Le lien avec l'emploi
Ce fut le cas de Geneviève Garneau qui a été condamné à deux ans de prison pour conduite en état d'ébriété ayant entrainé la mort. Pour une meilleure compréhension de ce sujet, précisons que celle-ci a plaidé coupable aux accusations portées contre elle (ici) et n'avait aucun antécédent judiciaire (ici).
Celle-ci a appelé de la décision de la ministre auprès du Tribunal administratif du Québec qui lui a donné raison.
«Si le législateur avait voulu que toute infraction criminelle rende une personne inhabile à devenir enseignante, il n’aurait pas exigé l’existence d’un lien avec la profession. (…) Par la commission de cette infraction, nous ne croyons pas que madame ait porté atteinte à l’intégrité du système scolaire et rien n’indique qu’elle aurait une mauvaise influence sur les élèves ou qu’elle les mettrait en danger, tant sur le plan physique que moral.
L’infraction n’a pas été commise dans le cadre d’une activité scolaire et la requérante n’avait pas la responsabilité d’enfants (…). Nous convenons de la gravité de l’infraction, mais à elle seule, la gravité ne peut établir un lien avec la profession.»
On peut comprendre qu'on révoque le brevet d'un enseignant pour des gestes posés dans le cadre de son travail auprès des jeunes comme c'est le cas de cette enseignante qui aurait instauré un climat de terreur en classe (ici). Encore qu'on devrait recourir, à mon avis, dans certains cas, à cette solution après un processus interne permettant à l'enseignant concerné de corriger les comportements fautifs. Je relis l'article concernant cette histoire et je garde également en mémoire ces causes où des enseignants ont été faussement accusés d'agressions sexuelles. Les membres du Tribunal administratif me semblent bien naïfs quand ils écrivent:
«Trop d'événements semblables ont été relatés par les enfants, une quinzaine ayant témoigné devant la Cour du Québec, qui ne peuvent pas tous avoir menti ou avoir été contaminés par leurs parents.»
Je repense immédiatement à cet enseignant d'éducation physique, Henri Fournier, accusé en 2008 d'agressions sexuelles pas moins de 19 fillettes et qui a été déclaré innocent des 38 chefs d'accusation portés contre lui. Ou à cet autre prof dont deux élèves avaient voulu se venger parce qu'il les avait renvoyées parce qu'elles n'avaient pas leur costume d'éducation physique.
J'ai également des difficultés avec l'idée de révoquer le brevet d'un enseignant puisque je crois au principe de la réhabilitation. Il serait anormal pour un tenant de l'éducation de ne pas partager l'idée qu'on puisse, dans certains cas, éduquer ou rééduquer les gens.
Dans le cas de Geneviève Garneau, il est évident qu'il n'existe pas de véritable lien entre l'infraction qu'elle a commise et son emploi. D'ailleurs, c'est souvent ce point qui est à l'origine des débats entourant cette question. Le cas de cet enseignant reconnu coupable du meurtre de sa femme a d'ailleurs soulevé implicitement cette question il y a quelques années. Jusqu'où doit-on aller dans l'évaluation de ce lien et quels sont les risques de dérapage dans cette évaluation? Dans le cadre de l'étude du projet de loi 106, la CSQ avait produit un mémoire à cet effet (ici).
On doit se rappeler que les commissions scolaires ont le pouvoir de vérifier nos antécédents judiciaires bien que plusieurs de ceux-ci n'ont aucun lien direct avec notre emploi. Par exemple, qu'on pense à des infractions au Code de la sécurité routière ou à la Loi sur l'assurance-emploi. De plus, comme enseignant, vous êtes tenu d'indiquer à votre commission scolaire toute modification à ces antécédents. Vous brûlez un feu rouge et reconnaissez votre faute: vous devez le signalez à votre CS dans les dix jours.
Dans un document du syndicat des enseignants de la Rivière du Nord, on indique d'ailleurs que cette commission scolaire évaluerait le lien entre l'infraction et votre emploi selon divers critères tels:
- le temps écoulé depuis l’infraction;
- le risque de récidive;
- les circonstances de l’antécédent et son caractère isolé ou non;
- les infractions commises dans l’exercice de fonctions auprès
des enfants;
- les valeurs véhiculées par la commission;
- l’admissibilité au pardon;
- le dossier de la personne visée;
- le comportement de la personne visée.
On comprendra qu'au moins un de ces critères soulève des interrogations: celui des valeurs véhiculées par la commission scolaire. C'est entre autres sur la base de ces valeurs qu'une CS a congédié une adjointe administrative plutôt ardente. Tout dépend donc de l'importance qu'on accorde à une valeur plus qu'à une autre. On est parfois devant un dilemme moral difficile.
La dignité de la profession
Là où, par contre, le jugement du Tribunal administratif du Québec ne semble pas se prononcer, c'est concernant ce second aspect de la loi, celui d'un «acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de la fonction enseignante». Ici, on le comprend, on est sur un terrain particulièrement glissant. Est-on indigne d'être enseignant si on a payé sa peine à la société et si on est réhabilité?
La question reste entière.
8 commentaires:
C'est bien d'écrire un tel billet le 27 juillet. Avec les vacances, on a le temps de réfléchir. Tout à fait passionnant.
L'actualité, miss, l'actualité.
Ah bon ? Ces temps-ci, je respire de la colle à abs, alors l'actualité m'échappe pas mal !
Miss: sniffer de la colle? Est-ce un comportement digne de la profession?
Prof indigne, ça me plaît comme appellation contrôlée.
Je crois tout comme vous à la réhabilitation. Je pense que cette dame a payé sa dette envers la société. Cependant, je me pose la question suivante: Quelle sera la réaction des parents lorsqu'ils apprendront que l'enseignante de leur petit chou à fait de la prison?
Paola
J'étais à des lieux de croire qu'il me fallait déclarer dans les 10 jours mes infractions au code de la route... (si jamais j'en avais!!) à ma CS!!
Savoureux, n'est-ce pas?
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