18 novembre 2007

La dictée masquée

A-t-on assez parlé de dictées la semaine dernière et la semaine précédente? Même le premier ministre Charest s'en est mêlé! On en a dit un peu n'importe quoi, remarquez...

La dictée est devenue un instant le symbole de la bonne vieille méthode avec laquelle on apprend à écrire pour les uns et le symbole de l'oppression des méthodes pédagogiques traditionnelles pour les autres. Or, elle est tout cela et rien en même temps. Autant de profs, autant de façons de travailler avec une dictée. J'ai la mienne, tout à fait masquée disons.

Tout d'abord, mes dictées sont toujours rattachées au discours que nous abordons en classe. Ne me parlez pas d'une dictée sur les fleurs et les abeilles quand nous travaillons le texte argumentatif, par exemple. C'est totalement ridicule! Jamais je ne ferai un Pivot de moi.

En ce sens, mes dictées servent donc un peu de modèles. On peut voir les différentes parties du texte, la structure générale, etc. Cependant, je m'attends à ce que l'élève soit capable d'aller plus loin dans ses productions personnelles plus tard au cours de l'étape.

Ensuite, comme ces dictées sont rattachées directement au discours travaillé, elles nous permettent de voir concrètement des exemples de mots, de structures de phrase ou de règles de grammaire dans un contexte précis. Il faut savoir que, souvent un type de discours utilise des règles qui lui sont propres. Je pousserai peut-être plus loin un jour cet aspect de l'écriture mais disons, par exemple, que, dans un texte narratif, l'élève confond souvent un participe passé avec un verbe conjugué au passé simple. Dans un texte argumentatif, il aura plutôt tendance à mal ponctuer des phrases comprenant des subordonnants et des coordonnants.

Les dictées peuvent donc servir à expliquer le code grammatical de façon pratique et visuelle. Pour chacune, chaque élève en reçoit le corrigé, mais celle-ci est néanmoins présentée sur acétate afin de permettre au jeune de mieux visualiser certains aspects auxquels s'intéresse l'enseignant.

Par ailleurs, le fait d'écrire sous la dictée permet aussi de faire bouger quelques muscles avec lequel les élèves ont parfois des difficultés.
  • Le premier outil, c'est est la main. Vous seriez surpris de voir combien de jeunes se plaignent de crampes après une quinzaine de minutes d'écriture!
  • Le deuxième, ce sont les doigts. Lors de mes dictées, les élèves doivent utiliser tous les outils auxquels ils auront en examen. Cela leur permet parfois de les découvrir... Encore une fois, vous seriez surpris du nombre de jeunes qui ne savent pas utiliser correctement un dictionnaire, par exemple. C'est alors l'occasion pour l'enseignant de constater leurs lacunes quant à cet aspect et de leur donner quelques conseils.
  • Le troisième muscle, c'est le cerveau et ce, de deux façons. Tout d'abord, je crois que le fait d'écrire quelque chose nous permet de l'imprimer dans notre tête. Comme je dis à mes gamins, «la main a une mémoire». Ensuite, la dictée les oblige à se poser des questions, à appliquer des stratégies de correction, à FAIRE.

Enfin, presque toutes mes dictées sont improvisées. Un élève me donne une ou deux pistes de départ et je dois m'exécuter devant eux. Si cet exercice est généralement stressant pour l'enseignant que je suis, il me permet néanmoins de montrer concrètement aux élèves les différentes démarches à suivre lors de la rédaction d'un texte. Je fais un court plan au tableau et, ensuite, je procède à l'écriture oralement. Pas de papier, pas de crayon. Je porte attention à mon vocabulaire et au choix des mots. J'évite les répétitions immédiatement. Je mets un point d'interrogation «virtuel» au-dessus des endroits sur lesquels j'ai des doutes. Je compte mes mots sur la copie d'un élève au fur et à mesure pour leur montrer l'importance de respecter la longueur exigée. Etc.

Je deviens donc un modèle vivant de ce que je leur enseigne comme techniques et stratégies d'écriture. Écrire est un acte conscient et je le leur prouve en le faisant sous leurs yeux. Ça vaut bien des discours.

On peut voir la dictée comme un outil diagnostic, un test de classement, une punition... Chez le Prof masqué, comme chez bien d'autres profs d'ailleurs, elle est d'abord et avant tout un outil d'apprentissage au service de l'élève. Réforme, pas réforme. Pivot, pas Pivot. Courchesne, pas Courchesne.

10 commentaires:

Jean Trudeau a dit…

Voilà plutôt «la dictée dé-masquée» : rajeunie, parfaitement adaptée aux compétences du jour. Vous faites ici un joli pied de nez aux dictées ridicules et humiliantes à la TLMEP. Et voilà un bel exemple du professionnalisme pédagogique dont font preuve en classe, j'en suis certain, la majorité des profs d'aujourd'hui, comme ceux d'hier (à l'époque tranquille où, à ce que prétendent nos tribuns et nos politiciens populistes, la dictée aurait fait des miracles...).

