05 mars 2008

Parlons bibliothèque scolaire!

En cette belle journée de congé, parlons un peu d'un sujet qu'on survole habituellement dans les médias: nos belles bibliothèques scolaires. On en déplore l'état, on critique le nombre et la qualité des livres qu'on y retrouve, mais généralement on ne va pas plus loin dans l'analyse.

Je vous invite donc aujourd'hui à construire avec moi, avec vos opinions, vos anecdotes un petit portrait de cet aspect du monde scolaire. Socioconstructivons donc!

La bibliothèque scolaire, ça sert à quoi?

La question vous étonnera, mais je vous rappellerai que, dans un billet précédent, on a pu constater qu'à Montréal, il y a au moins une école secondaire qui a déjà fermé sa bibliothèque scolaire. Les livres ont été rangés dans des caisses sans possibilité que les étudiants y aien accès. Motifs invoqués: le virage technologique et le fait que toutes les informations du monde peuvent maintenant se trouver sur Internet. Comme si on pouvait lire des romans et des oeuvres littéraires récentes sur le Web!

De plus, je vous signale qu'il s'agissait d'une école située en milieu défavorisée. Je me questionne à savoir quoi a été utilisé le budget «livres» pendant tout ce temps.

De façon plus générale, si je me base sur mon expérience d'enseignant, essentiellement, la mission d'une bibliothèque va avec les valeurs de la direction d'une école. J'ai connu un directeur pour qui il s'agissait d'un poste budgétaire emmerdant. Il a réduit le personnel qui y était affecté, a coupé les heures de service et a fait tout en son possible pour que le budget qui y soit affecté puisse servir à d'autres fins. Par exemple, le budget d'une bibliothèque ne devrait pas servir à acheter des dictionnaires ou des séries de romans destinées à la lecture en classe de français. Dans l'esprit et peut-être même dans la loi, ces items devraient être payés à même le budget relié au matériel pédagogique, ce qui n'est pas toujours le cas.

Il a fallu deux ans de lutte au CE pour ramener les choses dans une plus juste proportion. Quoi qu'on en dise, un directeur a beaucoup de pouvoir dans un CE et les parents se font souvent emberlificoter par un dirigeant scolaire habile.

Les initiatives malheureuses

Nos gestionnaires prennent parfois des décisions douteuses quant aux livres dans une commission scolaire.

Qui ne se rappelle pas le projet «Lire en été» dont j'ai parlé dans un billet précédent? Les commissaires de la CSDM, dans un esprit de scoutisme jovialiste, avaient décidé de prêter un livre à chaque élève pour l'été. Immédiatement, des enseignants, comme le Prof malgré tout, avaient souligné les risques d'une telle initiative. Le programme avait été mal géré et bien des livres n'ont pas été retournés en septembre. On parle ici d'une perte de perte de 360 000$ pour un budget de plus d'un million. Pas fort... On en achète des livres avec 360 000$.

On brise aussi des formules gagnantes comme nous l'a raconté Lia pour l'école Évangéline à Montréal. Cette école avait une entente avec la ville de Montréal. Elle lui louait des locaux, mais pouvait utiliser les services (2 bibliothécaires, 2 techniciens et plusieurs commis) et avoir accès aux 50 000 livres de la bibliothèque municipale de quartier. Mais afin de récupérer des classes, cette entente n'a pas été reconduite. Il semblerait que cette école n'a plus de bibliothèque actuellement.

On gagnerait à privilégier des partenariats semblables comme il en existe dans le pays de Safwan et dans ma région.

Le personnel

En plus de représenter un poste budgétaire, une bibliothéque scolaire, c'est aussi du personnel à embaucher et à gérer. Là encore, certaines pratiques administratives peuvent être questionnées.

Afin de sauver des sous, une direction d'école évite d'embaucher une véritable bibliothécaire. Elle ira plutôt vers une technicienne ou une agente de bureau. Et cela, c'est bien sûr quand elle embauche quelqu'un!

En saignant nous racontait le cas de son école primaire située en milieu défavorisé ou ce sont les profs et les élèves qui s'occupent de tout, avec les risques et les inconvénients que cela comporte. Les livres sont mal rangés, le système inofrmatique de prêt plante... Bref, la bibliothèque devient un lieu à ne plus fréquenter.

Il arrive souvent que le personnel d'une bibliothèque scolaire soit peu qualifié et le taux de roulement des employés y soit assez important comme un interlocuteur le soulignait dans un commentaire : « Ça a juste pas de bon sens. Deux jours dans une école, une journée dans une autre, une autre journée dans une autre, revient dans la première... t'as pas le temps de faire ta job, t'as pas le temps de répondre aux profs, tu fais tout à moitié, en vitesse, parce que tu manques de temps... c'est l'enfer. »


Ce manque de stabilité et de formation peut donc nuire au fonctionnement de celle-ci et entrâîner, on le verra, des coûts importants.

