Excellent texte de Daphnée Dion-Viens ce matin qui décrit une situation assez aberrante prévalant dans les écoles québécoises.
Ainsi, on apprend qu'on coupe dans le temps d'enseignement du français au premier cycle du secondaire pour souvent voir celui-ci augmenter en cinquième secondaire. Entre 16 et 20% des élèves de classes ordinaires et 59 à 63% des élèves appartenant à des programmes particuliers voient le temps d'enseignement du français recommandé réduit d'au moins 25%. Par contre, au deuxième cycle, 25% des élèves reçoivent plus d'heures d'enseignement du français que prévu.
Pourquoi retrouve-t-on ce genre de mesures pédagogiques? Chaque école veut se démarquer des autres par des programmes locaux (PEI, sport-études) et choisit la solution facile de couper au moins 25% du temps pour enseigner le français en première et deuxième secondaire. Mais, à cause de la présence de l'examen ministériel d'écriture, qui sert souvent de base comparative entre les écoles, on s'imagine tout à coup que l'ajout de 25% de temps d'enseignement pour la seule année de la cinquième secondaire suffira à combler les lacunes des jeunes. Le monde à l'envers, quoi!
Non seulement les élèves reçoivent-ils moins d'heures de français au total, mais ce n'est qu'à la fin de leur parcours scolaire qu'on se préoccupe de la maitrise de cette langue alors qu'il aurait tellement plus pertinent de leur donner de solides bases dès le début. En bon québécois, cette façon de fonctionner s'appelle du «patchage». On voit sur nos routes les résultats de cette pratique. Imaginez maintenant ce que cela fait dans nos écoles!
De nombreuses études montrent bien que la maitrise du français, notamment de la lecture, est une condition importante dans la persévérance scolaire. Or, que fait-on dans nos écoles? On réduit le temps d'enseignement de celui-ci au premier cycle alors que tous les intervenants savent qu'il s'agit d'une période cruciale en terme de décrochage.
Vous direz que les élèves réussissent malgré tout l'examen ministériel. Dans la mesure où celui-ci est souvent décrié comme une «passoire» et qu'on s'assure de bien leur bourrer le crâne avant la tenue de celui-ci, ce pseudo succès n'a rien d'étonnant.
Mais qu'en est-il des véritables apprentissages en français, de ceux qui seront ancrés dans les habiletés de nos jeunes et leur serviront toute leur vie? Une partie de la réponse se trouve sûrement dans le fait qu'actuellement, même plusieurs futurs enseignants, après 13 ans de scolarité, présentent encore des lacunes importantes dans la maitrise de la langue de Vigneault.
C'est entre autres écoeuré par cette mentalité de «patchage» que j'ai quitté la cinquième secondaire où j'ai oeuvré pendant 15 ans pour aller enseigner en première, un niveau où j'estime faire la différence et où mon école a la sagesse de ne pas couper dans le temps d'enseignement du français et ce, peu importe les programmes offerts.
8 commentaires:
Nous recevons au Cégep des étudiants qui sont pour ainsi dire analphabètes. Difficulté à lire des textes, à y tirer les informations importantes. Difficultés graves à interpréter leurs résultats (écart important entre ce que les étudiants pensent et ce qu'ils écrivent). J'enseigne en mathématique. Mes textes, trop longs diront certains, restent courts et simples. La langue est la structure de la pensée. Aucune discipline académique (sauf peut-être la musique et les arts qui sont en soi un langage bien particulier) ne peut être développée sans une connaissance minimale de la langue d'usage. Vivement intéressons-nous au problème du français ! Coupons l'étude des coniques en mathématique et ajoutons de l'interprétation et de l'analyse statistiques plus étoffées. Travaillons nos cours en équipe multidisciplinaire avec les profs de français. Je ne comprends pas comment notre société peut être aussi tolérante à ce sujet. C'est bien beau avoir d'excellents taux de réussite, mais lorsque chez mon épicier je lis "spécial bierre", quand on inscrit sur mon gâteau "bonne anniversaire", quand la première page d'un journal présente une faute énorme d'accord et que personne ne réagit, j'en rage !
Tout cela, c'est sans parler de la charge colossale de travail des profs de français.
Des étudiants analphabètes au Cégep? Pas étonné! Tout au long du secondaire, on reçoit dans nos classes des élèves qui ne sont pas à niveau, qui passent(?) avec un petit cours d'été cucul année après année.On le constate, on le déplore,mais...Si on accordait au français la même importance qu'on accorde aux maths et aux sciences (pour le classement des élèves) on enverrait sans doute aux jeunes un autre message. J'entends régulièrement des élèves dire qu'ils ont 1h à 1h30 de travail à faire chaque soir en mathématiques et la plupart font leur travail parce qu'ils savent que plus de portes leur seront ainsi ouvertes au Cégep.
Articuler sa pensée de façon claire et précise n'est-il pas aussi important que de savoir raisonner?
Oui, notre société est trop tolérante à ce sujet.
Je suis d'accord pour dire que l'enseignement du français est grandement négligé dans les écoles secondaires. Cependant, je crois que vous pointez ici un faux problème. Premièrement, ces programmes particuliers ne concernent qu'une petite proportion d'étudiants. Deuxièmement, ces étudiants sont généralement assez "forts" et ce ne sont donc pas eux qui ont de grandes difficultés en français.
Le problème, c'est plutôt les programmes "réguliers" où sont les étudiants les plus faibles. Ceux-ci ne sont toutefois pas touché par cette coupure des heures de français.
Cela dit, les vocations particulières (sports, musique, etc.), sont LA solution pour lutter contre le décrochage et motiver nos jeunes à aller à l'école. Elles devraient être offertes dans toutes les écoles et à tous les étudiants, même (surtout!)les plus faibles.
Je vous invite à relire: «Entre 16 et 20% des élèves de classes ordinaires et 59 à 63% des élèves appartenant à des programmes particuliers voient le temps d'enseignement du français recommandé réduit d'au moins 25%.» 16 à 20%.
Les élèves de classes ordinaires ont toujours étés ceux qui ont été le plus pénalisés. Quand ils étaient des élèves du régulier ils étaient moins pénalisés que depuis qu'on les appelle "ordinaires".
Désolé pour mon erreur, j'ai en effet lu un peu trop rapidement!
Dans le cas des programmes particuliers, les heures de cours sont directement coupées dans l'horaire des étudiants pour y intégrer les cours spécialisés, mais dans le cas des étudiants réguliers, s'agit-il d'activités ou d'événements ponctuels?
Cela dit je maintiens mon point concernant l'efficacité et la grande valeur des vocations particulières dans les écoles secondaires.
Dans le cas des élèves ordinaires, on coupe dans les cours de français. Cela étant, J'enseigne dans un programme particulier. Certains élèves vivraient très bien avec une réduction du temps d'enseignement du français. D'autres non. Ces élèves présentent de bonnes aptitudes scolaires, mais ne sont pas tous des génies ou des cas de douance. De plus, il convient souvent d'effectuer une mise à niveau à l'entrée du secondaire tellement le PDF a été donné de façon disparate.
Miss Math, décidément, je vous aime. Difficile de comprendre qu'on puisse négliger l'apprentissage de la langue, qui est pourtant l'élément central de tous les autres. Combien de matières inutiles au primaire, ou qui pourrait (devrait) attendre ? Comment peut-on même songer à des cours intensifs d'anglais alors qu'on n'y songe pas du tout pour le français, langue d'usage, langue de toutes les autres matières ?
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