08 juin 2007

Un demi mea culpa

Bon, je dois le reconnaître: le mot «hurluberlu» était trop fort pour désigner M. Berger.
J'ai fait ma petite recherche sur M. Berger, l'auteur du rapport qui a fait gerber (notez la figure de style ici: la contrepèterie) la moitié du Québec. D'après une collègue en qui j'ai toute confiance et qui assistait justement à un atelier donné par ce dernier, cet enseignant de français est loin d'être un illuminé. Il a mis en ligne d'ailleurs un site Internet assez bien conçu concernant l'épreuve d'écriture du collégial.
On retrouve bien quatre ou cinq phrases qu'on peut reprocher à M. Berger sur un texte de 70 pages, mais le reste de son étude est bien documenté et semble crédible. La correction globale peut bien être l'objet d'un débat honnête, mais il était faux comme le sous-entendait le journal Le Devoir que les fautes ne compteraient plus dans l'épreuve collégial. C'est la façon de les prendre en compte qui change. Déjà, la correction globale existe dans de nombreux pays et dans certains programmes reliés à l'OBI (bac international). Dans l'étude de M. Berger, qui portait cependant sur seulement 80 copies, la correction globale s'avèrait même plus sévère que celle que nous connaissons.
Il est paradoxal, par ailleurs, que les gens ne s'insurgent pas plus sur la formule actuelle de correction qui permet à un jeune de faire en réalité bien plus que les 30 erreurs officielles avant d'être recalé. Si vous lisiez le cahier des correcteurs de cette épreuve, vous seriez horrifiés par tous les passe-droits qui existent déjà. Alors, quelle est la différence entre Berger ou ce qu'on fait actuellement? Disons que, pour l'instant, on condamne assez rapidement - et souvent avec raison - les nouveautés pédagogiques. Chat échaudé craint l'eau froide.
Une fois cela admis, il faut cependant s'interroger sur un aspect extérieur au rapport Berger. La correction globale demande qu'on fournisse une formation importante aux enseignants, sans quoi ils comprendront mal les techniques reliées à cette méthode et feront passer tout le monde sans aucun discernement. Là est peut-être le danger le plus important de ce rapport: que le ministère l'ait mis de l'avant sans s'assurer de la viabilité de cette méthode et que certains en profitent pour augmenter artificiellement le taux de réussite des élèves.
Je joins avec ce billet la réplique de M. Berger paru dans Le Devoir de ce matin. Elle est assez éclairante, je crois.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il me semble, Professeur Masqué, que plusieurs des informations que vous ajoutez ici étaient déjà présentes dans l’article du Devoir. Tout au moins dans celui-ci Français au cégep Québec rejette l’approche holistique


«Si le rapport faisait l'unanimité contre lui sur la place publique hier, il était plutôt bien accueilli par les participants à un atelier donné par l'auteur, Richard Berger, dans le cadre du colloque de l'Association québécoise de pédagogie collégiale.

[…]

Une expérience menée sur quelque 80 copies a révélé que «l'évaluation qualitative est plus généreuse quand les copies sont bonnes mais pardonne moins quand elles sont mauvaises», a indiqué M. Berger, chiffres à l'appui.

Parmi le petit échantillon analysé, le nombre d'échecs s'est élevé à 26 avec la méthode «holistique», contre 24 avec la méthode traditionnelle. »

[…]

Plusieurs professeurs de français se sont montrés intéressés par la nouvelle approche lors de la période d'intervention du public, disant y voir une façon plus «intelligente» de corriger l'épreuve. »

Bonne chance pour demain.

Le professeur masqué a dit…

Effectivement, M. Chartrand, le texte du Devoir du lendemain était moins incisif, mais le mal était fait et M. Berger et son rapport étaient déjà passé à la moulinette.

Je me reproche d'avoir commenté sans avoir lu le rapport, tout comme les journalistes... Là, je l'ai lu et mon impression est moins tranchée.

Et puis, il y a aussi l'opinion de ma collègue. Elle est très, très crédible dans le domaine et elle ne ruait pas dans les brancards, loin de là.

À la lumière de ce débat, je constate à quel point on vend mal certaines nouveautés pédagogiques. Il y a des profs qui sont de mauvais pédagogues quand vient le temps d'expliquer leur approche.

C'est la même chose avec la réforme. Je ne dis pas que celle-ci soit bonne. Seulement, on dépasserait le stade des impressions et des impulsions si les choses étaient mieux expliquées au départ. On aurait un vrai débat.

C'est entre autres là le drame de la réforme. On a tout bulldozé, tassé du monde. Quand les enseignants ont crié qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils vivaient des problèmes majeurs, on n'en a pas vraiment tenu compte quant à moi. Il a fallu que les syndicats embarquent et que ça devienne un débat politique avec tous les danges que cela comporte parce que les politiciens n'ont pas toujours connaissance de la réalité du terrain.