Puisqu'on parle de personnel, on peut rappeler que le plan Ouellon de la ministre Courchesne propose l'embauche de 150 nouvelles bibliothécaires. Avec les 150 déjà en place, on parle d'une spécialiste pour 10 écoles. Mais l'embauche de ces spécialistes universitaires est-elle nécessaire? Dans un commentaire, Bobbi, qui a des connaissances sur le sujet, estime qu'ils sont surqualifées.

«Les bibliothécaires, ceux qui ont une maîtrise, ne sont pas utiles dans les biblio du primaire et du secondaire. Leur utilité se concrétise dans les biblio du collégial et universitaires. Au primaire, un ou une technicien(ne) en documentation serait important(e). Cette personne peut guider et les enfants et les profs dans leurs choix de livres, que ce soit pour une recherche, que ce soit sur un thème particulier etc. Au secondaire, le (la) technicien(ne) en documentation verra à l'amélioration de la collection de la bibliothèque déjà existante, verra à aider les profs dans leurs recherches, verra à aider les élèves dans leurs choix de livres. Le (la)technicien(ne) en documentation est beaucoup plus près de l'utilisateur que le (la) ...thécaire. À l'université on apprends aux futur(e)s ...thécaires à faire de la gestion de personnel, de la gestion de collections, de la référence ..., de la gestion .... On ne leur apprend pas à aider la base à mieux s'informer, la base étant la clientèle scolaire du primaire et du secondaire, profs inclus.»

Les critères guidant les achats

Avec un personnel inexistant, constamment en roulement ou peu formé, qui procèdent aux achats des livres et quels sont les critères qui les guident, le cas échéant?

Quand ce ne sont pas les techniciens ou les bibliothécaire, l'achat des livres relève de la direction de l'école. On pourrait estimer qu'elle est moins apte à le faire qu'un spécialiste mais, comme à mon école, le technicien a effectivement mis à l'index de son propre chef deux oeuvres de Patrick Senécal, je m'interroge...

En fait, aucun critère ne guide les achats des livres d'une bibliothèque scolaire. Comme le souligne un commentaire à propos d'une ancienne technicienne qu'elle avait été appelée à remplacer: «Elle avait dépensé son budget dans les Coups de coeur de Renaud-Bray. Ce qui n'est pas une mauvaise idée en soi, mais j'aurais préféré un peu plus de... jugement?»

Quand vient le temps d'acheter des livres, on peut bien sûr faire appel à l'avis des enseignants ou à une libraire spécialisée. Mais laissez-moi vous raconter l'anecdote suivante. une source plus que sûre m'a rapporté qu'directeur achetait continuellement des livres avant les vacances de Noêl et de l'été. Il s'agissait de romans policiers et d'ouvrages destinés tout d'abord à son usage personnel et à celui de ses proches. Charité bien ordonnée...

Enfin, un dernier point quant aux achats: de nombreuses bibliothèques achètent encore des ouvrages de référence inutilement. Bien des informations qu'ils renferment sont effectivement disponibles sur Internet. Elles devraient plutôt privilégier les oeuvres littéraires et les livresdont le contenu ne se trouve pas sur le Net. Il faut aussi savoir que certains budgets reliés à la réforme permettent l'achat d'atlas et de manuels de références. Afin de ne pas perdre ces argents, on les dépenserait donc parfois uniquement pour ne pas les perdre.

En conclusion, après toutes ces informations, je vous indique qu'après six mois, je viens enfin de mettre la main - par hasard - sur un meuble qui me permettra d'aller de l'avant avec mon projet de bibliothèque de classe. Six mois et par hasard pour un projet dont je fournis les livres... Gagez qu'on y retrouvera toutes les oeuvres de Patrick Senécal!

7 commentaires:

Hortensia a dit…

S'agit-il du meuble dont tu parlais l'autre jour et que je t'avais suggéré de rapatrier dans ta classe en douce? :-)

Gooba a dit…

À notre école primaire, c'est un comité d'enseignants qui gèrent la bibliothèque scolaire. On fait affaire avec le CRSPB (Réseau BIBLIO du Québec). Ils fournissent prêts de livres longue durée et système informatique. Des parents bénévoles gèrent les prêts. Ce n'est pas la mer à boire, mais notre biblio est toute jeune. Elle s'emmieute d'année en année. On va y arriver...

Lia a dit…

Bonjour Prof masqué,

(pardon pour le long message, je suis en relâche, j'ai le temps!)

