Un précédent billet montrait à quel point cette idée remettait en question la compétence des enseignants et ne tenait pas compte d'autres facteurs importants dans la réussite des élèves.
Par curiosité, je suis allé lire la proposition complète de l'IEDM sur son site Internet. On s'aperçoit que cette idée va plus loin.
On parle en effet d'écoles (les caractères gras sont de moi) «où les règles et contraintes de recrutement, d’encadrement et de rémunération du personnel enseignant seraient assouplies en faveur de contrats de résultats incitatifs tant pour ces types de personnel que pour les directions d’écoles.» Bref, cela revient-il à dire qu'on pourrait embaucher des enseignants non qualifiés, par exemple? On peut penser qu'une telle mesure signifie aussi que ces enseignants ne bénéficieraient pas des avantages réguliers des conventions collectives des établissements scolaires privés ou publics.
Plus loin, on peut lire: «Le gouvernement pourrait soustraire les directions de ces écoles de l’application des règles administratives et syndicales habituelles afin de leur donner la flexibilité et les outils nécessaires à l’amélioration de leur rendement. Ces écoles n’auraient pas le droit de sélectionner les élèves à l’entrée mais elles auraient le droit et le pouvoir de choisir et d’embaucher directement les enseignants et le personnel de soutien jugés à la fois les plus efficaces pour contrer le décrochage et les plus compétents pour améliorer les résultats objectifs des élèves de ces milieux. Les directions auraient également le pouvoir de congédier et de remplacer rapidement les enseignants et le personnel de soutien dont le rendement observé ou anticipé serait considéré comme insuffisant.» Imaginez un instant le pouvoir dont jouiraient les directions de ces écoles. Je pense à ces enseignants et je me dis que Faust a signé un contrat semblable. De plus, comment avec le nombre de décrocheurs au Québec, ces 25 écoles arriveraient-elles à ne pas procéder à une sélection? Mystère.
Poursuivons plus loin: «Les enseignants recrutés seraient soumis à une évaluation de leur rendement (sur le plan du décrochage et de la diplomation au sein de leur école) et recevraient, en plus de leur rémunération normale dans le réseau, des primes au rendement pouvant aller en moyenne jusqu’à 20 000 $ par an par enseignant et par membre du personnel de soutien.» Donc, rien n'est assuré. Qui irait enseigner dans une telle école avec autant de conditions et si peu de garantie?
Mais là ou l'IEDM fait preuve d'hypocrisie, c'est dans son analyse de la situation des écoles à problèmes. «Plusieurs écoles font face à des défis démesurés dans la mesure où, ne pouvant pas garder leurs meilleurs éléments, elles se retrouvent avec un nombre disproportionné d’élèves en difficulté. De plus, elles n’arrivent pas à relever les défis que cette situation pose, car elles ne peuvent choisir un personnel enseignant et d’encadrement suffisamment motivé, expérimenté et talentueux, eu égard aux difficultés éprouvées dans ces écoles. »
Or, à ce que je sache, les écoles privées subventionnées par le gouvernement sont en partie responsables de cette dynamique ou des parents n'inscrivent plus leur enfant dans le réseau public, ce qui crée de véritables ghettos scolaires. Coïncidence, mais l'IEDM appuie l'enseignement privé au Québec et est même l'auteur du fameux Palmarès des écoles. C'est un peu comme si un pyromane jetait de l'essence sur le feu d'un côté et proposait des solutions pour éteindre un incendie. Ça manque de crédibilité.
L'IEDM est un regroupement de penseurs de droite. Cela ne fait pas d'eux des cons. Seulement, si leur idéologie les aveugle, on peut difficilement parler de visionnaires.
7 commentaires:
Aussi bien dire que les patrons pourront faire du recrutement sauvage et, surtout, du congédiement sauvage. Tout leur semble permis. Normal, pour un Institut de droite qui prône le libéralisme économique à son maximum, sans entrave... Ce serait le chaos, si ces recommandations étaient mises en application. Les règles seraient appliquées différemment d'une personne à l'autre et d'une situation à l'autre. Qui s'y retrouverait? Et en quoi les élèves y gagneraient, dis-moi? Parce que c'est pour eux, supposément, que l'on ferait toutes ces entorses aux conventions collectives en vigueur. Dangereux...
Des primes de 20000$. Je connais des moyennes de groupes qui feraient un bond prodigieux.
Les directions d'école avec le pouvoir d'engager et de congédier comme ils le veulent... j'ai l'Alliance, pourtant bien enfouie, qui remonte soudainement.
Merci pour le résumé et surtout, pour avoir eu le courage de lire ce rapport jusqu'au bout.
Quand je vous dis que votre plume m'instruit...
Cher Prof,
J'espère (et crois) que les partis politiques ne gangrènent pas l'enseignement, mais je crains que le copinage le fasse, avec des conséquences bien plus néfastes encore...
Ce à quoi je pense: les fameuses primes de 20.000 dollars, ne risquent-elles pas d'être attribuées à des fonctionnaires surdiplômés, ayant étudié dans des domaines sans débouchés, et donc incompétents pour le métier de prof?
Si les enseignants craignent l'arbitraire dans ces "nouvelles" écoles, rien ne les oblige à y aller donner cours. Cela ferait de ces établissements une pépinière de pistonnés: exactement l'inverse de ce à quoi tu penses!
« Il est navrant de constater que la réalité est souvent pire que la rumeur. » (Yvan Audouard)
Amitiés
Pour avoir déjà vu des abus de pouvoir, même à l'intérieur des supposées sacro-saintes conventions, je peux dire que ce document fait peur ! (Mais pas dans le bon sens du terme).
Un tel système laisserait la place aux abus de pouvoir des directions, oui, mais aussi aux abus de léchage de bottes par certaines personnes peu scrupuleuses qui finiraient par avoir l'attention (et le favoritisme) des directions.
Il y a des directions compétentes, au bon jugement, mais il y a aussi des directions influençables ou trop attachées à leur petit (si petit...) pouvoir.
Des super-enseignants, comme on dit des super-héros, c'est assez incroyable comme choix de termes et, pour ma part, ça montre bien à quel point ces gens n'ont aucune idée de ce que c'est le travail d'un enseignant. Sinon, ils sauraient que des super-enseignants, il y en a déjà plein les écoles, qui font des miracles avec rien, qui travaillent dans des conditions souvent très difficiles et qui ne peuvent absolument pas être évalués au rendement. Excusez-moi, mais, bordel, on n'est pas des vendeurs de chars! Il y a tellement de mépris pour les enseignants dans une proposition comme celle-là.
Safwan: C'est pour des idées comme cela que l'IEDM suscite de l'inquiétude chez moi.
En saignant: parfois, j'aimerais qu'on connaisse ces conditions de travail, question de se rappeler que les syndicats ont leur utilité. Merci du complpiment! La vôtre aussi!
Armand et Sylvain: effectivement, l'arbitraire ouvrirait la porte à bien des dérives.
Hortensia: mépris, méconnaisance... Des super-profs, il y en a partout, c'est vrai!
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