09 novembre 2007

«Moche to do about nothing» dixit Molière

Un autre sujet qui a enflammé les médias cette semaine, c'est bien sûr l'enseignement du français. Une série d'articles parus dans La Presse a suscité des commentaires un peu partout (entre autres ici et ici).

Le mauvais français des enseignants

Tout d'abord, il y a eu ces articles (ici, ici et ici) sur la qualité du français des étudiants en enseignement et des enseignants. Mme Suzanne G.-Chartrand, professeure à l'Université Laval, a le sens du clip: «J’ai des étudiants dont je me dis: j’espère que mes petits-enfants ne l’auront jamais comme professeur, parce qu’ils vont perdre leur temps pendant un an.» Pour qui la connaît, elle est capable de la phrase assassine et souvent très juste.

Il faut savoir certaines choses.

On retrouve d'excellent étudiants dans les facultés d'éducation, mais aussi de très mauvais. Ce sont d'ailleurs celles-ci qui accueillent les cégépiens avec la cote R la plus faible. Troublant. «L’enseignement n’est pas une carrière prestigieuse, alors vous pouvez tenir pour acquis qu’on est souvent un deuxième choix», explique Jean-Pierre Charland, vice-doyen de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Révélateur.

Madame Masquée, qui a étudié en histoire, était capable de reconnaître un étudiant en éducation à certains traits caractéristiques: un français approximatif et une lâcheté absolue quand venait le temps de faire un travail scolaire. Pas tous comme ça, mais assez pour que les profs d'histoire les détestent à s'en confesser. Plus que troublant: consternant. Méchamment, j'ai toujours espéré que les 20% de jeunes enseignants qui quittaient la profession étaient ceux-là.

Le problème de la qualité du français des futurs enseignants ne date pas d'hier. Dès 1985, certaines commissions scolaires soumettaient les candidats à un poste d'enseignant à différents tests visant à mesurer leur connaissance du français. Puis, ce furent les universités avec les résultats désastreux que l'on sait. Le problème est seulement plus criant de nos jours parce qu'avec la pénurie des profs, on embauche un peu n'importe qui n'importe quand n'importe comment. Pas de sélection. Toute le monde est bon. Autrefois, les commissions scolaires pouvaient choisir un candidat. Aujourd'hui, elle le supplie de travailler pour elles, qu'il soit médiocre ou non importe peu en utant qu'il n'ait pas un casier judiciaire.

La profession gagnerait à se policer, mais comme on a trop peur de s'évaluer... Je suis profondément encore contre, sauf que je commence à penser qu'un ordre professionnel... En même temps, si un patron a été assez bête pour m'engager et ne pas m'évaluer par la suite...

Ah! et puis tout le monde s'en fout du français. Après tout, la devise du Québec n'est-elle pas Je m'oublie ? La tempête médiatique va se clamer dès la semaine prochaine, vous verrez. Incompétents, ne craignez pas pour vos emplois. Certains individus partageant avec vous cette caractéristique ont déjà été nommés à l'éducation. Vous avez de l'avenir.

Le mauvais qualité du français des élèves

Plus de trente ans après les textes de Lysianne Gagnon, plus de sept ans après la Commission Larose, voilà qu'on se rend compte à nouveau de la mauvaise qualité du français écrit de nos jeunes.

Toutes les thèses s'affrontent:
- l'école n'apprend rien aux élèves et est trop permissive;
- les jeunes d'aujourd'hui écrivent mieux que ceux d'autrefois;
- la dictée est le remède miracle, vous verrez...

Pour ma part, d'entendre la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, déclarer qu'il est «inacceptable» que des élèves puissent réussir l'examen final de cinquième secondaire en écrivant autant de fautes fut une douce musique à mes oreilles. Oui, oui, je sais: la ministre est conne. Elle n'aime pas le Renouveau pédagogique. Elle n'aime pas les profs. Elle n'aime pas ses fonctionnaires. Elle n'aime pas les syndicats. Elle n'aime pas les fautes, non plus.

C'est déjà un début. Pour le reste, on verra. J'ai déjà vu neiger. C'est beau, c'est merveilleux, c'est même poétique quand on n'a pas besoin de pelleter. Sauf que ça finit toujours par fondre.

