29 juin 2009

Avant de me commettre

Un texte fort intéressant dans Le Soleil de ce matin qui porte sur l'évaluation en éducation. On y traite de la disparition du zéro et du redoublement.

Le zéro

La journaliste Daphné Dion-Viens explique le principe des tables de conversion pourcentages-lettres-chiffres.

On voit alors très bien à quel point on nage dans l'incohérence dans ce dossier. Je m'explique.

Ainsi, un représentant syndical explique: «Ça n'a pas de bon sens», affirme la présidente du syndicat de l'enseignement des Deux Rives, Andrée Turbide. Et les élèves le savent très bien. Les élèves disent aux profs : Ça ne dérange pas, même si j'écris rien dans mon examen, je vais avoir 32 %.?»

Pour le directeur adjoint des services éducatifs de la commissions scolaire de la Capitale, Roger Delisle, la table de conversion est calquée sur celle du MELS et on semble faire une tempête dans un verre d'eau dans tout ce dossier: «L'enseignant porte un jugement sur l'ensemble de l'année. Ce serait très étonnant qu'on mette à l'élève un zéro dans ces circonstances.»

Même son de cloche du côté de la CS des Premières-Seigneuries. Line Beaulieu, directrice adjointe aux affaires éducatives, croit que cette façon d'évaluer «a tout à fait sa place» : «À moins d'avoir été complètement absent, il est pratiquement impossible que l'élève n'ait pas développé un minimum de compétences en cours d'année.»

Ce que ces deux décideurs ne smble pas comprendre, c'est qu'on demande aux enseignants d'appliquer cette forme de notation au quotidien, dans des examens, des évaluations ponctuelles, pas uniquement pour les fins d'un bilan de fin de cycle. Voilà l'aberration. Oui, sur l'année, un enfant ne peut pas valoir zéro, mais dans un examen, par exemple, cela est tout à fait possible. Et manifestement, de là nait une confusion qui est carrément incroyable.

Le redoublement négociable

La journaliste du Soleil précise d'entrée de jeu que le redoublement au primaire au Québec est de l'ordre de 2%. De plus, dans certaines écoles, elle mentionne que le nombre de places réservées aux doubleurs est limité, considération financières obligent. «La direction nous a avertis qu'il y avait seulement 14 places pour des doubleurs, explique un enseignant. Qu'est-ce que je fais si j'ai 70 élèves qui coulent?»

La solution est simple: il n'y aura pas 70 élèves qui échoueront son cours. On les fera passer, bêtement. Un parent un tant soit peu averti n'aura qu'à rencontrer la direction de son école pour y parvenir. «Il y a beaucoup de marchandage de notes qui se fait dans les écoles, dit une enseignante qui a négocié ainsi dans le cas de son beau-fils. Je peux vous assurer qu'à partir de 50 %, n'importe quel parent peut se présenter dans une école et tenir son bout, son jeune va passer.»

Pathétique.

18 commentaires:

Charles Samares a dit…

Une école avec 14 places pour les doubleurs? Crime, ils sont chanceux!

Nous, c'est 10 et dans une autre école de ma commission scolaire, c'est 5 seulement! :)

Bulle a dit…

On me demandait de mettre l'échelle de notation seulement pour les bulletins... Pendant les étapes je travaille en A B C D E. Rendu au bulletin, je juge et je donne une note en %.

Mais que E vale o% ou 30%, ce qui compte, c'est le descriptif correspondant, c'est le "N'atteint pas les exigences minimales de la compétence". C'est un faux débat la "valeur" des lettres quand on évalue en compétence. C'est seulement la preuve que le programme n'est pas encore appliqué correctement...

Le professeur masqué a dit…

Charles: ça dépend de la taile de l'école, j'imagine.

Bulle: le problème, quant à moi, c'est qu'on fait tout et n'importe quoi. Une dictée, un examen de connaissances ne peut pas être évalué avec cette échelle parce qu'il ne s'agit pas de compétence. Or, il y en a encore. Alors, on fait quoi?

Gen a dit…

Je comprends pas les parents de tenir mordicus à ce que leur enfant, mauvais à l'école, passe quand il ne le devrait pas. Couler une année peut lui faire plus de bien que d'aller dans une année trop forte pour lui.

Sérieusement, le système d'éducation me pue de plus en plus au nez.

Est-ce la même chose au privé?

Le professeur masqué a dit…

Gen: avec l'enseignement différencié prévu dans la réforme, il n'y en a pas de problème...

Mam'Enseignante a dit…

Le problème du zéro est un faux problème pour moi. Tant qu'à revenir aux notes chiffrés, j'apprécierais beaucoup plus que les échelles de conversion soient identiques à la grandeur de la province, si échelles de conversion doivent exister!

