05 mai 2010

Comment éviter les comparaisons (ajout)

Ce sont mes collègues de français au cégep qui vont être contents!

La Presse affirme ce matin que l'examen ministériel de français auquel seront soumis les élèves de cinquième secondaire serait plus facile. N'ayant pas vu encore la chose, il m'est impossible de commenter à ce propos, sauf que je remarque deux choses:

1- On demande ni plus ni moins aux élèves d'écrire une lettre d'opinion, ce qui est un discours déjà vu en quatrième secondaire.
2- On change les conditions entourant cette épreuve au moment même ou les élèves réformés atteignent la cinquième secondaire, empêchant méthodologiquement toute comparaison avec les résultats des années antérieures. Coïncidence?

Règle générale, les élèves n'échouaient pas cette épreuve à cause de leur incapacité à rédiger le texte tel que demandé. Les résultats concernant ces critères atteignaient des proportions soviétiques. C'est davantage le respect de la langue qui posait problème.

Mais si l'on rend le texte plus facile à écrire, cela aura inévitablement comme effet de leur permettre d'avoir plus de temps et d'énergie pour corriger leurs erreurs. De là, on peut se demander si le MELS ne magouille pas une fois de plus pour faire passer tout le monde et sauver la face?

Je jaserai avec des collègues aujourd'hui et je vous reviendrai là-dessus.

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Après une jasette, l'article de La Presse semble brosser un portrait juste de la réalité. Les élèves de cinquième auront un texte plus facile à rédiger. Alors qu'autrefois, ils devaient appuyer leurs affirmations sur des preuves réelles tirées d'un recueil de textes accompagnant l'épreuve ou provenant de textes dont ils devaient citer les sources, on acceptera à peu près n'importe quoi du genre: «Hier, je lisais que la loi de la gravité...» Verra-t-on mes amis de la réforme dénoncer ce «retour en arrière»?

Chose certaine, j'ai l'impression d'une opération pour, encore une fois, tenter de niveler par le bas et permettre à des élèves ne possédant ni les connaissances ni les compétences d'obtenir un diplôme dont la valeur en prend un sacré coup. Mais quand on veut sauver la face par rapport à une réforme...

Enfin, l'enseignant cité dans La Presse affirmait que des élèves de troisième secondaire pourraient réussir cette épreuve. Il a tort. La moitié sinon le trois-quart de mes élèves de première secondaire (issus d'un programme enrichi) le passerait sans problème. Et comme un élève qui réussit l'épreuve ministérielle est réputé avoir réussi son cours, je crois que je vais demander à un couple d'inscrire son jeune de première secondaire l'année prochaine uniquement pour montrer toute l'absurdité de cette situation .

13 commentaires:

helene a dit…

J'attendrai d'en savoir plus avant de commenter, quoique ma première impression en est une d'étonnement. Mon fils rédigera cette épreuve demain. À suivre également, l'arrimage de cette cohorte au cégep.

Missmath a dit…

Définir "proportion soviétique", s.v.p.

(Tu devineras mon intention d'adopter cette expression, mais encore faut-il que je l'utilise correctement !)

Le professeur masqué a dit…

Hélène: merde à votre fils!

Miss: pourcentage (électoral) défiant tout imagination...

bobbiwatson a dit…

Faciliter un tel examen est la preuve que les élèves de la réforme n'ont pas les acquis nécessaires pour passer l'ancien examen. Leur formation laisse donc à désirer. On camoufle le manque en donnant un examen plus facile.

Missmath a dit…

Autant dans un sens que dans l'autre alors. D'accord, c'est noté. Merci.

Charles Samares a dit…

Je m'imagine déjà la Ministre se péter les bretelles devant les bons résultats à l'examen de français de la première cuvée de la réforme!

On carbure à l'illusion de nos jours...

Jonathan Livingston a dit…

Je crois aussi que l'opération permet probablement d'ouvrir de plus grandes ouvertures pour le tamis du MElS pour la première cuvée particulièrement amochée par les dérives de la réforme, mais bon, à ce qui me semble, l'utilisation de «preuves» avec des sources bien identifiées n'est qu'un aspect somme toute accessoire de la faculté d'écrire un texte rigoureux et sensé dans un français respectable.

En fait, si on élimine ce genre de préparation qui permet des bricolages ou décalquages sur des notes prises antérieurement permises à l'examen, je serai le premier à féliciter le Mels. La compétence en écriture doit pouvoir se donner spontanément sans préparation et même sans outils de référence comme dans la plupart des examens d'embauche ou qui qualifient. Je ne crois pas que le Céfranc ou le Sel n'aient exigé la moindre source dans leur texte argumentatif pour évaluer la compétence en rédaction des enseignants... Y accepte-t-on n'importe quoi?

En évaluation, il me semble surtout important de bien définir des critères et de les mesurer avec le plus de rigueur possible par des évaluateurs compétents et objectifs.

