18 mai 2011

Malaise autour de Chantal Longpré: Pour un véritable débat d'idées en éducation

Je ne partage pas nécessairement les positions de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) en éducation, mais j'estime que les récentes attaques (ici, ici et ici) à l'égard de Chantal Longpré, présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissement (FQDE) et membre de celle-ci, dénotent la faiblesses des idées de ses opposants. D'ailleurs, quelles sont les idées de ses opposants? Le statut quo avec des taux de décrochage effarants? Une bureaucratie que tous s'accordent à juger lourde et pesante? Une démocratie scolaire avec une taux de participation anémique? Contrairement à Mme Longpré, j'estime que les commissions scolaires doivent continuer d'exister, mais il est évident que leurs rôles et leur mode de gestion doivent être questionnés. 

On dirait cependant que les commissions scolaires ne veulent pas de ce débat. Sauf qu'à force de vouloir nier que des changements sont nécessaires dans le monde scolaire, qu'elles me se surprennent pas si, un jour, elles sont victimes de leur propre stratégie. Elles auront alors été une des causes de leur malheur et, par leur attitude fermée, auront suscité des réformes qui ne seront peut-être pas à l'avantage des élèves québécois. On a vu récemment à quel point le Québec peut parfois être le théâtre de vagues surprenantes. 

Quant à ce qui concerne le bris de confiance que l'on évoque à l'égard de Mme Longpré, les commissions scolaires auraient avantage à s'occuper de regagner celle de la population et à travailler davantage avec les partenaires qui les entourent, qu'ils leur plaisent ou non. Le fait que deux mouvements politiques prônent leur abolition ou leur transformation est un signe évident qu'elles doivent se remettre en question et accepter qu'on les interpelle publiquement. 

Par ailleurs, dans tout ce débat, faut-il comprendre que tout employé appartenant à un organisme public ne peut critiquer celui-ci? Jusqu'où peut-on invoquer le devoir de réserve, surtout quand l'individu concerné n'appartient même pas à un parti politique? Est-on revenu à une ère du «Toé, tais-toi!»? Si c'est le cas, la qualité de nos échanges démocratiques risque d'en prendre un coup. 

Dans cette même veine, certains affirmeront que la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard, aurait dû montrer l'exemple et ne pas critiquer publiquement la ministre de l'Éducation récemment en ce qui concerne le dernier budget provincial. Si elle ne l'a pas fait, si elle a remis en question les politiques ministérielles, c'est qu'elle a des convictions. Devrait-on le lui reprocher et lui demander de se taire? Comment réagirait-elle si les députés de l'Assemblée nationale votaient une motion lui demandant de démissionner parce qu'ils n'ont plus confiance en elle? 

Personne n'a remis l'engagement de 
Lionel Carmantpédiatre à l’Hôpital Ste-Justine et professeur titulaire en pédiatrie à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, au sein de la CAQ alors que celui-ci soutient des mesures qui vont pourtant à l'encontre les politiques ministérielles actuelles. A-t-on vu une agence régionale de la santé ou un directeur d'hôpital s'élever contre celui-ci? Pourquoi a-t-on une attitude différente à l'égard de Mme Longpré? Une partie de la réponse se trouve peut-être dans le fait qu'il est bien connu que les relations entre cette dernière et Josée Bouchard sont, à tout le moins, difficiles.

Au delà des chicanes organisationnelles et surtout politiques, parce que c'est à mon avis essentiellement ce dont il s'agit dans le présent cas, le Québec mérite d'avoir un véritable débat d'idées et nos jeunes, un système scolaire plus efficace. En défendant un statut quo, intenable aux yeux de bien des Québécois, les commissions scolaires donnent l'impression de cautionner le désarroi actuel en éducation, défendent une gestion parfois douteuse et mettent en péril leur propre existence. De plus, elles semblent montrer qu'elles préfèrent s'en prendre au messager et personnaliser un débat plutôt qu'enfin se consacrer aux véritables problèmes que vit notre réseau scolaire. Pour connaitre les qualités de plusieurs personnes qui y oeuvrent, le Québec mérite mieux que cela.

