Petite pièce d'anthologie ce matin dans Le Devoir : les coupures ne sont pas finies en éducation!
Les faits
Selon ce journal, la commission scolaire des Hautes-Rivières en Montérégie s'apprête à faire des compressions sur le dos des élèves en difficulté. Comme l'article n'est pas disponible dans sa version intégrale sur Internet, je vous en résume de larges extraits. (Ness l'a finalement recopié au complet ici.)
Aux prises avec un budget déficitaire de 2 millions $, la Commission scolaire des Hautes-Rivières, en Montérégie, projette de réduire considérablement les services aux élèves en difficulté d'apprentissage.
Ainsi, elle compte réduire le nombre de groupes à effectif réduit pour les élèves en difficulté afin de les intégrer dans les classes ordinaires. On abolirait 41 classes de cheminement particulier temporaire au secondaire, les classes de présecondaire pour les élèves n'ayant pas les acquis nécessaires pour entrer au secondaire après leur sixième année et les «classes ressources» en troisième secondaire pour les élèves à risque d'échec ou de décrochage.
De plus, la CS réduirait du tiers les classes en cheminement particulier continu au secondaire et les classes spécialisées au primaire pour les élèves ayant des difficultés graves d'apprentissage, des difficultés intellectuelles légères ou encore des difficultés langagières.
Allo, madame Courchesne? Ça ne vous tente pas de mettre une commission scolaire sous tutelle? Une petite vérification des livres comptables et des décisions de gestion récente? Une chance sur deux qu'il y a des cadres qui se sont acheté du mobilier neuf pour leur bureau cette année... Une chance sur deux qu'il y a des frais de représentations qui comprennent le remboursement d'alcool... Une chance sur deux que les coupures ne frappent que les plus faibles et les profs...
Allo, les pédagogues qui crient contre le décrochage et proposent des pédagogies alternatives pour nos enfants? Ça ne vous tente pas de vous faire une légitimité et dénoncer une telle mesure?
Les conséquences
Bien évidemment, tous ces élèves finiront dans les classes régulières sans service d'accompagnement. Ces jeunes en paieront le prix, les autres élèves en paieront le prix, les enseignants en paieront le prix. Mais il n'y aura plus de déficit et on ne se penchera pas sur la gestion financière de cette commission scolaire. Trop facile... On appelle cela de la gestion à courte vue.
À cet égard, la réaction de la présidente du syndicat local, Jacinthe Côté, est fort juste: «Avec les hypothèses sur la table, on est en train de mettre en péril la réussite non seulement des élèves en difficulté, mais aussi celle des élèves des classes régulières. L'incapacité de la commission scolaire d'assurer des services adaptés aux besoins des élèves incitera un plus grand nombre de parents à diriger leurs enfants vers l'école privée, diminuant encore plus le nombre d'élèves dans nos école et augmentant d'autant le casse-tête financier futur.»
Au coût humain élèves, j'ajouterai celui des enseignants. Ce sont quelque 55 postes d'enseignants qui seront supprimés, ce qui va entraîner un effet «bumping» incroyable. Certains se retrouveront sans emploi, d'autres dans des postes qui connaissent mal. Enfin, certains recevront le coup de pouce suffisant pour partir en congé de maladie...
Quand on veut noyer son chien...
Pour justifier cette décision, la direction de la commission scolaire des Hautes-Rivières estime que la situation financière de cet organisme est intenable. Elle ne peut dépenser 4 millions de plus que ce que Québec lui donne pour les services d'adaptation scolaire.
De plus, Claudine Boivin, directrice générale, affirme: «Malgré tout ce qu'on investit, on n'a pas les résultats escomptés.» Il faut savoir que cette CS est en queue de peloton au chapitre du passage du secondaire au collégial et que le taux de réussite des cheminements particulier temporaire est de 20%. Bien tiens... Quel hasard de vouloir changer les choses maintenant! Et que ça ne marchait pas avant, ça ne vous dérangeait pas? On peut questionner légitimement l'efficacité de certaines de ces mesures d'appui, mais c'est un drôle de hasard de le faire maintenant. Trop facile...
À cet égard, la réaction de l'attaché de presse de la ministre Courchesne est intéressante: «Le débat ne se pose pas entre l'intégration ou le cheminement particulier à tout prix. Si la commissions colaire préconise l'intégration, il faut qu'il y ait un très bon plan d'intervention pour chacun des élèves.»
