05 avril 2009

L'éducation aux adultes: Eldorado scolaire

Excellente série d'articles de Marie Allard dans La Presse sur l'éducation aux adultes.

Tout d'abord, Mme Allard mentionne deux points importants qu'on oublie parfois de préciser aux jeunes qui veulent «aller aux adultes».

Premièrement, certains cégeps discriminent négativement les élèves issus de l'éducation aux adultes. Pourquoi, d'après vous?

Deuxièmement, certaines formations comme les DEP ont des exigences plus élevées que certains cégeps tellement la demande est forte et les programmes contingentés.

Voilà de quoi jeter un froid dans le dos de ceux qui croient que les adultes, c'est facile! Parce qu'ils sont nombreux ceux qui vivent d'illusions pédagogiques.

L'Eldorado scolaire

Pendant les quinze années que j'ai enseigné en cinquième secondaire, combien de fois il m'a fallu brasser des ados qui baissaient les bras et qui s'imaginaient que le gazon était plus vert ailleurs: «C'est individualisé. T'as juste à faire du cahier. C'est facile.»

Et ceux qui partaient pour cet Eldorado scolaire revenaient souvent me voir avec un constat pour mes élèves «branleux dans le manche»: «Les adultes, c'est plate. On est toujours tout seul. Y'a pas de grosses interactions dans les classes, pis avec le prof. Même que ça me gêne de le dire , mais je m'ennuie du secondaire.»

Dans une école de ma CS, l'alternative d'aller étudier aux adultes a augmenté le jour ou on a ouvert un secteur «adultes» dans le même bâtiment que le secteur régulier. La gaffe! Méchante cohabitation, vous en conviendrez!

Gaffe aussi parce que les enseignants du régulier ont pu constater que l'éducation aux adultes disposaient de budgets autrement plus intéressants. Ce secteur a même donné des bureaux, des casiers, etc., au secteur régulier parce que les leurs étaient supposément désuets... Mes collègues se sentaient comme des quêteux.

Un taux de succès peu reluisant

Sauf qu'à côté de l'argent investi pour raccrocher les jeunes (et moins jeunes), on a de quoi à être sidéré quand on constate que le nombre d'élèves diplômés aux adultes est d'environ 15%. Y a-t-il lieu de repenser autrement l'éducation au Québec? Investir davantage dans l'école que dans le raccrochage? La question mériterait d'être débattue. Mais comme le premier ministre Charest semblait se faire une fierté que le Québec soit le champion canadien des raccrocheurs...

La clientèle à l'éducation aux adultes est loin d'être constitué d'adultes: 47% des étudiants aux adultes ont entre 16 et 19 ans. 15% des étudiants de la cohorte 2006-2007 sont même passés directement du secteur des jeunes au secteur des adultes sans arrêter leur cheminement scolaire.

Un bémol

On me permettra ce bémol à cette série de Mme Allard lorsqu'elle laisse la parole à un enseignant au secteur des adultes: «T'as sûrement remarqué qu'on a beaucoup d'élèves de 16-17 ans que les polyvalentes ont câlissés dehors parce qu'elles ne savaient plus quoi faire avec eux.»

En fait, la plupart des élèves se «câlissent» eux-mêmes dehors parce qu'ils ne respectent pas certaines conditions précisées dans des contrats de réintégration en classe qu'ils ont dûment approuvé. Des exigences comme arriver à l'heure en classe ou faire le travail demandé. Des exigences normales de quelqu'un qui veut aller à l'école.

Il est beaucoup plus difficile de mettre un jeune à la porte d'une école secondaire qu'on le croit. Il existe un droit sacré à l'éducation qu'il peut malmener autant qu'il le veut.

Quand on suggère à un jeune d'aller aux adultes, c'est souvent parce qu'il a déjà brûlé toutes les alternatives et les ressources de son école. Pas juste parce qu'on manque de ressources, mais souvent parce qu'il les a toutes épuisées et qu'il y a des cas autrement plus rentables dans lesquels investir.