8 commentaires:

Marc St-Pierre a dit…

Pour mémoire: quand la fédération des directeurs d'école, présidée alors par Serge Morin, a commencé à parler de décentralisation, l'ancien président de la FCSQ, Andre Caron, leur a "subtilement" rappelé d'essayer de se rappeler d'où venait leur chèque de paye... Et monsieur Morin n'était alors pas associé à une formation ou un mouvement politique.

Le professeur masqué a dit…

Voici la citation exacte et la référence où je l'ai trouvée:

«On a ici un groupe qui relève de la direction générale d'une commission scolaire, qui elle-même est sous le conseil des commissaires, et qui remet en question la structure qui la dirige. Sur leur chèque de paye, il y a des signatures! Et c'est la présidence et la direction générale de la commission scolaire. Disons que tout ça est étonnant et déplacé.»

http://carnets.opossum.ca/LeNeuf/archives/2007/03/commissions_scolaires_ca_conti.html

Anonyme a dit…

Personnellement, ce n'est pas les prises de position de Mme Longpré au nom de FQDE que je trouve déplacées. Ce qui m'indispose, c'est que la présidente d'un organisme qui se veut non-partisan s'affilie directement avec un regroupement dont l'ambition est de prendre le pouvoir.

J'ai l'impression que Mme Longpré confond ici ambition personnelle et les intérêts de la FQDE à moyen terme.

Le fonctionnaire masqué

Le professeur masqué a dit…

Fonctionnaire masqué: je partage en partie votre malaise, mais je m'interroge justement sur le pourquoi de ce malaise.

Si je me fais l'avocat du diable, on pourrait toujours jouer sur les mots et dire que le CAQ ne vise pas à prendre le pouvoir puisqu'il ne s'agit pas d'une formation politique. Sauf que dans les faits, on sait bien que ce n'est qu'une question de temps pour que la chose se concrétise

On pourrait également ajouter que ce n'est pas à titre de présidente de la FQDE que Mme Longpré fait partie du CAQ mais que ce sont les médias qui lui rattachent ce titre constamment dans ses interventions sous la bannière du CAQ.

On remarquera aussi que les positions que défend actuellement Mme Longpré au sein de CAQ sont très semblables à celles de la FQDE. Donc, elle est cohérente avec l'organisme qu'elle présidente dans un autre secteur de sa vie publique.

Ce qui m'embête dans ce débat entourant la participation de Mme Longpré au CAQ, c'est plutôt pourquoi la remet-on en question elle spécifiquement? Parce que d'autres membres de ce mouvement politique, relevant de la fonction publique, ne subissent manifestement pareil traitement comme je l'ai souligné

De plus, de mémoire, combien de fois a-t-on vu des gens issus de mouvements syndicaux ou populaires jouer un rôle dans des formations politiques sans qu'on s'en offusque?

Enfin, on remarquera que le débat à propos de la participation de Mme Longpré semble alimenté par un seul intervenant: les commissions scolaires et leur fédération. Je n'ai pas entendu des formations politiques directement menacés par la CAQ (le PQ, le PLQ, l'ADQ) remettre en question le rôle celle-ci au sein de la CAQ. Pourtant, il me semble que ce sont elles qui auraient le plus à perdre si le mouvement de François Legault devenait un parti politique.

Dans les faits, je soupçonne deux choses. La première est évidemment un conflit de personnalité entre les présidentes de la FCSQ et de la FQDE. La deuxième est une incapacité de la part des CS à accepter qu'on les remettre en question, surtout quand il s'agit d'employés ou de cadres de ce réseau. On tire ici sur le messagère en espérant que le message qu'elle transmet disparaisse de la place publique.

Je le répète, contrairement à Mme Longpré, j'estime que les commissions scolaires doivent continuer d'exister, mais il est évident que leurs rôles et leur mode de gestion doivent être questionnés. C'est un principe sain de notre démocratie auquel on peut opposer le devoir de réserve d'un fonctionnaire. Je devrais revenir sur ce point sous peu.

Marc St-Pierre a dit…

Ce qui dérange sur le fond, c'est sa prise de position personnelle vis-à-vis la plate-forme de la CAQ, car si certaines des propositions du groupe de François Legault rejoignent certaines positions connues de la FQDE, plusieurs de celles-ci s'en écartent. Se servir de la politique pour faire avancer l'éducation, c'est bien. Se servir de l'éducation pour faire de la politique c'est laid. Je pense que c'est dans ce genre de zone-là que s'est tout à coup retrouvée Mme Longpré. Elle se rend ainsi vulnérable et du coup, affaiblit la position de sa Fédération.