Je tique un tout petit peu quand il s'agit de remplacer un bibliothécaire (bac et maîtrise) par un technicien en documentation (technique au cégep)pour les écoles secondaires. Le bac du bibliothécaire lui donne une ouverture sur le monde et un sens de la débrouillardise en recherche d'information que n'a pas nécessairement le technicien. La maîtrise l'assure en outre d'une très bonne connaissance des systèmes informatiques de gestion de collection. Cela dit, je suis déjà d'accord avec vous lorsque vous me répondrez: Oui, Lia, mais des techniciens délurés en recherche d'info et des bibliothécaires pourris, ça existe aussi! À mon école, nous avons la chance extrême d'avoir une bibliothécaire, une vraie, donc avec maîtrise en poche et en plus, elle a un bac spécialisé en littérature française. Elle nous est TRES précieuse.

Je sais aussi que durant les années 90, très peu d'étudiants en bibliothéconomie se sont inscrits au profil "bibliothèque scolaire" et il y avait deux raisons à cela. 1. coupures de postes dans les écoles
2. La prof en charge du module, à l'UDM était d'un ennui et d'un tâtillonnement mortels. Demandez à n'importe quel étudiant de ces années, ce qu'il pensait de Mme Bernhard. Plusieurs étudiants, dont mon chum, ont préféré choisir le profil "public". Il faut savoir qu'au Québec, il n'y a que McGill et l'UDM qui offrent la bibliothéconomie. Ainsi, les gestionnaires d'établissements scolaires ont compris que le bibliothécaire d'école, c'était dépassé, puisqu'il n'y a pas eu de plômés pendant un temps. Depuis le départ de Mme B. les inscriptions au profil scolaire ont augmenté.

bobbiwatson a dit…

Les bibliothécaires sont formés pour "gérer". On leur demande un bac en n'importe quoi pour accéder à la maîtrise en bibliothéconomie.
Dans ma commission scolaire il y a déjà eu des bibliothécaires. Or, on s'est aperçu que leurs qualifications n'étaient pas pleinement utilisées. Dans le milieu des écoles secondaires et primaires, pas besoin de faire beaucoup de références "pointues". Le technicien a toute la formation voulue pour faire un excellent travail tant auprès de la clientèle que dans la gestion quotidienne des collections et des systèmes informatiques.
Gardons les bibliothécaires pour des tâches correspondant à leurs qualifications. Qu'on les engage pour superviser les bibliothèques de deux ou trois écoles secondaires. Là ils pourront faire une saine gestion des collections, du personnel etc. Ils pourraient, ainsi, mieux répartir les différentes collections et rendre plus homogènes les bibliothèques scolaires secondaires qui seraient sous leur juridiction.

bobbiwatson a dit…

Les bibliothécaires ont des spécialités reliées à leur domaine. Un bac en histoire de l'art ne devrait pas mener à gérer une bibliothèque au Conservatoire de musique de Montréal! Un bac en histoire ne devrait pas mener à gérer la bibliothèque médicale de l'hôpital Sacré-Coeur à Cartierville!

Alors que les techniciens, eux, n'ont pas de formation privilégiée. Ils sont polyvalents en connaissances et spécialisés en formation.

Que chacun pacage dans son clôt et tout le monde sera content!

Anonyme a dit…

bobbiwatson : amen!

Je ne peux qu'être d'accord avec ce que tu dis.

Le CRSBP est aussi une excellente alternative pour ceux qui rechignent à engager des techniciens pour leur école. La bibli est gérer par des parents bénévoles, mais sous la supervision (plus ou moins éloignée selon les besoins) d'employés qualifiés. On évite ainsi le « fuckaillage » que pourrait provoquer une gestion de bibliothèque faite par des gens qui ont plein de bonne volonté, mais qui n'y connaissent finalement pas grand chose...

Anonyme a dit…

La formation de technicien en documentation est entièrement suffisante pour répondre au besoin des écoles primaire et secondaire. La formation de technicien en documentation permet de développer des acquis autant en catalogage, en référence, en acquisition de documents. Ce qui est important dans le cadre d'un emploi autant au niveau primaire qu'au secondaire c'est d'être à l'écoute de son milieu de travail. Cette qualité peut être autant présente sinon davantage chez un technicien en documentation que chez un bibliothécaire. D'ailleurs, dans une école que je nommerai pas plusieurs m'ont fait l'éloge que j'étais plus efficace dans leur bibliothèque que la personne qui m'avait précédé et qui était pourtant bibliothécaire de formation. L'ÉCOUTE n'est pas une qualité qui se développe à l'université mais que l'on possède par ses qualités humaines.

Il ne faut pas oublier que le bibliothécaire a fait son BAC dans un autre domaine que la bibliothéconomie. Il n'a que sa maîtrise dans ce champ d'étude. Un technicien en documentation a passé trois ans sur les bancs d'école à développer ses compétences en acquisition, en catalogage, en référence, etc...

Anonyme