumeau de l'élève encagé . Il fréquente également cette même classe ou l'on met les élèves en cage et il a pris, j'imagine, cinq semaines à se rendre compte de la situation de son frère)?
  • Que pensez-vous de cette journaliste de TQS qui a rendu ce «scandale» public sans véritablement vérifier la validité des faits?
  • Que pensez-vous des autres médias qui ont publié cette nouvelle en prenant pour acquis que TQS savait ce qu'il faisait?
  • Que pensez-vous de ces deux experts dont on peut penser qu'ils ont émis leur avis en se basant sur des informations véhiculées par des médias peut-être négligents dans leur couverture des faits?
  • Que pensez-vous du fait d'isoler les jeunes lorsqu'ils perturbent les autres en classe?
Dans la même veine, en terminant, je souligne que le Journal de Montréal a aussi publié cette semaine une série d'articles à l'effet que des enfants ne seraient pas admis dans certains lieux publics parce qu'ils sont trop dérangeants. Assiste-t-on au retour de l'enfant-roi?

Regardez comment l'angle selon lequel on photographie une même scène peut changer notre vision des choses. En haut, un point de retrait ouvert. En bas, une horrible cage dans laquelle on enferme les enfants turbulents pendant cinq semaines. Brrr...




















Pour en savoir davantage:

http://lcn.canoe.com/lcn/infos/regional/archives/2007/02/20070209-135906.html http://www.cyberpresse.ca/article/20070209/CPACTUALITES/70209190/1028
http://lcn.canoe.com/lcn/infos/regional/archives/2007/02/20070210-094047.html
http://www2.canoe.com/infos/societe/archives/2007/02/20070210-093900.html

11 commentaires:

Ness Eva a dit…

Toute cette histoire me fait sortir de mes gonds. Hier, j'aurais voulu appeller à TVA pour dire aux parents que c'étaient des crétins invétérés. Ils disent qu'ils n'ont jamais été avertis: FOUTAISES!! Je ne crois pas un mot de ce qu'ils racontent. D'ailleurs, j'ai aussi fait un billet sur le sujet, hier. C'est le portrait-type par excellence des parents qui refusent de voir que leur jeune a un (des) problème(s) et ensuite, ils blâment l'école parce que leur enfant ne réussit pas bien. WAKE UP! Et leur "introduction" dans l'école, devrait être commentée aussi. Dans toute école, les "visiteurs" ne peuvent se promener librement dans les corridors. (Question de sécurité, évidemment!) Bref, je vais arrêter ici parce que mon rythme cardiaque augmente... ça me met les nerfs en boule. Je les trouve hautement ridicules.

PS: Je m'emporte. Désolée :)

Dobby a dit…

Et j'ajoute une question:

Que pensez-vous des parents qui montrent leur enfant à la face du monde, en disant qu'il a été mis en cage, et finalement on apprend tout ce qui est sorti comme infos ensuite (refus de service, etc). Là, c'est vrai que l'enfant va être étiquetté à sa nouvelle école, que sa réputation va le suivre, celle de ses parents aussi, et rien du p`roblème véritable ne sera réglé.
Tout le monde l'a vu, ce pauvre Félix, même les voisins, qui eux doivent en avoir long à dire.

Anonyme a dit…

a l'école que fréquente mes enfants, les enseignantes ne se donnent pas tant de soucis.
Les éleves turbulants, elles les foutent a la porte, c'est pas long!!

Le professeur masqué a dit…

Je me souviens qu'il y a deux semaines, on racontait dans le Journal de Montréal cette histoire horrible d'un groupe d'enfants turbulents qui en était rendu à son quatrième professeur... en quatre mois.

Certains parents d'enfants victimes de ce désordre en classe souffraient en silence et espéraient une plus grande fermeté de la part de l'école. Je n'ai pas vu un prof courir à TQS se plaindre des parents des enfants turbulents. Enfin...

Ness Eva a dit…

J'suis vraiment pas sure que cet enfant-là est un ange. Les parents ont tellement l'air à les mettre sur un piedestal et à les protéger à l'extrême, c'en est pathétique (et louche).