Je ne crois pas qu'il faille parler d'ambitions personnelles. Ce serait vraiment injuste. Si j'étais un des commettants de Mme Longpré par contre, je lui conseillerais de se trouver un mentor pour la guider et l'accompagner parce que visiblement elle n'a pas eu une grosse note dans son cours de politique 101.

Pour ce qui concerne le caractère non-partisan de son organisation, c'est autre chose. Les grands syndicats canadiens ne se sont jamais gênés au moment des élections fédérales pour donner leur appui au NPD. Comme la FTQ ici a longtemps conseillé à ses membres de voter pour le PQ. Mais bien sûr je ne connais pas de dirigeants syndicaux qui se sont publiquement et solennellement affichés comme l'a fait la présidente de la FQDE.

Anonyme a dit…

Je crois que les hauts représentants des organismes comme la FQDE, FCSQ, des syndicats... doivent se garder une petite gêne, fassent à leurs opinions politiques personnelles. Bien entendu, une organisation X peut affirmer sur la place publique qu'un parti politique (ou wannabe one) sur les dossiers qui le concerne.

Toutefois, ici, l'implication de Mme Longpré est d'une tout autre nature, elle fait partie de la CAQ... est-ce que la FQDE endosse l'ensemble des propositions de la CAQ: sur la santé, l'économie, le dossier constitutionnel... ? Bien entendu dans ce genre de situation tout n'est pas blanc et noir, mais je crois qu'elle a dépassé la limite. Imaginez la situation lorsqu'elle doit représenter la FQDE au bureau de la ministre... a-t-elle l'écoute à laquelle ses membres doivent s'attendre? J'en doute.

Votre question sur le style du personnage est tout à fait pertinente. Mme Longpré aime les projecteurs et on lui rend bien dans certains médias. La question de conflit de personnalités ne peut être évacuée... mais un tel conflit, ça ne sort pas d'une boîte à surprise, ça se construit.

Toutefois ce n'est pas aux autres organisations du réseau de l'éducation de demander sa démission, c'est une question interne à la FQDE, mais je ne peux par croire que ça ne fait pas jaser dans cette organisation.

Bref, je fais ces commentaires sans aucune volonté de défendre les commissions scolaires, qui ont bien des défauts. Cependant, je crois fermement que les positions de la CAQ pour les remplacer causeront plus de torts que de bien, et ça ce n’est pas dans l'intérêt de personne: profs, élèves ou directions.



Le fonctionnaire masqué

gillac a dit…

Voci une lettre que j'ai déjà fait paraître dans nos journaux locaux.

Le rôle des commissions scolaires : expliquez-moi

J’avoue avoir un préjugé favorable envers les commissions scolaires malgré ce que semble en penser une majorité de mes concitoyens. Je n’aime pas tout cependant et je n’ai jamais compris pourquoi celles-ci se sont mises à confectionner leur propre bulletin scolaire comme si une famille devait passer toute sa vie à l’intérieur du même territoire. Cependant, tout comme en santé, je n’ai pas confiance en la capacité du gouvernement et de ses ministères de gérer directement plusieurs centaines d’établissements, que ce soit des écoles, des hôpitaux ou des centres jeunesse. J’aimerais cependant que l’on m’explique davantage et dans des mots simples le rôle et les activités essentielles de ma commission scolaire. Mettez de côté un instant les termes planification des objectifs, mécanismes de régulation et communauté apprenante. Je veux simplement connaître ce qui donne une valeur ajoutée aux directions d’école et permet à celles-ci de se consacrer pleinement à leur mission fondamentale. À vous les commissaires de jouer maintenant, avant que la population croie faussement que l’abolition des commissions scolaires leur permettra d’économiser plusieurs centaines de dollars.

Ste-Thérèse

bobbiwatson a dit…

Depuis quelques temps madame Longpré se met en valeur. Tous les moyens sont bons pour se faire voir. Elle tisse peut-être la corde avec laquelle elle va se pendre?