25 mars 2008

Un homme et son péché (ajout)

Vous avez compris, en regardant cette photo, que j'aborderai la saga des Roy qui alimente les médias depuis quelques jours.

Quand on accepte d'être l'entraîneur de son propre fils, on s'expose toujours à des conséquences qui peuvent être désagréables, surtout si on a déjà été une vedette de la Ligue nationale de hockey. Il en est de même quand on enseigne à son propre enfant. On sait, sans jeu de mots, que la glace est mince et qu'on doit faire preuve de la plus grande rigueur possible.

J'ai toujours eu la plus grande admiration pour le gardien de buts extraordinaire qu'a été Patrick Roy. Il a procuré au jeune partisan des Canadiens que j'étais des moments de réjouissance incroyables. L'homme, lui, au fil du temps, a commis trop de frasques violentes (comme le rappelle Réjean Tremblay dans ce texte) pour que je puisse lui coller l'étiquette de «gagnant». On mentionne rarement qu'il s'est même battu contre un de ses propres coéquipiers et a exigé son renvoi de l'équipe. Quand on lit entre les lignes, on comprend que cet homme a un problème important dans la gestion de ses sentiments, notamment lorsqu'il s'agit de la colère.

En encourageant son propre fils à se battre contre un adversaire qui ne montrait aucun signe de velléité, Patrick Roy a franchi une nouvelle (et, espère-t-on dernière) limite: celle de faire la preuve qu'il ne respectait pas véritablement ses rôles d'entraîneur, d'éducateur et de père.

Ne nous comptons pas d'histoire: la ligue de hockey junior majeur au Québec n'est pas un réseau de développement. On est loin des circuits collégiaux ou américains ou les études et la formation de l'individu ont une importance certaine. La LJMHQ est une ligue semi-professionnelle ou la recherche de profits est aussi un des aspects importants du fonctionnement de celle-ci. Gagner à tout prix devient alors une valeur importante. On l'a vu dans de nombreux reportages et documentaires. Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant que si peu de francophones réussissent à percer dans la Ligue nationale de hockey avec une telle école de formation.

En confiant leur enfant - parfois mineur - à des entraîneurs en qui ils devraient normalement avoir confiance, les parents espèrent que ceux-ci deviendront des gagnants, mais aussi des hommes capables de bien évoluer dans la société, de respecter les règles, de bien se comporter, et non des brutes.

En incitant son propre fils à se battre, Patrick Roy a fait la démonstration qu'il n'a aucun respect pour les jeunes et leur développement. Pire, il a mis la santé et l'intégrité physique de son propre fils pour assouvir son désir de gagner. Comment se serait-il senti sur l'agression physique qu'il avait commandée à son jeune s'était mal terminée? Si l'un des joueurs s'était gravement blessé? Comme un gagnant?

Le rôle d'un parent est de protéger son enfant et non de l'exposer à des situations dangereuses, de lui enseigner des valeurs de respect de soi et des autres. Manifestement, Patrick Roy a manqué à la tâche.

Au-delà de l'événement sportif, c'est aussi une prise de conscience du véritable rôle de parent que nous devrions saisir.

Quant à moi. Patrick Roy n'a plus sa place dans le monde du hockey mineur. Comme entraîneur, il a fait la preuve qu'il véhicule des valeurs qui vont à l'encontre même de son rôle d'éducateur. Il nuit au sport qu'il aime au lieu de l'aider. Comme individu, il mériterait d'être poursuivi pour les gestes qu'il a commis et qu'il a incité à commettre. Comme parent, même si jamais il conserve l'admiration de son fils, il devrait être sévèrement blâmé pour l'éducation qu'il inculque à ce dernier.

La LJMHQ a fait connaître ses sanctions. Déjà, on murmure que Patrick Roy ne devrait plus avoir sa place dans le hockey à titre d'entraîneur. On peut pardonner à un homme en autant qu'on sente qu'il fera tout en sorte pour ne pas reproduire les mêmes comportements. Or, à en juger à l'histoire de ce dernier, on peut avoir des doutes plus que raisonnables sur ses capacités à comprendre qu'il est allé trop loin. Certains «gagnants» ont un égo surdimensionné qui les empêche de réaliser véritablement le mal qu'ils font autour d'eux.