À cet égard, le témoignage de Carl est assez indicateur. Ce dernier, qui travaille dans une épicerie, a confié à la journaliste: <« Ça va, mais il faut aussi du temps libre pour faire ce que tu veux dans la vie », a-t-il plaidé. Le jeune homme aux cheveux foncés n'avait pas fini son secondaire et ne semblait pas prêt d'y arriver. « C'est ça quand t'es né dans un quartier difficile : tous mes chums sont des mauvaises influences », m'a-t-il expliqué un midi, avant de partir. C'était deux jours avant mon départ de l'école ; je ne l'ai pas revu.

11 commentaires:

Une Peste! a dit…

J'ai lu également cette série d'articles ce matin. Le cheveux me dressaient sur la tête.

Comme le dirait ma Zola:... la lie, Astie, la lie.

Parce que oui, faut savoir faire une division si on veut un diplôme avant d'aller en chercher un autre qui autorisera à s'occuper des personnes âgées. Juste pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une conne finie (euh..) ou d'une paresseuse inapte à prendre soins de gens particulièrement vulnérables.

Anyway, des mal-engueulé(e)s comme ça, sont recalé(e)s au DEP. Il ne s'agit pas que de notes, il leur faut passer au travers un processus de sélection avec tests psychométriques, évaluation des compétences ET des connaissances. Savoir faire une règle de trois, lorsque tu veux aller faire un DEP d'infirmière-auxiliaire, c'est assez minimal (et sécuritaire!) si vous voulez mon opinion. Ensuite, les sélectionnés passent au 2ième tour: Entrevue individuelle.

Moi, cela me rassure. Je ne voudrais pas qu'une des imbéciles dont parle ces articles se retrouvent un jour à devoir prendre soin de ma mère ou de mon père.

Cela dit.
Quel milieu Ouach pour les profs.
Y a des limites à ce que, personnellement, je pourrais endurer. On dirait que les locaux sont plein de gens en mode occupationel. Plutôt que disposés à faire un changement dans leur vie.

Vive le privé.
Ça coûte moins cher et c'est plus efficace. ;-DD

Une Peste! a dit…

Ces articles "parlent" ainsi que "locaux pleins"

J'ai de la difficulté avec mes pluriels ce soir, faut crère.

bobbiwatson a dit…

Je pensais que, légalement, l'âge adulte était à 18 ans. Que font des jeunes de 16 et 17 ans dans "les cours aux ADULTES"? Avec tout ce qu'on leur fait miroiter on n'a plus à se demander pourquoi il y a des décrocheurs!

bobbiwatson a dit…

Tels que présentés par la journaliste, les "cours aux adultes" sont des fourre-tout! J'ai un jeune adulte à la maison qui a la chienne dès qu'il entend le mot "maths"! Mais il veut aller au cégep et éventuellement (oui!) à l'université. Mais il lui manque ses maths de 5; il a celles de 4. Le cours aux adultes pour les faire lui fait moins peur: on se demande pourquoi :( Il a dû avoir des commentaires d'anciens compagnons de classe.

Lapsus a dit…

@une peste
effectivement, son commentaire était extrêmement choquant et tu nous rassures en nous disant qu'elle sera recâlée au DEP. Mais le sera-t-elle vraiment?

Renée-Claude a dit…

Ça fait 8 ans que j'enseigne à l'éducation des adultes au collégial et... on accepte à peu près n'importe qui (pour avoir fait passer des entrevues à des intéressés, avoir écrit sur le rapport de ne pas les accepter et les avoir vus en classe par la suite, je sais de quoi je parle... qu'est-ce qu'une institution ne ferait pas pour remplir ses classes et obtenir des subventions ?), et on donne également un diplôme à n'importe qui...
Je sais, ce n'est pas très gentil de ma part pour les bons étudiants compétents, mais il y a effectivement des trucs qu'on ne devrait pas laisser passer.
Ex : une stagiaire qui arrive en retard à son stage, s'absente régulièrement sans reprendre ses heures, et ne s'investit pas et on ne l'apprend que trop tard, ou par après, et pas moyen de la couler (le document d'évaluation ne prévoit pas de points pour l'assiduité. Elle a fait ses travaux écrits, a bien pris soin de sa clientèle, rien n'évalue l'aptitude à travailler en équipe avec ses collègues et/ou les parents des enfants, ce qui est une part intégrante du travail, pourtant...).
Une fois sur le marché du travail, cette personne se promène avec un diplôme qu'elle n'aurait pas dû avoir, et le collège a mauvaise réputation.
Ça me décourage et m'a donné le goût de quitter le milieu. Pourtant, je pense être une bonne prof...