12 commentaires:

*Natacha* a dit…

"Madame Masquée, qui a étudié en histoire, était capable de reconnaître un étudiant en éducation à certains traits caractéristiques: un français approximatif et une lâcheté absolue quand venait le temps de faire un travail scolaire. Pas tous comme ça, mais assez pour que les profs d'histoire les détestent à s'en confesser. Plus que troublant: consternant. Méchamment, j'ai toujours espéré que les 20% de jeunes enseignants qui quittaient la profession étaient ceux-là".

Je me sens très TRÈS prêt de Madame Masquée. En fait, sur l'ensemble de cette citation je suis dac 100%...

Néanmoins, j'ai eu ouïe-dire qu'il semblerait (car pas encore vérifié) que les étudiants au BES aient de meilleurs notes que les étudiants en histoire.

hum...

Cependant, nous savons que les cours sont souvent modifiées afin de correspondre aux exigences, différentes certes, du BES parce que ce qui devrait être acquis est utilisé pour l'enseignement et non pour la "recherche" .

Donc en gros, ils sont pénibles mais sûrement pas totalement con (et j'en reviens pas que c'est moi qui dit ça !!! ouf !! :P )

Sinon, je dois avouer que j'aime vraiment tes papiers Prof masqué. Je ne suis pas toujours 100% d'accord (parce que je ne suis pas non plus dans ton domaine donc pas au courant de toutes les réalités du milieu scolaire) mais c'est toujours un plaisir de te lire !

*Natacha* a dit…

Je me lâche lousse.... très bon papier !!

"Ah! et puis tout le monde s'en fout du français. Après tout, la devise du Québec n'est-elle pas Je m'oublie ? La tempête médiatique va se clamer dès la semaine prochaine, vous verrez. Incompétents, ne craignez pas pour vos emplois. Certains individus partageant avec vous cette caractéristique ont déjà été nommés à l'éducation. Vous avez de l'avenir."

Bon, mettons que la "nouvelle" va mourir de sa belle mort dans moins que quelques secondes (la terre tourne vite et puis le syndrome de la zapette de la vieille nouvelles touchent l'ensemble de ce qui est "actualité").

Néanmoins, dans la candeur de mes espoirs, j'espère que certains incompétents ont un point en commun avec moi : le désir de s'améliorer.

Je me dis que la qualité du français peut si non-utilisé, se détériorer ou encore s'améliorer.

Je suis une enfant d'un système étrange qui à passée au travers des filets, sans trouver d'aide. C'est un étudiant en stage qui m'a dit ceci : je crois que tu es dyslexique.

J'ai appris que c'était le cas, que ma famille en était truffée... J'ai compris alors plein de choses...

Tout ça pour dire que je fais des fautes comme je respire, mais je travaille fort, chaque jour à chaque mot pour faire de mon mieux.

En d'autre mot, j'espère que dans le domaine de l'éducation, les profs jeunes et moins jeunes s'amusent à apprendrent et à réapprendrent. C'est dangereux, il me semble de s'assoir sur ses "acquis", non ?

Et puis des incompétents... Je veux dire, des purs et dures... Ça doit pas être légion dans le domaine, si ??

Pas certaine de vouloir le savoir finalement... :S

La Souimi a dit…

Je me souviens de mes années de formation visant à obtenir le baccalauréat. Dans ma classe, il y avait des personnes qui étaient là parce qu'elles n'avaient pas été acceptées dans d'autres facultés. Je me souviens aussi que sur une classe de 90 étudiants, nous n'étions que 22 à ne pas avoir eu besoin de cours de grammaire d'appoint. Parfois, je lisais certains travaux et j'étais consternée. J'avais de la difficulté à m'imaginer ces gens exercer la même profession que moi. Certains n'ont effectivement pas survécu dans le monde de l'éducation. D'autres y sont encore. Il y avait aussi des incompétents et des profiteurs il y a 20 ans...
C'est la même chose aujourd'hui. Il y a d'excellents jeunes enseignants et d'autres qui devraient retourner faire quelques exercices de vocabulaire de base. Cette semaine, j'ai entendu une jeune collègue parler des examens du MELS en disant: "les épreuves sanctifiées." Priez pour nous...Amen...