Pour ce qui est des notes, je ne comprends pas qu'un parent accepte le format du bulletin actuel (celui que je vois à Laval). Entre ça et rien, aussi bien ne rien avoir! Ça veut tellement rien dire!


Pour ce qui de l'élève qui ne remet rien, effectivement, bien difficile de le noter, mais cela sous-tend un problème tellement important qu'avant de me préoccuper de sa copie, je chercherai ailleurs le fond du problème...

Anonyme a dit…

Le problème est qu'on a voulu faire plaisir aux parents en mettant les lettres en chiffres, chiffres qui ne veulent rien dire. Je comprends très bien le point de vue PM. C'est aberrant de donner une notation chiffrée qui, dans les faits, réfère à une lettre, qui réfère à "réussit au-delà des attentes, en-deça des attentes, etc.".

Dans la réforme, à trop vouloir faire plaisir à tout le monde, on ne fait plaisir à personne..

J'en ai assez de devoir rencontrer mes parents et leur expliquer que la note chiffrée, équivaut en fait à une lettre, qui veut dire telle chose. C'est de la pure perte de temps.

Marâtre

Anonyme a dit…

C'est ce qui arrive quand on veut plaire à Dieu et à Diable! Le MELS et les CS n'ont pas de colonne et ne mettent pas leurs culottes: cela est propre à la réforme :(

Méli a dit…

Tout ça a pour résultat une seule chose : les élèves ne se forcent plus : ça ne sert à rien, ils passent de toutes façons, alors ça fait une société de cancres ! La réforme, tout ce que j'en vois, c'est vraiment moche !!! Déprimant !

Jonathan Livingston a dit…

J'ajouterais que si je suis à la lettre les échelles descriptives (de compétence) il est difficile de faire couler qui que ce soit en français... Enfin, bien de mes fainéants s'en sortent à ne faire presque rien alors qu'ils pourraient vraiment encore en apprendre dans un système qui n'accepterait pas leur paresse...

On peut de nos jours faire une sixième année et arrêter de vraiment investir et faire le minimum et ne plus s'améliorer, donc perdre son temps. L'école n'évalue pas la constance des efforts ni des résultats à des examens ou la qualité d'un travail face à un programme de formation qui exige un peu plus chaque année, mais elle évalue la compétence du jeune qui est une notion théorique puisque l'on a du mal à vraiment faire travailler le jeune pour qu'il montre ce dont il est capable...

Il n'y a plus de balise claire en évaluation au Québec, sinon qu'un système qui laisse passer tout.

Cette année j'ai été fasciné de voir qu'une prof top formée par les formations du ministère me faisait mettre dans la marge des question des abcde pour chaque question. Il ne faut plus mettre des points et, ô décadence, les additionner... Il faut regarder globalement et juger, j'en ai mal à la tête!

Voilà où nous en sommes! A un Bof! magistral.

Mam'Enseignante a dit…

@Jonathan

Curieusement, je suis d'accord avec la "prof top formée" par le ministère.

Comment peut-on donner une note globale à un examen sans identifier clairement les faiblesses de l'enfant qu'on évalue? De plus, lorsqu'on utilise les cotes, on peut facilement déceler la tendance du jeune dans ses erreurs, donc, le pister plus facilement.

L'addition de points est un travail de technicien, pas d'un professionnel de l'éducation...

Cela pourrait supposer plus de travail si on tient à l'évaluation hebdomadaire, mais est très efficace lorsque nos évaluations sont bien ciblées.

Jonathan Livingston a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Jonathan Livingston a dit…

tagiaire,

Vous trouvez que mettre des a b c d e encerclés n'est pas une technique? Libre à vous de vous sentir membre de la confrérie des pros de l'éducation. Franchement, ce genre d'argument des réformistes dévalorisant me fait assez chier. Je résiste à la tentation de vous traiter de perroquet.