Allez lire ceci: http://www.cyberpresse.ca/article/20070210/CPNOUVELLISTE/702100918/5052/CPNOUVELLISTE

Et sur le Blogue Canoë, Madame Potvin (qui livre une performance très décevante) a mis en place un gros débat avec son plus récent billet: http://blogue.canoe.com/2007/02/09/comme_un_animal?blog=13&c=1&page=1&more=1&title=Comme%20un%20animal?&tb=1&pb=1&disp=single

Hortensia a dit…

J'ai rarement vu une nouvelle traitée avec autant de mauvaise foi et un tel manque de rigueur.
Je pense entre autres à ces images du jeune garçon, filmé par LCN en train de lire calmement un livre à plat ventre dans le salon. Un ange de calme et de douceur, bien sûr!

De plus, à voir les réactions de la majorité des gens, la facilité avec laquelle on condamne l'enseignante (heureusement, soutenue par la direction de l'école et la commission scolaire), on est obligé de constater qu'il existe comme une hostilité naturelle qui ne demande qu'à s'exprimer envers les profs. Non? Ce n'est pas la première fois que j'ai cette impression.

Le professeur masqué a dit…

Ouins,

Je viens de lire le blogue de Mme Potvin et je dois avouer que j'en reste bouche bée. Un vrai recueil de commentaires et de préjugés sur les enseignants. Ce serait savoureux s'il ne s'agissait pas de notre métier.

Mme Potvin n'a pas suffisamment d'informations pour porter un jugement aussi direct sur cette situation. En plus, je ne sais pas ce qu'elle connaît de la réalité concrète de l'enseignement, mais elle ne semble pas savoir à quel point les classes du primaire ne sont pas toujours faciles.

Chose certaine, la version des parents n'est pas, quant à moi, très nette. Il y a trop de points en suspens pour y aller de déclarations comme certains le font. L'utilisation du mot cage et la durée de cinq semaines me semblent être des exagérations patentes.

Chose certaine, j'invite les parents à porter plainte au Ministre, comme le leur permet la Loi de l'instruction publique. Mais si jamais tout cela n'est qu'un véritable freak show éducatif, je vais être le premier à appuyer mon syndicat pour qu'il les poursuive en diffamation. Actuellement, au Québec, n'importe qui ayant accès aux médias, peut dire n'importe quoi sans aucun problème et sans aucune conséquence.

Ness Eva a dit…

Claudine Potvin du Blogue Canoë est, je crois, elle-même enseignante. Du moins, elle a un lien avec le système d'éducation, mais je ne me souviens plus lequel. Avez-vous lu tous les commentaires??? (Je suis N G, en passant. M'aviez-vous reconnue? hihi)

Blâmer les profs, c'est tellement facile. Peu importe ce que l'on fait, c'est pas correct... Une éternelle bataille. David (les profs) contre Goliathssssssss (les parentsssss/gérants d'estrade/etc.)

unautreprof a dit…

Que pensez-vous de parents qui étalent ainsi sans discernement la vie et les difficultés scolaires de leur enfant dans tous les médias?

Je pense que ces parents ne se préoccupent pas réellement du bien-être de leur enfant, surtout pas de la vie privée de leur jeune.
Je trouve ça sensationnaliste, triste et aberrant.

Le professeur masqué a dit…

Très chers internautes,

En lien avec ce billet, je vous invite à lire ce texte paru dans Le Devoir aujourd'hui. Il y a un passage particulièrement savoureux sur l'enfant dans la cage. Je reviendrai sur l'artile du devoir prochainement.

http://www.ledevoir.com/2007/02/17/131550.html?fe=309&fp=119616&fr=4260

Anonyme a dit…

Pour répondre à une personne qui a demandé ce que faisait Mme Potvin en éducation exactement, il me semble avoir lu quelquepart qu'elle avait une clinique d'aide aux devoirs ou d'orthopédagogie... mais pas de le milieu scolaire par contre ;)

Si TQS débarquait à l'école où je travaille, elle aurait de quoi capoter vu la situation et l'aménagement de notre coin retrait ! Moi je le trouvais beau le petit jardin de ressourcement ! L'art de vouloir passer à la TV !