Anonyme a dit…

Il ne faut pas oublier qu'il existe quand même des mécanismes qui n'étaient pas en place il y a 20 ans. Le CÉFRANC et le SÉL, deux tests que tous les étudiants en éducation doivent réussir (à plus de 60 % et plus encore pour la plupart des programmes...) ont quand même leur utilité. Je ne suis pas congvaincu que tous ceux qui s'acharnent à taper sur la tête des jeunes enseignants réussiraient eux-mêmes ces tests.

Ceci dit, il existe bel et bien des étudiants en éducation qui n'ont pas une connaissance de la langue suffisante pour pouvoir l'enseigner... Comme dans toutes les professions, il y a des crétins. Il est cependant très difficile d'admettre que ces crétins soient en contact avec des enfants, je le concède.

Marie-Piou a dit…

Étant diplômée d'histoire : je suis entièrement d'accord avec Mme Masquée. Les étudiants du BES étaient toujours ceux qui se levaient et gueulaient pour diminuer les travaux, assouplir la correction : il nous tapait vraiment sur les nerfs. En prime, aucune initiative : " C'est quelle date ça?" Eille le grand, prends n'importe quelle chronologie et dérange pas 120 étudiants pour ça!

Grrr.

Dsl, fallait que ça sorte! ;)

A.B. a dit…

Comme tu le dis, cette préoccupation soudaine pour la qualité du français dans l'enseignement, autant chez les enseignants que cjez les élèves, sera bien éphémère. Noël approche à grands pas. Bientôt, les parades du père Noël, les guignolées et les ventes du 26 décembre prendront le dessus. Les Mdias se foutent pas mal du sujet; l'important, c'est d'avoir un sujet, un bon, qui fait réagir et fait vendred. Point. Et, comme on le sait, la question de la langue, au Québec, c'est très vendeur. Sauf que ça ne réussit jamais à fidéliser ses clients...

Le professeur masqué a dit…

Natacha: souper hier soir avec une autre historienne. Coudonc, je pense que je n'ai pas écrit une connerie. Vous auriez voir son regard de décourahgement que je parlais des BES... Merci pour votre appréciation de mes petits billets.

Pour les incompétents, il y en a comme partout. C'est juste qu'ils travaillent à former des jeunes. Alors, on est plus choqués de cette situation.

Souimi: le problème, c'est qu'à cause d ela pénurie des ensiegnants, on embauche des gens qui ne se trouvaient pas de travail auparavant.

Anonyme: ces tests ne sont que souvent des outils diagnostiques, du moins à l'université. Les choses se compliquent un peu une fois sur le marché du travail. Mais ça ne vous interpelle pas des jeunes qui ont 13 ans de français dans le corps, qui veulent enseigner et qui ne passent pas certains tests? C'est un sacré symptôme.

Poussière: madame Masquée me dit la même chose après quand elle me parle des BES.

Mme Prof a dit…

De plus, concernant le SEL ou le CÉFRANC, je ne vois pas en quoi ces tests portant uniquement sur les EXCEPTIONS de la langue peuvent donner un véritable aperçu du français écrit ou oral de quelqu'un.

Je connais bien des gens qui ont eu la note de passage après quelques essais (surtout CÉFRANC, considéré comme plus difficile), mais qui ne savent pas corriger une copie correctement ou qui remettent des feuilles avec des fautes assez incroyables loin de la simple coquille.

Le professeur masqué a dit…

La marâtre: on modifiera sous peu ces examens. Une partie consistera à corriger un texte d'élève. Je n'ai rien contre ce changement. Mais les connaissances grammaticales sont importantes aussi, tout comme le volet rédaction.

Anonyme a dit…

J'avoue, certains étudiants du BES font généralement damner les étudiants en histoire (et aussi les profs…). Bien sûr, ils ne sont pas tous cons, loin de là, mais ceux qui le sont s'expriment assez pour qu'on les remarque.

Pour les notes, honnêtement, je ne sais pas, en moyenne, qui des étudiants en histoire ou au BES on les meilleurs résultats.