Bon, dans mon monde, je n'envoie pas d'échantillons au technicien de laboratoire, je fais souvent moi-même les tests et les gère beaucoup de paperasse. Gestion quotidienne. C'est comme cela! Ma technique, qui est notoire en passant, permet de gagner du temps pour avoir une idée globale en se cassant moins la tête. C'est pratique quand on gère de grand volume de personnes. Et bon, juger chaque réponse à une question est ce qui sollicite mon jugement professionnel le plus fréquemment et qui fait le plus clairement appel à mes compétences disciplinaires dans une compréhension de texte (c'est de cela dont il est question ici). Oui, je peux aussi me prêter à l'analyse au besoin des particularités, des difficultés du groupe ou d'un élève, cela m'aide à ajuster mon enseignement ou mes interventions professionnelles. Mais déjà, j'occupe l'essentiel de mon temps à faire vivre des exercices ou des pratiques (comme vous voudrez les appeler) sollicitant le travail intellectuel et l'appropriation de connaissances ou l'analyse en lecture, les corriger avec les élèves, tenir à jour l'implication du travail des jeunes en prenant des notes, intervenir en fonction de ces observations auprès de jeunes qui ne font pas leur travail, en jonglant et variant avec de la grammaire, de l'écriture, de la lecture. C'est aussi de l'ordre des activités de pros à gérer... Au besoin, je peux parcourir une copie en détail et me faire une idée des difficultés d'un élève et si je le juge approprié lui communiquer et intervenir ou faire d'autres interventions comme solliciter le point de vue d'un collègue ou d'un ortho pour objectiver. Avouez qu'on ne balance pas le sentiment de se trouver devant une dysphasie comme cela! Constater une faille n'est pas pouvoir toujours l'expliquer... On ne peut pas toujours intervenir de façon évidente non plus sur tout ce qu'on observe. On a des priorités à gérer dans notre métier, vous devez le découvrir... Parler plus d'une minute à un élève en classe tout en gardant un oeil à la classe limite assez les interventions en profondeur, la classe ordinaire a ses limites...

Vous aimez prendre toutes les responsabilités, libre à vous! Je propose que le jeune prenne la sienne de regarder point par point notre correction et tente de se corriger. Habituellement, on laisse dans son environnement d'élève quelques outils pour qu'il développe une certaine autonomie. Trop de détails communiqués en même temps créent des bogues d'intégration. Le jeune a sa part de responsabilité de venir en récupération par exemple pour comprendre et s'expliquer son mauvais résultat. On aura beau produire un rapport complet de ses difficultés avec une belle analyse, le jeune en n'aura probablement rien à cirer: il ne verra pas les subtilités de notre belle analyse «jargonnante» de ces difficultés, car il est un jeune!

Jonathan Livingston a dit…

L'idée est de ne pas perdre son temps dans des simagrées inutiles et inefficaces. Mon expérience me montre, à l'encontre de la quincaillerie lourde des réformistes (leur maudite pratique in«signifiante»), que l'évaluation fréquente et ciblée est plus profitable qu'une stratégie exhaustive d'évaluation... Évidemment, on gère cela pour rester en équilibre, un prof malade longtemps est souvent la pire chose pour un groupe classe et son cheminement, une relation pédagogique met trop de temps à bien s'établir...
L'exhaustivité est une attitude appropriée dans certaines circonstances. En faire une pratique constante est, selon moi, un «trip» de perfectionniste et mène à la dépression. Des points qui s'additionnent permet de donner un portrait rapide, des jeunes peuvent faire l'addition aussi (ben oui! pas besoin d'une technique au cégep) dans une correction classe.

Mais évidemment pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué!

La mentalité réforme a rejeté avec un tas de jugements faciles et spectaculaires un ensemble de méthodes assez élaborées de transmission des savoirs essentiels. Plus je réfléchis, plus je découvre que cette tradition avait ses raisons, on les a simplement oubliées. Autrefois, les pédagogues étaient sur le terrain avec les jeunes, aujourd'hui ils sont déconnectés et, en plus, ils forment des enseignants qu'il déconnecte de la réalité avec des raisonnements qui ne tiennent pas la route.

Je parle de mon point de vue: prof de français sur le terrain.

Mam'Enseignante a dit…

@Jonathan

Pire que ça, je rajouterais que le fait de suivre un guide du maître en ne faisant que choisir les activités à faire dans la séquence proposée est un travail de technicien.

Partir d'un ou plusieurs projets et y intégrer la matière à voir est non seulement beaucoup plus motivateur pour les enfants, mais relève aussi du véritable travail de l'enseignant.

Jonathan Livingston a dit…

Stagiaire-pro,

Votre originalité me renverse...

La rhétorique que vous répétez simplifie la réalité, tend à idéaliser une conduite irréaliste et discutable en pédagogie et à disqualifier toute critique. D'ailleurs, vous faites comme vos maîtres, vous ne discutez pas. Est-ce que vous réfléchissez? En tout cas, vous répondez avec vos slogans de formation... ou vous décrétez... J'espère qu'on enseigne encore l'approche réflexive dans les universités... Bon, j'imagine bien que dans vos rapports de stages, vous n'avez pas le choix de bien réchauffer la langue de bois surtout quand on voit l'intransigeance avec laquelle cette réforme nous est imposé depuis 10 ans...

