08 janvier 2008

Prof, j'ai besoin de ton aide!

Bon, j'ai le moral dans les talons. Déprime du retour à l'école? On ne parle pas des élèves, mais de tout le reste. Tout ce reste pesant et lourd. Heureusement, il y a les jeunes.

Dans ce temps-là, par contre, je manque remarquablement de tact ou d'écoute. Vous en voulez une preuve?
Ce matin, une de mes élèves, appelons-la Maude, vient me voir entre deux périodes. C'est une belle enfant qui a toujours le sourire et des yeux si expressifs. Elle a ses défauts, c'est évident, mais mon rôle comme prof est de l'amener à obtenir son maudit diplôme, à cesser de détester le français et à l'aider à grandir comme être humain.

À quelques reprises cette année, j'ai pris le temps de l'écouter et de discuter avec elle. Maude n'a pas une vie facile et elle a toute mon admiration tant elle est persévérante et courageuse. Je l'ai guidée vers les ressources psychologiques de l'école et elle semble prendre du mieux.

Toujours est-il qu'elle est appuyée sur le cadre de porte de ma classe et qu'elle me dit:

- Prof, j'ai besoin de ton aide.

Moi, gros con insignifiant, je lui réponds en blaguant:
- Quoi? Tu es enceinte?

J'ai un don comme ça. Je suis comme un test de grossesse ambulant.
...

J'ai comme le sentiment que le reste de la semaine va me demander plus de délicatesse. Ce genre de situation n'est pas toujours facile. Je ne crois pas que Maude voudra poursuivre sa grossesse. J'essaierai donc d'accompagner mon élève dans ses choix et ses décisions. Elle n'en parlera pas à ses parents et comme j'ai l'impression d'être un adulte signifiant pour elle...

Ce genre de situation vient toujours me chercher à la fois parce que je ne peux pas être insensible à la détresse humaine de mes élèves, mais aussi comme parent. Tout d'abord, Fille masquée a vu le jour dans un contexte non désiré et cette situation me rappelle que l'avortement n'est pas un geste gratuit et sans conséquence. Ensuite, parce qu'un jour, Fille masquée vivra peut-être une situation similaire et j'espère alors que je saurais être là pour elle.

18 commentaires:

Missmath a dit…

Bon courage. Il t'en faudra.

*Natacha* a dit…

rendu là, c'est de courage qu'elle a besoin... tant pour le garder que pour ne pas le garder.

Dans les deux cas, pour la personne ressource (prof masqué) c'est une question éthique très embarassente, bon courage à toi aussi.

Anonyme a dit…

Pas évident, hein?


Heureusement que tu es là pour elle, ne serait-ce que pour supporter ses démarches d'aide. Parce qu'il ne faut pas non plus s'en mettre trop sur les épaules et y rester, hein?

Bonne année 2008, cher Prof masqué. Pour moi aussi tu es un adulte signifiant. Bises à toi et tes proches. Zed

Anonyme a dit…

Cher Prof,
Je crois que tu ne nous a pas tout dit (à moins que je ne sois particulièrement mauvais en devinettes): quand une jeune personne demande de l'aide sans préciser de quoi il s'agit, il y a peu de chance qu'on pense immédiatement à un avortement!
Il est probable que tes lecteurs seront tout aussi "déconcertés" par ton "feeling" que moi...
Amitiés

unautreprof a dit…

Qu'elle vienne vous voir pour vous en parler est vraiment quelque chose.
À cet âge, c'est plutôt le genre de chose qu'on vit en silence, de plus, une fille confier ça à un prof masculin...rare il me semble.

Le professeur masqué a dit…

Missmath: je pense plus à Maude qu'à ma déprime de rentrée. Elle est plus à entourer.

Natacha: la décision est déjà prise, j'en suis convaincue. Je ne veux juste pas la culpabiliser avec une phrase conne. Mais en même temps, il m'est difficile de faire comme si c'était un rendez-vous chez le dentiste. Je vais plutôt accorder de l'importance sur la prévention...

Zed: comme je suis fragile, je dois faire attention à l'être humain que je suis.

Bonne année 2008 à toi aussi, Zed.

Armand: juré craché! C'est la première phrase qui m'est venue à l'esprit. Je n'ai pas pensé plus qu'il ne le faut. J'ai sorti la plus grosse connerie en me disant que cela allait désamorcer un peu les choses. Oups...