J'ai hâte de lire les solutions que préconisera cette CS pour assurer l'intégration et le succès de ces élèves qu'elle déplacera au secteur régulier.
J'ai hâte de lire les solutions que préconisera cette CS pour assurer l'intégration et le succès de ces élèves qu'elle déplacera au secteur régulier.
12 commentaires:
Complètement ahurissant.
Comment Mme Courchesne peut-elle être ainsi aussi conséquente avec elle-même : priorité 1 : les enfants en difficulté; priorité 2 : la langue...
ça se passe de commentaire.
Quelle excellente solutin que de couper dans les services à l'élève! Peut-être devrions-nous aussi apporter notre propre papier de toilette à l'école pour aider le réseau à économiser?
Wahhhh! Ça fait peur!
Sincèrement, je pense que je préférerais faire partie des profs bumpés. Parce qu'enseigner dans les conditions qui seront celles de ceux qui resteront, ce ne sera pas la joie!!
Et au bout du compte, ça leur coûtera aussi cher, j'en suis certaine. Le niveau de congé de maladie pour cause d'épuisement professionnel va grimper en flèche, ça n'a pas de sens!
Bonjour,
Moi, je travaille dans cette commission scolaire. Je suis au secondaire et j'ai enseigné à des CPT l'an passé. Oui, le taux d'élèves qui vont au collégial est de 20%, mais ils ne mentionnent pas le taux d'élèves qu'on mène au DEP, c'est presque la moitié de nos groupes. Naturellement, eux, on ne les compte pas, parce qu'ils ne vont pas au collégial. Le CPT est une bonne solution pour nos élèves décrocheurs, ça leur permet d'aller chercher leurs acquis pour continuer vers le DEP ou vers l'éducation aux adultes.
Pour ce qui est des pédagogues qui se réveillent, on a été avertis de cette mesure le 7 décembre 2007, en journée pédagogique par nos directeurs, suite à une superbe lettre de la CS reçue le 6 vers 14h30. On nous a dit qu'on avait engagé 27 profs de trop à la CS l'an passé et 28 cette année.
Je suis précaire, même pas encore sur la liste de rappel. Je sais TRÈS bien que l'an prochain, je n'aurai probablement pas d'emploi dans l'école où je travaille depuis 3 ans ou même dans la CS. Toutefois, je souhaite ardemment que les élèves qui devaient aller en CPC (2 ans et plus de retard académique) ne seront pas intégrés dans les classes régulières. Ça n'a tout simplement pas de sens. Comment voulez-vous faire avancer des élèves de première secondaire (qui ont déjà beaucoup de difficultés avec la réforme) avec ceux qui ont des retards académiques plus profond ? De plus, ils veulent intégrer certains élèves DIL (déficience intellectuelles légères). Aucun problème, mais je n'ai aucunement la formation pour les aider et les faire cheminer dans leurs apprentissages. Je fais déjà de la différenciation à 92 élèves (3 groupes de français). Ce n'est pas évident.
Les profs de mon école ont voulu envoyer une lettre aux parents pour les mettre au courant, mais ce fut refusé par la CS et le Conseil d'Établissement (du moins par la présidente, donc on ne peut pas le faire). En plus, cette charmante dame nous a dit que nos buts n'étaient pas les mêmes (entre parents et enseignants). À ce que je sache, notre but ultime est la réussite de l'élève. Avec des groupes à 30 et plus, plus les cotes intégrées, mon but est quand même la réussite de tous les élèves.
Nous sommes aussi assez certains que la CS va nous mettre tout ça entre les mains... Trouvez-en des solutions pour que tout aille bien... Pas compliqué. Baisse de clientèle, donc on devrait enlever des directions ou des adjoints (ce qui n'a pas été prévu dans les coupures). Avons-nous vraiment besoin d'un DGA à la CS ? euh... NON ! Il y a plein de petites choses qui pourraient être revues à la CS même.
Qui a dit que les commissions scolaires étaient formées de gens intelligents et humains? Si une CS a déjà pu fermer des bibliothèques d'écoles secondaires au profit de parcs informatiques (voir un de vos billets qui a traité de ce sujet), pourquoi une autre ne pourrait-elle pas récupérer des sous sur le dos des enfants en difficulté? C'est la même chose : les enfants sont les premiers à souffrir de ces tractations inhumaines. La ministre prévilégie les enfants en difficulté : qui lui dira que ses CS s'en foutent au profit d'un budget équilibré?
Vois-tu, c'est de MA commission scolaire dont il s'agit... et c'est MON poste qui risque d'être coupé... et ce sont MES collègues qui partiront en burn-out l'an prochain à cause de leurs groupes impossibles.
