Une nouvelle lettre, tout aussi intéressante, d'autres profs du primaire cette semaine traduisent les mêmes inquiétudes. Combien on parie que les paroles de ces professionnels de l'éducation ne feront pas le poids devant les visées ministérielles et le point de vue de certains décideurs du complexe politico-pédagogique?
Aux arguments avancés par les signataires, j'aimerais en rajouter d'autres d'ordre bêtement pratique.
- En sixième année, quel prof va vouloir faire une demi-année avec un groupe et une autre demi avec un autre par la suite? Quel prof va vouloir reconstruire à mi-année des liens avec un nouveau groupe? Les parents se plaignent du manque de stabilité du personnel enseignant de leur enfant; ils vont être ravis quand ils vont réaliser les retombées concrètes de cette initiative ministérielle...
- Quel prof va vouloir préparer des élèves à des examens de français et autres en deux fois moins de temps?
- Quand vont avoir lieu ces examens de fin d'année? La question a son importance. Les enfants ayant l'anglais intensif en deuxième partie d'année seront-ils désavantagés?
Bravo au MELS qui continue à faire des réformes contre l'avis de ses propres experts sur le terrain! On commence à en avoir l'habitude.
10 commentaires:
Ne confondez-vous pas ici État et gouvernement, prof Masqué? Cette mesure d'anglais intensif, sortie inopinément du chapeau de Jean Charest (comme celle du TBI), beaucoup de fonctionnaires du MELS la souhaitaient probablement tout autant que ces enseignantes du primaire. Ils n'ont toutefois pas le loisir de le faire savoir publiquement...
M. D'arrisso: l'État se met souvent au service du gouvernement, pour le meilleur et pour le pire. Ces enseignants ont le courage de signer une lettre, de l'envoyer à la ministre et de la faire publier dans les médias. D'autres individus, eux, restent assis sur leurs mains.
Je me sens d'autant plus «légitimé» de critiquer que j'ai souvent pris position publiquement sur certains sujets.
Prof Masqué, je constate que l'expression que j'ai utilisée, "le loisir de", pouvait être interprétée comme si je sous-estimais la valeur de la démarche de ces enseignantes, voire la vôtre. Cela n'est vraiment pas le cas. J'ai toujours poussé les étudiantes et les étudiants de mes cours à faire valoir leur point de vue professionnel et à prendre position au nom de leur (future) profession, comme j'ai aussi, à quelques reprises, souligné que j'admirais, malgré nos positions souvent divergentes, le fait que vous le fassiez régulièrement à travers votre blogue et d'autres voies moins anonymes.
Je crois que la dernière phrase de votre billet devrait plutôt s'adresser à la ministre ou au gouvernement, et non au MELS, dont les fonctionnaires doivent se demander, comme les enseignants, comment diable on réussira à faire atterrir cette mesure aussi rapidement, et, surtout, si cette dernière est tout simplement appropriée.
Vous avez applaudi quand, dans d'autres dossiers, la ministre Courchesne s'est attaqué à la "résistance" de ses fonctionnaires et a avoué vouloir les "casser". Et bien voilà, faudrait pas s'étonner maintenant de vivre, en éducation comme ailleurs, les joies de l'État eunuque, pour le meilleur et pour le pire, comme vous le dites.
On a toujours tendance à considérer que les gens qui pensent comme nous et agissent comme tel, ont de bonnes idées, un bon jugement et un certain courage. Il y a des jours où ce sont des ministres, d'autres un gouvernement, et d'autres, des fonctionnaires du MELS. Dans ce dossier en particulier, les profs d'anglais du Québec sont enchantés et applaudissent l'initiative du gouvernement Charest.
Ceci dit, voici ce que j'en pense. L'anglais intensif, s'il s'applique mur à mur, va permettre de hausser de façon significative la maîtrise de l'anglais chez les québécois francophones, mais au prix de dommages collatéraux importants. La peine, dirait mon père, risque d'emporter les profits.
En même temps, il y a là-dedans quelque chose de paradoxal: faire la démonstration qu'un élève, même en difficulté, peut compléter et réussir les apprentissages en français et mathématiques de 6e année en ne disposant que de 50% à 60% du temps normalement prévu, ce serait aussi démontrer qu'on pourrait théoriquement réussir sa 6e année actuellement en ne fréquentant l'école qu'une journée sur deux... donc, corollairement, qu'on paierait deux fois trop d'enseignants que requis en 6e année. OK, c'est une démonstration par l'absurde, mais je ne pense pas verser dans le sophisme avec un raisonnement comme celui-là.
Le problème majeur dans cette histoire, je l'ai rencontré durant mon party des Fêtes, en famille.
Ma belle-soeur trouve cette idée extraordinaire. Elle n'en voit que le positif, que les possibilités que cela offre aux jeunes.
Pourtant, ma mère est enseignante et moi aussi. Nous étions deux à lui démontrer la stupidité et l'impossibilité d'implanter un tel système...
Nos arguments étaient forts et convaincants...
Pourtant, elle est restée campée sur sa posiition, malgré des arguments logiques...
Imaginez le reste de la population...
Ça me chagrine... J'ai l'impression que peu importe ce qu'on pourra en dire, les gens sont anglicisés et n'espèrent que pouvoir se débrouiller en anglais. Car après tout, le français, ce n'est pas important! (soupir)
la marâtre
Le problème, ce n'est pas le programme d'anglais intensif en soi. Certains élèves, plus doués dans leurs apprentissages scolaires, pourraient en bénéficier. Notre problème, en temps que société, c'est que l'on est incapable d'admettre que tous les individus n'ont pas les mêmes capacités. Le mot "sélection" nous fait de plus en plus peur. En éducation, nous avons tendance à éliminer cette sélection dans les programmes enrichis sous un faux prétexte égalitaire. L'anglais intensif pour tous, c'est absurde. Ce programme devrait rester tel qu'il existe actuellement, c'est à dire offert aux élèves sélectionnés à priori et avec l'accord de leurs parents.
Étant enseignante à des adolescents en difficultés et ayant également des enfants qui fréquentent présentement l'école primaire, je soutiens et appuis fortement les propos de Juillet. L'anglais intensif devrait demeurer un programme offert à ceux qui le désirent et non pas une ligne de conduite pour tous.
C'est bizarre: à part des gens qui ne connaissent rien d'une école et des politiciens en mal de popularité, qui est pour ce projet?
@Marc St-Pierre : Aucun des enseignants d'anglais que je connais n'est pour ce programme, au contraire. Ils n'ont aucun matériel présentement, alors imaginez ce que cela sera à temps plein pendant 6 mois. Ils sont déjà en pénurie. D'où viendront-ils?
Les seules personnes que je connais qui sont pour ce programme sont des gens déconnectés de la réalité des milieux scolaires...
la marâtre
J'ajouterais également que la population en général, celle qui a prime abord est "pour" l'anglais intensif, n'est même pas au courant des implications de ce programme. J'ai eu cette révélation en discutant avec mon conjoint (qui n'est pas dans le milieu de l'éducation) hier. Dans son esprit, les élèves continuaient de suivre leurs cours (maths, sciences, histoire) durant la moitié de l'année, mais en anglais. Il m'a demandé si les profs d'anglais avaient les compétences pour enseigner ces matières. Je suis tombée de haut. On prend pour acquis que les gens connaissent bien le programme, mais je crois qu'il y a un travail d'information à faire...
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