Guillaume a dit…

Tu demandes pourquoi les cégeps discriment négativement les gens venant cours aux adultes. J'aurais tendance à pensé que c'est parce que les exigeances ne sont pas aussi forte et que les cégeps ne sont pas dupes.

Une Peste! a dit…

Les ti-culs envahissent maintenant le secteur adultes. J'ai débuté un nouveau groupe aujourd'hui: le deux/tiers de mon groupe a 18-19 ans. J'ai même eu droit à mon premier mineur.

Même pas 17 ans et demi.
Arg. On dirait un petit chat. Pour sa défense, il a l'air motivé. On verra bien.

C'est la première fois que j'ai autant d'AJ.

Parait qu'au secondaire régulier, ils appellent ce programme: «l'école payée». La contribuable en moi tente de se consoler en se disant que pour bénéficier de cette aide, bin, il a fallu qu'ils travaillent un certains nombre de mois avant de bénéficier de nos largesses. Cette même contribuable se demande également quand est-ce que le «bon peuple» va se réveiller et demander des comptes au Ministère de L'Éducation en ce qui concerne sa ...euh... gestion (sic) de programmes.

Me semble cela ne tient pas d'bout.

Missmath a dit…

Il est vrai que le Cégep a longtemps discriminé les étudiants arrivant de l'éducation aux adultes. En math, on disait même entre nous que le sigle GMA signifiait : Grosses maths d'adultes.

Si c'est peut-être encore vrai en sciences de la nature ou dans les rares programmes techniques exigeant encore les mathématiques 536, ce n'est plus vrai dans les secteurs techniques exigeant un minimum de mathématique, peut-être parce que les étudiants qui ont obtenu leur diplôme "aux adultes" ne sont plus des exceptions.

Maintenant, d'où vient cette discrimination ? Essentiellement de deux faiblesses. Les élèves qui ont fait la formation aux adultes ont du mal à suivre le rythme du Cégep, à être prêts dans les temps pour leurs évaluations. C'est le point majeur. Le deuxième, c'est qu'on en fait des machines à répéter et non à penser. Ils sont habitués à avoir des évaluations qui sont des copies conformes de leurs exercices, de leurs pré-tests.

J'ai bien hâte de voir ce qu'il adviendra des mathématiques aux adultes avec la Réforme. En fait, j'ai bien hâte de voir ce qu'il adviendra des mathématiques de la Réforme. Mais ça, qui vivra verra.

Anonyme a dit…

Prof masqué, je m'insurge, la série est peut-être bonne, mais un article, -le dernier- est particulièrement pernicieux.

La Presse se permet souvent de légers jeux sur le plan de la probité intellectuelle (surtout sur le dos des syndicats, des fonctionnaires et des profs).

Vous trouverez sans doute que je fais une tempête dans un vers d'eau mais TOUTE MANIPULATION d'information est à démasquer. D'autant plus que Madame Allard est d'ordinaire une journaliste sérieuse, le glissement que je constate ici tend à se produire de plus en plus fréquemment.

Je vous laisse le soin de juger par vous même : http://lepamphletparu.blogspot.com/

Étienne
(désolé pour le prosélytisme)

Le professeur masqué a dit…

À tous: merci de vos commentaires qui ajoutent un éclairage à mon billet!

Etienne: moi aussi, j'avais de la difficulté avec cette comparaison. C'est d'ailleurs pourquoi je ne l'ai pas reprise dans mon résumé parce qu'elle me semblait incorrecte.

Cela étant écrit, je ne crois pas que Mme Allard ait voulu manipuler mais qu'elle a été maladroite en comparant des pommes avec des oranges. À cet égard, votre billet montre très bien les risques de cet exercice! Rigueur, rigueur, rigueur!