Voici deux situations que doivent parfois vivre certains décideurs scolaires et qui ont été rapportées dans les médias récemment.
Embaucher la famille
Par exemple, à la commission scolaire de Montréal, la présidente de cette CS, Diane De Courcy, a deux enfants qui ont été nommés directeurs adjoints sous sa gouverne. On affirme que le processus de sélection a été impartial.
Mais voilà: vous êtes un employé de Mme De Courcy et on vous demande de juger des qualités professionnelles de ses deux enfants. Oups... méchant contrat empoisonné. Si les candidats à l'origine présidentielle sont de qualité, votre choix est facile. Qu'on les embauche! Cependant, il trainera toujours une odeur persistante de favoritisme derrière votre décision, même si tout le processus a été rigoureusement suivi.
Par contre, si la compétence des candidats est insuffisante, que faites-vous? Vous les recalez en sachant que votre nom sera douloureusement invoqué lors d'une prochaine rencontre familiale? Vous les embauchez pour acheter la paix tout en sachant que votre décision a été prise sous le poids que vous vous êtes vous-même placé? À moins bien sûr que vous ayez perçu, à tort ou à raison des messages réels ou subtils quant à la décision que vous aviez à prendre.
Bref, il s'agit d'une situation merdique qu'on aurait pu éviter en refilant simplement les enfants Courcy à une autre CS où un directeur-général amical aurait pu régler le problème à l'avantage des membres de cette famille sans trop d'interrogations.
Gaston, y'a le téléfon
À la commission scolaire des Affluents, on a attribué au terme d'un processus de sélection un contrat d'une valeur de 465 000$ à la compagnie Rogers et c'est la boutique de Terrebonne qui fournira le service quant aux 300 appareils cellulaires destinés aux cadres et directeurs de cette CS. Or, cette boutique est détenue à 10% par le président de cette même commission scolaire, Yves St-Denis, et la soumission de Rogers était de 15 000$ supérieure à son concurrent, Telus, qui offrait ce service sans problème notable à la CS depuis six ans.
Le secrétaire général de la CSA, Jacques Dufour, confirme qu’Yves St-Denis «(…) n'a pas participé aux débats ou aux échanges entourant ledit dossier puisque ce dernier s'est retiré à chaque fois des séances du Conseil ou du comité exécutif où le dossier était à l'ordre du jour.» Encore une fois, si vous êtes employé de la commission scolaire ou membre de l'équipe de commissaires de M. St-Denys, vous voilà placé dans une situation inconfortable.
Je ne peux pas croire qu'il n'existe pas sur le grand territoire de cette commission scolaire une autre boutique Rogers qui aurait pu assurer le service de ces appareils. Pour une somme qu'il évalue à 3 000$ sur trois ans, M. St-Denys aurait pu éviter un battage médiatique aussi inutile que nuisible à son image publique.
Par ailleurs, il faudra m'expliquer pourquoi 300 cadres de cette CS ont besoin d'un téléphone cellulaire ou d'un BlackBerry pour effectuer leur travail. A-t-on assisté à une amélioration de leur performance avec cet outil? Sur un autre plan, si M. St-Denys détient 10% des parts de la boutique Rogers de Terrebonne, qui détient l'autre 90%? De la famille, des amis, des inconnus?
Ce qui est intéressant aussi, c'est que personne n'a questionné la gestion de la téléphonie de cette CS. Ainsi, on apprend le fait suivant:
Yves St-Denis a par ailleurs informé TC Média que le tarif imputé à Rogers Communications lors de l’évaluation tenait compte d’une pénalité de 26 000 $. «La commission scolaire n’a pas fait attention au renouvellement de certaines lignes, soit environ 75, dont le coût a été imputé au soumissionnaire autre que Telus.»
Un peu de jugeote, que diable!
Dans les deux cas, ces décideurs scolaires prêtent flanc à la critique. La publication d'articles à ce sujet dans les médias et les commentaires qu'on a pu entendre à la radio ont renforcé cette impression que certains profitent indûment du système.
Or, il faut savoir qu'en administration publique, l'apparence d'un conflit d'intérêts est aussi nuisible pour la crédibilité auprès des citoyens qu'un véritable conflit d'intérêts. Dans l'état actuel de l'actualité québécoise, les CS n'ont pas besoin de cela, je crois.
