Qu'on me comprenne bien: j'ai fui la cinquième secondaire pour trois raisons. La premère étant que j'étais dégoûté des évaluations bidon du MELS qui vient consacrer la bêtise du système d'éducation du Québec et distribuer des diplômes dont on peut discuter de la valeur. La seconde était que je n'en pouvais plus de ces évaluations à la gomme qui venait saper la rigueur de mon enseignement. Enfin, la troisième était que j'aimais mieux intervenir efficacement auprès de jeunes élèves afin de leur donner de bonnes bases que d'en tenter de sauver à la dernière seconde du nauffrage certains qui avaient parfois subi 10 ans d'incurie scolaire.
Mais jamais je n'aurais cru que le MELS pouvait descendre si bas. Ceux qui estiment que l'examen d'écriture d'aujourd'hui est semblable à ceux des années antérieurs ont carrément tout faux!
Opinion n'égale pas argument
Il existe un monde de différence entre une opinion et une argumentation. Si, comme la ministre de l'Éducation, vous ne la connaissez pas, de grâce perfectionnez-vous!
L'article de Rima Elkouri, qui a été corectrice de l'épreuve ministérielle pour le MELS, l'explique d'ailleurs très bien: «L'argument est un raisonnement qui permet de prouver ce que l'on avance. L'opinion est avant tout une attitude qui tient pour acquis que ce que l'on dit est vrai. Entre les deux, il y a tout un monde.»
Premier grand test pour les élèves de la réforme
Voilà le titre d'un article du Devoir ce matin. Un grand test à rabais, oui!
En effet, tous les professeurs que j'ai consultés m'ont indiqué que l'épreuve de cette année serait plus facile au niveau de la rédaction du texte. L'élève n'aura pas véritablement à développer et construire sa pensée. Il s'agit davantage d'«un nouvel examen qui colle davantage aux principes du Renouveau pédagogique», indique Le Devoir. Émettre une opinion de manière cohérente, voilà un défi à la hauteur de la majorité des intervenants à CKAC Sports avec Ron Fournier...
Plutôt qu'un texte argumentatif, la rédaction de cette année serait fait sous forme de lettre ouverte qu'on pourrait retrouver dans un journal ou sur un site Internet. «C'est plus réaliste. Ça donne plus de sens à ce que l'élève fait», croit Hélène Leblanc, directrice pédagogique au collège Saint-Maurice en Montérégie, qui indique que cette évaluation s'inscrit parfaitement dans le Renouveau pédagogique.
Ah bon! Donner plus de sens... Parce qu'on n'a jamais besoin d'argumenter dans la vie, à ce que je sache?
Des faits complètement erronnés
Par ailleurs, le texte du Devoir est totalement dans le champ sur deux aspects précis.
Le premier, lorsqu'il affirme que «l'épreuve unique du ministère de l'Éducation, qui existe depuis la fin des années 1980, n'a guère changé au fil du temps.» C'est tout à fait faux comme on peut le lire dans les commentaires à la suite de ce texte. Cet examen a connu des nombreuses formules différents au cours des années et il faut être vraiment mal informé pour affirmer une telle idée.
Le second, lors qu'il reprend les propos de Nathalie Lacelle, qui a oeuvré pendant 15 ans au secondaire avant de devenir chercheuse à l'Université du Québec à Montréal: «Avant, quand on préparait les élèves à l'examen, il fallait varier les formules, car c'était un texte plus argumentatif classique. Mais cette fois, le destinataire est fourni. Ce seront les lecteurs du site Web hébergé par le ministère. Le lieu de publication formalise le procédé et encadre la forme du texte.»
Or, je ne sais pas sur quelle baloune vit Mme Nacelle, mais la notion de destinataire existe depuis plusieurs années dans cet examen et était bien plus exigeante par le passé que maintenant. On fournissait aux élèves un destinataire précis avec des caractéristiques clairement identifiées dont ils devaient tenir compte.
Désolé Safwan, mais j'estime que Le Devoir a tout faux!
5 commentaires:
Une petite précision, si vous permettez: le destinataire n'était jamais connu à l'avance, comme ce fut le cas cette année. Dans une des pages du recueil distribué le 29 avril, l'élève découvrait à qui il allait écrire (les lecteurs du site web "Pouvoir des mots" du ministère de l'Éducation). Auparavant, vous le savez comme moi, le destinataire n'était découvert que le matin même de l'examen et cela faisait une différence. Mme Lacelle a raison de dire que le destinataire est maintenant connu d'avance. Le rapport au destinataire s'en trouve complexifié: les lecteurs d'un site Internet forment un lectorat disparate et les élèves ont du mal à les impliquer de façon réaliste. Exhorter un ministre ou un directeur d'école à agir dans le cadre de ses fonctions était tout de même moins abstrait, si l'on était attentif à la description de son mandat. Une bonne lettre ouverte commence au "je", s'adresse à un "vous" et amène le lecteur à s'associer dans une pensée d'action, le "nous".