Un autre prof: en début d'année, je suis le premier prof qui a remarqué qu'elle n'allait pas bien. Depuis, on jase comme ça. Mes «comment ça va?» sont plus signifiants et relèvent moins de la politesse.

Un autre facteur est que je me présente en début d'année aux élèves en leur disant que je suis leur prof de français, mais aussi un adulte et une ressource. Ils le constatent, ils le voient et ils y croient, je pense. Certains jeunes sont si maganés que c'en est désespérant.

Encre a dit…

Pas drôle de les voir porter seuls de tels problèmes sans pouvoir en parler à leurs parents! Bon courage et bon discernement! Tu as pensé
à en parler avec le psy de l'école, même sans trahir l'anonymat de l'élève?

Anonyme a dit…

C'est vraiment une très grande marque de confiance que cette jeune fille soit venue te voir pour parler de quelque chose d'aussi délicat. Les professeurs sont souvent des personnes qui ont un rôle plus important à jouer que celui de pédagogue et ça ne doit pas être toujours facile. Certains se refusent d'ailleurs à jouer ce rôle. Voilà un geste qui t'honnore.

Ness Eva a dit…

Je trouve ça touchant de voir que cette élève a eu le courage d'aller vous voir pour chercher de l'aide. Nos "poqués" n'ont pas tous cette attitude, malheureusement.

Et ce secret que vous partagez, rend le travail encore plus gratifiant, je trouve. Tout l'argent du Monde ne viendrait pas à bout de ce beau témoignage de confiance.

Bonne chance à Maude et à vous!!!

xxx

Le professeur masqué a dit…

Encre: c'est effectivement ce qui me serre le plus le coeur.

Noisette: ah! les élèves. la seule motivation à occuper cet emploi ces temps-ci.

Ness: Tiens: bonjour Ness!L'enseignant peut tenter d'établir un bon rapport de confiance, mais le rapprochement appartient beaucoup à l'élève. Il faut qu'il accepte son problème et qu'il accepte aussi d'être aidé.

Le professeur masqué a dit…

Encre: c'est effectivement ce qui me serre le plus le coeur.

Noisette: ah! les élèves. la seule motivation à occuper cet emploi ces temps-ci.

Ness: Tiens: bonjour Ness!L'enseignant peut tenter d'établir un bon rapport de confiance, mais le rapprochement appartient beaucoup à l'élève. Il faut qu'il accepte son problème et qu'il accepte aussi d'être aidé.

LynneCW a dit…

Prof masqué,

Encore un commentaire pas rapport. Il FAUT que vous réagissiez à cela. J'ai ma propre idée forgée d'après votre blogue, donc j'aimerais vous entendre là-dessus: http://www2.canoe.com/infos/quebeccanada/archives/2008/01/20080109-054200.html

A.B. a dit…

Avez-vous une infirmière, à l'école? La clinique jeunesse du C.L.S.C. saura s'occuper d'elle. Je crois que c'est là qu'il faut la référer.
Bon courage :o)

Le professeur masqué a dit…

Lynne: est-ce que cela ferait «téteux» si je te disais que tes désirs sont des ordres? Dans les faits, je finissais un texte à ce sujet quand ton commentaire est entré.

Le professeur masqué a dit…

Safwan: tout le travail de référence est fait et terminé. J'opère! Je reviendrai sur ce sujet demain.

Sylvain a dit…

Le premier paragraphe reflète complètement mes sentiments en ce retour au travail : heureusement, les élèves me remontent le moral autrement pas très haut.

Ouf ! Quelle histoire ! Bon courage à vous deux, l'aidant et l'aidée. Dans votre cas, cher collègue en enseignement, il faut en même temps se préserver soi-même, savoir jusqu'où s'investir sans trop ressentir profondément les choses. Facile à dire, difficile à doser ! Encore une fois, bon courage !

Anonyme a dit…

On s'est très bien compris...

Zed ;-)

bobbiwatson a dit…

Dans ce genre de situation c'est très souvent l'AIDANT qui laisse plus de plumes que l'aidée. Vous semblez fragile en ce début d'année 2008. Vous devez faire attention à vous si vous voulez continuer à aider cette jeune fille et les autres élèves qui auront éventuellement besoin de vous. Vous devez garder vos forces morales. Il ne vous servira à rien de vous approprier son problème : votre soutien extérieur est le plus beau cadeau que vous puissiez lui faire.