19 juillet 2012

La Loi 78 et le «droit» à l'éducation

S'il y a un conflit où je n'ai pas voulu y tremper le bout du pied, c'est celui des frais de scolarité. Mes positions me feraient haïr par tous les participants au débat entourant celui-ci. Alors, je préfère généralement me retenir.

Je ferai exception aujourd'hui à propos d'un commentaire du premier ministre du Québec, M. Jean Charest, en réaction à l'avis de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPJ). Sur Radio-Canada, on peut lire:

De passage à Paspébiac, en Gaspésie, le premier ministre Jean Charest a défendu la loi spéciale, affirmant qu'elle a été adoptée pour « protéger les Québécois et s'assurer que les étudiants puissent étudier ». « Le droit à l'éducation c'est sacré », a-t-il dit.

 Tout d'abord, il faut savoir qu'il n'existe pas formellement de droit à l'éducation dans la Charte québécoise des droits et Libertés. La seule référence qui y est faite est à l'article 40 qui se lit comme suit:


40. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l'instruction publique gratuite.

Or, il faut savoir que, selon de nombreux spécialistes, la portée de cet article se limite aux niveaux primaire et secondaire. On est loin de l'éducation universitaire.

Qui plus est, il existe une certaine hiérarchisation dans les droits, ce qui fait que certains ont préséance sur d'autres, et les libertés de conscience, d'opinion, d'expression, de réunion pacifique et d'association, violées par la Loi 78 selon la CDPJ, sont  comme plus importantes dans cette liste, disons...

Donc, on pourrait affirmer que notre premier ministre tout comme les leaders étudiants sont dans l'erreur quand ils invoquent ce fameux droit à l'éducation.  Il est d'ailleurs ironique de constater que ces deux adversaires politiques invoquent le même droit inexistant pour justifier des positions aussi opposées.

Mais, petit bémol, à moins que je ne me trompe, le Canada (auquel appartient le Québec) a signé  en 1966 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels où l'on peut lire à l'article 13c :

13c l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;
 
C'est bête, mais comme j'aimerais entendre les ti-namis du Conseil supérieur de l'éducation à ce propos. Ils me semblent bien tranquilles depuis quelque temps. Et pourtant, n'est-ce pas un de leurs rôles de se prononcer sur ce sujet? Ne devraient-ils intervenir plus spécifiquement sur cet article 2.2 et la notion de «droit» à l'éducation?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Toujours éloquent et pertinent professeur masqué.

Merci

Le professeur masqué a dit…

On galvaude beaucoup les mots et les concepts. Parfois, je m'ennuie de ces politiciens qui avaient de la rigueur intellectuelle. Même chose avec les chroniqueurs politique. Bourgault avait ses défauts, mais qu'il ramenait à l'essentiel. Là, on a Jean Lapierre et Mario Dumont...

Anonyme a dit…

Très intéressant. Je ne connaissais pas ce pacte, et j'ai dû le chercher dans Google parce que votre lien ne fonctionne pas. Je l'ai trouvé ici (http://www2.ohchr.org/french/law/cescr.htm) où l'article susmentionné est le 13c.

Le professeur masqué a dit…

J'ai fait la modification. Oui, intéressant de voir qu'on parle sans connaitre. Ce fut une belle petite recherche. Ce qui m'horripile, c'est qu'on parle pas mal de ce «fameux droit» sans aller plus loin.

Merci à vous!