Pour avoir enseigné en 5e cette année, permettez-moi de dire que l'examen n'était pas plus facile. À cause de la liberté de plan, les élèves plus faibles avaient du mal à organiser leurs idées. Certains croyaient même que les techniques de réfutation n'existaient plus! Au contraire, elles devaient être présentes plus que jamais. Cette année, j'ai suivi la nouvelle grille et j'ai mis l'accent sur le style à développer. On a analysé les tics d'écriture qu'on a sans le savoir et qui défigurent un texte, on a vu plus que jamais les techniques de réfutation qui aident à étoffer ce genre de texte. Le danger de la lettre ouverte réside dans le fait que les élèves faibles copient sans honte, malgré nos nombreux avertissements, ou remâchent à peine des extraits de textes fournis par le ministère parce qu'on leur dit que le plan de la lettre ouverte est plus libre. La menace était grande cette année et je m'en suis aperçue en corrigeant des pratiques en mars. Pas facile aussi de faire comprendre que l'expression de l'opinion ne passe pas seulement par un solide plan argumentaire, mais aussi par le vocabulaire connoté, les phrases incidentes, l'utilisation de procédés stylistiques appropriés, etc. Toutes ces jolies choses qu'on n'apprend véritablement qu'en lisant! En tout cas, chez nous, cela a dérouté bien des élèves.
Comme dans tout examen du genre, reste à savoir comment ce sera corrigé. En bout de ligne, ce n'est pas que l'épreuve ait été plus facile. C'est plutôt qu'on sait tous que la correction sera très généreuse.
Lia: J'accueille la nuance sans problème mais, si je comprends bien, on fournit le destinataire à l'avance? Bordel, les années antérieures, on ne le faisait pas et il fallait amener les élèves à être conscients à qui ils écrivaient...
Tiens, je vais te dire un petit truc: plusieurs des élèves en échec les années antérieures l'étaient parce qu'ils ne tenaient pas compte du destinataire. Les mauvaises langues disaient que les profs ne les préparaient pas assez à ce propos. Quoiqu'il en soit, il arrivait que les jeunes ne tenaient pas compte des caractéristiques de ces derniers. En leur donnant le destinataire à l'avance, on les aide encore plus!
Pour l'une des rares fois, nous ne sommes pas d'accord. Je n'ai pas enseigné très différemment cette année des années antérieures. Les élèves ont toujours eu de la difficulté à personnaliser et à approfondir leurs arguments. Ils doivent encore le faire et ont encore de la difficulté.
Le destinataire n'a plus à être interpelé artificiellement comme les élèves le faisaient trop souvent. Maintenant, ils se doivent de l'intéresser par le biais des mêmes stratégies que j'enseignais anciennement.
La langue demeure toujours le facteur discriminant comme elle l'était autrefois. Les correcteurs ont tendance à forcer la note en contenu si la langue est massacrée et vice et versa. Je ne t'apprends rien ici... ;o) Je ne crois pas qu'ils changeront cette façon de faire pour le moins inquiétante.
Beaucoup d'élèves ont échoué leur pratique en raison de l'orthographe, comme d'habitude.
En ce qui concerne l'opinion et l'argument, je veux bien qu'ils soient différents. Toutefois, il est totalement faux de penser que l'élève n'a pas à mettre d'argument dans son texte. Voici le libellé du critère 1 pour la cote A:
Appuie ses propos sur des éléments (justifications, argumentations) pertinents et les développe de façon personnalisée et approfondie.
Le critère 2 se lit comme suit (cote A):
«Assure la continuité au moyen d'une grande variété de substituts (variété du vocabulaire, entre autres) et fait progresser ses propos en établissant des liens étroits.
Pour établir des liens étroits, il faut être très habile. J'enseigne à près de 100 élèves et je peux compter sur les doigts d'une seule main les élèves qui ont obtenu un A dans ce critère. Texte argumentatif ou lettre d'opinion, ces liens se doivent d'y être, non?
Bref, le diplôme est toujours au rabais, mais je ne trouve pas qu'il est en liquidation pour autant.
@ Lia:
«Pour avoir enseigné en 5e cette année, permettez-moi de dire que l'examen n'était pas plus facile.» Je partage votre avis.
@ PM:
Je me permets aussi d'ajouter que tu n'as pas enseigné la lettre d'opinion cette année. Tu n'as pas vécu la transition de l'intérieur. Ce que pensent tes collègues, ce qu'en dit La Presse est une chose. Peut-être qu'en étant plus au fait tu aurais une opinion différente. J'ai au moins l'avantage d'avoir vécu l'avant et l'après.
Safwan: Youppie! On s'engueule! : )
Mes collègues ont fait l'avant et l'après.
Je crois, pour ma part, que le travail du destinataire était plus difficile auparavant parce qu'il était inconnu avant l'épreuve. Il fallait, déjè à l'époque, tenir compte de certaines caractéristiques très précises et varier les procédés pour susciter son intérêt. On demandait aux élèves de se retourner sur un 10 sous.
Cela étant, ils vont tous passer pareil au MELS. En classe, avec toi, on le sait, tu es plus sévère.
Tu enseignes aussi en 4e cette année?
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