Voilà souvent le proverbe
africain que j’entends quand on parle du rôle des parents versus les missions
de l’école. Au cœur de ce débat, il y a bien sûr des zones sensibles dont le
thème de la déresponsabilisation parentale.
Prenons par exemple la
formation de trois heures «Nager pour survivre» que le MELS entend mettre de
l’avant en troisième année du primaire.
Oublions tout de suite que celle-ci est fort limitée et règlera peu de
choses en fait quant à la problématique des noyades au Québec. Attardons-nous
plutôt à cette question : est-ce le rôle de l’école d’assurer une telle
formation?
Plusieurs parents répondent
que oui en invoquant le fait qu’ils ne sont pas habiletés à enseigner la nage à
leur enfant ou qu’ils manquent de temps. Ils se retournent alors vers l’école
en invoquant que cela fait partie de ses missions et cite le fameux proverbe
déculpabilsant telle une incantation magique.
Ce qu’il faut savoir, c’est
que, dans un village africain, ce n’est pas l’école qui montre à nager aux
enfants, mais bien des frères, des sœurs, des voisins. L’école joue fréquemment
un rôle au sein de la communauté dans laquelle elle s’inscrit, mais pas
celui-là. Elle abordera parfois des thèmes reliés à la santé et l’hygiène, par
exemple, mais elle se concentrera sur la transmission des savoirs et des
connaissances. Dans un village africain, aller à l’école est un privilège et
l’éducateur ocuppe une position respectée. On verra rarement des parents
contester ses décisions ou ses méthodes.
Au Québec, la notion de
village est différente. Bien des familles vivent dans un cocon très renfermé.
Et la relation avec le pseudo «village» qui les entoure est
unidirectionnel : dis-moi ce que le village peut faire pour moi, mais pas
ce que je peux faire pour lui. Pis
encore, le «village» ne doit pas intervenir dans la façon dont certains parents
conduisent les choses. Tentez cette
expérience : ramenez chez lui un gamin au comportement irrespectueux et
observez la réaction de ses parents. Il y a fort à parier qu’il vous
reprocheront votre intervention, même si elle fait référence à des règles de
vie basées sur le bien de la communauté. Quand au statut de l’éducateur, au
Québec, il est souvent respecté en
autant qu’il n’interfère pas avec les volontés des parents. Combien de fois
ai-je vu certains de ceux-ci remettre en question la compétence et l’autorité
d’un collègue? Et je ne parle pas de ces cas de menaces et d’intimidation. Combien
de fois ai-je même vu des parents engueuler des policiers alors que leur enfant
avait commis des infractions? On est loin du village africain et bien plus près
de la jungle.
Dans les faits, pour certains
parents, au Québec, l’école est un service éducatif mais aussi une façon de ne
pas assumer certaines responsabilités. Votre enfant ne sait pas nager et vous
ne savez pas comment le lui apprendre? Demandez à l’école! Pourtant, il existe
des organismes spécialisés dans ce domaine : la Croix-Rouge, des écoles de
natation, etc. Le manque de connaissance
en la matière n’est définitivement pas une excuse valable au même titre qu’on
ne demande pas à un parent d’un enfant malade d’être médecin, mais simplement de
s’assurer que son enfant consulte un spécialiste. Reste à faire l’effort et à
trouver le temps d’y aller.
Chaque famille est unique et
vit ses difficultés. Chaque parent établit ses priorités. Il est également dans
la nature humaine de tenter de remettre aux autres ce qu’il est possible de ne
pas faire soi-même. Cependant, est-ce ici à l’école québécoise de montrer aux
jeunes à survivre en cas de noyade?
On cite souvent en exemple le
cas des cours d’éducation sexuelle à l’école pour justifier que celle-ci puisse
aborder des contenus notionnels traditionnellement moins académiques. Ce qui
est paradoxal, c’est que les gens qui utilisent cet argument reconnaissent
eux-mêmes qu’il s’agit d’un domaine relié à l’éducation parentale en indiquant
que leur père ou leur mère ne voulait malheureusement pas en parler. Ils soulignent ainsi que leurs propres parents
n’ont pas rempli un des rôles auxquels on s’attendait d’eux. Si la société a
demandé à l’école d’aborder ces notions reliées à la sexualité, c’est bien pour
suppléer ce manque parental qui cause de graves problématiques de santé chez
les jeunes. Demander à l’école d’enseigner à nos enfants à survivre dans l’eau
relève de la même dynamique. C’est une solution à court terme à un problème.
Pas la meilleure. Même pas la plus efficace.
Les vraies solutions à ce
problème résident dans la sensibilisation aux responsabilités parentales, mais
aussi dans l’offre de services de soutien pour les familles où la situation
n’est pas toujours facile. À une époque
où l’on remet constamment en question la qualité de l’éducation offerte par
l’école ainsi que les savoirs et compétences de nos enfants, je ne crois pas
qu’on doive ajouter aux écoles des obligations qui ne relèvent pas de leurs
missions premières.
«Ça prend un village pour
élever un enfant.» Or, ce village ne se
limite pas à l’école et à une relation unidirectionnelle. Si certains parents
veulent jouer un plus grand rôle dans le monde scolaire, ils doivent tout
d’abord respecter les missions de celui-ci et les leurs.
1 commentaire:
Je pense que la conception de la vie dans le village africain est aussi bien différente.
Dans un milieu défavorisé, c'est différent, souvent, le parent nous laisse pas mal faire notre travail sans rechigner, tant qu'on ne le dérange et qu'on ne le sollicite pas trop, il fait de même. C'est parfois navrant de voir le désengagement, en même temps, lorsque j'entends mes amies qui travaillent dans des milieux plus favorisés parler de certains parents qui considèrent l'école comme un service non pas seulement pour leur enfant mais aussi pour eux, j'apprécie ce côté de mon milieu.
Il me semble que plus on ajoute de programme hors scolaire dans le scolaire, plus un dilue, encore, notre qualité d'enseignement.
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