L'annonce a eu l'effet d'une bombe dans TOUS les établissements de la commission scolaire... avec raison! Les choses vont bouger un peu... les enseignants veulent faire connaître leur mécontentement et surtout, on veut que la CS retourne faire ses devoirs et qu'elle trouve d'autres endroits où couper plutôt que de le faire directement dans la "matière première". Je trouve tellement illogique que l'on cherche à couper directement dans les services aux élèves. Quand j'enseigne à mon groupe-ressource de 2e secondaire, je sais que mes 23 élèves ont grandement besoin de l'encadrement qu'on leur offre dans ce groupe restreint. Je les imagine tous très mal dans une classe régulière à 30-32 élèves... On fout leur avenir, leur estime, leurs chances de s'en sortir en l'air.
Sérieusement, ça me donne envie de brailler. Je suis complètement désillusionnée et DÉÇUE de notre système d'éducation.
Gros montants, petite gestion.
Selon la CS, l'an passé, il y avait 27 enseignants de trop... Cette année, il y en a 28. La CS n'est pas financée pour ces profs en surplus. Résultat: on doit faire du ménage.
De plus, lorsque la CS affirme que le taux de réussite au cheminement temporaire est de 20%, elle base ses chiffres sur le nombre d'élèves ayant obtenu leur DES. Elle oublie tous les jeunes qui sont restés à l'école dans le but de terminer leur 4e secondaire pour ensuite se diriger vers le DEP. Je ne considère pas que le taux d'échec est si grand. Je CONNAIS ces élèves, je SAIS ce qui se passe dans ces classes... et vous devriez voir leur sourire quand ils finissent leur 4 et qu'ils se dirigent vers un DEP ou autre.
Bref, le sujet me rend très émotive.
Circé: les CS et la ministre ne sont pas la même créature (même que certains DG de CS ne peuvent la voir en peinture...). Au départ, madame Courchesne n'a rien à voir là-dedans. Par contre, il sera intéressant de voir comment elle va gérer ce dossier. En passant, on dirait que l'éducation recommence à avoir des problèmes de fric...
Marie-Andrée: as-tu déjà fourni à tout ce que tu paies de ta poche pour ton travail?
Gooba: pas sûr que les «bumpés» vont avoir de meilleurs conditions une fois la ronde infernale terminée.
À mon avis, cette décision est de la gestion à court terme. En plus de ce que tu mentionnes, il y a aussi les coûts sociaux rattachés aux élèves qui seront touchés par ces mesures.
Catlus: d'ou l'intertitre «Quand on veut noyer son chien...» Les grands boss vont trouver ou couper sans que cela leur fasse mal à eux personnellement. Alors, faites les «souffert» pour la peine! Scruter leurs comptes de dépenses, je vous dis. C'est de l'information publique croustillante. Si on paie de l'alcool, des parties de golf, des trucs du genre aux cadres et qu'on coupe dans les services, on a l'air cons.
De plus, oui, les patrons manipulent l'information. Un jeune au DEP rapporte parfois plus qu'un chômeur avec un DEC. Mais quand tu veux noyer ton chien...
Les pédagogues dont je parle, ce sont tous ceux qui font des grands discours sur le décrochage et les nouvelles méthodes pédagogiques, mais qui ne se salissent jamais le nez dans des dossiers comme celui-là. L'éducation, c'est politique et une CS comme celle-là devrait avoir vraiment des comptes à rendre sur sa gestion. Si le MELS sous-finance certains services, qu'on le dise, qu'on le crie. Si des CS gèrent mal les choses, qu'on enquête et les mette en tutelle. Certaines CS sont devenues des petits royaumes qui ne sont redevables de rien.
C'est drôle, mais chez nous, on arrive encore à fournir ces services et on ne roule pas sur l'or.
Votre présidente de CE semble assez anti-syndicale ou obtuse. J'y reviendrai un jour. Moi, les CE, c'est une perte de temps. Les journaux et la ministre, y'a rien de mieux.
Comme vous le soulignez dans votre dernier paragraphe, on voit qui va ramer.
En passant, un dernier point: la Loi 142 vous interdit de faire des moyens de pression.
J'aimerais être positif. La seule solution, c'est de se battre et de faire réaliser aux autres collègues le bonheur qui les attend. Mes pensées sont avec vous!
Bobbi: la ministre a reçu une lettre de la présidente du syndicat.