Je peux cependant affirmer que comme Prof Masqué l'a souligné, sur le point du français, un professeur, habituellement très patient, a senti le besoin de «parler» aux étudiants du BES en leur disant qu’ils avaient vraiment intérêt à régler leur problème de langue… ce n’est tant le fait de faire des erreurs qui est grave, c’est le fait de ne pas chercher à régler ce problème…

Dans un autre cours, une professeure en littérature québécoise a du convaincre les étudiants (en majorité de futurs enseignants de français langue seconde), qu’un travail de mi-session de cinq pages sur un ouvrage de 180 pages, ce n’est pas la fin du monde…

Lors d’une table ronde dans le cadre de l’évaluation du programme d’histoire, tous les participants (de récents diplômés) on fait la demande que les cours d’histoire d’introduction mixte (Histoire et BES) soient séparés. Il est clair que ces deux clientèles n’ont pas les mêmes objectifs. En histoire, on cherche à faire de l’histoire, à cerner une certaine historiographie, à analyser, à synthétiser, à bâtir des problématiques. C’est ce qu’on fera ensuite pendant toute notre carrière. Au BES, on cherche à apprendre des faits pour ensuite les enseigner. Comme me le rapportait une amie chargée de cours : «c’est quoi déjà le prénom de Napoléon?»… L’un n’est pas nécessairement plus mal que l’autre. Seulement, il est difficile de contenter tout le monde dans un même cours…

Enfin, je crois que je me suis un peu éloignée du sujet, mais je suis contente de constater que je ne suis pas la seule à avoir «remarqué» les futurs enseignants dans mes cours… et croyez moi sur parole, certains font peur pour l’avenir des enfants…

A.B. a dit…

J'ai fait mon bac. dans une petite université, l'UQAR. J'ai eu des cours de géographie, la deuxième matière de ma formation, de littérature et de linguistique avec les «vrais» étudiants de ces concentrations. Les professeurs nous ont fait travailler comme les autres et je crois qu'il ne doit absolument pas en être autrement. On est à l'université, bon Dieu!
Nous avons eu droit aux mêmes contenus que tous les étudiants qui n'étaient pas du B(e)S. Comme l'établissement d'enseignement est petit, il ne peut scinder tous les cours en deux, une partie pour «les vrais de vrais», l'autre pour les étudiants en enseignement. Plus j'entends parler autour de moi, plus j'estime la formation que j'y ai reçue en géographie et en lettres. Ailleurs, dont à l'UQAM, le BES m'a l'air d'une perte de temps monumentale.
Je crois que le problème de la formation des maîtres n'est pas généralisé à toutes les universités. Je crois aussi qu'un travail majeur doit être fait pour corriger les universités délinquantes. Madame Courchesne, vous avez du boulot!

@ Madame Masquée:
Au moins deux professeurs de mon bac. (un en géographie, un en littérature) m'ont confirmé que les étudiants du BES ont de meilleurs résultats que les «vrais» étudiants. Cela dit, leur attitude (placotage, entre autres) et leur nonchalance, leur manque de curiosité intellectuelle sont, selon moi, plus en cause dans la situation que vous décrivez que leurs piètres résultats. Je me rappelle très bien mes collègues qui se foutaient éperdument des notions enseignées dans les cours de littérature «parce que ça nous servira à rien, là, quand qu'on va enseigner à des flots de 13 ans!». Cela ne les empêchait pas de performer. Je crois qu'il faut distinguer les deux: l'intérêt et la réussite.

Anonyme a dit…

Safwan: Vous avez tout à fait raison. C'est vrai qu'il y a une nuance à faire entre l'intérêt et la réussite.
Soyons honnête, l’histoire n’est pas un programme contingenté et, en première année, nous avons plus que notre lot de «je-ne-sais-pas-ce-que-je-veux-faire-dans-la-vie-à-part-me-pogner-le-beigne»… Je me doute que la moyenne ne doit pas voler très haut dans certains cours d’introduction…
Cependant, lorsque je parle de séparer les cours d'histoire et de BES, ce n'est absolument pas dans une optique de «vrais cours» pour les étudiants en histoire et de «cours allégés» pour les autres. Je considère qu'il s'agit plutôt d'une façon d'adapter les contenus et les objectifs à la formation de chacun, sans aucune notion de bons ou moins bons cours selon la clientèle.