Nos décideurs, même s'ils sont dans leur droit, devraient peut-être voir plus loin que leur propre personne et penser à l'intégrité et la sauvegarde de leur institution. Quand on pense au déficit de crédibilité des commissions scolaires, on comprend mal que certains ne réalisent pas qu'ils donnent ainsi, encore une fois, des munitions à ceux qui veulent les abolir. C'est regrettable mais, quant à moi, ils ont tort de croire qu'ils réussiront à remonter la pente, surtout avec de telles actions. Même leurs traditionnels alliés du parti libéral commencent à en avoir marre, comme on l'a vu lors du récent congrès de cette formation politique.
Les signaux s'accumulent, mais on ne semble malheureusement pas comprendre le message.
7 commentaires:
Je siège su plusieurs c.a. depuis 10 ans et je peux vous confirmer que la règle voulant que le membre se retire lorsqu'une décision le concerne ne veut rien dire. Au sein des conseils un esprit de clan finit par se développer et ne garantit en rien l'objectivité des décisions. Sur le dossier précité, le fait de ne pas donner le contrat au plus bas soumissionnaire et la question sur l'identité des autres actionnaires rendent ce dossier pour le moins non crédible. Quant au jugement du principal concerné, je serais tenté d'en douter moi aussi.
À moins d'informations supplémentaires, je ne présume rien des décisions prises ici. Seulement, en relations publiques, une apparence de conflit d'intérêts, c'est une chose à éviter. La perception publique est parfois irrationnelle et ingrate. Vaut mieux éviter ce genre de zones grises.
Je ne vois pas en quoi il était pertinent de fournir des gadgets aux cadres et aux directeurs de la CS moi non plus. Aux directeurs d'école je veux bien, mais aux gens dans les bureaux, conflit d'intérêt ou non, ce n'est sans doute pas nécessaire.
Cher PM,
Toutes les commissions scolaires se donnent des politiques ou des procédures pour contrer le népotisme, pour éviter que des personnes ne jouissent indûment d’avantages du seul fait que des proches occupent des situations d’autorité au sein des organisations. Mais ces politiques ont un second volet qu’on oublie trop souvent: si je ne peux tirer indûment avantage du fait que mon père est DG ou président d’une organisatiuon, le fait qu’il occupe ce genre de fonction ne doit pas non plus m’empêcher d’obtenir un poste auquel je peux légitimement aspirer.
Ce second élément est appuyé par au moins un jugement de la Cour suprême du Canada. La ville de Brossard avait émis une directive à l’effet de ne pas embaucher pour des emplois d’été des étudiants dont les parents travaillaient déjà pour la ville ou étaient conseillers municipaux. La chose s’est rendue jusqu’au tribunal de dernière instance qui a finalement déclaré la directive discriminatoire et contraire à l’application de la Charte des droits. Dans pareil cas, l’employeur a l’obligation de mettre en place des accommodements. Voici d’ailleurs une des conclusions de ce jugement:
La valeur destinée à être protégée par la législation antidiscrimination, savoir que les gens doivent être traités en tant qu’individus et selon leur mérite, me paraît trop importante et trop fondamentale pour céder le pas à une politique rigide d’antinépotisme s’il existe des moyens moins radicaux de protéger l’intégrité de l’administration de la ville et d’assurer l’apparence d’une telle intégrité.
De l'aveu même du président de l'association des directions d'écoles de Montréal, le processus de sélection de sélection est suffisamment rigoureux et encadré pour éviter ce genre de dérapage.Alors, le problème est où ? Dans l'inconfort d'une direction à superviser les enfants de la présidente? Et l'inconfort d'un enseignant à évaluer le fils ou la fille d'un collègue ? Ou encore de celui d'enseignants d'une école secondaire publique de Dollard-des-Ormeaux qui se sont retrouvés face à face avec la ministre de l'Éducation du temps, venue recevoir et se faire commenter le bulletin de ses fils ?????
La pointe de l'iceberg...
M. St-Pierre: effectivement, une discrimination basée sur une appartenance familiale serait illégale et j'ai toujours plaisir à lire vos commentaires qui sont des contreparties intéressantes.
Je remarque que votre commentaire ne porte que sur le premier exemple.
Dans le 2ème cas, on parle conflits d'intérêt et de transactions commerciales. Là, on ne peut pas se permettre la moindre apparence de conflit. Pensez à l'ex-ministre du travail, David Whissel qui a quitté le cabinet à cause d'une histoire de contrats d'asphaltage. Tant qu'à moi, St-Denis devrait démissionner. Ça soulagerait pas mal de ses collègues présidents de CS je pense. C'est le genre de coéquipier à se mériter année après année le trophée du joueur le plus utile à L'AUTRE équipe. Comme ce défenseur des Oilers qui avait compté dans son propre but en période supplémentaire du 7e match de la demi-finale pour la coupe Stanley...
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