Cette année, j'enseigne en première secondaire. J'ai donc des élèves tout frais sortis du primaire. Qui dit nouvel élève dit nouveau dossier.
Il faut savoir qu'un élève qui réussit son primaire perd automatiquement la plupart de ses cotes qui nous indiquent ses difficultés. Dans un monde utopique, il a réussi, donc il n'a pas vraiment de problème.
C'est avec le temps qu'on découvre donc les difficultés des jeunes devant nous. Un temps précieux et irrémédiablement perdu.
Prenons le cas de Martin. Il a un déficit d'attention et il est dyslexique. Je ne suis informé de rien. C'est parce que son père est un collègue que je le sais. D'ailleurs, le dossier de Martin n'existe plus au primaire et il n'est pas non plus à son école secondaire. Perdu. Quelque part. Des centaines de dollars en évaluations externes.
Heureusement que le papa a gardé des copies de tous les documents. Heureusement que papa travaille dans une école et encore plus heureusement qu'il s'agit de l'école de son fils.
Prenons un autre cas: celui de Marco. Hyperactif à attacher sur sa chaise. S'il ne prend pas sa médication matin et midi, il peut marcher au plafond. J'exagère à peine: je l'ai vu en crise. On aurait un possédé par le vaudou!
Marco est attachant (...) et très intelligent, mais il a des caractéristiques dont je dois tenir compte. Or, je n'ai été informé de rien. C'est sa mère, qui travaille à mon école, qui m'a mis au courant de la situation de son fils.
Je ne sais pas ailleurs mais, chez nous, le suivi primaire-secondaire oblige les enseignants à des éternels recommencements. Comme si on avait du temps à perdre.
Si, en santé, on vivait une situation similaire, on hurlerait au meurtre. En éducation, ce n'est pas grave. Les gamins n'en meurent pas.
5 commentaires:
Les dossiers des élèves du primaire n'ont jamais suivi au secondaire (ex: mon fils). Personne à l'école secondaire ne connaissait son dossier.Plus ça change plus c'est pareil. La CS ne veut pas que l'élève du primaire qui a une cote se sente dévalorisé en arrivant au secondaire! Mais, comme les comportements ou problèmes du jeune ne s'effacent pas durant l'été entre le primaire et le secondaire ... On connait le résultat. C'est déjà assez difficile d'avoir un rendez-vous psy ou ortho ou travailleur social, on pourrait faciliter le tout à l'arrivée au secondaire.
Ça doit dépendre des milieux... parce que où j'étais, je sais qu'il y a un suivi de fait, i-e que les profs de 6e rencontrent les directions des écoles secondaires. Ici, je sais que j'ai rempli des fiches pour les élèves ayant des particularités avant de les envoyer au secondaire et que mes élèves en difficulté, les parents ont eu à signer une autorisation pour faire suivre les dossiers... Si ça se fait ailleurs, il est encore plus incompréhensible que ce ne soit pas partout!
Par chez nous, c'est tout simplement écrit en bas des documents qui se trouvent dans le dossier de l'élève : "Détruire lors du passage au secondaire".
Ça doit donc dépendre des milieux. Mais avouons que c'est diablement inefficace de ne pas s'assurer de la transmission de l'info au secondaire.
Voilà un déni des difficultés d'apprentissage qui s'est installé au secondaire depuis des années. Et l'avantage est évident: pas de cote, pas de service.
Un prof du secondaire n'a pas vraiment le temps en plus de monter des dossiers. Tout le monde le sait, surtout ceux qui tiennent les budgets...
Voilà encore des pratiques contraire au bon sens qu'un système qui a trouvé une idéologie pratique pour économiser. J'ai déjà écrit que depuis 1990 le budjet n'a pas vraiment augmenté en éducation comparé au coût de la vie.
Et on travaille dans ces conditions en faisant avec...
C'est pratique un changement générationnel, et un discours idéologique indiscutable, ça permet d'en passer...
Enregistrer un commentaire