A vous lire, pour le peu que vous écrivez, je crois que vous êtes au primaire. J'essaie donc de comprendre...

L'approche thématique y structure depuis longtemps les matières. La pédagogie de projet s'y prête assez bien...

Au secondaire, autour de moi dans les salles d'enseignants au secondaire, le guide est souvent un point de départ, une balise, un éclaircissement du programme abstrait et souvent confus de terminologie peu définie. Tout le monde s'y réfère sans nécessairement le suivre comme un cave. Et tout le monde, avec l'expérience ou la stabilité de la tâche, personnalise sa pratique. Si je prends votre perspective, je me demande pourquoi le gouvernement dépense autant d'argent pour faire acheter des manuels et faire produire par les maisons d'éditions des guides du maître.

Au secondaire, je remarque pour avoir fait plusieurs milieux que la pédagogie de projet mur à mur est difficilement praticable comme le démontre 4 ans de tentative d'intégration des idées de la réforme au secondaire. De visu, au quotidien, c'est un peu le bordel... Avec en plus la dernière cuvée de manuels produits à la hâte réformiste qui, année après année, sort au compte-goutte, rien n'a aidé... L'évaluation est un free for all spectaculaire même...

Qu'on le veuille ou non, la mentalité disciplinaire avec ses savoirs complexes à transmettre a du mal à dialoguer avec la perspective traditionnellement utilitariste de l'école primaire. Dans mes cours, pendant ma formation, sur le système scolaire, on parlait de l'affrontement entre l'école du haut et l'école du bas. C'est assez épique, ces dernières années!

Comme il est difficile de joindre les intérêts syndicaux des enseignants du primaire et du secondaire, il est peut-être temps de considérer que la gang de profs chialeux du secondaire a juste d'autres impératifs, comme celle de préparer les jeunes à des formations post-secondaires, que ceux des écoles primaires...

Pour le reste, les cohortes réformes arrivent au Cégep dans un an... L'école du haut va hurler. Déjà, elle commence à se demander comment sélectionner les jeunes avec des notes aussi floues...

C'est à suivre.

Bonne continuation madame la pro.

Anonyme a dit…

J'en rajouterai un peu: enseigner les math en 5e secondaire en fonctionnant avec l'approche cognitive globale ou socio-constructive; c'est du pur délire! Sachez jeune stagiaire que vos collègues d'expérience ont déjà testé et essayé des tas de choses avant d'en arriver aux divers constats que vous pouvez allègrement lire ici. Je suis personnellement du même avis que J. Livingston: l'évaluation fréquente, basée sur une somme chiffrée de bonnes vs mauvaises réponses me semble plus efficace que toutes ces tables de compétences débiles qui ne servent qu'à rendre les profs fous! Sachez aussi qu'avant cette fameuse réforme, nous devions évaluer ce qui s'appelait alors les "savoir-faire" par le biais, en math, de problèmes à développements plus complexes.On devait alors juger si l'approche était convenable ou non, si la communication était claire ou non et ce, sur un grand total de 4 points. Quelle différence avec les compétences et les composantes de compétences sinon de complexifier une méthode qui convenait parfaitement et de justifier des salaires à toutes une bande de pousseux de crayons du MELS! Je vous trouve bien impudent de juger ainsi vos pairs alors que vous n'avez pas encore expérimenter solidement sur le terrain toutes ces belles théories que nos chers penseurs universitaires vous ont si gentiment concoctées.
Madiane

Mam'Enseignante a dit…

Comparerait-on des pommes avec des oranges?

Ce que j'ai écris, ça ne vient pas seulement des cours universitaires (pour ce qu'on a vu de l'évaluation, anyway! avec le branle-bas l'année dernière, les profs/chargés de cours ne savaient même plus quoi mettre dans les plans de cours!), ça vient aussi de la scolarité de mes garçons. À leur école, publique de la CS de Laval, aucune évaluation chiffrée, aucun bulletin chiffré. Tout est descriptif et tout ou presque fonctionne par projet. Et ça marche!

Applicable au secondaire? Ça semble effectivement plus difficile selon le modèle de l'école actuelle...

À notre CS, des parents et des profs sont actuellement à monter un nouveau modèle d'école pour arrimer les 2 écoles alternatives au primaire pour une transition vers le secondaire avec la même philosophie...


Je ne me considère pas une pro, loin de là. Cependant, la réforme j'y crois et je vais tenter au maximum de l'appliquer, malgré le contre-courant actuel. Ceci sans penser que je suis meilleure que mes prédecésseurs, mais parce que j'ai près de moi des modèles d'enseignants qui y croient et qui l'appliquent avec succès quotidiennement.

Ex-stagiaire nouvellement diplômée