Une femme libre a dit…

Vous êtes un maudit bon prof, intelligent, dynamique, plein de ressources et de culture. Le genre de prof qui peut influencer positivement notre ado. Celui qu'on lui souhaite de tout coeur. Tellement dommage que ce soient trop souvent des jeunes sans talent, ceux qui ne sont acceptés nulle part ailleurs qui se retrouvent dans les facultés d'éducation. Quand un jeune est brillant, on ne l'oriente pas vers l'enseignement. Et pourtant, il nous en faut des professeurs brillants et allumés! Ils font la job la plus importante, ils forment notre jeunesse, notre avenir. Heureusement que vous vous êtes orienté tout seul, Prof Masqué, comme d'autres collègues que je lis sur le web et que je trouve tout aussi allumées que vous. Mais mon ado pendant son secondaire a eu quelques morons ignorants et sans passion comme professeurs. Par principe, je défenfais toujours le professeur, malgré quelques évidences, comme des textes dépourvus de sens et avec des fautes envoyés par ledit professeur,mais quand je le rencontrais, ouf! ma fille n'avait pas exagéré.

Moukmouk a dit…

Effectivement, le tout est de savoir à quoi sert la dictée ( tout comme l'école). Si l'école sert à faire la différence entre ceux qui seront les boss et qui seront les employés, allons-y sélectionnons, éliminons. Mais j'espère que l'école veut dire former des individus autonomes qui ont pour cela besoin d'outils.

Quand j'entends des enseignants du primaires dire qu'ils savent qui en deuxième année ira à l'université et qui n'ira pas, je me dis que je les payent pour rien. Les bons élèves perdent leurs temps dans l'école qui sélectionne, les mauvais aussi puisqu'ils sont déjà rejetés.

A.B. a dit…

Moi aussi je donne des textes liés aux discours enseignés en dictée et ce pour toutes les bonnes raisons que tu as énoncées. Plusieurs enseignants le font d'après les collègues que j'ai eus dans ma courte carrière.

@ Jean Trudeau:
TLMEP m'a surprise avec sa deuxième dictée en autant de semaines. Je n'en vois pas trop l'intérêt moi aussi.

Le professeur masqué a dit…

M. Trudeau: l'idée de donner une dictée à la ministre Courchesne lors de l'émission TLMEP était une belle niaiserie. Même elle avait prévu le coup tellement c'était prévisible. Pas très original de la part d'une équipe de production. De plus, tant qu'à jouer, pourquoi ne aps avoir rendu publique la dictée de M. Lepage?

Pour Pivot, on peut penser que l'occasion s'y prêtait. Mais de voir le pauvre petit Danny se lamenter qu'il avait échoué une dictée de niveau primaire, c'était pathétique... D'ailleurs, qui a déterminé qu'il s'agissait d'une dictée de niveau primaire? Celle de Pivot était plus facile. Je ne sais pas, mais je considère que le fou du roi devient de plus en plus insignifiant avec le temps.

Une femme libre: j'accepte les compliments, mais c'est parce qu'on n'a pas encore réussi à m'écoeurer de mon métier que je tente de le faire avec professionnalisme et que je suis encore là.

Moukmouk: votre réflexion est fort pertinente. Une dictée pour faire quoi? Dans le cas de Mme Courchesne, c'est de gagner des votes. Dans le cas de M. Lepage, c'était de coincer la ministre. Dans le cas de M. Pivot, c'est de célébrer la langue et ses aspects «extrêmes». J'aime écrire. Je ne me sens pas obligé de tout connaître de ma langue. J'aime le vélo. Je ne me sens pas obligé de gagner une médaille olympique.

Safwan: tu as eu de bonens influences dans une autre vie... : )

Plus sérieusement, il y a des profs qui ne sont pas cons et qui ne font pas des dictées pour faire des dictées.

Hortensia a dit…

Je te donne A+ pour la témérité d'improviser ta dictée. Il m'arrive d'écrire un texte "en direct" au tableau avec les arguments que les étudiants me fournissent et je trouve toujours ça très sportif. Je le fais seulement quand je me sens en pleine forme intellectuelle.

En passant, la dictée judéo-chrétienne d'hier à TLMP battait des records de snobisme et de platitude. Difficile de faire moins intéressant que ça comme sujet!

Puis, je suis entièrement d'accord, Dany Turcotte est bien plus fatigant et insignifiant qu'amusant. Il n'apporte rien pantoute à l'émission, même qu'il nuit souvent à la discussion.

bobbiwatson a dit…

Peu importe comment la dictée est conçue et donnée, en autant que nos jeunes en aient une régulièrement. La dictée rattachée au discours est distrayante, stimulante et probante. Mais il faut aussi qu'il y en ait qui soient "des dictées pour des dictées". L'école doit faire vivre la réalité à nos jeunes, les rapprocher du vécu quotidien. Donc,en plus des dictées correspondant au discours du prof, il en faut qui n'ont aucun lien avec rien : seulement une dictée pour une dictée. Une dictée sur les fleurs et les abeilles peut apporter beaucoup à nos jeunes. Combien savent écrire le mot "abeilles" ????

Anonyme a dit…

J'adore..

A.B. a dit…

Oui, de très bonnes, et j'ai une collègue de ma nouvelle vie, dans le niveau que nous avons jadis partagé, qui aurait avantage à prendre exemple sur toi de mon ancienne vie! Je ne la trouve pas assez exigente, du moins si je me compare à tes collègues et toi: mais comme vous êtes mes seuls modèles... ;oP

Le professeur masqué a dit…

Hortensia: attendez le concours d'insulte... Je vous en reparlerai quand on débutera le champ de tir. Ça va être «lette»! Pour le reste, je ne sais pas, mais j,ai l'impression que TLMEP commence à s'étioler.

Bobbi: pas d'accord. La dictée doit s'inscrire dans un contexte signifiant. Elle peut aussi être teintée d'humour, de figures de style, mais il est si facile de s,amuser en la faisant. pourquoi s'en priver!

Safwan: le Prof masqué, un modèle? Pauvre, pauvre de toi alors!