La police de Chicoutimi entreprendra, je l'espère, une enquête sur ce qui s'est produit durant ce match et il faut souhaiter que des accusations criminelles seront portées. Une patinoire n'est pas une arène de gladiateurs.

Patrick Roy a présenté ses excuses. Comme d'habitude.

Reste maintenant à juger le parent. Et à le soutenir s'il montre une volonté de s'amender.

Enfin, surtout, reste à ne pas oublier et à agir pour interdire cette tolérance qui existe quant au bagarre dans le hockey junior majeur du Québec.

«On parle de jeunes, dont plusieurs d'âge mineur, de 16-17 ans, à qui on interdit de se battre dans la rue et dans les écoles, mais à qui on permet de le faire sur la glace. Il y a là une incohérence qu'il faut corriger le plus rapidement possible», croit à juste titre Pascal Bérubé, député du Parti québécois de la circonscription de Matane, qui pense que «le Québec doit donner l'exemple».

Après tout, il s'agit de l'éducation de nos jeunes dont on parle, tant ceux qui sont sur la glace que ceux qui les regardent. La violence, ou qu'elle soit, ne doit pas être considérée comme banale.
Eh misère qu'il y a de quoi désespérer si on se fie aux propos du whip du gouvernement, Norman MacMillan: «Écoutez, il n'y avait pas d'intention criminelle là-dedans. C'était une bataille de hockey. Il n'y a pas eu de blessures.» Ben oui, chose. C'est rassurant de savoir que pour cet élu, sur la glace, le Code criminel ne s'applique pas. Et puis, on peut se tapocher tant qu'on veut. Tant qu'on ne se casse pas la gueule. Misère intellectuelle.
À lire ce matin, cet excellent billet d'Yves Boisvert portant justement sur les valeurs éducatives du sport..

5 commentaires:

Lud. a dit…

Tout à fait d'accord. Vedette ou pas, un adulte responsable de jeunes (sur glace ou à l'école) doit donner l'exemple et ne jamais encourager la violence (quel que soit son type). Même si j'aime bcp le hockey, je trouve que M. Roy a manqué de cntrôle en un moment stressant. De la retenue, c'est ce qu'il lui fallait! Autrement, on agit san reflechir et ça peut donner des résultats catastrophiques.

Anonyme a dit…

Vous savez le pire dans ces histoires de bataille dans la LHJMQ?... Je sais d'un ancien joueur qu'on lui a fait suivre des cours de boxe. Je ne sais pas si c'était pour TOUS les joueurs ou juste lui (il était le Goon de l'équipe...)... Mais, j'en suis restée sidérée!

A.B. a dit…

Je suis arrivée au cégep de Rimouski en même temps que l'Océanic de Rimouski, l'équipe de la LHJMQ de l'endroit. C'était carrément l'hystérie en ville. Le Colisée était toujours plein à craquer et les bagarres étaient - et sont toujours - tellement attendues et souhaitées. Je me rappelle un collègue de classe qui jouait pour cette équipe et qui était arrivé dans l'un des cours avec l'intérieur de la bouche complètement noir, le visage tout amoché en raison d'une bagarre à laquelle il avait participé la veille. Désolant.

Anonyme a dit…

Bien cher Professeur masqué,

Ce sont des billets comme ceux-là, de ta part, qui m'ont fait un jour t'offrir de l'amitié et me font revenir te lire et même te taquiner.

Je voulais parler de cette histoire et tu m'as devancée. Je renvoie donc les lecteurs de mon présent billet ici, où tout est dit.

Zed

D. a dit…

D'accord avec vous à 300%. Je viens d'écrire deux textes sur le sujet dans le site RDS s'intitulant : Patrick Roy n'a plus sa place au hockey. Continuez, j'aime bien votre plume