Du reste, pour évaluer la compétence en écriture, on pourrait tout aussi bien leur faire écrire une narration puisque cette dernière est aussi l'objet d'un enseignement systématique au secondaire.

Bref, le genre de texte à produire de l'évaluation importe peu, c'est la rigueur de l'évaluation de la qualité de la langue en fonction de critères reconnus qui compte. Sans faire de «preuves» aux sources bien identifiées, on peut faire un texte argumentatif assez convaincant dans une langue de qualité, cohérente, structurée avec des raisonnements valables ou des justifications appuyés sur des faits et connaissances notoires, ce qui est loin d'être du n'importe quoi. On en trouve sur le Web et on les distingue très bien des textes sans queue ni tête bourrés de fautes d'orthographe.

Le problème fondamental se situe ailleurs: dans l'attitude de mères Thérésa (image rigolote de Luc Papineau dans l'ouvrage collectif Le grand mensonge de l'éducation, 2006) qu'on impose aux correcteurs du Mels en faisant fi de critères minimaux. Le problème est d'accepter à la correction dans un texte des phrases complètement stupides et des raisonnements qui n'en sont pas. La passoire globale n'est pas née cette année...

A.B. a dit…

Je viens de publier à ce sujet. La Presse se goure. Le Devoir a le portrait le plus fidèle.

Anonyme a dit…

Je crois que la perspective de Livingstone (vivre gelé ?) est tout à fait emblématique des problèmes de l'enseignement de la langue, désormais conçue comme un système fermé destiné avant tout à communiquer et non plus à construire une pensée. Tant que la machine roule, tant que le locuteur (ou le scripteur) produit du texte, et qu'il arrive à le faire convenablement, avec une certaine cohérence, on considère que le but est atteint, peu importe le propos. Dites n'importe quoi, mais faites-le en français correct et en respectant les codes (linguistiques, orthographiques, grammaticaux), et vous serez considéré comme un locuteur "compétent". Car il n'y a plus que le concept de compétence qui compte. Mais outre le fait qu'une opinion est toujours cohérente puisqu'elle relève de l'individu et non de la construction laborieuse d'une pensée (d'une argumentation) et n'est somme toute que le reflet de ses préférences ou de ses valeurs, il ne suffit que de quelques mots pour en faire part, énoncé dans une syntaxe rudimentaire. Il n'y a qu'à écouter n'importe quelle ligne ouverte quelques minutes pour le constater.

Tout aussi grave à mon avis est le recentrement constant autour de l'individu que subit la langue. Dès l'instant où l'opinion remplace l'argument, c'est tout un aspect des rapports qu'entretient le scripteur avec la langue qui est dévoyé : plus besoin de savoir lire, il suffit de savoir écrire ; plus besoin de savoir synthétiser des idées, il suffit d'exprimer le fond de sa pensée. Bref, c'est l'idée même d'une langue comme outil servant à penser, à réfléchir, à construire et à interpréter qui est jetée aux orties. Et l'on constate que les étudiants sont en effet de moins en moins capables d'élaborer une pensée. Au cégep, après qu'ils aient traversé onze années de scolarisation, il faut, dès le premier semestre, leur montrer comment construire un... paragraphe ! Un paragraphe, vous vous rendez compte ? Sinon, c'est n'importe quoi : pas d'idée principale, pas de construction logique, pas du nécessaire principe de cause à effet, les phrases s'enchaînent (et encore, disons qu'elles se succèdent) selon le flot de la pensée.

Désolé d'avoir été un peu long, j'en aurais encore pour la journée. Je dirais simplement, pour paraphraser le prof. masqué, moi qui enseigne au cégep : ce sont les profs d'université qui vont être contents.

Le professeur masqué a dit…

Samarres: content de vous savoir vivant à défaut de vous lire sur votre blogue.

Bobbi: onn,a pas facilité l'épreuve, on l'a actualisée, ancrée dans l'actualité des jeunes...

Jonathan: la bêtise est universelle et éternelle...

Safwan: ke texte du devoir contient des erreurs de faits importants. Je te reviendrai là-dessus.

Straperoi: en fait, tout le monde va être content: tout le monde passe!

bobbiwatson a dit…

PM, la ministre "se pètera les bretelles" si le niveau de réussite de l'examen d'aujourd'hui est supérieur "à ceux des dernières années". On s'en reparlera si tu le veux bien.

cendrillon a dit…

Tu parles de tes élèves de première qui pourraient réussir cet examen: peut-on les laisser vivre leur niveau et ne pas les parachuter plus haut? Rendons-leur service et rendons service aux futurs enseignants qui les auront.

Le professeur masqué a dit…

A Bobbi et Cendrillon qui partagent souvent les mêmes avis...

Cendrillon, on parle d'une hypothèse. On se calme.