Ness: merci de partager toi aussi ce que tu vis. la nouvelle est moins abstraite quand on peut y relié quelqu'un. Oui, la décision de la CS est illogique. Peut-être qu'il y a lieu de repenser la façon dont on offre les services à ces élèves mais, pour l'instant, ça sent plus la logique précipitée de coupures budgétaires qu'une décision pédagogique mûrement réfléchie.
Si ça peut te consoler, je suis désillusionné aussi par ce système.
Tout ce qui touche de près ou de loin aux gouvernements et au pouvoir, CS incluses, a une façon d'administrer en fonction de la durée de son mandat électoral et de ses possibilités quant à la manipulation de l'opinion publique.
Croyez-vous qu'on couperait autant en éducation si les parents éprouvaient du respect envers un, l'éducation et deux, les professeurs et enseignants?
Je ne suis pas dans votre milieu. Toutefois, le gouvernement est pour moi un patron épouvantable : il fait et défait les lois à sa guise.
Embaucher trop de profs l'an dernier et cette année? Inexcusable (sic). J'appelle cela de la mauvaise gestion, alors!
On sait bien qu'un prof peut à lui seul accueillir 50 étudiants dans sa classe... Et de toutes les sortes, non? Avec petites attentions et soins aux blessés individualisés, bien sûr...
La gestion, vous dites?
Ne pensez pas que les conditions de travail sont meilleures ailleurs. Je paie encore de ma santé les condtions de travail de l'an dernier (froid et humidité extrêmes pendant environ 8-9 mois), après avoir eu d'énormes problèmes de santé tout l'automne. Je ne vous parlerai pas des déplacements, de la précarité extrême, de l'hygiène, que dis-je, de la salubrité...
Quand on a un certain souci de professionnalisme, il faut se battre juste pour avoir la permission de travailler et de pouvoir espérer un minimum, je dis bien un minimum de résultats.
Alors, les copains, si vous croyez que c'est plus vert ailleurs...
Je crois qu'il faut mettre ses énergies, ses meilleures énergies là où la vie se passe. La vie, ce n'est pas le travail salarié. C'est le travail de communication, les échanges humains, le travail à l'amélioration de notre société, le souci envers notre planète. L'amour. La joie, les bonheurs tout simples, les êtres que nous aimons. L'amitié. Ici. Ici, il y a de tout ça.
La vie, c'est l'évolution de belles personnes (il y en a une ici, qui nous accueille) qui ont envie d'une société plus juste et qui y travaillent là où ça compte, là où ça peut changer quelque chose, de la manière la plus harmonisée possible avec qui elles sont.
Tant mieux si on a la possibilité de faire un peu de bien au travail salarié, mais y perdre sa santé, vraiment, ça ne vaut pas la peine.
Un certain détachement et dans la mesure du possible arrêter de mettre les pansements et de suppléer aux manques dûs aux niaiseries de ceux qui nous servent de patrons et prennent les décisions permet, quant à moi, d'être à son meilleur et de donner tout ce qu'on peut de la meilleure manière possible sans s'autodétruire.
Zed
Qui a dit que gestion devait être humaine ? C'est plate à dire, mais, avec mes désillusions, j'ai fini par conclure que la gestion et l'inhumanité, ce devait être un pléonasme, ou presque :-(
Pour ce qui est de l'autodestruction, pas besoin : on a certains patrons qui sont amplement capables de favoriser notre propre destruction, si et seulement si on se laisse atteindre. Mais avouons qu'à force de se faire taper sur le clou, on finit largement par être atteint. On s'en sauve alors par le cynisme, le défaitisme, ou on s'illusionne avec ce qu'on peut quand on l'a. Ouais : pessimiste ce matin, le prof...
Mais que penser d'autre devant tant de merde.
C'est inacceptable! Je viens de lire l'article en entier (nous recevons Le Devoir tous les jours ici). Cette commission scolaire est-elle seulement consciente de ce qu'elle demande à ses enseignants? Du sacrifice qu'elle impose à tous ses élèves, ceux qui sont intégrés comme ceux du secteur régulier? Manifestement, la c.s. s'en fout littéralement. Money talks.
Zed: j'essaie d'apprendre à être zen, mais ce n'est pas facile. Le pire dans mon métier, ça peut être le caractère agressif de certains élèves mais surtout le mépris de nos décideurs scolaires.
Sylvain: ouins, je suis pessismiste. Si tu venais chez nous, tu comprendrais.
Safwan: money talks, mets-en!
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